Un bruit strident. Criard. Agaçant. Je me réveillai en sursaut, les sens en alerte, me demandant ce qui pouvait bien se passer. Je jetai un regard à ma montre. 7h. Cela faisait à peine une heure que je m’étais couchée et je devais déjà me relever. Je pestai contre ma colocataire et regrettai amèrement de ne m’être pas contentée d’un appartement plus petit dans un quartier nettement moins attractif. Merde. Merci Skye ! Grommelai-je contre mon oreiller. Ah, dieu que je la détestais présentement ! Il m’était désormais impossible de me rendormir ! Et même si je l’aurais désiré, je ne le pouvais vu le raffut qu’elle s’amusait à foutre dans tout l’appartement ! J’avais des puissantes envies de meurtre à son égard mais j’étais bien trop épuisée pour les assouvir. Je soupirai. Je me maudissais encore une fois de m’être laissée tentée par la colocation.

Etant dans l’incapacité de dormir plus, il n’y avait aucune raison de laisser ma carcasse trainasser dans le lit, aussi chaud et accueillant soit-il. Je me rendis sous la douche, évitant maladroitement les obstacles. Je demeurai, comme à mon habitude, immobile sous le jet d’eau brulant pendant un certain temps. Mon corps avait besoin de récupérer après la soirée affreuse que je lui avais fait vivre et les nuits sans sommeil auxquelles il ne s’accoutumait toujours pas.

C’était mon tour de faire la fermeture et évidemment une dispute a éclaté alors que j’étais prête de fermer. Un musicien, qui s’était précédemment produit sur la scène afin de se faire connaître, s’était battu avec un spectateur car celui-ci avait violemment et vulgairement critiqué sa performance. Cela n’a visiblement pas plu à l’artiste, qui, dans un premier temps, a essayé d’essayer à son envie de défoncer la gueule son adversaire mais céda bien vite devant les provocations de ce dernier. Inutile de préciser que l’agitateur était sacrément bourré. Je me suis mise entre les deux hommes afin de calmer les esprits, au mauvais moment bien entendu. Je reçus un coup de poing sur la pommette destiné à l’ivrogne. Mon sang ne fit qu’un tour. L’artiste s’approcha de moi pour constater les dégâts et l’autre en profita pour foncer sur lui et le faire basculer quelques mètres en arrière, entrainant dans leur chute tables, chaises, verres. Et assurément, c’était moi qui devrais tout nettoyer. Sachant bien que je ne pourrais les arrêter et n’ayant aucune envie d’ailleurs, j’allais appeler le gardien, qui j’espérais, serait encore là. Ce fut le cas. Il mit les énergumènes à la porte avec une facilité déconcertante, rien d’étonnant lorsque l’on est 1m96 de muscle. Je le remerciai et retournai à mon travail. Je constatai avec horreur que cela me prendrait pas mal de temps. Trop pour que je puisse avoir le dernier métro. Magnifique. Je m’exécutai de mauvaise grâce, maudissant les responsables sur plusieurs générations. Lorsque je terminai mes tâches, il était un peu plus de quatre heures du matin. Peu désireuse de marcher, je décidai donc d’attendre le métro qui commence à circuler à cinq heures. Mes plans étaient, à l’origine, de rejoindre mon lit et d’y rester jusqu’à ce que je n’en puisse plus. Ma colocataire en avait décidé autrement.

Je sortis de la douche et me positionnai devant le miroir. J’observai attentivement mon reflet. Je n’avais pas du tout bonne mine. De profonds cernes marquaient mes yeux. J’étais aussi pâle qu’un cachet d’aspirine. Et le comble était que le coup que j’avais accidentellement reçu m’avait laissé un joli bleu. J’appliquai du fond de teint en espérant que cela passerait inaperçu. Je connaissais la technique, m’étant plusieurs fois retrouvée dans cette situation. Nostalgie. Je retournai momentanément dans le passé. Ces innombrables fois que j’étais rentrée le visage en sang à cause de clients un peu violents et que je devais pourtant retourner au travail le lendemain et si j’avais rapporté assez ou que Gareth était bien luné, j’avais droit à un jour de repos. Il fallait savoir ruser et dissimuler ces imperfections à mes clients. Je me devais d’être parfaite, en effet, ce qui leur plaisait en moi c’était mon côté Barbie. Une poupée. Une vulgaire poupée. Une vulgaire poupée dont ils pouvaient disposer selon leur bon vouloir.

J’allais me vêtir confortablement, un jean noir, des converses montantes, un débardeur blanc et un pull à capuche de la même couleur que mon pantalon et sortis. Je me rendis au Starbuck, un endroit que j’affectionnais particulièrement, je n’aurais su dire pourquoi. Peut-être leur délicieux café que l’on ne trouvait nulle-part ailleurs. Ou cette ambiance particulière. Qu’importais après tout. J’allai m’asseoir à ma place habituelle après avoir commandé et ouvris mon livre.