Presque vingt minutes que je fixais cette putain de porte. Dès que ma main s'apprêtait à en toquer le bois elle se rétractait, lâche. Pourtant je restais là, piégée par un lancinant doute: qu'allait-il se passer quand je le reverrai ? Devais-je plutôt fuir et ne pas déterrer toute cette histoire ? Seulement était-elle vraiment morte ? Je passais frénétiquement mes mains dans mes cheveux tout en fronçant les sourcils. Je devais faire un choix, maintenant.
A certains moments, j'étais prise de panique alors qu'à d'autres je me sentais fondre, couler, m'écraser de l'intérieur. Mes émotions et moi, c'était une très longue histoire. Je les haïssais, au fond, à toujours choisir ou non ce qui devait contribuer à mon bonheur. Aucune place pour la raison, mes sentiments rongeaient tout. Je les cachais, les défiais et en souffrais. J'avais perdu Khris, et j'avais toujours su que cela arriverait. Comme l'évidence que si lui et moi n'étions pas fusionnels mais explosifs. Notre relation avait été une bombe à retardement, un jeu où nous passions notre temps à enfreindre les règles. « Allez, bouge ton petit cul de blondasse Levy. »
Je reposais mon regard sur la porte de son appartement. Mes longs doigts fins la caressèrent, indécis. TOC TOC TOC. Fais. Mon coeur battait fort, je sentais ma gorge piquer, mon estomac se nouer. Mourir semblait plus facile que d'affronter les prochaines secondes de ma vie, là, ici, maintenant, devant cette porte qui ne demandait qu'à être ouverte. Trop fière pour pleurer, trop déterminée pour partir. Ce qui devait être fait, allait-il l'être ? Mettre fin à tout ça. Balayer les restes de notre amour. Tout brûler, enfouir ! C'était un bien beau bordel de ma tête. Je ne pouvais affirmer l'aimer comme avant mais comment prétendre une seconde que je l'avais oublié ? Ça me faisait chier. Ma salive avait un sale goût de culpabilité et de frustration, pour couronner le tout. Je l'avais abandonné et il m'avait oubliée. Comme cela, claquement de doigt, alors que ma tête était encore brutalisée par un sentiment d'inachevé. On devait en finir.
Khris n'avait pas fait grand chose aujourd'hui, il avait livré quelques commandes, rien de bien fatiguant. Il avait prévu de passer tout son après-midi chez lui, seul. Non, ce n'était pas une envie soudaine de solitude. Il avait dit à Frankie de ne pas passer, ou alors très tard, pour une très bonne raison. Levanah allait passer le voir pour reprendre des dessins à elle, maintenant qu'elle habitait sur San Francisco, il n'avait plus besoin de lui envoyer. Il était assit dans son canapé, les desseins entre ses mains, les regardant un par un en l'attendant. Des desseins de lui, d'Enora, de pas mal de gens, mais aussi de choses plus personnelles pour Levanah. Il n'avait jamais demandé ce qu'elles représentaient et n'allait surement pas le demander maintenant. Ils n'en étaient plus à ce stade, ils n'allaient surement pas avoir une discussion très intéressante. Elle entrerait, prendrait les desseins, ils parleraient sans doute un peu pour savoir mutuellement comment ils allaient. Puis elle partirait et la vie reprendrait son cours normal... Ou pas. Khris, en regardant les desseins, se demandait s'il ressentait encore quelque chose pour elle. Oui, surement, on n'efface pas une personne qu'on a aimé, avec une telle force, en peu de temps. Il lui en faudrait bien plus pour oublier cette petite blonde et tout ce qu'ils avaient vécu, les bons comme les mauvais moments. On frappa à la porte, le cœur de Khris fit un bond et il crut s'évanouir sur le coup. Il posa les desseins et se leva en direction du bruit. Elle était derrière la porte, elle, celle qui lui avait fait tant de mal, mais qu'il ne pouvait oublier. Il posa sa main sur la poignée, avalant sa salive avec une grande difficulté. Il tira lentement la porte, reprit une expression faciale à peu près normale. Elle était là, elle n'avait pas changé. Peut-être avait-elle un peu plus bronzé, vu qu'elle revenait d'Hawaii. Son cœur continuait de danser dans sa poitrine et il ne savait pas comment l'arrêter, il tenta de respirer plus lentement, malgré les images qui défilaient devant ses yeux. Levanah et lui au lit, Levanah et lui à Hawaii, Levanah et lui se disputant, Levanah qui disparaissait. Un silence s'était installé entre eux, ils restaient là à se regarder sans rien dire. Khris, pour sa part, aurait voulu lui dire des millions de choses, mais rien ne sortait, sa gorge était plus sèche qu'un désert et les mots s'évaporait derrière la barrière de ses lèvres.
- Entre.
C'est tout ce qu'il arriva à dire au bout d'une bonne dizaine de minutes, mais c'était déjà ça. Il se poussa pour la laisser entrer dans son appartement, chose qu'il n'avait pas fait depuis bien longtemps.
La porte s'ouvre, le temps se fige. Si je n'avais pas été aussi fière, si je n'avais plus rien à me reprocher, j'aurais probablement éclaté en sanglots. Mais je ne pouvais pas. Le poids des souvenirs faisaient barrage à ces restes vivaces de sentiments. Silence. Je pouvais presque entendre mon coeur battre dans ma poitrine tant ma respiration était saccadée. « Entre. » Sa voix. Son visage. Son regard. Inchangés... pourtant rien n'était comme avant.
Je rentrais dans l'appartement le coeur serré. Je pouvais presque entendre nos rires résonner entre ces murs, sentir l'odeur des clopes froides mélangée à l'air marin... Mais aujourd'hui, c'était une autre blonde qui en bénéficiait, et cela me tuait. Je le méritais, je le savais... Khris était passé à autre chose. Le temps que je foire notre histoire, il en avait commencé une autre. « Je... je pensais que ça serait plus simple tu vois. Parler de toi, du monde, de tout. » La bombe était larguée. Je ne cherchais pas empirer cette tension qui planait dans l'air, mais à l'exorciser. Que faire d'autre ? Sourire et se tartiner de civilités ? Je faisais rapidement le tour de son salon avant de plonger mon regard par la fenêtre. Vue sur l'océan, toujours la même, elle aussi. Pourtant c'était après l'amour ou encore chaude des baisers de Khris que j'avais l'habitude de la contempler. Aujourd'hui j'avais le corps glacé par le passé.
« Tu... les dessins. Je m'éternise, tu m'excuseras » lui dis-je finalement. Nous devions parler; pas le temps pour les beaux souvenirs et les jolies contemplations. Pourtant ils étaient là, omniprésents, pourrissant l'air ! Ma main tremblait, soutenir son regard était de plus en plus dur. Il fallait qu'il parle, tout de suite. Notre histoire était morte et pourtant... l'ombre d'un doute continuait sa course. Temps que nous ne disions pas la terrible vérité à haut voix, elle semblait encore exister. Je sortis maladroitement mon paquet de clopes de ma poche. « Je peux fumer ? » En vérité, je ne savais pas si j'allais rester assez longtemps pour la finir, mais j'avais besoin de me déstresser dans l'urgence, d'évacuer. C'était des mois entier de ma vie qui moisissaient entre ces murs. Des souvenirs traîtres, mais que je ne pouvais pas regretter. C'était con à penser, mais ces instants de bonheur qu'on pensait éternels et qui vous crachaient finalement à la gueule, on appelait ça la vie. Et pas autrement.
Levanah entra, comme elle l'avait fait quelques mois plus tôt. Mais rien n'était comme avant, leurs sourires avaient été remplacés par des moues gênées, leurs yeux autre fois brillants de bonheur étaient à présent ternis par les souvenirs. Il l'avait aimé plus que tout au monde, il lui avait tout donné, elle avait été son premier amour et on ne l'oublie jamais. Khris attendait qu'elle dise quelque chose, qu'elle l'insulte ou qu'elle lui parle de tout et de rien. Il n'en avait rien à faire, il voulait entendre sa voix, savoir qu'elle allait bien sans lui. Savoir que tout était mieux comme ça, qu'elle avait bien fait de partir. Elle rompit le silence et il se figea en l'entendant. Des mois qu'il ne s'étaient pas parlé face à face, des mois qu'il n'avait pas entendu sa voix. Mais il ne l'avait pas oublié, elle était restée gravée dans son esprit. Parfois il l'entendait, lorsqu'il croisait ses desseins, il se rappelait la façon dont elle lui parlait, sa voix montant dans l'aigu quand ils s'engueulaient. La tension entre eux ne semblait pas vouloir s'évaporer, elle pesait sur leurs têtes, tellement lourde que Khris avait l'impression de tomber. Il voulait faire face, lui faire face, faire face à leur histoire. Il fallait qu'ils s'expliquent, mais comment amener ça sans que la conversation ne devienne une dispute ? Il avait besoin de réfléchir. Levanah lui demanda les desseins, il n'articula pas un mot – il en était incapable -, il fit juste un petit signe de tête désignant la table basse où ils étaient posés. Il la regarda encore, elle n'avait pas changé. Toujours aussi petite comparée à lui, toujours aussi blonde, toujours aussi troublante, toujours aussi belle. Elle lui demanda si elle pouvait fumer, il fit oui de la tête, il ne voulait pas parler avant de démarrer une réelle conversation. Khris attrapa son matos et commença à se rouler un joint, il avait besoin de se détendre et dans la situation présente une clope ne lui serait pas suffisante. Une fois allumé il tira dessus, regardant Levanah, attendant qu'elle parle ou quelque chose du genre. Qu'elle fasse quelque chose, il aurait préféré qu'elle le frappe plutôt que de laisser le silence s'imposer comme ils le faisaient à cet instant. Il s'adossa au mur derrière lui, il devait y avoir quatre mètres entre eux, mais il se sentait trop proche d'elle et il aurait aimé pourvoir s'échapper. Courir loin, éviter son regard, éviter de lui parler. Mais il avait trop de fierté pour partir maintenant, depuis le temps qu'il attendant ce moment, il ne pouvait pas se défiler.
- Alors, pourquoi t'es revenue à San Francisco ? Les remords ? Un autre mec à qui pourrir la vie ?
Il savait qu'elle le prendrait surement mal, il l'avait fait exprès, il voulait qu'elle réagisse et qu'elle lui dise enfin ce qu'elle pensait vraiment. Il lui fit un sourire en coin, histoire de lui faire croire qu'il était au dessus de tout ça et que rien de ce qu'elle pourrait lui dire n'allait l'atteindre.
J'allumais ma clope sous ce silence de plomb. La situation m'affectait et il le savait. Comment pouvait-il garder le silence ? Comment pouvait-il me laisser seule dans cette merde ? Certes je n'avais décroché que quelques mots, mais lui, aucun. Sa voix me manquait, ou tout du moins, je pensais qu'elle me manquait. Je n'étais plus certaine de rien. Alors qu'il ne roulait un joint l'air de rien, je tirais sur ma clope, toujours aussi pressée par toute cette tension. « Alors, pourquoi t'es revenue à San Francisco ? Les remords ? Un autre mec à qui pourrir la vie ? » Si je ne m'étais pas attendue à une réplique aussi cinglante de sa part, j'en aurais probablement fait tomber ma clope. La bombe était larguée et même si cela était prévisible de sa part, l'effet n'en était pas moins blessant. Bloquée entre émotions et fierté, je gardais le silence quelques secondes, recrachant la fumée lentement.
Des remords ? Bien trop. Pourrir la vie d'un nouveau mec ? Pas au programme: mon interlocuteur m'avait vraisemblablement sevré contre les histoires de ce genre. La vraie raison de mon retour était simple à expliquer, mais trop difficile à avouer. Comment dire à son ex petit ami tant aimé que vous alliez simplement... vivre ? Comment expliquer que le principal facteur de notre rupture était à présent volatilisé ? Non, je ne pouvais pas, c'était trop dur, même si le voir avec quelqu'un d'autre me tuait davantage. Pourtant... je lui devais la vérité, pour tout ce que nous avions vécu, et elle finira par sortir, tôt ou tard. « Je suis juste revenue voir si tu t'occupais mieux de ta nouvelle blonde. » D'un certain côté, j'étais vraiment sincère. Je voulais être certaine qu'il l'aimait vraiment, fin de savoir si je n'étais plus rien pour lui. Savoir si cette Frankie n'était pas un jouet pour me rendre folle. Emmerder Khris me libérait d'une certaine façon: j'avais mérité ses reproches perpétuels... mais jusqu'à quand allait-il m'en faire ? La colère montait, il avait ce qu'il voulait. Me voir sortir de mes gongs en jouant avec mes émotions. Quel connard.
« Et puis je me suis dit, "Levanah, il faut que tu ailles encore faire un peu chier Khris, il a pas assez morflé le petit" ! Tsss. J'en étais certaine qu'on allait se cracher à la gueule, mais quitte à le faire, allons-y jusqu'au bout, maintenant. » Certes, dire tout ce qu'on avait sur le coeur d'une traite, ici et maintenant allait être douloureux, mais salvateur. Je voulais pas rester toute ma vie sur ces sentiments froids mais encore en vie à l'égard de Khris, c'était pire que tout. Son visage me hantait. Son sourire aussi. Sa façon de me dire "je t'aime", ou au comprendre, sa manière de me le faire comprendre sans un mot. Tout cela était envolé mais avait existé. Les souvenirs avaient-ils encore une quelconque importance ? Je ne pouvais pas m'en détacher, mais je le devais. « J'en ai marre de vivre avec le passé, tu vois. C'est trop. »
Putain, si seulement elle pouvait exploser, lui balancer tout ce qu'elle pensait en pleine gueule. Il voulait en finir avec toute cette histoire, il en avait marre de penser à elle. Les vestiges de leur relation continuaient de le faire souffrir à chaque fois que son visage revenait se balader dans ses pensées. C'était pire depuis qu'il la voyait. C'est comme savoir quelque chose et l'avoir en face de soit, il y a une grosse différence, une prise de conscience. Khris expira la fumée, la drogue ne le calma pas pour autant. Il fumait tellement souvent, dans une situation pareille, elle ne lui faisait plus rien du tout. Dégouté, il posa le joint dans le cendrier sortant une clope à son tour. Son cerveau s'emmêlait dans des milliers de pensées, de questions, d'images. Il avait presque mal au crâne. Levanah arrivait à lui faire du mal sans rien dire, juste en étant là, devant lui. Comme si tout ça n'avait jamais existé, comme s'ils ne se connaissaient pas. Il aurait préféré, il rêvait d'un monde où sa relation avec la blonde ne se serait pas terminée de la sorte. Pas un monde où ils étaient ensemble, il n'y pensait plus depuis un moment, plus depuis qu'il avait rencontré Frankie. La seule personne qui avait réussi recoller les morceaux de son cœur, peu à peu. Quelques cicatrices restaient, indélébiles, mais il souffrait beaucoup moins. « Je suis juste revenue voir si tu t'occupais mieux de ta nouvelle blonde. », Khris fronça les sourcils. Elle insinuait clairement qu'elle avait été remplacée par un ersatz d'elle. Non, il ne sortait pas avec Frankie pour la ressemblance physique, il aimait juste les blondes. Rien de plus. Bien que Levanah ne soit pas une vraie blonde.
- J'm'occupe bien d'elle mais, au pire, je ne vois pas en quoi ça te concerne.
Il restait froid, il ne voulait pas qu'elle voit ce qu'il ressentait. Jamais il ne lui montrerait tout le mal qu'elle lui avait fait, sa fierté l'en empêchait. « Et puis je me suis dit, "Levanah, il faut que tu ailles encore faire un peu chier Khris, il a pas assez morflé le petit" ! Tsss. J'en étais certaine qu'on allait se cracher à la gueule, mais quitte à le faire, allons-y jusqu'au bout, maintenant. », elle avait raison. Ils devaient se dire ce qu'ils pensaient vraiment, pour en finir. Mais il ne savait pas s'il en était capable. Il savait qu'il ne lui dirait jamais « J'ai jamais autant souffert de toute ma vie, tu fais partie des meilleures choses qui me sont arrivées mais aussi des pires. » Jamais. Il ne répondit rien à cette phrase, trop plongé dans ses pensées pour articuler quoi que ce soit. Son regard dans le vague s'éleva vers elle lorsqu'elle parla encore. Il avait comprit ce qu'elle voulait dire, elle pensait toujours à lui. Comme il pensait toujours à elle. Les souvenirs l'assaillaient surement elle aussi maintenant qu'ils se voyaient. Khris ne pensait pas que Levanah serait dans la même situation que lui, il pensait qu'elle n'en aurait rien à foutre. Qu'elle serait déjà passée à autre chose, contrairement à lui. Bien sur, il avait une copine qu'il aimait, mais elle restait là. Elle restait inscrite en lui, pour toujours.
- Honneur aux dames, dis-moi ce que tu penses. On sait jamais, ça peut être drôle.
Ne surtout pas perdre la face, pas devant elle. Il devait rester fort, plus fort qu'elle.
« J'm'occupe bien d'elle mais, au pire, je ne vois pas en quoi ça te concerne. » En quoi cela me concernait. EN QUOI CELA ME CONCERNAIT ? J'écarquillai les yeux lorsque j'entendis ta réponse, choquée. Tu étais passé à autre chose, tant mieux pour toi... mais pas de cette manière. Pas aussi vite, pas aussi brutalement. Peut-être était-ce la jalousie qui rongeait mon coeur, peut-être était-ce la nostalgie. Je ne me comprenais pas, en vérité. Je t'avais abandonné pour que tu m'oublies, et je revenais furieuse que tu ais réussi. Mon amour propre était touché, je le savais, mais malgré cela je ne pouvais être entièrement désappointée. Tu l'avais elle et comme toujours j'avais choisie d'être seule avec la conviction que mon abandon t'avait été salutaire. Mais tout avait changé. Si j'étais partie pour que tu ne me vois pas mourir, je revenais plus vivante que jamais. Oui, rien n'était plus comme avant et mon coeur même ne pouvait le nier. C'était comme si je sentais encore tout cet amour que je t'avais porté se disloquer au fond de moi, flétrir même jusqu'à devenir poussière... Comme si je tendais la main vers cette passion passée mais qu'il me manquait quelques centimètres pour l'atteindre.
« Honneur aux dames, dis-moi ce que tu penses. On sait jamais, ça peut être drôle. » Je tirais sur ma cigarette avant de mettre la cendre qui y pendait dans un cendrier à côté de moi. Culpabilité. Voilà ce que je pensais, voilà ce que j'éprouvais. De la culpabilité et de la colère. J'agissais toujours pour les nobles causes, mais jamais avec orthodoxie. J'avais fait en sorte que tout cet amour que tu m'avais donnée devienne haine pour mieux l'effacer, mais je n'avais pas pensé à mon propre coeur. J'avais omis le fait que moi aussi, j'étais amoureuse. Que moi aussi, j'allais souffrir. Je pensais sincèrement avoir atteint mon but, que tu ne m'aimais plus, mais je n'avais pas prévu les conséquences. Ma jalousie face à cette Frankie, mon incapacité à te rayer de ma vie aussi facilement. J'étais piégée entre mes sentiments moisis et ta haine apparente. « Je pense que si j'étais pas partie, ça aurait été pire. » Je restais floue dans mes explications: de toutes manières, je savais parfaitement que tu comprenais où je voulais en venir. Je ne regrettais pas te t'avoir abandonné.
Tu étais si beau, là devant moi. Pire que dans mes rêves, plus froid que le spectre de mes souvenirs. Non, je ne t'aimais plus, mais tu restais Khris et cela suffisait à me faire terriblement mal. J'avais frôlé l'overdose de toi. « Je veux juste que tu te barres de ma tête. Je veux que tu me dises que tout ça est terminé, putain de bordel de merde ! » J'avais crié et laissé tomber ma clope par terre. La chaleur due à ma colère me montait au crâne alors que mes larmes s'amassaient dans ma poitrine plutôt que dans mes yeux, rendant mon coeur lourd.
Levanah n'avait pas répondu à sa première phrase et il en était bien content, il n'avait pas envie qu'elle parle de Frankie, ça le foutait en rogne. Parce qu'il savait qu'elle pensait du mal d'elle, enfin, il imaginait qu'elle pensait du mal d'elle. Une fille n'aime jamais celle par qui elle est « remplacée ». Il arrivait à la fixer, avec insistance. Khris voulait lui montrer qu'elle ne gagnerait pas cette fois, qu'il ne serait pas le perdant. Qu'il ne serait pas celui qui reste planté là, les larmes aux yeux et la boule au ventre. Il ne voulait plus penser à elle de cette façon, pleine de regrets, il voulait être libéré de ce poids. Il fallait qu'ils parlent, même si le jeune homme n'en avait pas envie. Il ne savait pas trop ce qu'il ressentait à l'égard de Levanah à présent. De la haine ? De la tristesse ? De la nostalgie ? Peut-être les trois en même temps. Mais la nostalgie semblait dominer les autres, tous ces souvenirs qui se répétaient à l'infini dans sa petite tête lui faisaient toujours aussi mal et il voulait que ça s'arrête au plus vite. Il voulait aller mieux et l'oublier. Non, il savait que c'était impossible d'oublier son premier amour, mais il ne voulait plus souffrir lorsqu'il entendant son prénom ou quand il pensait à elle. Maintenant il attendait qu'elle lui dise ce qu'elle pensait vraiment de tout ça, de ces derniers mois, de leur rupture, d'eux. Il ne savait vraiment pas ce qu'elle pouvait en penser, ils ne s'étaient presque pas parlés depuis et Khris avait préféré ne pas trop y penser, enfin, y penser le moins possible. Mais il allait savoir et il n'était pas sur d'en avoir envie. Il avait peur, parce qu'il ne savait pas ce qu'elle allait dire. Mais il savait qu'il allait avoir mal, de toute façon, quoi qu'elle puisse dire, il souffrirait. Parce que tout ce qui se rapportait à Levanah le faisait souffrir plus ou moins. « Je pense que si j'étais pas partie, ça aurait été pire. », et voilà. Sa gorge se noua. Il le savait, il savait que ça allait arriver. C'était inévitable, cette discussion, ces explications. C'était flou, mais il comprenait, ils s'étaient toujours compris après tout. Il respira, essayant d'activer son cœur qui peinait à garder un rythme normal. Après tout ce temps sans elle, les effets de sa présence restaient similaires. « Je veux juste que tu te barres de ma tête. Je veux que tu me dises que tout ça est terminé, putain de bordel de merde ! », elle avait crié, laissant sa cigarette tomber par terre. Bon, au moins il n'était pas le seul à ne pas réussir à garder son calme.
- Mais tu crois que t'es la seule dans ce cas là ? J'ai essayé de t'oublier ! J'ai bu, j'ai fumé, j'ai avalé toutes les pilules qui passaient, mais tu restes gravée dans ma putain de tète. Tu sais même pas à quel point j'aimerais que ça s'arrête. On aurait pu être heureux ensemble, si tu t'étais pas barrée. J'l'aurais gardé cet enfant, mais t'as préféré partir et m'abandonner. Vous êtes doués pour ça chez les Keynes.
Il s'était levé sans s'en rendre compte et avait haussé la voix. Il avait sortit ça d'un coup, sans vraiment contrôler ce qu'il disait, il avait retenu ses émotions trop longtemps et ne pouvait plus y arriver. Elle le foutait en l'air, une fois de plus.
Je me tus un instant, sentant les larmes remonter jusqu'à ma gorge. J'avais tout foiré en beauté. Moi qui me croyais si maligne, je me rendis compte que rien ne s'était déroulé comme prévu. Je t'avais abandonné et tu ne m'avais pas oublié. Pire encore: j'étais devenue un spectre qui hantait ton esprit, et réciproquement. « Si j'avais pas fait ça, ça aurait été pire » répétais-je avec moins de convictions que précédemment. Mes mains tremblaient, mon regard ne pouvait se dérober du tien. Non, aujourd'hui je n'allais pas fuir. « Tu serais resté avec moi, voilà le problème ! Ma fausse-couche nous a prouvé à tous les deux qu'un rien me faisait plonger. Alors non, on pouvait pas être heureux ensemble. Pas avec cette putain de leucémie. » Je gardais le silence quelques secondes, les joues rosées par la colère qui m'avait envahie. C'était le moment de dire nos vérités, mais allais-je y arriver ? Pouvais-je vraiment te dire que si ma leucémie nous avait si longtemps séparé... elle n'était plus une gêne à présent ? Mais trop d'autres choses faisaient offices d'obstacles entre nous. Rien ne serait plus comme avant. Les braises de notre amour n'étaient que l'ombre d'un souvenir...
« La seule et unique chose que je regrette, c'est de ne pas avoir été assez méchante, tu vois. Je pensais que me barrer à des milliers de kilomètres de toi, ça t'aurait dégoûté et que tu allais me zapper définitivement pour passer à autre chose. Tu l'as fait avec ta Frankie, t'en mieux. Mais j'avais oublié un truc. Un tout petit truc infime. C'est que j'étais amoureuse de toi, et que je ne pouvais pas remédier à cela en me cassant. » Je me rendis compte de mes paroles que trop tard, mais fis mine de les assumer pleinement. Ma gorge me faisait atrocement souffrir, comme si mes paroles étaient aussi douloureuses qu'un océan de ronces. « Alors je ne viens pas m'excuser, rattraper le temps perdu ou retrouver ton amour... non. Je veux juste que tu me dises que ça ira mieux. Que ces putains de souvenirs vont arrêter de nous faire souffrir. On a beaucoup trop donné. » J'avais envie de pleurer et mon ton insistant commençait à trahir ma souffrance. Je culpabilisais, mais comment te le dire ? Je me foutais de m'ouvrir à toi, en cet instant précis. Ma fierté fléchissait sous le poids de la douleur, mais continuait tout de même à contenir mes larmes. J'avais ma dignité à garder sauve, mais à quelle dignité pouvais-je prétendre ? Je l'avais perdue en t'aimant. « J'veux que la culpabilité s'en aille. Mais ça serait trop beau que tu me dises tout ça. » Mais pas aussi beau que toi, charmant assassin. Je ne savais quoi penser. Que voulais-je ? Ton bonheur ? Alors pourquoi avais-je cette rage muette contre Frankie ? Parce qu'elle me donnait le sentiment de n'avoir jamais compté. Ce sentiment d'inutilité qui m'avait si longtemps accompagnée dans la maladie.
Elle répéta sa phrase, « Si j'avais pas fait ça, ça aurait été pire », et sa gorge se noua un peu plus. Khris ne savait pas si elle essayait de remuer le couteau dans la plaie, mais en tout cas elle le faisait, peut-être inconsciemment. Mais il n'en était pas sur. Comment l'être ? Elle l'avait abandonné alors qu'il pensait la connaître, il ne savait plus quoi penser, il ne pensait plus la connaître. Après son départ, c'est comme si elle était devenue une autre, elle n'avait pas changé. Il ne la comprenait plus, c'était comme ça. Levanah le fixait, dans les yeux, et il ne voulait pas flancher. « Tu serais resté avec moi, voilà le problème ! Ma fausse-couche nous a prouvé à tous les deux qu'un rien me faisait plonger. Alors non, on pouvait pas être heureux ensemble. Pas avec cette putain de leucémie. », il hallucinait. Elle remettait encore la faute sur sa maladie, comme elle l'avait fait lorsqu'elle était partie, c'était une excuse aux yeux du jeune homme. Il soupira, exaspéré.
- J'en avais rien à foutre de ta leucémie. T'étais normale pour moi, t'avais juste pas compris que je serais resté avec toi à n'importe quel prix, que je t'aurais soutenu. Mais t'as préféré fuir, parce que c'était plus facile.
Jamais il n'aurait pensé lui dire ça, mais c'était ce qu'il pensait vraiment. Il était amoureux d'elle et tout ce qu'il voulait c'était rester avec elle. Mais elle était partie, sans se demander ce qu'il était près à faire pour elle. Elle le coupa dans ses pensées ; « La seule et unique chose que je regrette, c'est de ne pas avoir été assez méchante, tu vois. Je pensais que me barrer à des milliers de kilomètres de toi, ça t'aurait dégoûté et que tu allais me zapper définitivement pour passer à autre chose. Tu l'as fait avec ta Frankie, t'en mieux. Mais j'avais oublié un truc. Un tout petit truc infime. C'est que j'étais amoureuse de toi, et que je ne pouvais pas remédier à cela en me cassant. » et sa respiration se coupa pendant un instant. Cela faisait des mois qu'il ne l'avait pas entendu parler de leur amour, qu'elle n'avait pas dit qu'elle était amoureuse de lui. Et même s'il ne ressentait presque plus rien pour elle – oui on ne peut jamais effacer tous les sentiments – sa dernière phrase lui fit un effet... étrange. Douleur et contentement. Ses sentiments et pensées étaient toujours mitigées lorsqu'il pensait à Levanah ou lui parlait. Plus la conversation avançait, plus il s'en rendait compte. Il ne savait même pas quoi répondre. « Alors je ne viens pas m'excuser, rattraper le temps perdu ou retrouver ton amour... non. Je veux juste que tu me dises que ça ira mieux. Que ces putains de souvenirs vont arrêter de nous faire souffrir. On a beaucoup trop donné. », il aurait aimé lui dire que tout ça allait finir vite. Le problème, c'est qu'il n'en savait rien. « J'veux que la culpabilité s'en aille. Mais ça serait trop beau que tu me dises tout ça. », effectivement, il n'était pas là pour lui enlever sa culpabilité. Il aurait aimé l'agrandir, qu'elle souffre autant qu'il avait souffert. Peut-être même plus. Khris avait l'impression qu'elle n'en avait toujours rien à foutre, que leur histoire n'avait pas existé. Malgré sa voix tremblante et son visage qui trahissait ses émotions, il continuait de penser qu'elle ne se sentait pas coupable en réalité.
- Arrêtes de faire ta victime. Je vais pas te dire que tout ira bien, tu vas bien. T'es bien sans moi. Oui je sors peut-être avec Frankie, mais ça veut pas dire que je pense plus à toi. Ça veut pas dire que j'arrive à t'oublier. T'es pas la seule dans cette histoire et ta culpabilité à deux balles, j'm'en fou. Tu sais quoi ? Sens-toi coupable et souffre, c'est ton tour.
Il croisa les bras sur son torse, déterminé à lui faire du mal. Ce n'était peut-être pas la meilleure solution pour mettre fin à leur histoire et à tout ce qui s'y attachait. Mais c'était sa seule défense contre elle, contre les autres, contre ceux qui étaient susceptibles de le blesser comme elle l'avait fait.
Je me mis à rire nerveusement. Si nerveusement que pour un peu, je passais pour une hystérique. « Je n'ai jamais dit que j'étais la seule Khris. Je peux même te dire que j'ai mérité et mérite de souffrir encore. Je m'en fous, je peux encaisser ça toute ma vie mais sincèrement... ça servirait à quoi ?! » Mon regard devenait agressif et mes poings tremblaient, serrés. Je sentais mes ongles se rentrer si fortement dans la chair de ma main qu'en temps normal, j'aurais crié de douleur. « Et ne dis pas que je fais la victime. Tu peux sortir cet argument à qui tu veux mais pas à moi. Les victimes c'est les faibles. Tu vois j'ai choisi d'être le bourreau en te laissant et j'en suis fière. Crâche-moi plus fort à la gueule, vas-y ! Je sais que tu en as envie. Si tu veux que je souffre c'est le moment idéal pour enfoncer le coup plus profondément. » Ma provocation était certes sauvage mais aussi pleine d'une détresse cachée. Mes larmes ne trouvaient pas la sortie et restaient piégées au fond de ma gorge, noyant ma colère par les paroles que je te jetais au visage. « Mais ne redis jamais que je suis bien sans toi. Si j'étais si bien que ça, je serais pas venue aujourd'hui. Je chercherais pas une putain de solution. C'est comme si... » Je marquais une pause afin de reprendre ma respiration, mon regard toujours planté dans le tien. « C'est comme si je cherchais à retrouver la sensation que ça faisait quand notre amour n'était pas mort. »
Instantanément, ma colère retomba. Je sentais mon coeur se calmer et reprendre son pouls habituel ainsi que le rose de mes joues s'estomper. Mes mains ne tremblaient plus et mes paupières se fermèrent quelques secondes. J'avais tout dit. Ce qui me rattachait à toi était la douleur d'un deuil que j'aurais du faire depuis longtemps. Que nous aurions du faire depuis longtemps. La barrière qui séparait précédemment mes larmes s'estompa mais ma fierté finit par les renflouer au plus profond de mon être. « Mais je respecte ton choix, au moins je suis fixée. Si tu préfères me haïr c'est ton problème mais retiens bien ça dans ta petite tête Jones, c'est qu'amour, haine ou quoi que ce soit d'autre je reste l'objet de l'émotion que tu me voues, quoi qu'il arrive. » J'avais prononcé ma phrase si lentement et de façon si piquante qu'un serpent n'aurait pas fait pire médisance. C'était comme si ma gorge crachait du venin. Je te jetais un long regard aussi franc qu'attristé avant de me diriger vers la porte. J'avais besoin d'air. Tu étais trop important pour que je puisse oser regarder à nouveau à quel point je t'avais fait souffrir. Mon coeur n'était pas serein, mais je sentais un nouvel horizon s'ouvrir, comme si mes peines à ton égard avaient trouvé le chemin d'une quelconque rédemption. Certains touchaient le fond et creusaient encore. Dans notre cas, nous avions creusé assez profondément le tombeau de notre histoire passée.
Levanah se mit à rire, Khris éleva les sourcils machinalement, vraiment ? Elle se mettait vraiment à rire dans une situation ? En regardant son visage il comprit vie que c'était un rire nerveux, rien d'autre, même s'il avait d'abord cru qu'elle se foutait de sa gueule. « Je n'ai jamais dit que j'étais la seule Khris. Je peux même te dire que j'ai mérité et mérite de souffrir encore. Je m'en fous, je peux encaisser ça toute ma vie mais sincèrement... ça servirait à quoi ?! », il devait bien avouer qu'elle avait raison. Ça ne lui servirait à rien de remuer le passer pour toujours et c'est cette phrase qui lui fit réellement comprendre qu'ils allaient passer à autre chose après ça. Il le savait, mais, ce fut comme un électrochoc. Ils n'étaient plus ensemble depuis un bon moment et il était temps d'arrêter de se faire du mal, de s'autodétruire et de la détruire elle. Il arriva à se calmer, un peu, mais ses pensées restaient tout de même confuses. « Et ne dis pas que je fais la victime. Tu peux sortir cet argument à qui tu veux mais pas à moi. Les victimes c'est les faibles. Tu vois j'ai choisi d'être le bourreau en te laissant et j'en suis fière. Crâche-moi plus fort à la gueule, vas-y ! Je sais que tu en as envie. Si tu veux que je souffre c'est le moment idéal pour enfoncer le coup plus profondément. », mais il n'en avait plus envie à cet instant. Il la reconnaissait, faussement forte comme elle l'avait toujours été, si fragile en réalité. La faire souffrir ne changerait rien, la vengeance le satisferait pendant un certain temps et puis les souvenirs et l'amertume reviendrait le hanter peu après. « Mais ne redis jamais que je suis bien sans toi. Si j'étais si bien que ça, je serais pas venue aujourd'hui. Je chercherais pas une putain de solution. C'est comme si... », elle s'arrêta une seconde et Khris avait peur de ce qu'elle allait dire, serait-ce plus horrible ou plus doux ? Cette pause qu'elle avait prise sembla durer des millions d'années, comme si tout tournait au ralentit. Et la suite de sa phrase résonna en lui pendant quelques minutes après qu'elle l'ait dit ; « C'est comme si je cherchais à retrouver la sensation que ça faisait quand notre amour n'était pas mort. ». Elle l'avait dit, c'était fini entre eux, mais il n'y avait jamais réellement eut de rupture et c'était comme si elle arrivait maintenant, après tout ce temps où elle avait été laissée en suspend. Elle avait dit ce qu'il fallait, ce dont il avait besoin, une preuve que tout cela était bien fini, que leur amour était mort et enterré pour toujours. Il lui fallait cette confirmation pour aller mieux et elle venait de lui donner. S'il n'était pas encore en colère contre elle il l'aurait prit dans ses bras, il se contenta de la regarder. Khris sentit qu'elle se calmait aussi, elle se détendit au même moment que lui. « Mais je respecte ton choix, au moins je suis fixée. Si tu préfères me haïr c'est ton problème mais retiens bien ça dans ta petite tête Jones, c'est qu'amour, haine ou quoi que ce soit d'autre je reste l'objet de l'émotion que tu me voues, quoi qu'il arrive. », elle avait tout de même mit le doigt sur un point sensible. Quoi qu'il ait pu se passer entre eux, elle ne lui restait pas indifférente, il avait toujours des sentiments pour elle. Bien qu'il ne l'aime plus, il ressentait de la colère contre elle et il aurait préféré rester indifférent. Cette phrase lui picota le cœur, pendant quelques minutes il tenta de reprendre son souffle. Mine de rien, c'était fatiguant de se disputer contre elle.
- T'as raison.
Il avait du mal à l'admettre, mais le lui dire était encore plus dur. Ces quelques mots avaient faillit ne pas sortir d'entre ses lèvres.
- J'en ai marre de te détester, ça m'épuise et ça ne m'apporte rien. Rien que de la souffrance en plus dont je n'ai largement pas besoin. Au final, t'as peut-être bien fait de t'en aller. - Il marqua une pause douloureuse en évoquant ce souvenir – On se serait détruits, on le savait, mais je n'avais pas le courage de m'en aller, parce que je t'aimais.
Khris avala sa salive, c'était toujours aussi dur de repenser aux sentiments qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre à cette époque.
- T'as été la première, la première que j'ai réellement aimé. Et il nous faudra du temps pour passer au dessus de ça, mais ça ira. Tout ira bien maintenant.
Comme elle le lui avait demandé, il l'avait dit. Mais maintenant, il le pensait vraiment.
« T'as raison. » Je me stoppai nettement, face à la porte. Ce fut comme si mon coeur venait d'imploser dans ma poitrine. Étais-tu en train de te ficher de moi ? J'avais tenté la confrontation, tu avais misé sur la rédemption. Peter Pan était devenait un homme. « T'as été la première, la première que j'ai réellement aimé. Et il nous faudra du temps pour passer au dessus de ça, mais ça ira. Tout ira bien maintenant. » C'était trop, beaucoup trop. Je n'étais plus Levanah la femme forte et fière. C'était Levy la jeune fille apeurée et fragile qui prenait sa place, le temps d'une minute ou deux. Je détestais cette sensation d'impuissance et pourtant j'y succombais sans protestation. Les larmes me montaient aux yeux sans difficultés à présent. La sincérité de mes paroles m'avait touchée.« Tout ira bien... » répétais-je calmement.
Je me retournais vers toi doucement, aucune expression particulière ne venant s'y afficher. Seule la profondeur de mon regard humide fondit dans le tien. « Quand tu seras prêt je serai là. Je serai toujours là d'une certaine manière. » Ce furent mes dernier mot à ton adresse avant un bon moment, mais peu important. La colère était encore présente mais je gardais l'espoir. Nous étions faits pour nous retrouver: l'amour s'était certes consumé mais il n'y avait aucune place pour l'indifférence entre nous. Le mot ami était encore trop fort mais me brûlait la langue, paradoxalement. Envie de le dire, impossibilité de le faire. Peu importait, je savais être patiente. Je le devais.
Le silence assourdissant. Oxymore si réaliste qu'il m'empoignait le coeur. Plus rien à dire, plus rien à faire. Entre toi et moi, le temps allait faire le reste. Mes yeux étaient toujours humides d'émotion alors que je traversais la rue afin de me diriger vers ma voiture. Je n'avais pu envie de crier, ni de frapper dans tout ce qui bougeait mais de rire. Sans crier gare je m'exécutais, euphorique. Rien n'était gagné d'avance... mais j'avais la conviction que contrairement à notre amour, toi, je ne t'avais pas entièrement perdu.