San Francisco est une ville étonnante tant il est possible d'y passer d'une ambiance à l'autre avec une incroyable facilité. Dans mes souvenirs, ce n'était pas le cas à Washington, où qu'on aille les gens restaient les mêmes, qu'ils soient au travail, dans un parc, ou en bordure de l’océan, ils restaient tous prisonniers de la ville, comme investis d'une mission de droiture et d'intense dévotion au travail. Ici c'est différent, lorsqu'on traverse le Golden Gate Park il n'est pas rare de voir quelques hommes d'affaire retrousser les manches de leur chemise et jambes de pantalon pour une partie de foot le temps d'une pause. Sans hésiter, c'est ici qu'est ma place.
Seul, un peu dépareillé avec ma chemise hors de prix et mon pantalon retroussé à mi-mollets, j'arpente de long en large une petite parcelle d'Ocean Beach, cette plage surprenante de laquelle on a une vue imprenable sur l’emblème de la ville : le Golden Gate Bridge. Les vagues me chatouillent les pied et la brise marine m'aère l'esprit, mais je dois avouer qu'une légère mélancolie embrume mon cerveau. Comme à chaque fois que je me surprend à penser à mon foyer, celui de mes parents que j'ai quitté, comme à chaque fois que je pense à mes frères, celui disparut comme celui qu'il me reste, comme à chaque fois que je pense aux amis que j'avais et à tout ce qui constitue mon passé, une petite démangeaison se fait sentir à l'intérieur de mon poignet droit : là où j'ai eu la bêtise de faire inscrire le prénom de ma première petite amie le jour de mes 18 ans.
C'est curieux, probablement psychologique d'ailleurs puisque je ne pense plus à cette fille excepté quand ce tatouage se rappelle à moi et que l'éternelle question de le faire enlever ou de le garder fait son retour. Agacé, je frotte doucement ce « Lily » et fait demi-tour pour revenir sur mes pas. Le soleil auquel je tournais le dos jaillit aussitôt sur mon visage et m'éblouis. Je plisse les yeux et fais la grimace comme un idiot avant de me reprendre un tant soit peu en remarquant une silhouette féminine marchant dans ma direction, brune, les cheveux longs, je ne distingue pas son visage puisqu'elle marche dans le contre-jour. La seconde d'après une ombre furtive que j'identifie comme un chien ivre de liberté, vient faucher mes jambes sans vergogne et je vois très distinctement le ciel bleu avant de tomber à la renverse avec lui dans un bon gros rouleau d'eau salée.
Le cul dans le sable, trempé des pieds à la tête, je m'ébroue et lève les yeux sur la paire de jambe plantée devant moi. Pour une raison qui m'échappe totalement la jeune femme dont je distingue à présent très nettement les traits semble... atterrée ? Le chien doit être le sien, j'ouvre la bouche pour la rassurer, je ne suis pas du tout furieux, mais l'intense brûlure de l'eau de mer dans mes yeux me condamne à un maigre :
Assise dans le salon, une cigarette coincée entre les lèvres, je fais le point… Tout semble confus ces derniers temps. J’avais retrouvé une certaine stabilité, mais une grande brune appelé Ambre et qui me ressemblait comme pas permis avait débarqué dans ma vie et avait remis un peu de bordel dans tout ça. Charmant. Levanah était dans sa chambre, pendant que moi, par la fenêtre je voyais Ocean Beach et l’océan qui dansait. « Levy, je sors un coup. J’ai besoin de prendre l’air. » J’attrapais ma veste en jean que j’enfilais par-dessus mon débardeur blanc et mon pantalon noir. Ames pied Weed tournait en rond. J’avais prévu d’aller marcher sur Ocean Beach… Pourquoi ne pas l’emmener avec moi ? « J’emmène Weed, il tourne en rond. » ajoutais-je, à l’intention de ma colocataire. Je n’attendais pas vraiment de réponse de sa part. Si son chien lui manquait, elle pourrait toujours se consoler avec mon idiot de chat, complètement dérangé. Je souris à ma propre réflexion. Dans la poche de ma veste, je rangeais mes cigarettes et mon portable. Avant d’arriver sur Ocean Beach je fumais une cigarette appuyée sur une rambarde qui donnait sur l’océan. Je prenais le temps de réfléchir à tout ce qui se passait autour de moi depuis que j’étais rentrée de Paris début mars. J’avais retrouvé Eliott, la seule chose que j’attendais depuis trop longtemps ; j’avais emménagé avec Levanah, qui était « juste » l’ex de mon meilleur ami et puis j’avais appris que j’avais une sœur et j’avais rencontré cette sœur. Et j’avais vite compris qu’un des grands buts de sa vie, c’était de pourrir la mienne. Et j’avais bien peur qu’elle réussisse, même si je n’avais pas l’intention de la laisser faire… Ma cigarette finit, je descendais pour marcher dans le sable. Weed courait dans tous les sens, je le regardais faire, les mains dans les poches. Au loin, je remarquais une silhouette blonde. Je n’y prêtais pas plus attention, et reportais mes yeux sur le chien de ma colocataire. Je le vis s’élancer vers la silhouette que j’avais repérée. « Weed ! » Trop tard. Le chien s’élança sur l’homme et le fit tomber à la renverse dans l’eau. Je me dirigeais doucement vers eux. Sans me presser pour autant. Je me plantais devant eux, prête à m’excuse pour l’attitude du chien et me justifier en me disant qu’il n’était pas à moi et que je n’y étais pour rien ; quand je vis le visage de celui qui était tombé à l’eau. Et je me figeais. Mon cœur rata sans doute un bond, ou deux. Je le regardais sans bouger incapable de faire quoi que ce soit en découvrant face à moi Léo. Enfin, je savais qu’il y avait peu de chance pour que ce soit vraiment Léo, mon ex. Mais ce garçon lui ressemblait tellement que je restais sans voix. « Argh ! » lâcha-t-il avant de cligner des yeux. Je penchais ma main vers lui, toujours sans un mot, pour l’aider à se relever. « Je m’excuse. » soufflais-je doucement, perturbée par cette rencontre. Puis je regardais Weed, qui était repartis courir dans l’autre sens, pas le moins du monde dérangé parce qu’il venait de se passer.
Je saisis volontiers la main tendue vers moi et me relève juste à temps devant l'arrivée d'une nouvelle vague pleine d'écume. Je relâche la main de la jeune femme et tamponne mes yeux pour les empêcher de pleurer, avouez que pleurer devant une inconnue même en raison du sel a de quoi émasculer n'importe quel homme. Je bats frénétiquement des cils en la regardant, attendant que ma vision trouble revienne à la normale et tique légèrement devant son visage ovale, son regard profond, et ses longs cheveux bruns qui ne sont pas sans me rappeler quelqu'un, mais qui ?
-C'est pas grave. Répondis-je à ses excuses tout en baissant le regard sur mes vêtements trempés.
Remontant les manches de ma chemise sur mes avants bras, je vérifie que ma montre hors de prix - cadeau de bienvenue de mon patron - fonctionne toujours, et découvre avec satisfaction que celle-ci doit être un minimum étanche puisque la trotteuse continue de faire son office. A mon tour mon regard dévie sur le chien fou de joie responsable de ma chute et je ne peux m'empêcher de rouler des yeux, c'est un tique chez moi. -Voila pourquoi je préfère les chats. Ironisais-je avant d'en revenir à elle. Je la regarde encore quelques instants en silence et me décide enfin à lui poser la question qui me brûle les lèvres : On s'est déjà rencontrés non ?
Cette fille est... étrange. Son attitude figée m'amène à m'interroger sur ce qui peut bien clocher chez moi pour la tétaniser à ce point. J'ai peut-être une touffe d’algues gluantes et verdâtres sur la tête ? D'un geste vif j'ébouriffe mes cheveux pour m'assurer que non, tout est niquel de ce côté là, et recule d'un pas au cas où ce soit simplement notre promiscuité qui la bloque. -Ce n'est pas une tentative de drague malencontreuse de ma part, je vous rassure. Mais le fait est que j'ai l'impression de vous avoir déjà vue quelque part... ou alors vous me rappelez quelqu'un mais pour le moment ce quelqu'un m'échappe. Je m'appelle Lucan, et vous ? Demandais-je en tendant poliment la main à son encontre pour une présentation en bonne et due forme.
J'espère qu'entendre son prénom en retour m'aidera à faire le clair dans mon impression de déjà vu, ces choses là sont troublantes, trop pour qu'on les ignore comme si de rien n'était.
Ce mec était en face de moi et j’avais l’impression de me prendre ma vie passée en pleine gueule, d’un coup. Certes, j’avais débarqué à San Francisco pour retrouver Léo, parce que je l’aimais et que ne pensais jamais aimer personne d’autre. Mais il avait fui et moi… j’avais tourné la page définitivement, sur les raisons qui m’avaient amenées ici. C’était paradoxalement grâce à Léo que j’avais rencontré Eliott. Mais ce mec, trempé à cause du chien de Levanah était en face de moi et je ne voyais personne d’autre que Léo. Et je ne pouvais pas rester impassible devant quelqu’un qui ressemblait autant à l’homme à qui j’avais été fiancée et que j’avais failli épouser. Il s’était relevé, me dépassant alors d’une tête. Bien que ce ne soit pas difficile vu que j’étais plus petite que la moyenne. J’avais eu le temps de remarquer ça en rencontrant mon immense sœur. Il m’assura que ça allait. Je hochais la tête et ne disais toujours rien, j’étais incapable de former une phrase complète, trop surprise par cette situation que je n’aurais jamais cru réelle. Et que jamais je n’aurais pensé vivre. « Voila pourquoi je préfère les chats. » Je souriais doucement en regardant Weed au loin. Je le surveillais du regard, Levy m’aurait tué s’il arrivait quelque chose à son chien. « On s'est déjà rencontrés non ? » Le son de sa voix me ramena à la réalité et je reposais mon regard sur lui. à part le fait qu’il ressemblait à mon ex, j’étais quasiment persuadée que je n’avais jamais rencontré ce garçon auparavant. Mais j’étais beaucoup sortie depuis que j’étais à San Francisco et j’avais rencontré pas mal de monde que l’alcool m’avait fait oublier. Je haussais les épaules, indécise ; alors que lui reculait d’un pas. Je l’interrogeais du regard. « Ce n'est pas une tentative de drague malencontreuse de ma part, je vous rassure. Mais le fait est que j'ai l'impression de vous avoir déjà vue quelque part... ou alors vous me rappelez quelqu'un mais pour le moment ce quelqu'un m'échappe. Je m'appelle Lucan, et vous ? » Je sourais. Je regardais Weed quelques secondes. Il fallait que je rassemble ma bonne volonté pour enfin réussir à dire une vraie phrase à ce garçon, avant qu’il commence à me prendre pour une folle. Si ce n’était pas déjà fait. Je le regardais. « Non, je pense pas qu’on se connaisse. Je m’appelle Charlotte. Et je m’excuse d’être bizarre… je… Enfin, vous me fait penser à quelqu’un. Mais moi je sais très bien à qui vous me faites penser, c’est pour ça. » Je dégageais une mèche que le vent marin avait poussé sur mon visage. J’appelais le chien. « Encore désolée… pour vos vêtements… je vous dérange pas plus longtemps… » Je n’avais plus qu’à attendre que Weed décide enfin de revenir vers moi. La situation était vraiment trop bizarre, j’avais du mal à accumuler tout ce qui se passait.
Si je peine à obtenir quelques mots de mon inconnue au chien, au moins je remarque que j'arrive à la faire sourire à plusieurs reprises. Une curiosité reste cependant : elle reporte toute son attention sur le chien et je crois bien qu'elle a un mal fou à lever les yeux sur moi. Quant à croiser mon regard, n'en parlons pas... Je reste donc patient, en espérant ne pas m’appesantir tel un boulet devant cette fille qui m'a l'air gentille mais comment dire... un peu perturbée, et ça m'intrigue. Enfin ma patience est récompensée et j'obtiens un regard de sa part, regard étrange, comme le reste de cet échange.
Elle s'appelle Charlotte et dit ne m'avoir jamais rencontré. Et je suis d'accord avec elle sur ce point, ce n'est pas le genre de prénom qui se rencontre à tous les coins de rue aux états-unis, et j'ai beau être d'ordinaire très physionomiste, je dois admettre que je me suis trompé, je ne connais pas cette jeune femme. Je souris en coin lorsqu'elle reconnait être étrange et me fige quand elle m'apprend qu'à mon tour je lui rappelle quelqu'un. C'est... troublant, une fois encore.
-Ne vous en faites pas pour mes vêtements, ce ne sont justement que des vêtements. Au moins je suis frais et bien réveillé là. Et vous ne me dérangez pas, c'est plutôt moi qui ait un peu cette impression là pour tout dire. Souris-je en me retournant pour voir où en est ce chien farceur qu'elle appelle.
Comme il ne semble pas décidé à obéir je saisis l'occasion pour en savoir plus sur cette occasion de déjà vu. Je me place à son côté et esquisse quelques pas dans la direction du chien pour voir si elle en fait de même et veut bien marcher avec moi.
-Excusez-moi mais je... étant quelqu'un de naturellement curieux je voudrais vous demander si... enfin à qui est-ce que je vous fait penser ? Et c'est physique ou le fait que ce quelqu'un se gamèle souvent dans le sable lui aussi ?
J'enfouis mon nez dans le col de ma chemise et laisse échapper un petit rire, je ne suis pas quelqu'un de maladroit, manger la poussière m'arrive assez rarement, enfin d'habitude. Un frisson me parcours l'échine, mais puisque nous marchons de nouveau dos au soleil je ne tarde pas à sentir ce dernier me réchauffer agréablement la colonne. J'aime cette ville décidément !
Je n’arrivais pas à savoir si je voulais rester encore un peu ou m’enfuir très loin. Le plus loin possible de ce mec qui me rappelait mon passé, ce passé que j’avais longtemps à assumer et encore plus à laisser derrière moi. Mais j’avais réussi et voila que je tombais sur une copie presque conforme de Léo, au moment où je m’y attendais le moins, au moment où je l’avais enfin oublié. « Ne vous en faites pas pour mes vêtements, ce ne sont justement que des vêtements. Au moins je suis frais et bien réveillé là. Et vous ne me dérangez pas, c'est plutôt moi qui ait un peu cette impression là pour tout dire. » Je lui souris pour toute réponse, égarant une nouvelle fois mon regard au loin. C’était le seul moyen que j’avais trouvé pour garder une certaine contenance. « Non, pardon, c’est pas ça du tout. » tentais-je de le rassurer. Weed ne semblait toujours pas parti pour m’écouter puisqu’il était en train de courir dans tous les sens, sauf bien évidemment vers moi, qui l’attendais. Lucan commença à marcher en direction du chien. Pour une raison que je ne m’expliquais pas, je me mis à ses cotés et marchais dans la même direction. Je commençais enfin à oublier le fait qu’il me rappelait mon ex-fiancé, j’arrivais peu à peu à me détendre. J’osais même espérer avoir l’air presque normale. Je souris intérieurement, même détendue, je n’étais jamais normale. Tout le monde passait son temps à me rabâcher que j’étais disjonctée comme fille : Lilas, Khris, Levanah et même Eliott. Pendant que je marchais aux cotés de cet inconnu – qui ne me paraissait pas si inconnu que ça – je gardais un œil sur Weed, afin de m’assurer qu’il n’ait pas la bonne idée d’aller se noyer dans l’océan, ou qu’il décide de nouveau de renverser quelqu’un ; c’est là que je remarquais qu’il n’y avait personne à cet endroit de la plage. Il faisait encore un peu froid, le vent de l’océan ma glaçait parfois le sang et de toute façon à cette heure de la journée, le commun des mortels était généralement au travail. Lucan me tira une nouvelle fois de mes pensées. « Excusez-moi mais je... étant quelqu'un de naturellement curieux je voudrais vous demander si... enfin à qui est-ce que je vous fait penser ? Et c'est physique ou le fait que ce quelqu'un se gamèle souvent dans le sable lui aussi ? » J’aurais pu rire à la fin de sa phrase, si le début ne m’avait pas une nouvelle fois ramené Léo sous les yeux. Dans ses expressions, il arrivait même à me faire penser encore plus à lui. Je dégageais une mèche de cheveux de mon visage. « Non, pas du tout. C’est… physique, oui. » Je ne voulais pas développer. Et soudain, mon cerveau en décida autrement. Je tournais la tête vers lui. « En fait, vous me rappeler… un ami, disons. Un ami… proche… » Je secouais la tête. « Non en fait pas du tout, pardon. C’est mon ex… » Autant dire la vérité. Ce garçon avait l’air sympa et puis ce n’était PAS Léo. Ce n’était pas lui, il fallait juste que j’arrive à faire la part des choses et que j’arrive à me faire à l’idée qu’il n’était pas lui. Que Léo ne reviendrait plus. C’était fini tout ça. Peut-être que rencontrer quelqu’un qui lui ressemblait était la solution pour que j’admette enfin la vérité, que j’avais cru admettre tout ce temps…
J'ai un peu l'impression de marcher sur des œufs avec mon inconnue, plus si inconnue puisque je connais désormais son prénom : Charlotte. Je sens bien que quelque chose la dérange chez moi, et je ne peux rien contre cet état de fait ni le fait que ça m'intrigue. C'est pourquoi j'essaie de comprendre, c'est dans ma nature de démêler les choses jusqu'à en faire quelque chose de limpide, j'aime les énigmes, et j'aime encore plus les résoudre, me sortir moi et les autres des impasses de la vie. Déformation professionnelle si on veut. Avec un sourire, je note qu'elle consent à marcher avec moi et donc implicitement à poursuivre cette conversation. C'est vrai que je ne nous voyait pas trop l'un et l'autre nous tourner le dos comme ça pour rentrer chez nous sans avoir approfondis cette histoire de déjà-vu, du moins de ressemblances.
Je laisse à Charlotte le temps qu'il lui faut, curieux mais patient, je ne tiens pas à la brusquer, le tact est un autre de mes traits de caractère. De mon côté je la regarde en coin de temps à autre, essayant vraiment d'identifier la personne avec qui elle partage assez de caractères physiques pour déclencher chez moi cette sensation familière. J'en connais du monde, procéder par élimination me prend donc un temps fou. Les mains au fond des poches, j'essaie de ne pas faire attention à l'air frais mordillant ma peau et mes vêtements trempés. Savoir à tout prix vaut-il le coup que je tombe malade ? Mhh... Sûrement !
-C’est… physique, oui. En fait, vous me rappeler… un ami, disons. Un ami… proche… Non en fait pas du tout, pardon. C’est mon ex…
Je manque de trébucher sur un petit galet devant moi et la regarde avec un mélange d'étonnement et d'excuse. Elle vient de lâcher ça si brusquement que ça me fait doublement l'effet d'une bombe. Je ne pense pas que ce soit très flatteur pour moi de ressembler à son ex copain, c'est limite une catastrophe même car au choix : je la trouble à un point pas possible suivant les sentiments qu'elle peut encore avoir pour lui, soit elle meure tout simplement d'envie de me crever les yeux parce qu'elle le hait, ce type auquel je ressemble. Je me mordille la lèvres quelques secondes avant de me rappeler son hésitation, et le fait qu'elle ait plutôt dit "ami proche" avant de dire "ex". Je crois qu'elle a encore une image positive de ce mec à qui je ressemble, elle ne va peut-être pas me crever les yeux.
-Hé bien c'est mon jour de chance décidément ! Plaisantais-je en secouant la tête, envoyant quelques gouttes d'eau salée voltiger hors de mes cheveux. Et c'est pas de chance pour vous que votre chien ait décidé de m'envoyer moi à la flotte plutôt que cette vieille dame qu'on vient de croiser par exemple.
Je marque une pause, c'est délicat. Dois-je m'excuser de ressembler à un autre ? La réponse qui viendrait à n'importe qui est non, pourtant je ressens à moitié le contraire et à elle peut-être que ça lui ferait du bien ?
-Je suis navré de vous rappeler cette personne. Dis-je enfin, De mon côté je peux au moins vous assurer que ce n'est pas à une ex-petite amie que vous me faites penser, j'ai pas encore trouvé qui mais je l'ai sur le bout de la langue...
J’ai lâché ce que j’ose appeler « ma bombe » : Léo. Cette histoire me hante encore et toujours quoi que je fasse. Bien sur j’ai Eliott maintenant. Ce n’est pas de cette manière là que je pense à Léo aujourd’hui. C’est juste… mon fantôme. Léo est mon fantôme et quoi que je fasse il est toujours quelque part pour me rappeler mes erreurs. Il est toujours là pour me ramener à Paris, de façon à ce que je n’oublie pas tout ce que j’ai fait dans ma vie. Les galères… et lui, surtout lui. Je me demande parfois, quelque puisse l’endroit où il est maintenant, s’il sait qu’il me fait cet effet là. Et si moi, j’ai quelque peu d’influence sur sa vie. Si je le hante encore un peu… Ca pourrait être ma seule revanche, au fond… Mais aujourd’hui, mon ex n’est plus là, tout ça c’est fini et pourtant, il n’a jamais été aussi présent que cet après-midi sur cette plage… Je n’avais jamais pensé que quelqu’un puisse me faire penser à lui à ce point. Que ce serait possible un jour. Pourtant, à ce moment précis, je suis bien en train de marcher sur Ocean Beach en compagnie d’un blond qui ressemble à mon passé enfoui le plus loin possible… Mais je commence tout de même un me détendre. Il n’est pas lui, heureusement, et même Lucan à l’air d’être un gentil garçon. Après tout, ressembler à mon ex-fiancé physiquement ne l’obligeait en rien à lui ressembler mentalement. Nous continuons de marcher tout les deux, cote à cote. « Hé bien c'est mon jour de chance décidément ! Et c'est pas de chance pour vous que votre chien ait décidé de m'envoyer moi à la flotte plutôt que cette vieille dame qu'on vient de croiser par exemple. » Je mets ma main devant ma bouche, pour cacher mon rire et je me tourne vers lui. « J’suis vraiment désolée d’avoir eue l’air d’une folle ! » souriais-je. Un silence s’installe, pas vraiment gênant au fond… Je me contente de marcher en regardant Weed qui court dans tous les sens sur la plage. Au moins, ce soir, il sera épuisé et ne fera pas un bruit. Pas comme mon chat. Je retiens un sourire désespéré à la pensée de mon idiot de chat complètement dérangé. « Je suis navré de vous rappeler cette personne. De mon côté je peux au moins vous assurer que ce n'est pas à une ex-petite amie que vous me faites penser, j'ai pas encore trouvé qui mais je l'ai sur le bout de la langue... » Je le regarde en souriant. « Non, mais c’est pas de votre faute. J’ai juste été… surprise, je m’attendais pas à… enfin, rentendre parler de lui un jour. » Je regarde au loin. « Je suis désolée, je peux pas vous aider. J’imagine que c’est frustrant ! » Un silence s’installe et puis je pointe Weed du doigt. « Je m’excuse encore pour le chien. Mais pour ma défense… c’est pas le mien, c’est celui de ma colocataire ! » J’attachais mes cheveux qui étaient complètement emmêlés à force de voler dans le vent.
Je sens qu'elle se détend au fur et à mesure que nous marchons, de fait que je me sens plus légers également. Malgré le fait vraiment pas anodin que je ressemble à son ex, pauvre de moi. Je souris quand elle s'excuse d'avoir eu l'air un peu folle, mais en y repensant c'est tout à fait logique vu la situation. Combien de chances y avait-il que je vienne sur cette plage aujourd'hui ? Et elle, combien de chance y avait-il que le chien qu'elle promène décide de renverser justement une copie conforme de son ex relation ? Le hasard, le destin, ou encore la fortune selon Shakespeare, nous fait décidément des tours bien curieux. On dit souvent qu'il fait bien les choses, si on demande à Charlotte je ne suis pas sûr qu'elle partage cet avis.
La façon dont elle dit « je m’attendais pas à rentendre parler de lui un jour. » Me fait sourire en coin. J'ai envie de lui souligner que ce n'est pas le cas, que je ne suis pas lui, par conséquent ce n'est pas un retour de son fantôme, c'est juste moi. Mais j'imagine que ce n'est pas si simple pour elle, alors je me tais et accepte d'être cet avatar de son passé, partiellement un autre moi en somme.
-Ah ! La colocation à San Francisco, presque incontournable ! Répondis-je en apprenant qu'elle avait donc une colocataire. Je vis moi même avec trois personnes en colocation, sur Crocker Amazon, un garçon, deux filles. C'est un peu la guerre des sexes parfois, mais dans l'ensemble on s'entend tous très bien, et je t'assure qu'on ne laisse pas les filles faire toutes les corvées ! Plaisantais-je, me souvenant que j'ai fait la vaisselle pas plus tard que ce matin avant de partir pour le boulot.
Je souris et la regarde paisiblement attacher ses cheveux en queue de cheval. C'est alors que la sensation de la connaitre - tout du moins de connaitre son visage - se fait encore plus forte. Je passe la langue sur mes lèvres et fouille intensément dans ma mémoire. Je suis pourtant physionomiste d'habitude, alors a qui correspond-t-elle à ce point ? -Je peux me permettre de vous demander si vous avez une sœur ? Une cousine, ou... non, je ne pense pas avoir croisé votre mère. Ris-je, mais une sœur peut-être ? Voire un frère ?
Les choses s’étaient peu à peu détendues. Enfin, surtout moi. J’arrivais enfin à faire abstraction du fait que Lucan me rappelait quelqu’un que je préférais oublier aujourd’hui. Et même si j’imagine que pour lui ce n’est pas non plus facile d’apprendre qu’il ressemble à l’ex fiancé d’une fille qu’il connait à peine (voire pas du tout), je sens que lui aussi est plus détendu. J’oubliais donc peu à peu ce qui m’avait valu un choc et je marchais tranquillement avec ce blond sur la plage. Weed sous les yeux ; j’eus un petit sourire, quand j’allais raconter à Levanah ce qu’avait fait son chien et tout ce que ça avait entrainé. Elle allait rire et se foutre de ma gueule, j’allais rire avec elle. Nous avions toutes deux les animaux les plus stupides de cette ville ; mais au moins ça nous valait de bon moment, j’étais obligée de le reconnaitre. « Ah ! La colocation à San Francisco, presque incontournable ! Je vis moi même avec trois personnes en colocation, sur Crocker Amazon, un garçon, deux filles. C'est un peu la guerre des sexes parfois, mais dans l'ensemble on s'entend tous très bien, et je t'assure qu'on ne laisse pas les filles faire toutes les corvées ! » m’expliqua-t-il. Je souriais. « J’y crois, bien sur. Je sais que tous les mecs ne sont pas des flemmards chroniques. » lançais-je à mon tour. Pendant que je m’attachais les cheveux, il avait à nouveau parlé de cette ressemblance que j’avais visiblement avec quelqu’un qu’il connaissait. « Je peux me permettre de vous demander si vous avez une sœur ? Une cousine, ou... non, je ne pense pas avoir croisé votre mère. Mais une sœur peut-être ? Voire un frère ? » Je souriais et regardait l’océan, en réfléchissant. Il y avait de toute évidence peu de chance pour qu’il ai croisé ma mère puisqu’elle était morte depuis peu et que de toute façon, elle n’avait pratiquement jamais quitté Paris de sa vie. Sauf cet été quand elle était partie avec mon père, me laissant leur appartement parisien que j’avais partagé avec Lilas, Alan et Khris tout l’été. « Non, j’ai pas de sœur, ni de frère. » répondis-je, instinctivement. Puis je fermais les yeux. Et je repensais à Ambre. Je n’arrivais pas à m’y faire, j’avais une sœur, une demi-sœur. Ça m’était complètement sorti de la tête. C’était con, mais pourtant, c’était arrivé. Je ne m’habituais pas à cette idée. Je n’arrivais pas à accepter le fait qu’elle était ma sœur. Surtout vu comment notre première rencontre s’était passée : explosive. Etait-il possible que Lucan voit en moi, ma chère sœur ?... « Pardon… si j’ai une sœur. Une demi-sœur… » Je devais avoir l’air conne. J’avais quand même « oublié » que j’avais une sœur. « C’est un peu compliqué aussi, cette histoire là.. » ajoutais-je pour justifier mon oubli.
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