2 février 1999

Assise sur son bureau d'école, la jeune fille extirpa de son cartable rose fushia un petit carnet en même temps que sa trousse prête à exploser et son cahier de classe au protège-cahier décoré de dessins enfantins. Elle mit de côté la trousse et le cahier après avoir sorti un stylo pailleté. la petite suédoise ouvrit le carnet et se mit à déchiffrer avec difficulté les mots, proprement copiés. La liste qui se trouvait à l'intérieur était, parfois proprement rayée, et quelque fois soulignée à la hâte, comme quelque chose qu''elle se répétait, inlassablement, incessamment. Ce qu'elle avait sous les yeux lui servait de pense-bête quotidien.

Citation :

- faire un bisou à papa pour le bonbon.
- dire à maxime qu'il m’énerve.
- racheter du lait pour le petit-déjeuner.
- pas oublier le livre de la bibliothèque.
- amener du pain à papa pour le voyage.
- passer l'aspirateur à la maison.
- faire un câlin à maman et un bisou.

29 septembre 2000

Ne se dressaient devant elle que d'imposantes masses noires. L'obscurité de cette petite pièce faisait cauchemarder la petite suédoise depuis son pus jeune âge, d'autant plus qu'elle dormait à même le sol. Transpirante et haletante, elle avait refait le rêve. Ce rêve qui la hantait depuis des années. Tout semblait normal. Banal. Anodin. Répétitif. et pourtant, elle le savait;il allait changer sa vie. Comme une révélation. En serait-ce une ? Putain, qu'est-ce qu'elle pouvait avoir chaud. Les images, ces images resteraient à jamais gravée dans sa mémoire. Tout semblait être triste, tout semblait s'écrouler au passage de la jeune fille. Elle sait, elle sent. Où était passé cette petite enfant, insouciante, sensible et délicate suite au décès de sa mère ? Elle avait compris, tout compris. Elle le savait, il fallait se barrer au plus vite, sinon, c'était sa vie qui était mise en danger. Les neurones de la fillette âgée de dix années étaient en ébullition. Dangereuse, elle était dangereuse. La vie avait repris ses droits, la main sur les yeux, et tout reprend. L'image qu'elle s'était faite de l'enfant parfait l'avait percé et s'était envolé au delà de son âme. La vie l'avait dégoutée; à jamais. Elle s'extirpa de ses draps et amena ses jambes engourdies jusqu'à la cuisine sous le ciel grondant. Elle essayait tant bien que mal de se frayer un chemin entre les mégots, les joints et les bouteilles vides de son père. Les mégots, les joints et les bouteilles vides de son père. De son père. Père. Père ...E si c'était simplement lui le fautif dans toute cette histoire ? Son père, jusqu'à présent vu comme un éternel paternel fidèle à lui même et responsable. Mais voyez-vous, employé dans une station service ne trompe pas. Elle s'assit brusquement sur le canapé, ou plutôt le matelas qui servait de canapé en posant par terre son verre d'eau, et sortit de son pyjama le carnet tant idolâtré et ce stylo pailleté. L'écriture rageuse de la suédoise se reflétait dans les yeux perlés de cette dernière. Elle était remplie de rage et rien ne pouvait l'arrêter ; la fougue qu'elle extériorisait était trop forte pour être, ou devenir contrôlable. Ce qui est sûr, est que son père n'a pas à lutter contre la gabegie ; ses excuses seront toujours bonnes pour arriver quelques heures plus tard au domicile, aussi futiles soient-elles.