Un vent glacial s’abat sur la capitale britannique, les pneus des voitures patinent sous la neige craquelante du mois de décembre. Nous sommes le 24, il s’agit du réveillon de Noël. C’est la journée de tous les excès, le foyer Marshall comme la plupart des foyers londoniens apprécient et savourent cette soirée placée sous le symbole de la famille et de la générosité. Pourtant, la fête sera stoppée prématurément, la soirée présageant une nouvelle naissance dans la famille. Le cadeau de l’année, le plus beau cadeau que l’on puisse faire à une famille. Malgré les conditions climatiques la petite famille pu se rendre à l’hôpital où, au bout de quelques heures, naquit la petite Genesis Doraleen. Même si n’étant prématurée de seulement deux semaines, le bébé fut placé dans une couveuse, à l’abri. En effet, une anomalie s’est présentée sur le nourrisson et fut détectée dès les premières heures. Les prières de ses parents ne furent malheureusement pas suffisantes, Genesis naquit avec la même anomalie cardiaque que son père ce qui à terme lui provoquera des angines de poitrine, et peut-être même un arrêt cardiaque. Bien évidemment, le jeune homme ne peut que s’en vouloir d’avoir transmis une telle chose à son enfant, mais l’heure n’est pas à ce sujet mais plutôt à l’émerveillement devant la petite perle.

Malgré la naissance de la petite, malgré le lien qu’elle forme entre les deux adultes, la famille finit par se scinder. Une violente dispute éclate au sein de celle-ci, le sujet de la trahison étant à l’honneur ce soir-là, et brise définitivement la petite routine du ménage à trois. La mère de Genesis fuit dans un motel situé à la périphérie de la vie avant de déménager puis de divorcer, ne concevant pas que son mari puisse l’avoir trompé lors d’un break, et abandonne son enfant aux bras de son père biologique. Genesis grandit, heureuse, ne réclamant absolument pas sa mère. Elle savait qu’il lui manquait une entité pour que sa famille puisse ressembler à une famille traditionnelle, mais dès sa plus jeune enfance elle ne s’en souciait guère. Madame Marshall quant à elle vivait de son côté, reconstruisait paisiblement sa vie, ne réclamant pas plus de nouvelles de sa fille qu’elle-même ne le faisait.

21 Juillet 1999, l’année scolaire s’est achevée depuis un sacré bout de temps, Genesis, 10 ans alors à l’époque, en profite pour passer du temps avec son père. Il ne cesse de lui répéter qu’il est à la fois sa plus grande bataille et sa plus belle victoire. Elle est tout ce qui compte à ses yeux, jamais il n’a cherché à reconstruire une autre famille que celle qu’il constitue avec sa seule fille. Alors qu’en général les enfants se font réveiller par leurs parents à l’aube, ce jour-là se fut Genesis qui se leva en premier. Le pas léger, l’âme vaillante, elle se dirigea d’un pas pressé vers la chambre de son père.
« Papa, papa ! DEBOUT aller papa ! » Mes petites jambes me hissent jusqu’au sommet du lit où je me jette dans les bras de mon père. S’il y avait bien quelqu’un que j’aimais sur terre, il s’agissait de mon père. Ses bras, son odeur, tout me réconfortait. Il était là dans les bons comme dans les mauvais moments, c’était le père idéal à mes yeux. Rien ni personne ne pourrait le remplacer, jamais je ne pourrais rêver de mieux. C’était la seule personne que j’aimais réellement sur terre. Mes bras enlacèrent fragilement le biceps de mon père tandis que mon visage se posait dans son cou. Aucune réaction, il devait certainement dormir profondément. Un petit sourire éclaira le visage de Genesis alors qu’elle retirait sa tête afin de sourire à son père. Yeux fermés, le souffle court, elle haussa son sourcil. « Papa ? » Aucune réponse, elle le secoua un peu, toujours rien. Au bout de quelques secondes un léger sourire se dessina sur les lèvres de son père, elle le fixa alors « Papounet ? » Un souffle perça ses lèvres, semblant dire à sa fille qu’il l’aimait avant que son cœur ne s’éteigne définitivement, une larme s’écrasant sur son visage. Incrédule, ne saisissant pas l’ampleur du moment, du moins pas tout de suite, Genesis resta là à regarder son père puis à le serrer dans ses bras. Lorsque les minutes s’écoulèrent et qu’elle se releva, elle senti qu’il était parti. Son monde s’écroulait totalement, de fond en combles. La seule et unique personne qui l’aimait et qu’elle aimait s’était éteinte.

Genesis passa le reste de son enfance avec sa mère, passant la plupart de son temps chez des amis où dans la rue, car finalement tout ce qu’elle voulait était qu’on ne lui parle pas de son père. Elle savait qu’en restant chez elle, elle y aurait le droit. A chaque question abordant ce sujet, elle se renfermait sur elle-même et esquivait la question, passant d’un sujet à un autre et effaçant d’un revers de main le sujet sensible, cachant la cicatrice encore ouverte et trop profonde. Elle représentait comme un mystère pour sa mère, qui finalement ne l’avait jamais vraiment connue. Sans oublier que Genesis ne souhaitait toujours pas entendre parler de sa mère. Sa seule famille était son père, et maintenant qu’il a disparu elle se considère comme orpheline. Dès ses 18 ans Genesis chercha à s’émanciper, à prendre distance de ce cocon familial que sa mère essayait tant bien que mal d’instaurer et qui finissait par l’étouffer. A ses 21 ans Genesis prit des mesures radicales, s’envolant pour les États-Unis d’Amérique afin de s’installer à San Francisco où elle demeura jusque ce jour.

La moindre chose qu’elle entreprend est placée sous le symbole de son père, dès lors que cette action est honorifique ou qu’elle part d’une bonne intention. Elle ne peut s’empêcher d’essayer de passer pour une femme forte pour cacher ses blessures, jusqu’à blesser les autres pour penser ses blessures et cracher sa haine. Elle aime se jouer des gens, mais n'aime pas qu'on se joue d'elle. Elle connaît les limites, mais ne se fait pas prier pour les dépasser de temps en temps. Ceux qui la connaissent bien savent ce qu’elle cache au plus profond d’elle-même. Passer pour une faible, trop peu pour elle. Genesis ne fut jamais réellement intéressée par l’école, bien qu’estimant qu’il s’agissait d’une grande chance d’y aller, c’est pourquoi elle ne s’éternisa pas dans le processus scolaire mais se plongea davantage dans ce qui l’intéressait réellement : le sport, entre autres. C’est pourquoi, pour le moment, elle travaille depuis deux ans comme professeur de fitness dans un centre de sport à San Francisco. Sa maladie représente une gêne, mais elle a toujours refusé que celle-ci soit un obstacle à ses entreprises. Elle se bat pour tout ce qu’elle fait, pour tout ce qu’elle réussit, pour être fière d’elle et rendre son père fier. « Papa, tu es ma bataille, ma plus grande victoire ». Won't stop 'till we surrender