J'avais la sensation d'avoir perdu le fil des jours mais paradoxalement, le temps ne m'a jamais paru aussi long. M'installer à San Francisco a été une décision prise en l'espace de seulement quelques heures, sous le coup d'émotions incontrôlées et devenues ingérables. Je n'avais pas d'explications précises, j'avais simplement ressenti ce besoin compulsif de m'enfuir le plus loin possible de la personne aimée car je fais partie de ces gens dont les sentiments débordent et foudroient. Sans Jessie, je ne sais pas si j'aurais réussi à m'installer de façon décente dans cette ville. Les visages qui parsemaient cette ville ne m'étaient pas encore familiers. Elle était la seule personne en laquelle j'avais pleinement confiance et la seule personne avec laquelle j'arrivais à être enfin moi-même, à quelques détails près. Cela faisait longtemps que je ne l'avais plus vu et que je n'avais pas eu de conversation en tête avec elle et c'est certainement pour cette raison qu'elle m'avait donné rendez-vous au Irving Street Coffee.

Son aide m'avait été plus que précieuse. Elle avait pratiquement tout organisé afin que je me plaise et que je me sentes à l'aise et je lui en été très reconnaissante même si je ne lui avais pas encore montré concrètement. Il était rare que je demande de l'aide aux autres mais pour moi, il était question d'une urgence et je supposais que Jessie n'avait pas du bien saisir mon comportement soudain et assez brutal. Sans que ce ne soit de sa faute, je redoutais les questions qui devaient germer dans sa tête car ce serait en revenir à la raison de toute cette agitation inattendue. Je lui avais expliqué, sans trop m'attarder sur les détails, que ma relation commençait à prendre trop d'ampleur à mes yeux et que les choses devenaient de plus en plus douloureuses pour moi. Sur le moment, Jessie ne s'était pas attardée à me poser des questions. Elle a simplement fait son possible pour que je puisses m'en aller au plus vite.

Je n'étais pas du genre à prendre les choses au sérieux mais lorsque je le faisais, comme dans le cas présent, on pouvait commencer à s'inquiéter. Malgré tout ce que j'ai pu vivre avec ce garçon, je restais cette fille lâche et fuyarde face à tant d'importance. Je restais celle qui s'en va pour éviter une chute à laquelle elle ne pourrait pas survivre et j'avais bien du mal à m'expliquer sur le sujet, même à l'heure actuelle, alors que j'avais enfin obtenu mon appartement à San Francisco, y penser ou même prononcer le prénom de cet homme me nouait la gorge à tel point que les larmes tentaient de percer mes yeux. C'était une douleur lancinante, sur laquelle je ne faisais que fermer les yeux. Et je me voilais la face, bien sûr, je me mens à moi-même.

C'est en étant quelque peu anxieuse que je quittais donc l'appartement afin de rejoindre l'endroit où Jessie m'attendait. Je suis entrée dans le café en passant ma commande pour ensuite chercher du regard la jolie rousse. C'est au bout de quelques secondes que je l'ai aperçue. Je me suis dirigée vers elle pour finalement m'assoir face à elle, un léger sourire effacé sur les lèvres. Jessie, je suis contente de te voir. Mon sourire s'était un peu agrandi après cette phrase car j'étais sincère. Comment vas-tu ? Je voulais te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi ces derniers jours.