Je venais tout juste de pénétrer dans le petit immeuble de Castro, tranquille et peuplé de gens pour la plupart bohèmes et excentriques. La voisine du dessus me fit un grand sourire de son balcon où ses sept chats prenaient place et se délectaient des derniers rayons de soleil ; le concierge punk quand à lui cherchait vainement son fils, surement en train de faire le mur comme à son habitude. Le bâtiment était construit en carrée, de façon à garder un espace jardin exclusif aux habitants de l'immeuble au centre. J'aimais bien cet endroit. Il n'était pas très grand mais la convivialité régnait. Je montais les escaliers quatre à quatre jusqu'au second étage de l'immeuble, deux pizzas dans une main, la clé de l'appartement dans l'autre. Un rapide signe de tête à la voisine de palier peintre (et probablement junkie) avant de rentrer à la maison. Deux tours du petit objet métallique dans la serrure, et le tour était joué.
- Pizzas végétariennes pour la plus belle des infirmes et sa charmante infirmière blonde !
Enora était assise sur le canapé non loin de l'entrée lorsque je franchit le seuil de l'appartement. Weed arriva brusquement dans ma direction et tenta de me faire basculer au sol mais heureusement pour moi, la taille du chien rendait sa tache difficile. Me rapprochant du plan de travail de la cuisine afin d'y poser les pizzas encore chaude, je jetai un rapide coup d’œil à celle que j’appelais meilleure amie afin de voir si elle tout allait pour le mieux. Après son agression récente j'étais réticente à la laisser se morfondre seule même si ce n'était pas son genre de se laisser ainsi abattre. Je ne pensait pas être étouffante ni trop attentionnée, juste préoccupée et serviable. Et c'était la moindre des choses.
- On campe à deux ici ce soir, où j'appelle quelqu'un ?
Depuis son agression qui datait de dimanche, l’humeur d’Enora n’avait presque pas changé. Elle avait beau être passé à deux doigts de se faire violer – pire que la mort trouvait-elle – et pourtant deux jours après, elle avait de nouveau le sourire aux lèvres. C’était insensé. A croire, qu’on pouvait lui faire pleins de crasses, lui rendre la vie insupportable, des choses abominables.. Qu’elle finira tout de même par retrouver ce foutu sourire aux lèvres à peine et se relever quelques jours plus tard. Pourtant ce dimanche soir, bon dieu qu’elle avait eu peur. Par chance, par courage, elle avait réussi à se détacher de ce diable, et de s’enfuir, et ça elle en était très fière. Fière de ne pas s’être allée à lui alors que cette idée lui était venu dans l’esprit. « Tu n’y arriveras jamais, laisse tomber, laisse le te baiser. » Cette phrase lui était effectivement passée brièvement dans sa tête, mais Enora n’était pourtant pas ce genre de personnes. Quand, elle a un but, une envie, un objectif en tête, elle s’y applique et s’y acharne jusqu’à temps qu’elle le réussisse, et ce soir-là elle n’avait tout simplement pas envie qu’on la salisse. Un peu de bonne volonté, de la motivation, de l’optimiste, et le tout est joué pour réussir ce qu’on souhaite réussir.
Depuis deux jours, Levanah Keynes s’occupait d’elle comme une malade, elle était au petit soin, ce qui avait beau d’agacer quelques peu notre rousse mais qui préférait se taire. D’accord, l’attention était gentille, une agression n’était pas rien, mais elle ne voulait pas qu’on se vende corps et âme pour elle. Encore heureux, que Levanah ne se montre pas envahissante, elle était raisonnable dans ses attentions. D’ailleurs la blonde était sortie depuis dix minutes de leur appartement pour aller chercher les pizzas que les deux filles avaient commandé. Nora se prélassait devant la télévision, s’emmerdant comme un rat mort. Elle se leva, et partit faire un tour dans la salle de bain pour avaler des granules contre les bosses, les bleus et tout le schmilblick. Elle kiffait ça, manger des petits granules, elle pourrait en manger toute sa vie, c’était bon ! Vive les granules médicales ! La joue de notre demoiselle commençait à reprendre sa couleur d’origine, alors qu’il y a encore un jour, elle était relativement bleu et bombée. Elle avala tout le petit tube et joua de ses doigts avec les petits cailloux qui se trouvaient là. Des cailloux blanc jaunâtre, plus communément surnommés freebase, cocaïne purifié ou tout bonnement : crack. Nouvelle drogue qu’on lui avait fournit, nouvelle drogue qu’il fallait qu’elle teste, nouveau risque qu’elle devient dépendante, sachant que le crack provoquait des effets similaires à la cocaïne mais en plus violents et plus rapides. La jeune femme prenait soin de se renseigner sur la nouvelle drogue qu’elle n’avait jamais essayé, car ce n’est pas un dealer qui allait lui prévenir des risques. Crises cardiaques, détresse respiratoire, accidents vasculaires cérébraux, crises épileptiques et des troubles gastro-intestinaux… Oh, mais elle était très bien cette drogue, et les effets positifs dans tout ça ? Forte euphorie, sensation de puissance intelligence et sexuelle, indifférence à la douleur, faim et fatigue, comme la cocaïne, quoi.
Rainbow se dépêcha de ranger les cailloux de crack dans sa table de chevet lorsqu’elle entendit Weed gratter à la porte. Levanah arriva avec les pizzas, et la rousse avait retrouvé sa place sur le canapé. Pizzas végétariennes pour la plus belle des infirmes et sa charmante infirmière blonde ! Un sourire s’afficha sur le visage de la demoiselle, elle ne se forçait pas à sourire beaucoup tout de même, mouvoir ses muscles de la mâchoire lui picotaient sa joue. « Je ne suis pas une infirme, quand même ». Elle était toute entière, encore ! Juste quelques bleus et quelques pansements au niveau des mains poignets. Hendrick se leva et retrouva son amie dans le coin cuisine, qui venait de déposer les pizzas. Elle sortit un couteau et commença à couper la première pizza en quatre parts identiques. On campe à deux ici ce soir, où j'appelle quelqu'un ? Demanda la jolie blonde. Elle releva son visage vers elle. « Je ne sais pas.. Disons que je suis plutôt pour une soirée entre filles. » Après pourquoi pas, ne pas inviter quelqu’un ? Elle avait l’impression que cela faisait une éternité qu’elle ne s’était pas retrouvée seule avec sa Levanah. Entre bouger pour voir des amis, squatter chez Drake, squattage de Khris à la maison, boulot. Se retrouver seule avec Levanah était devenu presque trop rare. Enora prit la boîte de pizza qu’elle venait de couper, deux verres dans la mains. « Prends du coca dans le frigo et rejoins-moi ». Elle glissa l’extrémité du sopalin dans sa bouche et elle partit en direction du canapé où elle posa le tout sur la table basse, qui était considérablement en bazarre. « Weed récupère ton jouet tout beurk. » Elle lança le jouet tout baveux du chien et à moitié mangé, et elle dégagea Arc-en-ciel qui venait de monter sur la table intéressé par les pizzas. Enora débarrassa les revues sur le sol et autres conneries, pour installer ce qu’elle avait apporté.
Soirée entre fille, cela me convenait, même si au fond j'avais envie de voir Khris. Enfin non. Oui. Peut-être. Je détestais montrer que je lui accordais de l'importance. D'un certain point de vue, j'étais contente qu'Enora soit souffrante. Non pas que son agression me fit sauter de joie, bien au contraire -et je jure que si je retrouve ce pervers je le broie de mes propres mains- mais c'était en vérité l'occasion de passer du temps avec elle sans que ce soit moi la souffrante. Moi, ignoble ? Non, humaine. Ce n'est jamais simple d'être avec les gens que vous aimez lorsqu'ils ont pitié de vous. La convalescence de ma meilleure amie me permettait donc de passer un moment d'intimité avec elle sans que le fossé de la maladie ne nous sépare, nous étions à faiblesses égales.
« Prends du coca dans le frigo et rejoins-moi. »
Je me rendis jusqu'au réfrigérateur sans un mot et l'ouvrit. Je détestais le coca mais en prit un dans une main pour mon amie tandis que je saisissais mon jus de citron de l'autre. Demi-tour arrière, marche jusqu'au canapé. Mon regard se posa sur la table basse précairement réaménagé afin d'y manger, et plus précisément sur les deux pizzas. J'aimais la pizza, surtout végétarienne... mais je n'avais que très peu faim. Mes médicaments n'aidaient pas mon organisme bordélique au niveau de mon appétit, mais mes feintes étaient toujours gagnantes, rendant mes petites rations alimentaires inaperçues.
- Désolée si je t'ai gonflée ces derniers jours. Même moi ça m'épuise d'être trop gentille, lui dis-je en me prenant une part de pizza pleine de poivrons.
Un petit grognement sur ma gauche attira mon regard subitement. C'était Weed, mon compagnon de route qui mâchouillait un jouet déjà en piteux état. Lui, il savait qui j'étais et ne m'avait jamais quitté. Lorsque mon frère Fergus me l'avait offert avant mon départ pour San Francisco, il avait ajouté qu'« il ne m'abandonnerai jamais, quoi que je fasse ou ai pu faire. » En était-il pareil pour Enora ? Non, elle n'était pas un chien. Elle était clairement ma meilleure amie, ici, à San Francisco. Et même si sa convalescence apaisait mes tourments personnel, je préférais mille fois la voir sur pied plutôt que de se morfondre dans un canapé des journées entières, avec ou sans son fabuleux sourire.
C’était clair et net, si Enora arrivait à retrouver cet enfoiré… Malgré sa petite corpulence, elle ne ferait pas que lui donner des coups de pieds dans son entre-jambe, elle le déshabillerait, elle le castrerait et ensuite elle l’attacherait au pot d’échappement de la Jeep de sa meilleure amie, par le pied, et elle le trainerait dans toutes les rues de San Francisco pour lui faire honte, comme avait fait Achille de Troie à Hector. Elle ne savait pas à quoi il ressemblait, mais sa force et son odeur.. Elle pouvait s'en souvenir. La jolie blonde retrouva la rousse sur le canapé avec le coca et un jus de citron. Gaffe de merde, il est vrai que Levannah n’aimait pas ce soda au caramel. Des gaffes, elle en faisait souvent ces derniers temps, enfin du moment que c’était juste d’oublier ce que sa meilleure amie avait l’habitude de boire, ce n’était pas très grave. Désolée si je t'ai gonflée ces derniers jours. Même moi ça m'épuise d'être trop gentille. Enora voulait éclater de rire à sa réplique, ce qu’elle fit plus ou moins fortement à cause de sa joue qui lui faisait mal à chaque fois qu’elle agitait sa machoîre. Elle lâcha un petit grognement et se stoppa. Elle tourna sa frimousse accompagnée de quelques légères tâches de rousseurs vers sa jeune amie. « Ne t’inquiète pas. Tu as été très gentille. C’est juste que .. Je n’ai pas l’habitude qu’on s’occupe de moi, comme ça. Merci, d’être là. » Hendrick rapprocha sa première part de pizza jusqu’à sa bouche, qu’elle croqua vigoureusement, en avalant le tout avant de bien mâcher. Pressée ? Non, elle avait juste très faim. Le regard vert de la jeune femme toisait l’écran lumineux face au canapé. La télévision, le meilleur ami de l’homme sans doute. Combien de fois avait-elle regardé cette foutue télé, ces derniers jours ? Aaah un bon nombre de fois. Toujours les mêmes séries, les mêmes clips musicaux, la télévision rend fou. Enora but à grandes gorgées son coca-cola, histoire de se trouer un peu plus le ventre, en plus de la dope. Troisième morceau de pizza. « Dis Leeeeeeeev. » Elle attendit de voir le doux visage de la blonde tourné vers elle pour pouvoir compléter sa phrase après avoir avalé son bout de pizza végétarienne. « Rappelle moi ce que ça fait d’être amoureuse. » Nora lui sourit. Elle était contente et fière que son soit-disant papa Khris se soit casé avec elle. Quel enfoiré il avait été pendant sa période je-suis-amoureux-mais-Lev-ne-le-sait-pas. Heureusement, qu’il avait finir par lui avouer. Au pire le frangin Keynes et la miss Hendrick auraient été là pour lui donner un coup de fouet dans le derrière.
Les poivrons croquaient sous mes dents, rythmant nos conversations de petits bruits presque inaudibles. Moi, très gentille ? Je savais que je pouvais l'être, mais il y avait au fond de moi cette voix me rappelant que la gentillesse excessive ne donnait que des problèmes. La brutalité de certains choix -parfois abrupts et froids- valaient à mon sens bien plus que quelques compliments et attentions. J'étais ainsi, et j'en étais peut-être blâmable... mais comment accepter une quelconque rédemption ? J'étais sans doutes possible la martyre malgré moi, et je l'avais accepté. Passer pour la méchante ne me faisait pas peur... jusqu'à présent. Depuis la découverte de ma maladie, quelque chose avait changé. Cliché de la malade cherchant le pardon ? Je déteste quand tout semble aussi simple, car ça ne l'est pas. Je flippais peut-être un peu plus de crever seule quelque part, haïs de tous, mais au fond mon bonheur importait peu. Si vous connaissiez le sourire d'Enora, vous comprendriez que le sien en vaut la peine.
« Dis Leeeeeeeev. »
Je m'échappais de mes pensées, tournant alors mon visage interrogatif vers mon amie rousse.
« Rappelle moi ce que ça fait d’être amoureuse. »
J'explosai de rire soudainement, du fin fond du canapé où j'étais assise, respirant à grandes bouffées afin de remplir mes poumons d'air. C'était une sacrément bonne question et qui m'embarrassait au fond de moi. Amoureuse. Ce mot me révulsait car même si j'avais à offrir, j'avais peur de trop recevoir en retour. L'amour est souvent assimilé à emmerdes -et c'est véridique- mais il l'était aussi au bonheur... mon bonheur.
- C'est la sensation la plus flippante qu'il soit, je crois. En fait nan je crois pas, je suis certaine. Ça fait peur de savoir qu'on peut se sentir... bien. Alors du coup c'est mitigé parce qu'on flippe. Cercle vicieux ! dis-je en croquant une nouvelle fois dans ma pizza. Et toi alors, raconte moi tes histoires amoureuses passées qu'on se marre un peu.
Enora ferma les yeux, lorsque Levanah lui expliqua ce qu’était être amoureuse. Elle avait l’impression de jouer le rôle de la petite fille qui ne connaissait rien à la vie et qui n’avait jamais été amoureuse, alors que Levanah endossait le rôle de la grande fille bourrée d’expériences. Elle hocha la tête, ouais elle avait connu ça, ce cercle vicieux. Et toi alors, raconte moi tes histoires amoureuses passées qu'on se marre un peu. La jeune rousse ouvrit les yeux et étouffa un rire. Qu’on se marre un peu ? Ouais, ouais. La dernière fois qu’elle s’était mise en couple avec quelqu’un ça remontait à … Ses Dix-sept ans. Son dernier amour et premier amour à ses quinze ans et .. Puis des copines copains, aventures, comme-ci comme ça par ci par là. « Tu veux rire ? Je vais essayer de te faire rire. » Elle termina sa part de pizza puis se racla la gorge en prenant une voix très sérieuse. « Nous allons maintenant découvrir la vie amoureuse d’Enora depuis sa naissance. » Ouais, tant qu’à faire. Elle reprit sa voix normale. « Alors euh, je ne vais pas te raconter les détails de mes premières fois, hein mais j’ai couché pour la première fois avec une fille, à l’âge de quatorze ans, je sais c’est jeune mais j’étais complétement torchée ce soir-là, pour te dire.. Je ne m’en souviens même pas, mais je sais que j’ai couché avec cette fille parce que… Ouais non, je t’épargne les détails ! Quoiqu’il en soit, c’était ma première méga cuite, et ça m’a dégouté de l’alcool, mais pas des filles. Je suis sortie pour la première fois avec quelqu’un à quinze ans, un garçon, mais notre histoire n’a pas tenu deux semaines, haha. Il me plaisait plus physiquement que mentalement, et c’était un macho de merde et il voulait qu’une chose : m’avoir dans son lit. Il avait mon âge lui. Bref, j’ai perdu ma virginité, cette année-là, avec un gars de vingt ans. En fait, je trainais plus souvent avec des potes de mon frère, donc je prenais ce que j’avais sous la main, des hommes de plus de vingt ans. » Elle rigola un peu, puis redevint sérieuse. « Je suis tombée amoureuse de ce garçon, mon premier grand amour, aaaaaaaaaaaaaah, mais ce garçon découvrit son penchant pour les hommes et se mit en couple avec mon frère. Premier chagrin d’amour. Puis, mon frère a découvert que j’étais amoureuse de son copain, on s’est diputé, il a claqué la porte de ma chambre et … Je ne l’ai jamais revu. » Petit moment de silence, Rainbow regarda ses mains, souffla, et releva son visage en souriant doucement. « La seule personne que j’ai aimé et je ne me suis jamais mise en couple avec lui. En plus lorsque mon frère était là, on passait beaucoup de temps tous les trois. Pendant les moments durant lesquels nous ne savions pas ce qu’était devenu mon frère, il a été là pour moi, je lui en suis reconnaissante, mais je l’ai toujours envoyé balader. Je ne voulais pas accepter le fait que j'étais amoureuse de lui, je voulais l'oublier et disons que je n'était pas très douce. Une fois, où il en a eu marre, et je n’ai plus jamais eu de nouvelles. J’ai donc déjà été amoureuse, et bon sang comme j’étais niaise ! Le temps est passé, j’étais la plupart du temps célibataire mais il m’arrivait quand même de me mettre en couple. Une fois avec une fille, une fois avec un garçon, puis un autre garçon. La fille, c’était un mois, et le garçon cinq mois, celui d’avant, je ne me souviens plus. La fille, je l’ai laissé, j’étouffais déjà au bout d’un mois, j’avais besoin d’air. Ensuite le premier garçon, c’est qui m’a plaqué parce que… Bonne question, je crois qu’il a du me sortir un truc bateau du style « je n’ai plus rien à faire avec toi, salut » Quand au dernier garçon, il m’a gentiment trompé avec ma meilleure amie de l’époque. Je les ai surpris sans qu’ils me voient, j’ai encaissé tout ça, et une semaine après j’ai pété mon câble. J’avais le double des clés de la maison de ce mec, Jared, j’ai découpé tous ses sous-vêtements, puis j’ai fais une banderole de préservatifs plus ses sous-vêtements. Il avait des posters de skate, de bmx dans sa chambre, j’ai tout arraché.. Enfin tout plein de conneries comme ça, qui servent strictement à RIEN, mais tu sais, histoire de se défouler un peu ça fait du bien ! » Un petit rire lui échappa. Elle quitta aussi le mec, sans rien lui dire, elle disparut de sa vie. Enora arrêta ensuite de se mettre en couple, elle bannit ce mot de sa vie. Elle préférait rester libre, ne pas à devoir à s’attacher aussi fort qu’elle l’avait fait pour Ed le copain de son frère. Puis disons qu’elle n’avait pas de superbes souvenirs de ces couples. « Je ne me suis plus jamais mise en couple après ça. Seulement des aventures, des plan cul et tout le tsoin tsoin. Je ne voulais pas m’engager dans une relation, par choix uniquement. L’année de mes dix-huit ans je suis arrivée à San Francisco. Pas besoin de te raconter avec qui j’ai eu des relations, je pense que tu dois le savoir. » Enora remarqua alors qu’elle n’avait pas parlé aussi longtemps sur sa petite personne depuis un moment. Elle glissa ses mains sur sa bouche, comme une petite fille qui venait de dire une bétise. Elle retira ses mains. « Désolée pour la tirade que je viens de te compter, je pense que c’est tout ce qui en est sur mon passé pour l’affectif. Et toi, et toi ? Parle-moi de toi. » La rouquine se mit à secouer le bras de son amie.
Levanah écouta son amie rousse sans broncher tout en terminant sa part de pizza. Elle ne perdait pas une miette de la tirade de son interlocutrice: la hawaïenne aimait écouter la vie des gens, surtout celle d'une personne aussi importante pour elle qu'Enora. Ce qui fit s'affaisser le sourire de la blonde l'ombre d'un instant fut lorsque lorsque de son amie l'avait trompé avec sa meilleure amie de l'époque. Coïncidence ? C'était ce que Levanah avait plus ou moins fait, même si les raisons de la tromperie semblaient totalement différentes.
- Moi ? Et bien c'est un peu... bizarre. J'ai toujours plutôt plu aux garçons dans le sens où des blondinettes un peu style californienne il n'y en a pas des masses à Hawaï, à part des touristes. Et puis je ne sais pas, j'ai plutôt la tchatche avec les mecs, non ? dis-je en riant mais sans ironique aucune. Je n'étais pas la super bombe qu'ils convoitaient tous loin de là, mais j'avais beaucoup plus d'amis masculins que féminins, du coup je me rapprochais plus d'eux... mais je les envoyais chier à mort.
La chute de ma phrase le fit rire intérieurement au point que les commissures de mes lèvres se rentrèrent, formant sur mon visage angevin un sourire malicieux.
- Ma première fois c'était il y a deux ans seulement, j'avais 17 ans. Avec Ozzie Wilcox... on est resté ensemble de juin à août vu qu'il n'était qu'en tant que touriste à Hawaï. Tu le connais peut-être, il habitait encore à San Francisco il y a deux semaines... il est parti en Afrique pour ses études, lui racontais-je calmement.
Ozzie, ma première fois. Je n'avais jamais été amoureuse de lui, mais oui, je l'avais aimé. On avait cette relation sans prise de tête... et on était redevenu amis après cela, dès mon arrivée à San Francisco. Non, je n'oublierai jamais l'ami qu'avait été Ozzie.
- Après cela j'ai... hésitais-je. J'ai couché avec le petite copain de ma meilleure amie l'an passé à Hawaï.
Je pris rapidement mon verre de jus de citron afin de remplir ma bouche du breuvage et de prolonger la trêve temporelle entre mes récents dire et ma future argumentation.
- C'est un peu bizarre à expliquer en fait, je... il trompait ma meilleure amie depuis plusieurs mois déjà et elle ne voulait rien entendre. Alors je me suis arrangée pour qu'elle nous surprenne tous les deux un soir et qu'elle prenne conscience du salopard qu'il était. Je... je sais, j'agis parfois de façon étrange, bornée et...
Et autodestructrice ma petit Levanah. Autodestructrice
Enora aimait bien aussi écouter la vie des autres, elle n’appréciait pas forcément raconter la sienne, ne la trouvant pas plus intéressante que cela. Cependant, elle décidait tout de même par lâcher le morceau mais qu’en présence de ses meilleurs amis, comme Levanah l’était. La rousse attrapa un dernier bout de pizza qui devait être tout froid et elle s’adossa à l’accoudoir du canapé, et posa ses une de ses mains sur ses genoux qu’elle avait remonté contre son tronc, et de l’autre elle tenait sa part qu’elle croqua en écoutant attentivement sa jeune amie. Levanah commença donc à raconter qu’elle était plutôt proche des garçons, comme Enora, qui avait été à l’époque plus un garçon manqué qu’autre chose. Les garçons, c’est le bien. Les filles sont des langues de vipère, et vous font toujours des coups de putes par derrière. Bon, les garçons n’étaient pas tous des anges, mais on se prenait moins la tête avec que les filles. Penser ça, alors que Rainbow était pour les féministes, était un peu paradoxal, mais ce n’était pas grave, seulement elle se comprenait. La blonde lui parla alors de sa première fois avec un certain Ozzie. La rousse hocha la tête à sa meilleure amie, pour lui indiquer qu’effectivement elle voyait qui c’était. Elle l’avait déjà vu, et pouvait le reconnaître, mais elle ne lui avait jamais parlé. Elle se sentit tout d’un coup un peu gênée d’avoir perdu sa virginité à quatorze et quinze ans, cela lui faisait penser que déjà à quatorze ans elle avait les hormones qui fusaient, et qu’elle était un peu une marie-couche-toi-là, ce qui était faux. « J'ai couché avec le petite copain de ma meilleure amie » Cette phrase stoppa Hendrick de tous mouvements, elle regarda correctement Levanah en ayant une petite de moue qui se disait what the fuck ? Envers son amie. Elle eut l’impression de se voir quelques années en arrière quand son copain, l’avait trompé avec sa meilleure amie. C’était du beau. Du très beau. La blonde reprit rapidement, histoire de se rattraper dans ses propos. Les faits ? Prouver à sa meilleure amie, que son petit copain la tromper. Baiser donc avec lui, pour qu’ils les surprennent. Enora n’aurait jamais pensé à faire ça. Elle portait un regard étonné sur la jeune femme, puis la regarda normalement en ayant un petit sourire en coin. « Tu as de ces idées, toi des fois ! Je suppose que ta meilleure amie est devenue … Ta meilleure ennemie, non ? Franchement, je ne pourrais pas tromper quelqu’un. L’infidélité, pfffouah c’est nul, à quoi ça sert sérieusement ? Autant quitter sa nana, si elle ne lui convient plus que de tanguer entre deux filles. » La rousse exprima un air de dégoût sur son visage, on l’avait trompé, et c’est ce qui la rendait amer à ce sujet. Si jamais, elle apprenait que Drake avait couché avec une fille, elle le prendrait très mal. Ils n’étaient pas ensemble, en avait sans doute rien à faire d’elle, mais pour elle, il était important à ses yeux et elle se sentirait trahie.
- Je suis particulièrement fidèle, c'est pourquoi ce mec ne méritait mon amie. Et j'étais si fidèle à elle que j'ai du la tromper pour son bien... le bien qui fait mal. Je sais je suis fêlée dans mon genre et c'est dégueulasse mais... je savais que tout allait bien aller pour elle. On dit que les pires maux viennent des meilleures intentions, mais la différence dans mon histoire c'est que les maux n'en étaient pas vraiment.
La chose qui n'alla pas fut notre amitié. Je crus mourir durant la période de ma trahison mais comment regretter ? C'était pour son bien, et s'il fallait que je tienne le rôle de la méchante pour qu'elle accède au bonheur je ne m'en priverai pas et je ne m'en étais pas privée. Finissant ma part de pizza aux poivrons, mes neurones se mirent en ébullition afin de combler de silence qui s'installait lentement.
- Et après il y a eu Sydney. Et Éric aussi. Mais je n'étais ni avec l'un, ni avec l'autre, c'était bizarre. Il y a eu un faux-semblant de couple avec Sydney durant une période mais cette fille n'est pas faite pour s'attacher, ou pas à moi en tous cas... et moi non plus. Du coup il y a eu une nouvelle passade Ozzie, sans que je puisse la voir venir. Mais c'était l'affaire d'une nuit ou deux, rien de sérieux, parce qu'il y avait un autre blaireau qui se démerdait pour rendre mes moments d'intimités avec les autres pénibles...
Khris. Enfoiré. Connard. Je détestais aimer, c'était trop dur, trop compliqué à gérer. J'aimais donner aux autres -bien que ma manière de transmettre soit réprimandée- mais recevoir... c'était étrange. Pourtant Khris ne parraissait pas être le genre de garçon à offrir et à apporter de l'affection mais le simple fait de sentir ses lèvres contre les miennes était pour moi le plus beau cadeau qu'il puisse me faire. Je savais, et savoir sans preuve concrète rendait ce sentiment d'autant plus exaspérant. Je me sentais faible, moi qui avait si grande fierté, je me sentais vulnérable alors que je cherchais à vaincre cette affreuse sensation. Être née dans un monde d'hommes m'avait rendue plus stricte vis à vis du laisser aller et du paraître. Je devais toujours me montrer sans failles alors que j'en étais bourrée. J'étais follement amoureuse, je vivais mal le fait de peut-être vivre mes derniers instants à cause de ma leucémie et j'avais cet horrible crédo du "ce qui ne te tue pas te rend plus fort" en tête, crédo que j'appliquais à tous et à toutes. Je n'étais que la petite Levanah, au fond, alors que je tentais de me forger cette carapace de fille sure d'elle, posée et sans appréhension face à la vie alors que j'étais mortifiée de peut-être devoir mourir dans la fleur de ma jeunesse. Terrifiée à l'idée de voir Khris avec une autre. Horrifiée de pouvoir penser qu'à faire mal aux autres par amour, j'allai souffrir de leurs retours de flammes.