Après dix heures de vol, l’avion que j’avais pris en coup de vent la veille finit enfin pas atterrir à Copenhague. Je ne dirais pas que c’est une ville qui m’est totalement inconnue. Je m’y était déjà arrêté deux ou trois fois pour y donner certains concerts durant mes tournées. Et cette fois-ci, j’aurais préféré que ce soit pour ça que je me rende ici.
Dépité mais à la fois soulagé d’avoir quitté cet habitacle beaucoup trop renfermé qu’était la cabine d’un avion, je m’engageais dans le long couloir des arrivées qui nous menais, moi et mes amis à usage unique, vers le cœur même de l’aéroport. Par chance, je n’avais pas me trimbaler la grosse valise et la guitare comme à mon habitude, j’avais opté pour un simple sac à dos. Je ne resterais pas bien longtemps. Ma visite au Danemark n’étant pas préméditée, ni photographes, ni fans ne m’attendaient à l’aéroport. Merci mon dieu. Avec cette humeur maussade, me faire importuner par des objectifs d’appareil photo était la dernière chose à faire.
Une fois l’immense couloir des arrivées traversé, nous arrivâmes au cœur de l’aéroport, là où certains passagers retrouvaient, femmes, enfants, parents, grands-parents, enfin vous avez compris. Intérieurement ’espérais qu’Helle m’attendait quelque part au milieu de cette foule plus qu’euphorique. Helle, c’était la raison pour laquelle j’avais décidé de traversé l’Atlantique à la dernière minute. Les médecins danois avaient récemment diagnostiqué à son père une sclérose en plaques. Une maladie à laquelle personne n’aimerait se confronté ou voir confronté l’un de ses proches. La veille, elle m’avait laissé un message vocal et rien qu’à l’intonation de sa voix, je savais que quelque chose ne tournait pas rond. Après ça, je n’ai pas laissé s’écouler deux minutes avant de la rappeler et, comme à mon habitude, en bon samaritain, je lui avais imposé ma présence à ses cotés. D’une, parce que j’étais certain, qu’elle aurait fait la même chose pour moi. Et de deux, car dans une situation pareille, nous aimerions tous avoir une épaule sur laquelle pleurer et une voix pour vous dire que tout va s’arranger même si au fond de nous, nous savions que c’était faux.
Mes yeux se posèrent sur une brune de taille moyenne à la peau pâle. J’aurais voulu lui adresser un grand sourire comme quand on se voit à San Francisco mais les circonstances ne me le permettaient pas. Elle remarqua ma présence avant de s’avancer vers moi. J’osais alors un léger sourire. Elle était superbe, comme toujours. Cela dit, la petite touche de folie qui avait pour habitude de pétiller dans ses pupilles et que je retrouvais chaque jours avec joie avait disparue. Son regard était triste, terne et sans émotions. Ses yeux se posèrent sur moi et d’une faible voix, elle m’adressa un salut timide tout en me remerciant d’être venue, chose qui était, pour moi, tout à fait normale. Un silence c’était installé. Le genre de blanc qui trahis tout de suite votre gène. Et c’était vrai, j’étais gêné, très gêné. J’ignorais quoi faire ou quoi dire pour parvenir à atténuer sa souffrance, lui faire oublier le temps de quelque secondes que son père se trouvais dans un état critique. Il fallait cependant que je dise quelque chose, ce silence commençait à devenir beaucoup trop pesant.
- Tu sais, ce n’est pas grand-chose. Je suis certain que tu aurais fais de même pour moi.
J’esquissais un léger sourire dans l’espoir de parvenir à lui en arracher un Et visiblement, ce n'était pas gagné. La voir dans cette état me fis vraiment mal au cœur pour tout vous dire, alors, dans un élan de bonté, je l’attirais contre moi avant de la câliner avec tendresse. Malgré toutes ses heures de vol, l'éternelle énergie que je possédais pour consoler les miens était toujours aussi tenace. Tout en la serrant contre moi, je vins à plusieurs reprises embrasser le sommet de son crâne sur lequel je murmurais alors quelques mots.
- Je suis désolé. Si tu savais comment. J’aurais préféré que tu n’ai pas à traverser une telle épreuve, mais visiblement, je ne peux rien faire à part rester là à te serrer très fort contre moi et à prier. Ce qu'il y a de plus cruel dans tout ça c'est que je me sens si impuissant. C'est comme si c'était pire que si j'étais resté à San Francisco...