Le jour J était enfin arrivé. Cet après-midi j’avais rendez-vous à l’hôpital pour me faire tirer le sang, et pour voir si OUI ou NON j’étais enceinte. Malheureusement, je n’avais pas eu d’autres rendez-vous que pour l’après-midi à 1 :30 pm, du coup, depuis mon réveil à 9 :00 am je devais absolument rien manger, rien boire. La joie. Surtout quand on est comme moi, et qu’on aime bien grignoter et qu’on a toujours faim. Encore une fois, nous pouvions remarquer mon organisation foireuse de me réveiller à la dernière minute pour appeler l’hôpital. Ça m’apprendra à ne pas prévoir à l’avance.

Tout de même, j’avais eu de la chance, mes deux heures de cours de ce matin m’avaient pratiquement fait oublié que mon dernier repas remontait à la veille. Après avoir fini les cours, j’étais repartie à mon appartement – bien vide sans elle, il fallait l’avouer. J’avais pris tout ce que j’avais besoin pour l’hôpital, comme ma carte de mon groupe sanguin (ça peut toujours être utile). Je m’étais arrêtée longuement devant mon miroir derrière la porte de ma chambre. J’avais soulevé mon tee-shirt pour observer mon petit ventre tout plat. Non, non, je ne pouvais pas être enceinte. Je m’étais renseignée sur internet pour en savoir un peu plus sur les femmes enceintes, et je n’avais pas les symptômes d’une femme qui avait un petit machin vivant en elle. Pas mal aux seins, ni au dos, ni de nausées. J’avais seulement plus mes règles depuis trois semaines maintenant, et de temps en temps j’avais mal au ventre. Une douleur que je connaissais, puisque c’était celle qui accompagnait d’ordinaire mes menstruations, seulement aucune trace de sang. Puis il fallait préciser, que j’avais utilisé un test de grossesse (négatif of course). Oh my god, une première pour moi ! Mon baptême de test de grossesse, hahaha. Bref, blague, à part. Je m’étais mise à rigoler d’une façon étrange devant mon miroir à cet instant-là, un rire coincé d’une bonne sœur avec un balai dans le cul. C’était fou ça, même dans des moments critiques, j’arrivais à rire pour des conneries ! Je crois que j’aimais bien ce côté-là de ma personne. Transformé le mal en bien. Toutefois, je ne voyais pas le fait d’être enceinte comme le mal, comme un cadeau du diable. C’est seulement que je me sentais jeune, pas prête, irresponsable, pas stable, et surtout je ne savais pas du tout comment j’allais finir. Je n’avais aucune idée de mon avenir, et j’avais peur. D’un autre côté, je me priai de vivre au jour le jour, mais je pense qu’en tant une jeune femme de vingt ans et demi, il fallait que je pense un peu à mon futur. La vie est courte mes amis, il faut savoir la saisir. Courte et fragile, c’était une évidence.

Il était à présent 1 :15 pm quand j’arrivais devant l’hôpital. J’étais venue à pieds, comme à ma plus grande habitude. J’avais le permis en poche, mais plus de voiture (pour la petite anecdote, j’avais fait engloutir ma voiture dans des marécages en Louisiane, like a boss). De toute façon, je préférais utiliser mes jambes pour avancer dans San Francisco. Je n’aimais pas trop les transports en commun à cause du fait qu’ils étaient pratiquement toujours remplis. Eh oui, même une fille à 100% sociable, peut avoir des petits moments d’agoraphobie dans sa vie, moi j’vous le dis. Je ne me sentais pas à l’aise autour de pleins de gens, et des inconnus en plus. Je me sentais en général comme une petite fourmi qui avait peur qu’on l’écrase.

Mon grand ami Yuri devait me rejoindre maintenant, là, à cet instant. Je regardais ma montre et il avait déjà cinq minutes de retard. Même si la plupart du temps, j’étais un boulet sur pattes, j’étais toujours ponctuelle (sauf quand justement une boulette venait s’abattre sur un boulet comme moi). Je n’aimais pas les hôpitaux, ça sentait les médicaments, le plastique, les malades, la mort. J’avais eu malheureusement la chance ces derniers mois de venir souvent à l’hôpital. Non pas pour moi, mais pour des amis qui avaient des petits soucis (maladies, tentatives de suicide, et j’en passe). En bientôt trois ans de présence à San Francisco, je crois que j’avais battu le nombre de fois que je m’étais rendue à l’hôpital. Avant la Californie, je n’allais pratiquement jamais à l’hôpital. Bien sûr vous vous dites, comment fait cette fille maladroite pour ne jamais aller à l’hôpital ? J’étais maladroite, certes, mais je n’ai jamais connu de plâtre, de béquilles ou quoique ce soit. Je n’ai jamais eu de blessures graves, et heureusement. Je pense que je dois avoir un bon ange gardien. Le nombre de fois que j’aurais pu me blesser gravement, voir même mourir, est un peu affolant ! Comme cette fois où ma voiture s’est enfoncée dans l’eau sombre, j’étais dedans et j’ai réussi à m’en sortir. Mon frère prend soin de moi, je le sais, je le sens. Je sens qu’il m’empêchera de mettre un terme à ma vie dans huit ans, comme mon petit-ami.

Une ombre apparut à mes pieds, et je relevai derechef ma tête pour voir le grand brun. Je lui souris, et me mis sur la pointe des pieds pour l’enlacer. « Hey Yu… Ça va ? » Lui demandais-je.

Je stressais. Je stressais à mort comme une crevette qui savait qu'elle allait finir en apéritif avec de la mayonnaise. Oui... J'ai toujours de drôle comparaisons. Cela vient peut-être de mes problèmes capillaires comme le disait si bien Gossip Girl, mes problèmes de colorations atteignaient mes neurones. Au secours! « Ça va merci … et toi pas trop anxieuse ? » Je grimaçai en guise de réponse pour dire qu'au contraire, je l'étais plus que tout. Il s'excusa pour son retard, je ne répondis rien. Ce n'était pas grave. Quant au fait que j'étais prête... Je crois que Yuri avait bien fait de me prendre la main pour me tirer vers l'intérieur du bâtiment. D'une main je tenais la lanière de mon sac, et de l'autre je serais celle de mon meilleur ami dans la mienne. On devait peut-être avoir l'air d'un couple comme cela, mais, ce n'était pas plus mal, ça avait le don de me rassurer.

« Tu dois aller à un endroit spécifique ou ?... » « Déjà à l’accueil. » Lui répondis-je en souriant un peu au jeune homme. Je m'avançai alors vers l’accueil où une jeune femme s'y trouvait. Elle était en train de taper sur son clavier, tellement concentrée. Je lâchai une formule de politesse. Rien. Ses yeux étaient toujours posés sur son écran. Géniiiiiiial, ça commençait bien. Je toussais un peu et finalement elle leva les yeux. « Oui, c’est pourquoi ? » « J’ai pris rendez-vous, pour une prise de sang. Je suis Hendrick, Enora Hendrick. » La secrétaire me regarda un instant sur rien dire puis tapa sur son clavier à la recherche de mon nom. En même temps elle s’amusait à mâcher son stylo. « Huuum, vous allez tout au fond du couloir à droite pour attendre dans la salle d’attente. Une infirmière vous appellera. » Je la remerciai brièvement et partis en direction du couloir à droite. Yuri était sur mes talons, je ne disais trop rien préférant me concentrer sur où j’allais.

[…]

« Mademoiselle Hendrick ? » Je relevai la tête vers la porte d’entrée. Je lançai un petit regard affolé à mon meilleur ami et me leva en récupérant ma veste et mon sac. Je suivis l’infirmière dans une salle à côté, assez grande où le fauteuil de la victime se trouvait. Je ne savais pas trop si Yuri allait rentrer ou m’attendre dehors quoiqu’il en soit, je déposais mes affaires sur une chaise et m’installait calmement sur le fauteuil. « Tu as déjà fais des prises de sang ? » « Euh, non, c’est ma première fois en fait… » Dis-je hésitante. Putain, je détestais les aiguilles, ça me faisait flipper. Pas de panique. Ne panique pas, regarde pas l’aiguille dans ta peau, regarde pas l’aiguille dans ta peau.