Gueule de bois. Ouais, c'était le bon mot pour te qualifier ce matin. Une semaine que tu prenais un putain de plaisir à t'envoyer en l'air. Pour une traîné, comme tu dirais. Qui l'aurait cru. Tu foutais rien, t'avais rien envie de faire, en fait. T'avais prit du retard dans ton boulot, parce que tu préférais boire et fumer toute la journée que de voir des connasses sourire devant ton appareil. Tu sortais, trop. Tu couchais, trop aussi, plus que d'habitude. T'avais la haine, c'était même pas imaginable. Mais aujourd'hui, t'avais pas eu le choix, tu devais te réveiller et aller à ce fichu rendez vous professionnelle. Paraît que ça valait le coup, bon dieu ce que toi tu t'en fichais. Mais t'avais fait un effort. Fallait bien, sinon t'allais tout perdre, pour une traîné. Une paire de lunette sur le nez, pour cacher ta mine dépitée et paraître un minimul sérieux. Dans l'ascenseur, tu fais pas attention aux gens qui entre, qui ressorte. Le dos appuyé contre un des quatres murs, les yeux baissés sur tes chaussures, tu pourrais presque t'endormir, là tout de suite. Mais non, un grincement et hop, l'ascenseur se bloque. Tu relèves le visage à l'entente d'une voix trop familière à ton goût, et merde. "Fais chier.", tu marmonne entre tes dents avant de t'avancer du côté de la blonde en question, ignorant complètement sa présence. Tu appuies nerveusement sur le bouton de secours. Pitié que ce taudis se remette en marche tout de suite.

Journée de merde, elle le sentait, ça allait être une journée de merde. Dès lors qu’elle s’était levée, après s’être cognée contre le mur, s’être renversée son café sur elle, oublié ton téléphone portable et ne s’en rendre compte que lorsqu’elle était à quelque pâtés de maisons de son loft et à avoir Elek de le lui apporter…et maintenant ça. Bordel quelle journée de merde, ça allait en s’empirant, manquerait plus qu’on lui annonce qu’elle devait travailler avec Heath, ce serait la cerise. Deux photographes dans le même immeuble au même moment…cela ne pouvait qu’être ça non ? Pitié, non. Elle préférait ne pas y songer, ils avaient d’autres choses à s’occuper pour le moment. Elle le regarda s’activer contre le bouton l’ascenseur, il ne lui avait accordé aucune attention, il avait encore moins envie qu’elle de se retrouver sur sa route. Il fallait que ça arrive aujourd’hui, dans ce fichu immeuble, cette fichue cabine. « Je crois que tu peux arrêter maintenant, on est coincés » dit-elle simplement d’une voix neutre avant de pousser un soupir et de sortir son téléphone, bien sûr aucun réseau comme s’ils avaient traversé un espace temps. Elle croyait que cela n’arrivait que dans les films, restés enfermés dans un ascenseur avec la personne que l’on a le moins envie de voir mais faut croire que non. « C’est un immeuble fréquenté, ils auront vite faits de réparer ça » Aucune animosité, tentative de se montrer aimable. Elle avait sacrément besoin d’une cigarette. Pitié, faites-moi sortir de là suppliait-elle mentalement.

Lera, quand même,  c'était la plus grosse merde qui pouvait t'arriver en ce moment. Tu voulais pas la voir, pas l'entendre, tu voulais même pas savoir si elle était toujours en vie. Elle t'avait prit pour un con et bordel ce que tu le prenais mal. Trop rancunier, trop fier certainement pour chercher à la comprendre. Elle te parle, mais tu l'écoute pas. Tu donnes un coup  de poing sur les boutons, peut être que ça fonctionnera. T'as pas envie de rester dans le même espace restreint qu'elle. Même si t'es pas con, tu devines que ton contrat qui vaux le coup, c'est avec elle. Quand tu vois que rien ne se passe, tu te réinstalle à ta place initiale, te posant à même le sol. Le temps se fera long, tu le sais déjà, et tu vas pas attendre debout comme un piquet. Tu retires tes lunettes pour frotter tes yeux, puis tu les ranges sur le col de ton t-shirt. Tu restes toujours aussi indifférent à Lera, même si l'envie te ronge de lui lancer un regard. Mais c'est au dessus de toi. "Qu'ils se grouillent, j'ai pas l'intention de passer ma vie au même endroit que toi.", t'avais été si froid. Adieu la sagesse de vos derniers instants. T'avais changé si vite d'attitude face à elle que tu te perdais toi même dans ce que tu pensais d'elle.

Ses paroles et son attitude ne surprirent pas Lera, vu leurs dernières altercation sur Facebook, Heath avait été très clair à ce sujet. Il ne voulait plus rien avoir à foutre avec elle, elle s’était donc appliquée à l’éviter histoire de ne pas envenimer la situation et de faire face à ce qu’elle aurait dû considérer comme une erreur, mais les voilà aujourd’hui. Le destin leur jouait définitivement des tours, elle en était certaine. Quelqu’un devait lui en vouloir là-haut pour la pourrir autant. « T’inquiètes donc pas, on ne va pas passer toute notre vie ici » bien sûr, elle n’avait pu s’empêcher de s’engager sur le chemin du sarcasme et l’ironie. Elle s’était dit que si jamais ils venaient à se rencontrer, elle ne devrait pas le provoquer, mais c’était précisément ce qu’elle était entrain de faire présentement. « J’imagine que t’as compris que nous allions bosser ensemble durant les prochains jours, je m’en réjouis d’avance » Elle ne savait pas ce qu’elle disait, elle ne contrôlait le flot de ses paroles, elle aurait sûrement dû la fermer et attendre dans qu’on les sort de là, mais non, il fallait qu’elle l’ouvre, comme d’habitude. Et merde, qu’est-ce qu’elle avait besoin de fumer là. Pour essayer de compenser cette envie, elle avala une gorgée de son café tiède.

Non seulement tu devais rester avec elle dans ce fichu ascenseur, mais elle avait l'air de prendre un malin plaisir à te lancer des piques. T'essayes de l'ignorer, tu réponds pas, tu la regardes pas plus que ça. Tu fermes les yeux et t'essayes de te reposer, que cette panne te serve à quelque chose. Et elle reprend la parole, comme si elle avait pas remarquer que tu voulais pas l'entendre. Tu soupires longuement, assez fort pour lui faire comprendre qu'elle t'ennuie. "Ouais, je suis pas encore con. Maintenant si tu pouvais la fermer, putain, ça me ferait des vacances.", et puis tu crois entendre l'ascenseur redémarrer alors tu te relève.  Mais non.. fausse alerte. Journée de merde, et tu sais déjà que si tu bosses avec elle, ça continuera comme ça jusqu'à la fin du contrat. Tu finis par poser ton regard sur elle, et bordel tu regrettes aussitôt. Tu la trouvais si belle que ça en devenait presque incompréhensible. "Et sinon, Vegas c'était bien ? Tu t'en ai envoyé combien ?", puisque t'es là au final, autant lancer la conversation.

« Si tu veux » Pitié qu’ils viennent rapidement les sortir de là. Elle n’allait pas tenir une seconde de plus, bon Dieu de bonsoir pourquoi diable fallait-il qu’elle se retrouve coincée, avec lui ? Elle aurait dû rester dans son lit ce matin, de toute façon, si Greg voulait s’entretenir avec elle, ils pouvaient bien le faire hors cadre officiel…bon, ok, c’était impossible, ils n’étaient pas dans le cadre privé et leur relation n’avait aucun rapport avec le boulot. Elle poussa un soupir avant de sortir son téléphone. Elle avait du temps à tuer autant essayer de passer au prochain niveau dans Candy Crush, tant qu’à faire. Heath ne voulait pas discuter et de toute façon, elle ne voyait pas ce qu’elle pouvait lui dire, tout comme elle ne comprenait pas pourquoi il était aussi en colère. Sans doute parce que ce fut elle qui fut la première à l’acculer. Ils avaient tous les deux joué mais elle, avait gagné et elle le connaissait suffisamment pour savoir qu’il détestait presqu’autant qu’elle perdre. « Qu’est-ce que ça peut te foutre ? » répondit-elle du tac au tac, une seconde il lui demande de la fermer et l’autre il la juge. Sérieusement, elle ne parvenait pas à le suivre et bordel lui prendre la tête dès le matin, elle avait mieux à faire. En plus de son café qui s’était refroidi et son incapacité à marquer des points à candy crush. « Je croyais que tu voulais, je cite, des vacances ? » Elle était sarcastique, provocatrice, comme d’habitude.

Ce que ça pouvait te faire ? Tu sais pas vraiment, t'essayes de te persuader toi même depuis des jours et des jours que tu t'en fiche de ce qu'elle fait de sa vie, et de son cul par la même occasion. Mais à peine tu la croises que tu lances le sujet. C'est comme si tu pouvais pas aller contre ça, t'avais sans arrêt besoin de savoir ce qu'elle faisait, de porter un jugement, de t'énerver de ton côté. Tu passes ta main sur ton visage, « Ça m'intéresse de savoir ce que tu fais de ton cul. ». Tu poses ton regard sur elle alors qu'elle a le nez fourré dans son téléphone. Elle t'accorde même pas un seul regard, ça te fou les nerfs de la voir comme ça. Et la voilà qu'elle use tes mots contre toi, tu te dis que finalement elle a peut-être autant envie de te parler que toi. Elle a le droit, tu lui avais clairement fait comprendre que t'avais jamais ressentie quoi que ce soit pour elle, l'autre soir alors qu'elle était à Vegas. Trop de fierté en toi, certainement. Soit, au contraire de te faire taire et d'attendre calmement dans ton coin qu'on vienne vous ouvrir, tu l'ouvres à nouveau. « Je t'autorise à l'ouvrir quand c'est moi qui pose des questions. », puis tu lui arraches son téléphone des mains. Bordel ce que ça pouvait t'énerver qu'on n'écoute pas complétement ce que tu disais. Et là, c'était le cas.

Ca l’intéresse donc qui s’occupait de son cul ? Tiens donc. Elle ne réagit cependant pas, du moins fit mine que non continuant de s’activer sur son portable. Dieu que ce jeu était frustrant ! Elle était si proche du niveau cent qu’elle trouvait cela agaçant de ne pas y parvenir. « Je m’en souviens plus vraiment, j'ai perdu le compte un nombre à trois chiffres, c'est Vegas quoi » Elle répondait là à sa question, sans lever son nez de portable, utilisant un ton détaché pour lui balancer l’info. Ce n’était pas complètement vrai, du moins, elle ne s’en souvenait pas. Elle avait passé la majeure partie de son temps bourré et sous l’emprise de drogues, pour changer. Soudain, alors qu’elle sentait venir le coup suprême qui lui permettrait d’amasser beaucoup de points, Heath lui arracha le téléphone des mains « Putain Strauss me fais pas chier, on est coincés ici, okay mais putain rends-moi mon téléphone et occupe tes mains comme tu veux, tu peux même te branler, j’en ai rien foutre » Elle s’était redressée et lui faisait désormais face, son regard dans le sien, sévère « Mais bordel, laisse-moi tranquille pour le temps qu’on va rester ici, tu dis n’avoir rien à battre de moi, bah agis comme tel et maintenant rends-moi mon téléphone »

En l'espace de quelques secondes tes poings s'étaient resserrés. Un nombre à trois chiffres ? Ton sang n'avait fait qu'un tour. Tu parlais pas, au risque de l'insulter de tout les noms. Tu bouges pas non plus, tu sais qu'au moindre faux pas supplémentaire, y a de grande chance que t'as même ne face qu'un aller. Tu voulais pas, même si ça te ronger à un point inexplicable. Il lui fallut quelques secondes seulement pour se retrouver face à toi après que tu lui ai prit son téléphone. Tu jettes un coup d'oeil à ce qu'elle faisait, par pur curiosité. Candy crush, elle en avait du temps à perdre. Enfin, c'était le cas ouais. La blonde avait pas l'air contente, elle hurle presque et tu te demandes bien si y a pas moyen que des gens l'entendent. Tu ranges son téléphone dans la poche arrière dans ton jeans, ne prenant pas compte de ses dires. « Bien sûr que je m'intéresse à toi, t'es la mère de mon futur enfant.. Tu marques une pause, un sourire provocateur scotché sur les lèvres. Ah, mais non. C'est vrai, tout ça n'est qu'un mensonge. » Tu la cherche, tu le sais. Mais autant en profiter, puisqu'elle est là. Puisque vous avez rien d'autre à faire. Elle était si près de toi que tu pouvais pas t'empêcher de loucher sur ses lèvres, rien qu'une fraction de seconde, c'était à peine visible ouais. Faut que tu sortes, tout de suite.

Elle poussa un soupir à sa remarque, lasse de toute cette histoire et merde qu’est-ce qu’ils foutaient là-haut ? Pourquoi mettaient-ils autant de temps à venir les sortir de là ? Nous étions quand même dans un magasine réputé et connu, bon dieu, allaient-ils les laisser passer la nuit ici ou quoi ? « Nous avons tous les deux menti » dit-elle simplement, s’étant forcée au calme. Ils devaient encore rester là ensemble pendant elle ne savait combien de temps et il valait mieux d’une certaine manière qu’ils n’en viennent pas aux mains, le vainqueur était déjà tout désigné, et elle tenait à son visage, des marques indélébiles très peu pour elle, cela lui rappelait bien trop l’époque où elle était payée pour se soumettre à toutes sortes d’hommes. « Eh bien, maintenant on peut dire que nous sommes quittes, sans rancune ! » Ajouta-t-elle en haussant nonchalamment les épaules « Maintenant rends-moi mon téléphone, tu me fais perdre des points là »

Non, toi t'avais pas menti. Pas même une seconde. Première fois depuis longtemps que t'avais été sincère avec une fille. T'avais tout dit, tout, et tu t'étais quand même fait baiser. ça t'apprendra à vouloir te dévoiler. Tu sais maintenant que tu le feras plus, ta fierté à prit un trop gros coup à cause de Lera. Alors non, en rien tu n'es quitte avec elle. Mais tu cherches pas à relever, tu serais grillé. T'es loin de lui pardonner le coup qu'elle venait de te faire. Tu t'étais tellement fait à l'idée de devenir père que tu digérais pas la chose, c'était pas par faute d'avoir essayé. Tu t'étais dis une bonne centaine de fois que finalement, c'était pas plus mal, tu pouvais être aussi libre qu'avant. Mais non, tu te rends compte que t'as liberté finalement, tu la laisserais tomber volontiers pour que ce soit une blague. De mauvais goût, certes. T'as le regard plongé dans le siens, et malgré l'espace qu'il pouvait y avoir dans l'ascenseur, vous étiez beaucoup trop proche à ton goût. Tu pouvais presque sentir son souffle frôler contre ta peau, ça te déstabiliser, beaucoup trop. Et puis, prit d'un élan de folie, tu te retrouves les lèvres coller aux siennes. Tu sais pas comment c'est arrivé, ni pourquoi tu faisais ça, mais sur le moment t'avais pas réfléchis. Toi, t'échangeais un baisé avec Lera alors que tu lui en voulais à en crever, avec la même folie qui vous appartient bien. L'ascenseur se remet subitement en route, ça te replace par la même occasion les idées. Merde, qu'est-ce que tu fous ? Tu te décales alors d'un coup, mettant fin au baisé par la même occasion pour te replacer à ta place initiale, remettant tes lunettes sur le nez. Merde, merde, merde. 

Bon ok. Non pas ok. Elle s’attendait à tout sauf à ce qu’il l’embrasse comme ça, avec cette violence, cette haine passionnelle qui caractérisait leur relation. Oh non, elle s’était préparée à des insultes, à des cris mais à cette possibilité et malgré ce qu’elle aurait voulu laissé paraitre, elle était déstabilisée. Profondément déstabilisée. Voilà qu’il jouait encore avec elle et elle marchait, non courrait dans son piège. Merde, elle devait se reprendre, mais le mal était fait, elle ne pouvait s’empêcher de repenser à ses lèvres contre les siennes et à cet accès de désir qui avait soudainement pris racine au creux de ses reins. Bon dieu, même si l’idée ne lui plaisait en aucun cas, elle aurait souhaité qu’il la prenne ici, maintenant, contre les parois de cet habitacle. Au lieu, l’ascenseur poursuivit sa course comme si de rien n’était. « Mon téléphone » ordonna-t-elle d’une voix qu’elle voulait assurée, même si elle avait cette désagréable sensation d’avoir été le dindon de la farce. Les portes s’ouvrirent, enfin de l’espace, de l’air. « T’es un fils de pute Strauss » fut son au revoir et elle déguerpit en direction des toilettes calmer un peu tout ça et se reprendre. Il jouait encore…merde.