Je venais tout juste de rentrer de New-York. Trois jours passés loin de tout le monde, loin de Liam et j’avais eu le temps de faire un peu le point sur ce qui j’étais, ce que j’étais sur le point de devenir. A savoir une danseuse étoile. Ce n’est pas rien quand on y pense. Enfin, certains disent que si, d’autres non. On n’allait avoir une interview comme tous les ans pour savoir ce qu’on allait faire. Si on serait mis en relation avec d’autres opéras ou non. Pour ma part, je partais pour le Bolchoï en stage au mois d’Aout pendant une semaine avant de revenir. Déjà que je devais aller au JO avec William et Liam. C’est marrant leur nom. William et Liam. Cela se suit bref. Je me tournais vers lui pour le regarder dormir avant de déposer un baiser sur sa joue pour me relever et passer une main dans mes cheveux emmêlés. Ensuite, je me mis sur pieds pour soupirer. J’avais rendez-vous à l’opéra dans une demi-heure pour un meeting et un entrainement. Je décide donc de me lever sans faire de bruit pour aller prendre une douche et y rester un moment. J’avais des courbatures. Ce mec est une bête ma parole ! J’en ressors avant d’enfiler une tenue classique, vérifiant que mon chien avait tout ce qu’il fallait avant d’écrire un mot à Liam que je laissais dans la chambre. « Je suis partie travailler. Il y a du café de prêt. Bisous Kat. XX » Puis, je pars avant de héler un taxi qui me conduira à mon lieu de travail.

Une fois sur place, je salue tout le monde que je n’ai pas vu depuis trois jours avant de rigoler avec certaines filles pour raconter mon dernier séjour. Nos rapports se sont nettement améliorés depuis que je connais Liam. Ou même mon frère. Je ne sais pas. C’est comme s’il était une part de moi-même, ce petit. Je soupire avant de mettre mes chaussons et de partir m’entrainer seule. Bliss devait passer me voir. Je ne sais pas pourquoi. Je verrais bien. Je refais donc l’entrée seule sur scène avec ce qu’on appelait une certaine grâce pour me stopper à la demande du metteur en scène qui vient me donner des conseils sur la grande représentation qui aura lieu le lendemain. Tout le monde est nerveux car on n’a pas eu de remises d’étoiles depuis cinq ans au moins. Je n’en ai jamais vu pour ma part. Après des explications très claires et concises, je retourne dans les coulisses pour tomber sur mon amie que j’embrasse chaleureusement sur les joues. « Merci. Tu sais tout n’est qu’une question de technique. Ça vide la tête. » Je ris à ma remarque avant de faire signe aux autres d’aller voir Marvin. « Bref, comment ça va ? »

Je me souviens la danse classique. Les cours, ma mère m'avait un peu forcé la main lorsque j'étais petite. A l'âge de 5 ans, je voyais cela comme de la torture d'essayer de nous rendre le plus souple possible. Je me souviens encore les exercices que l'on pouvait nous faire faire en échauffement pour étirer le plus possible nos muscles. On écartait les jambes aux sol et on devait se pencher au milieu, et ma prof avait le don de venir s'asseoir sur nos dos pour qu'on se penche encore plus malgré là douleur. Puis lorsqu'on savait faire les grands écarts on avait l'épreuve des espaliers, nos profs nous montaient la jambe de barre en barre et nous devions toujours toucher le sol. Il est claire que si on ne devient pas un scoubidou avec tout ça, je crois qu'on est pas fait pour la danse. C'est en me voyant danser que ma soeur a voulu faire la même chose, je n'étais pas la meilleure du groupe, mais en grandissant j'ai commencé à me passionner pour la danse, tout ce qui bougeait à vrai dire, pas que le classique, j'ai été cheerleader puis j'ai fais de la gym aussi, dans ma jeunesse le sport c'était toute ma vie vraiment. Puis l'accident, la mort, le coma. Lorsque je me suis réveillée 4 ans plus tard je ne savais plus bouger, j'ai du tout réapprendre, autour vous dire que j'ai fait une croix que le sport.. Et je n'ai jamais voulu redanser de toute ma vie, enfin du classique, la danse que ma soeur aimait tant, c'est en allant la chercher à son cours que nous avons eu l'accident. Je crois que je fais un blocage, j'ai toujours mes pointes, mais je ne peux pas les mettre.. Elles me rappellent trop de souvenirs douloureux !

Pourtant lorsque je viens voir Kat danser c'est différent, elle me fait penser à ma soeur, surement parce qu'elle était rousse aussi. Teddy l'aurait adoré j'en suis sûre, elle jouait une admiration pour les étoiles comme mon amie. Je me dis Teddy n'est jamais loin lorsque voit Katniss danser. Je le regarde s'entraîner dans les coulisses, elle est pleine de grâce et de beauté. Je ne suis pas sûre qu'elle le sache d'ailleurs, c'est adorable, parce que Katniss a beau être une merveilleuse danseuse, elle reste tout de même assez peu sûre d'elle, et souvent nerveuse, je repense à différente première qu'elle a eu ! Elle finit par me rejoindre embrassant sur la joue. Je lui rend cette marque d'affection. Je souris plutôt heureuse de passer un moment avec elle.

- Oui la technique, je l'avais avant ! Mais toi tu as la grâce, je crois qu'en classique c'est essentiel !

Je souris, elle congédie les autres, je les regarde partir, entendant les pointes des filles claquer au sol. J'en frissonne !

- Oh je fais aller disons ! C'est pas facile tous les jours, mais ça va et toi alors, comment va ma future étoile ?

Je prends la direction des fauteuils. Histoire que nous puissions papoter entre filles plus confortablement.

- Comment c'est alors de danser dans un tel endroit?

Je regarde l'opéra, une salle immense, superbe aussi.. et impressionnante, je suis peut-être auteur et actrice, jouer ici me stresserait au plus au point, je commence à la comprendre !

C’est bizarre la vie quand on y pense. La mienne prenait un tournant radical. Vous savez, je suis considérée comme étant une associable. C’est-à-dire que je ne supporte pas les gens. Et c’est toujours vrai mais j’en suis au point où je commence à me poser des questions. Un homme rempli mon lit et j’ai bien peur qu’il ne remplisse mon cœur également. C’est tellement cliché comme déclaration mais mise à part le fait de dire qu’il remplit ma tête (ce qui serait plus réaliste et moins naïf) je me refuse à dire que je suis amoureuse de lui. L’amour est un concept si étrange et si fantaisiste que cela me fait peur. J’ai peur de m’écraser au sol et de souffrir. Mais ma vie n’a-t-elle pas été que souffrance jusque-là ? Comment savoir ce qu’est le bonheur si je passe mon temps à le repousser ? Aimer me semble si irréel surement parce que je n’ai jamais eu aucune preuve d’affection de la part de quiconque jusque-là et quand il me regarde, j’ai l’impression… j’ai l’impression de me sentir aimée. J’ai l’impression que je compte enfin pour quelqu’un. Je pourrais bien parler de William mais William ne m’apprécie pas tellement. J’ai toujours eu cette manie à décrypter les expressions faciales des gens et je sais que pour William, je ne suis qu’un devoir d’honneur comme les autres. Est-ce que j’aime mon frère ? Je veux dire, c’est encore un étranger pour moi. Nous n’avons pas partagé tout ce que devait partager un frère et une sœur. Une enfance, des chaimailleries et j’avais peur de m’attacher à lui parce que tout le monde m’a laissé tomber. Ma famille m’a renié, ma mère est folle, mon père est un malade, je veux dire, mon patrimoine génétique laisse un peu à désirer. Et si je m’attache à William que va-t-il m’arriver ? Et si je laisse mes sentiments pour Liam prendre le dessus, deviendrais-je quelqu’un de différent ? La peur de l’inconnu, la peur de ne rien contrôler, est-ce ça la vie ?

J’aimais la danse, au moins, je pouvais tout contrôler. Je pouvais m’assurer que ma vie ne partait pas en vrille. Poser le pied au bon endroit, faire une pointe, une arabesque, une voltige, me dire que tout était millimétré, que tout est et restera une danse comme un tango, comme une valse, comme un pas de deux. Gauche, droite, gauche, droite. Si tout le monde était comme moi, le monde serait chiant. Auprès de lui, je me sens revivre. Pas seulement parce que nous avons des rapports sexuels. Mais vous savez, y’a ce vieux truc débile de ‘tu fais battre mon cœur’ non, je dirai plutôt ‘tu me donnes une raison valable de me lever le matin et de ne pas commettre un génocide’. Je danse, j’apprends, je me demande quand j’aperçois mon amie. Bliss, jeune fille blonde au visage d’ange. Je la rejoins avant de la saluer. Je l’écoute me parler et pour la première fois, je ne suis pas horripilée par ses paroles. « La grâce du cygne mais le langage du vilain petit canard. Tu pourrais l’avoir si tu mettais une paire de chaussons. Veux-tu que je te montre comment faire pour être un cygne gracieux ? » Je lui lance un nouveau sourire en coin. On dit que l’amour fait sourire… Bizarre non ? Concept aussi étrange que la religion pour ma part. Mon amie reprend la discussion et je peine à la suivre. Je suis stressée, fatiguée et je n’avais qu’une hâte que mon petit ami arrive avec le manger. « Je suis un peu perdue mais c’est normal. » Il me manque, les deux hommes de ma vie me manquent constamment. Comment décrire ce manque ? Je l’emmène dans la salle principale avant d’esquisser une pirouette. « C’est magique. Enfin, un premier rôle… Enfin,… mon étoile. Une consécration et le fait de montrer aux autres que je suis quelqu’un. » Je ne voulais pas être vue mais j’en ai tellement pris plein à la gueule que j’avais le droit à mon instant de gloire. Avec tous ceux qui comptent pour moi et auprès de qui, j’espère je compte aussi…

Je me demande ce que cela fait de danser ici, avec des centaines de personnes en face de nous. Je me demande si j'en serais capable. Certes parler en public ne me dérange pas, mais je ne sais pas si je suis capable de danser devant des gens. Il suffit d'un faux pas. Je comprends d'un coup pourquoi mon amie est tant nerveuse lors de ses premières ou lorsqu'elle danse ici même pour un public, généralement amateur de telles danses. Je trouve qu'elle a du mérite à s'en tirer aussi bien, je l'ai vu danser de nombreuse fois depuis mon coma. Enfaite je connaissais la danseuse avant de connaitre l'amie, la soeur que je me suis faîte. Une rencontre plutôt simple et banale lorsque l'on y réfléchit. Une soirée mondaine, j'avais juste sorti mon bouquin, il avait un succès fou. On m'a invité à un gala, un truc pour récolter de l'argent pour des associations. Je ne connaissais personne, mais vraiment personne, et on s'est retrouvé à la même table et voila.. le feeling est passé tout de suite et je ne regrette rien du tout.

On commence alors à discuter, aussi bien de tout que de rien. Principalement de la danse. Je lui fais tout d'ailleurs un compliment. Il est vrai qu'on dirait qu'elle est née pour maître des pointes au pied. Elle semble si à l'aise. Elle me dit que ce n'est qu'une question de technique, oui la danse c'est de la technique, mais c'est surtout de la grâce et de la passion. On ne peut pas danser parce qu'on nous y force, je ne vois pas comment c'est possible. On peut danser si on a la flamme en nous qui nous fait bouger. Mais cela reste mon avis, peut-être que d'autres ne sont pas d'accord avec mes propos. Elle me dit que je pourrais avoir cette grâce si je m'entrainais, mais je ne crois pas que remettre mes vieux chaussons de danse serait une bonne idée, je me suis jurée de ne plus en faire. La danse me rappelle beaucoup trop ma soeur.

- Montre moi, avec plaisir !

Moi je regarde, et elle elle me montre c'est parfait comme ça.. Puis lorsque je lui retourne la question pour savoir si elle va bien, elle me dit qu'elle est perdue, mais que apparemment c'est normal, je fronce pourtant les sourcils pour en apprendre plus.

- Pourquoi perdue, je veux savoir ! Un rapport avec mister Liam ?

Puis je lui demande alors ce que cela peut faire de danser ici, dans un endroit qui semble si magique. Cela doit être un consécration pour elle, je sais qu'elle travaille dur que c'est carrément une passion comme métier, alors je veux avoir ses impressions, je suis curieuse, cela n'a surement rien à voir que de jouer devant des caméras, ce que je ne vais pas tarder à faire, le tournage est bientôt et cela me stresse de plus en plus. Mais Peter me rassure plutôt bien, c'est lui l'expert.

- Tu as du mérites, je suis très heureuse pour toi tu sais, bon allez montre moi un peu cette grâce de cycle !

Bliss est une des personnes que j’apprécie le plus au monde. Elle est un peu comme la sœur que je n’ai jamais eu, une meilleure amie et je comprenais son malaise quant à la danse, elle m’en avait parlé. Mais je ne comprenais pas pourquoi elle s’interdisait de danser. Je le fais tous les jours, je le fais toutes les heures et si je ne pouvais plus danser un jour, je saurais que ma vie serait finie. Je me suis toujours vue mourir les veines tranchées ou dans mon lit de vieillesse avec mon mari à mes côtés. Soit un truc bien trash, soit un truc romantique. Ce romantisme qui n’est pas tellement mon truc quand j’y pense parce je ne l’ai jamais été. Je n’ai jamais ressentie quelque chose de fort pour quelqu’un d’autre que moi-même. Je me tourne vers mon amie et la contemple. La gentillesse même, le fait que je sois plus au moins fière d’elle. Un grand écrivain et un modèle pour certaines personnes. Je ne pourrais pas gérer sa célébrité, j’en serai incapable. Bien sûr, je suis connue dans mon milieu mais seulement parce que je suis la vedette d’un ballet. Le serais-je à nouveau en septembre ? C’est probable quand on sait que je suis devenue une danseuse principale. Une danseuse étoile, un rêve qui devenait réalité.

« Tu devrais retenter, tu sais, lui dis-je après ma démonstration. » J’ai l’habitude d’effectuer des pirouettes, de devenir gracieuse mais je voulais faire partager mon art. « Tu dois cesser d’avoir peur tu sais ma biche. » Je l’entraine alors avec moi dans une arrière pièce avant de prendre une bouteille d’eau et de me défaire de mes chaussons que je porte tout le temps. « Je crois que je l’aime réellement. Je veux dire, je me sens bien avec lui, je ne vois pas ce qui m’empêcherait d’avoir des sentiments mais j’ai peur. J’ai peur qu’il ne m’aime pas. Pis y’a mon frère aussi. » J’avais l’habitude de passer ma vie toute seule. Je ne voulais pas d’un entourage parce que je pensais que cela nous faisait nous sentir faible. Ce qui était faux. Je ne savais pas que j’allais vivre l’histoire de ma vie avec Liam mais je ne savais pas non plus tout ce qui allait se produire. Et si j’avais su, qu’aurais-je fait ? Je me pose face à mon amie avant de lui jeter un regard empli d’une chose que je ne maitrisais pas, la compassion. « La grâce du cygne. Hum. Tu ne me jugeras pas hein ? » Je lui souris doucement avant de me lever pour demander à mon régisseur de mettre la musique de l’entrée de la princesse Odette pour commencer à danser. Quand je dansais j’oubliais tout ce qu’il y avait autour. Absolument tout et je ne pensais qu’à mes jambes, jambes qui devenaient si légères que je pourrais décoller, bras qui deviennent des ailes et pendant un instant, je devins un cygne. Pendant un temps, je n’étais plus Katniss Blackford mais juste, Odette, le cygne blanc, voué à une mort abominable.
Le suicide.