Encore une soirée toute seule. Mon chiot me suivait de partout alors que j’essayais de me préparer. Oui, ce soir j’avais décidé de sortir. Je n’avais plus envie de me morfler ici à attendre que ça bouge tout seul. Non, il fallait que je sorte pour que ma vie bouge, pour qu’il ait de l’action, du vivant. J’avais enfilé un slim noir, un haut violet un peu décolleté, une veste en cuir, manquait plus que mes bottines à talons si Milky voulait bien me laisser passer. J’avais laissé mes cheveux tomber gracieusement sur mes épaules, et je m’étais légèrement maquillée. Je ne savais pas trop où aller à vrai dire, mais j’irai là où le taxi me porte. Oui, j’avais commandé un taxi. La flemme de conduire en fait. Et aussi je savais très bien que ce soir, je ne consommerai pas que du jus d’orange. Donc, j’avais déjà pris mes précautions. Wouf, wouf !, Milky tournoyait autour de moi en bougeant sa queue. J’attrapais mon sac, mes clés et je me baissais pour caresser mon petit chiot husky :

« Je t’ai mis de la nourriture et de l’eau, je reviens vite ! »

Oui, je parlais à mon animal de compagnie. A vrai dire, je n’avais tellement pas d’amis, que je parlais plus à mon chiot qu’à n’importe qui d’autre. Je sautillais ensuite jusqu’à ma porte d’entrée, et la refermait derrière moi, entendant Milky japper encore et encore. Je me rendais à la sortie de mon immeuble et trouvait mon taxi commandé juste devant la rue principale. Je m’engouffrais à l’intérieur, puis indiquait au chauffeur :

« Dans n’importe quel bar s’il vous plait. »

Alors que le moteur démarrait, je passais une main dans mes cheveux. Cette soirée allait me libérer. Comme prévu, le chauffeur me laissa devant l’entrée d’un bar au hasard. Je ne regardais pas encore l’intitulé de ce dernier, mais je payais ledit chauffeur de taxi avant de sortir de la caisse. Elbo Room. J’avais levé les yeux vers l’entrée. Si tôt dit, si tôt fait, je me trouvais déjà à l’intérieur, assise juste devant le barman, et j’en étais déjà à mon troisième verre. D’alcool, allons le préciser. Je jouais avec le petit parasol quand je sentis quelqu’un prendre place à mes côtés. Je tournais la tête, mes yeux tombant sur un jeune homme. L’alcool coulant déjà un peu dans mes veines, je ne réfléchis pas deux fois avant de m’adresser à lui, un sourire au coin de mes lèvres. Chose que je n’aurais ô jamais fait, si j’étais dans mon état normal :

« Saluuuut toi. »

Les mains solidement enfoncés dans les poches de mon jean, prêtes à défoncer la doublure, je marche. Je ne sais pas où je vais mais tout ce que je sais c’est que j’ai pas vraiment envie de rester chez moi. J’ai pas non plus envie d’aller me battre ce soir. Je sais pas, j’ai envie de rien mise à part errer, trainant ma peine derrière moi. C’est pas comme si j’avais vraiment le choix. Que je le veuille ou non, elle sera là. J’avance, encore et toujours, sans but. Je passe par les petites rues que personne emprunte jamais et inconsciemment j’espère me faire entrainer dans un nouveau combat plus intense que ceux que j’ai connu jusqu’ici, sans grand succès. Je continue ma progression. Ma démarche est lente et décontractée. Je suis pas pressé. Pour cela il aurait fallu que je sache où j’allais. Je sais que mes sorties nocturnes et mes découchages incessants inquiètent Rhia mais c’est mieux que de rester dans notre petit studio et de lui pourrir la vie. Je suis imbuvable, je le sais, Jules et Ava en ont payé le prix fort, surtout cette dernière. Est-ce que je le regrettais ? Pas vraiment. Je veux pas qu’on m’approche, je veux qu’on me foute la paix au moins maintenant c’est clair. Je passe devant un bar que je ne connais que trop bien puisque Ethan s’y est déjà produit. Un endroit tranquille où ils passent de la bonne musique, je peux pas rêver mieux. J’entre, de toute façon j’ai rien de mieux à faire. C’est blindé de monde, difficile de se faire un chemin mais j’essaie quand même. J’évite de justesse un verre d’alcool que j’identifie comme de la vodka. « Fais gaffe bordel ! » S’en suit une joute silencieuse. L’inconnu me fait son regard le plus noir censé me dissuader, sans grand succès. Un sourire condescendant et je mène mon bonhomme de chemin jusqu’au comptoir où je m’installe. Ceux qui me connaissent bien seraient surpris de me voir là, c’est pas mon trip de noyer mes peines dans une bouteille de téquila, je laisse volontiers cela aux gens faibles incapables de répliquer. A peine assis que l’on vient déjà m’importuner. Génial. Et après on s’étonne que j’évite soigneusement ce genre d’endroit. Les gens saouls m’harassaient. Je me tournai vers la jeune femme et la jauge un instant du regard puis reporte mon attention sur le verre que le barman vient de déposer devant moi. « On t’a pas appris à ne pas parler aux inconnus, surtout bourrée ? » Mon ton n’est pas chaleureux, ni froid d’ailleurs. Une simple remarque. Je m’empare de ma boisson et la descend. Pas mal. Pas assez.