C’est le grand jour. Sergej va enfin rencontrer sa fille. Il est pas guidé par l’envie mais plutôt par la curiosité. Il est père, il se demande ce que ça peut faire. Il parait que c’est spécial d’avoir son enfant, de l’avoir dans les bras et il se demande en quoi. Ouais, c’est pour lui un genre d’expérience. Ca l’a toujours intrigué, il se demande bien ce que son père a ressenti en l’ayant dans les bras. M’enfin, il se souvient pas si son père biologique l’avait jamais pris dans ses bras quand il était petit mais sans doute qu’il ressentira la même chose que son père officiel. Ah les histoires de familles c’était compliqué. Le blond avait jamais fait passé quelqu’un avant lui, trop égoïste, égocentrique ou tout simplement peu intéressé par les autres. Ouais, c’est ça, il ne s’intéressait pas suffisamment aux autres pour penser à eux ou bien ressentir de l’empathie à leur égard. Il enfonce les mains dans ses poches, sac au dos, il a tout du parfait globe-trotter, ce qui n’est pas complètement erroné puisqu’il a en quelque sorte fait le chemin à pied. Une énième dispute avec Ewan pour une connerie qui s’était fini aux mains, comme d’habitude. Ils finiront aussi comme d’habitude à se réconcilier au lit. Ces deux passaient plus leur temps à se taper dessus qu’à s’aimer…enfin il aurait fallu qu’il s’aime et ça c’était pas encore certain. Leur quotidien était rimé entre possessivité et jalousie, cocktail détonnant. En plus du désir de liberté de Sergej qui avait tendance à disparaitre des jours entiers sans donner de nouvelles et revenait comme une fleur. Et c’était repartit. Arrivé chez la mère de son gosse, il frappe trois coups puissants et attends. Le simple fait qu’elle ne soit pas là ne lui a pas traversé l’esprit et puis s’il fallait il passerait la journée à l’attendre. La patience est sans doute sa seule qualité.

Le jour était arrivé. Sergej devait passé me voir. D'une part, j'étais contente qu'il souhaite voir son rejeton. De l'autre, je n'avais pas forcément envie de le voir, et surtout je ne voulais pas qu'il s'amène avec sa pute ou que sais-je. Ce mec, bien que j'ai eu quelques aventures au lit avec, était plus flippant qu'autre chose. J'avais un mauvais pressentiment et je n'avais pas envie qu'il soit là, près de ma fille. Mon ancien amant devait passé dans l'après-midi, je ne savais pas à quelle heure, du coup je m'étais préparée en avance. Même si ces derniers jours, je n'avais pas envie de faire d'efforts niveau vestimentaire à cause de la fatigue et de la pause professionnelle, je pris soin de m'arranger. Je pense qu'au fond de moi je n'avais pas envie que Sergej me voit dans un sale état. J'étais une femme têtue qui n'aimait pas être vue comme inférieure aux autres. Je n'avais pas envie de ressentir ça face au blond ou qu'il le sente. Enfin, on frappa à la porte. Eireen était posée dans son transat/maxi cosy machin qui reposait sur la table basse face au canapé. Elle faisait toute petite là-dedans. Ses petits yeux bleus étrange étaient ouvert et elle regardait un peu partout. Je partis à la porte d'entrée et ouvris. Avant de faire entrer Serge, je m'assurais qu'il fut bien seul d'abord. Pas d'Ewan en vue. « Salut, entre. » Je fermais la porte à clef derrière lui et lui fis signe du salon pour qu'il aille voir la petite.

Il entre, main dans les poches. Il ne salue même pas Jules, comme à son habitude et dépose son sac dans un coin, se fichant bien que ce soit l’endroit approprié.  Allure débraillée qui contraste fortement avec celle de Jules qui est toujours impéccable, tout comme son appartement. Sergej se sent pas bien dans tout cet ordre. Bien trop carré pour un être aussi libre et anarchiste que lui. Il se sent bien dans le bordel et la négligence. Il a horreur de tout ce qui est ordre, organisation, c’est d’un fade à ses yeux. « T’as l’air en forme » il lance simplement dans un hochement de tête, le regard se promenant dans la pièce à la recherche de la chose qui l’a mené ici. Voilà, c’est pour lui une chose, un truc, un machin, une créature non identifiée. Il se demandait à quoi pouvait ressembler un bébé (il n’avait jamais approché un de près), surtout celui qui vient de naître. Curiosité malsaine, expérience humaine. « Il est où ? » le « il » à comprendre le truc, le tétard, le chiot. Il avait même pas retenu le prénom, dans le genre père incapable et indigne, Sergej Svyatoslav raflait tous les prix. Il se tourne enfin vers Jules, attendant la réponse à sa question et se fait la réflexion qu’elle était toujours aussi baisable. Sergej et le sens des priorités.

Aucune salutation, rien. Du Sergej tout craché. Ce mec n'était qu'un indien paumé dans une ville, en réalité. Il était tout crasseux, rien à voir avec moi. J'adorais l'élégance, l'ordre et lui c'était tout le contraire. Je comprenais pourquoi autrefois Liam m'avait dit ce que je lui trouvais à ce blond. A part du bon sexe, rien au final ? J'aurais voulu qu'il me reconnaisse comme une amie au final... Des amis, j'en avais peu et je ne plaignais pas, mais dans le cas de Serge c'est différent. En plus qu'il était le père de ma fille. J'aurais espéré de la reconnaissance.

« T’as l’air en forme » Je répondis derechef. « J'ai l'air, oui. » En réalité, je ne l'étais pas. Je le regardais chercher à droite et à gauche. Sûrement ma fille. Il me demanda d'ailleurs où il était. Je ne fis aucune remarque, mais lui fis signe de me suivre. Je l'emmenais dans la partie salon où je posais mes fesses sur le canapé. En face de moi se trouvait la petite Eireen dans son maxi cosy, toute éveillée. Qui attendait de voir son papa, qu'elle ne méritait pas au final.

Il s’approche lentement du cosy et s’agenouille pour être au niveau du tétard qui avait sans doute déchiré l’utérus de sa mère…enfin, ça aussi, Sergej ne s’en préoccupait pas des masses, mais simplement il était curieux de savoir comment le vagin de Jules avait fait pour sortir un enfant, alors qu’il se sentait souvent à l’étroit en elle. Un autre mystère de la vie qu’il lui échappait tout comme le reste. L’enfant le fixe de ses grands yeux bleus –hérité de son papa- et Sergej incline légèrement la tête sur le côté, un air sérieux sur le visage. Le truc semblait tellement si petit qu’il se demandait combien de force il faudrait pour le casser. Poupée animée aussi fragile que du verre, un geste brusque et bam. Purée de têtard…enfin pas exactement. Il pose son index sur la joue d’Eireen. C’est doux, est la première réflexion qui lui vient en tête. « Mh… »  Et puis ça sent bon. Tellement bon. Un truc doux et délicat. Un truc que Sergej avait jamais senti dans sa vie. Il fréquente pas beaucoup les gosses et quand on voit son rythme de vie on voit pourquoi il est pas habitué à tant de douceur. C’est bizarre. Vraiment trop bizarre. Il est perplexe. Quoique surtout confus. En plus ça le fixe de ses grands yeux bleus. Continuellement. Ca veut découvrir qui est cette créature asociale qui le détaille sans gêne comme ça. Puis ça sourit. Enfin pas vraiment, trop jeune pour ça mais Sergej sait que  sa fille tétard lui a sourit. Il le sent. Sans s’en rendre compte il sourit lui aussi. Elle vient de prendre forme humaine à ses yeux la Eireen. « Elle est jolie » il dit simplement à Jules qui, il sait, le scrute.