Un an que Joyce travaillait dans un club de strip avec Donovan. Au début, la parisienne n'était pas spécialement à l'aise avec la "nudité" et tout le monde de la nuit qui se rattachait à cet univers. Elle avait commencé en simple barmaid avant d'être en quelque sorte initiée par son colocataire au joie du "défeuillage". Pourtant, Joyce n'en avait pas spécialement besoin. On ne pouvait pas dire qu'elle manquait d'argent et que ce travail était le seul moyen de gagner sa vie convenablement. Bien au contraire. Joy était juste attirée par ce "contre emploi". Son entourage l'a toujours imaginé comme une jeune femme sans histoire qui faisait la fierté de ses parents, la parfaite ambassadrice du groupe LVMH, celle qui restera sobre même en fin de soirée ou encore la petite fille à protéger, la dernière de la famille, la plus jeune du groupe. Elle voulait se défaire de cette image fragile, de "bébé" innocent, qui lui était greffée telle une seconde peau.
Le regard de ces hommes posé sur elle était bien différent de celui de son entourage. Certains la regardaient avec envie et avaient sûrement des scénarios pleins la tête. Joyce n'adhérait pas à ce principe et jamais elle n'allait franchir les limites qu'elle s'était octroyée. La blondinette faisait son show qu'elle jugeait d'artistique avant de rejoindre les loges pour rentrer immédiatement chez elle. Jamais elle n'avait à l'esprit de séduire l'un des clients dans le but de poursuivre la soirée en sa compagnie. Ce métier était un simple délire pour la jeune femme qui y trouvait parfaitement son compte. Elle avait besoin de se "dépasser" et d'être quelqu'un d'autre le temps d'une soirée. Pour Joyce, c'était avant tout un rôle et finalement, elle s'était accoutumée de la situation et y prenait même plaisir.
Ce soir là, Joy avait fait son show et le club était bien rempli comme à son habitude. A force de travailler dans certains endroits, elle reconnaissait certains habitués des lieux. Cette activité était son échappatoire, son deuxième univers où elle n'était pas vraiment Joyce. Une fois finie, elle fit un rapide tour dans les "loges" afin de se changer et récupérer ses affaires. Se rendant dans une ruelle très peu éclairée auprès du Lincoln Park où elle avait garé sa voiture, l'artiste ne remarqua pas la présence d'un jeune homme qui avait fortement apprécié le spectacle et souhaitait poursuivre la nuit en sa compagnie. Ce n'est qu'une fois qu'il lui attrapa le bras alors qu'elle ouvrait la portière de son véhicule que Joyce comprit qu'un des clients l'avait suivi. Il lui fit part de ses intentions en faisant de gros sous entendus sur les activités nocturnes de l'étudiante.
Je crois que vous faites erreur ! J'suis pas du tout intéressée et mes prestations s'arrêtent là. Donc vous allez gentiment me lâcher et vous rendre quelques rues plus loin, je suis persuadée que vous allez trouver votre bonheur !
A toute allure, Noham traversait les rues de San Francisco à moto. La vitesse, il aimait tellement ça, c'était sa manière de s'échapper concrètement lorsqu'un détail venait le contrarier. Il était libre, comme Max, prêt à s'envoler. Ok c'était aussi son moyen de transport bien pratique, et un moyen de se faire de l'argent facilement grâce à ces petites courses nocturnes en dehors de la ville. Ce soir justement, il s'y rendait, avec toute la motivation d'un vrai gagnant. On lui avait souvent répété que ces courses étaient inutiles et dangereuses. C'était pas faux, il n'avait en aucun cas besoin d'argent – merci le père – et il y avait, c'est vrai, quelques risques, c'était en partie ce qui le poussait à y participer. Pas de risques, pas de dépassement de soi, pas de dépassement de soi, pas de motivation. Et pas de motivation, vie de merde. Il avait assez confiance en lui pour savoir ce qu'il faisait une fois engager dans une course sans merci, et un brin d'inconscience qui lui permettait d'avoir le courage de se lancer.
Lorsqu'il réalisa qu'il n'aurait pas assez d'essence pour ce soir, il préféra trouver de quoi remplir son réservoir avant de quitter la ville. Il alla jusqu'à Lincoln Park, connaissant une station en libre service dans le coin. Il était déjà venu avec son frère et Eliàs voir Donovan se dépoiler devant des jeunes femmes et hommes tout émoustillés. Un souvenir qui le fit sourire alors qu'il regardait le club en face de lui en même temps qui mettait son essence. Noham ne pouvait voir que l'entrée de derrière, d'où il était, et des sifflements attirèrent son attention instinctivement. Quelqu'un avait l'air d'interpeler une personne entre les deux bâtiments. Il n'y avait personne dans cette rue, et entendant la voix masculine insister et hausser d'un cran il préféra aller voir. Rapidement il remarqua une silhouette féminine. « Ehh ! » Cria t-il envers cet homme. En s'approchant il entendit des paroles provenant d'une jeune femme et une fois à leur hauteur il vit le visage de cette dernière se tourner vers lui.
« Charà ? » Surpris de la voir dans ce genre de ruelle à cette heure là, il se tourna immédiatement vers l'homme qui la dérangeait. « Dégage de là, maintenant ! » Inutile d'insister, il finit par partir rapidement, cet abrutit ne cherchait pas la bagarre, juste à tirer son coup avec la mauvaise personne. « Qu'est ce que tu fous là ? Je rêve ou ce connard t'as prise pour une de ces putes ? » Machinalement il accompagna sa parole à un geste qui désigna le club.
Ses collègues l'avaient prévenu des risques du métier. Les clients présents au club n'allaient la résumer qu'à un simple objet de désir, comme s'ils avaient tous les droits sur sa personne. Ils s'étaient déplacés pour assister à un vrai show et en avoir pour leur argent. Certaines femmes dans le besoin poursuivaient même leur prestation en privée et n'hésitaient pas à aller plus loin pour avoir une sorte de rallonge. Joyce était au courant de cette facette de la profession mais ne voulait en aucun cas entrer dans un tel engrenage. Même si elle était assimilée à ce côté là, elle avait ses propres limites et se respectait bien trop pour passer la nuit avec le premier venu.
Par le passé, Joy n'avait rencontré aucun problème. Généralement, Donovan venait la chercher ou elle rentrait avec d'autres jeunes femmes. Ce soir là, elle ne s'était pas imaginée un tel scénario surtout en présence d'une personne aussi familière que Noham. En le voyant, elle ressentit un sentiment totalement contradictoire. D'un côté, l'étudiante se sentait soulagée comme en sécurité par sa simple compagnie. Elle savait qu'auprès de lui, le client allait revoir ses plans et abandonner ses projets pour la suite de la nuit. Joyce lui en était reconnaissante et elle savait que les choses auraient pu tourner en sa défaveur. De l'autre, elle ne voulait en aucun cas que son ex puisse connaitre ses activité. Elle ne souhaitait pas qu'il puisse revoir son jugement à son égard pour la considérer comme une vulgaire femme sans avenir en faisant l'amalgame entre tous les aspects du métier.
Ca va, j'ai pas besoin de toi ! Je me débrouillais bien toute seule. Pourquoi t'es intervenu ? Tu vois, c'est ça que je déteste chez toi : tu te crois tout permis et t'as la sensation que je suis fragile - ou je ne sais quoi - pour me sortir des situations. |...| J'ai 20 ans et je sais ce que je fais, j'ai pas besoin d'un chaperon pour me surveiller.
Quelle mauvaise foi ! Joyce ne voulait simplement pas avouer qu'il venait de la sortir d'une mauvaise situation. S'en suivie la question qu'elle redoutait. Comment contredire ses propos alors qu'elle était bien trop maquillée et que c'était loin de lui ressembler ? Tu me saoules là, Noah ! Déjà je t'interdis de prétendre que ce sont des putes, tu les connais pas. Tu peux très bien avoir une mère de famille qui veut nourir ses enfants comme une jeune femme qui tente de payer ses études ! T'as des idées fermées et ça me déçoit ! Maintenant, si tu veux bien me laisser... Je dois rentrer.
Depuis qu'il avait 12 ans, depuis que Joyce était rentrée dans sa vie, Noham n'avait jamais cessé de se préoccuper d'elle, autant qu'elle s'était préoccupé de lui à l'époque. Alors qu'aucune femme n'avait réussi à l'atteindre, pas même sa mère, il s'était entièrement donné à sa relation avec Joyce, et ça, bien avant qu'ils ne soient un couple à proprement parlé. Aujourd'hui encore, après des années, il se sentait toujours prêt à agir pour elle, bien qu'il ai eu souvent des agissements contradictoires. Peu importe qu'elle pense qu'il n'avait pas à la surveiller, Noham ne comprenait pas pourquoi elle était dans ce genre de ruelle toute seule et à cette heure là.
« Tu te débrouillais toute seule ? Tu veux peut être que je le rappelle pour voir comment t'aurais fait ? |...| T'es incroyable ! »
Les réactions de la blondinette pouvait rapidement l'agacé, mais il la connaissait, il savait son moyen de défense. D'un coup elle s'emballa sur la dernière remarque de Noham. Qu'elle parte comme ça ? Toute seule ? C'était hors de question, il ne la laisserait pas faire. Ok ce n'était plus son petit ami depuis un moment, ok il avait mit fin à leur relation un peu brutalement et sans lui donner les réelles raisons, il n'avait peut être rien à dire sur les actions de la jeune fille, et pourtant il se sentait toujours aussi concerné. A tord, comme lui avait fait comprendre son frère. « Non, tu rentres pas toute seule Charà, j'te ramène. »
Il la regarda alors de plus prêt, et son regard se fronça légèrement. Il venait de faire le lien, lorsqu'elle lui dit que ce n'était pas toutes des putes qui travaillaient ici, qu'il pouvait très bien y avoir des étudiantes... Puis les indices lui sautèrent aux yeux, il s'approcha d'elle et posa sa main sur sa joue. Elle était bien plus maquillé que d'habitude, c'était clair. Il connaissait son visage par coeur, ainsi que le nombre de millimètre de fond de teint qu'elle pouvait se mettre, hors là c'était différent. « Pourquoi tu t'es autant maquillé d'ailleurs t'as pas l'habitude de... » Son regard fût attiré par un costume brillant qui sortait légèrement de son sac. Il bloqua une demi seconde dessus avant de le sortir du sac d'un seul geste. C'était la confirmation. « Tu bosses ici ?? T'es pas sérieuse là ? » Il lui rendit immédiatement son costume et la regarda.
Comment avouer à son entourage qu'on se dénude plusieurs fois par semaine ? Joyce ne s'était pas spécialement posée la question. Ses proches ne comprendraient certainement pas les raisons qui la poussaient à un tel agissement. Pour ne pas à avoir à expliquer les réelles causes de ses actes, elle préférait préserver cette partie de sa vie à des personnes du métier comme Donovan ou Angélice. Pourtant, Joy n'avait jamais rien dissimulé à Noham par le passé. Elle le tenait au courant de tout : de ses moments de doute à ses plus grandes peurs. En grandissant auprès de lui, son ex avait campé tous les rôles, il avait occupé tous les statuts passant d'amis à amants. Auparavant, elle avait une confiance tellement aveugle qu'elle était prête à tout, à se surpasser, à tout expérimenter à une seule condition : si c'était à ses côtés. La jeune Arnault se sentait plus forte, croyait bien plus en elle et savait pertinemment qu'il ne pouvait rien lui arriver en l'ayant dans sa vie. Même séparés et malgré qu'elle prétende le contraire, Joy était persuadée qu'elle pouvait l'appeler à tout moment et qu'il tenterait d'être disponible ; la réciproque s'avérerait tout aussi vraie.
Tu le feras pas mais appelle... A vrai dire, je sais même pas si je préfère pas être avec lui en ce moment plutôt qu'avec toi ! Là, t'agis comme si on était ensemble et t'es bien placé pour savoir que c'est loin d'être le cas.... Alors, nan, je rentre pas avec toi !
D'un geste vif, Joyce retira la main de Noham posée sur sa joue. Se retrouver en pleine nuit, dans une ruelle sombre, avec son ex examinant son visage n'était pas du goût de la jeune artiste. Quand il saisit la tenue de son dernier show, elle se mordit la lèvre en grimaçant, signe de son désarroi. Comment allait-elle lui expliquer ? Ce ne fut que lorsque Noham lui remit ses affaires que Joy fut interpellée par un nouvel élément : ce tatouage. Tu vois, c'est à cause de toi ! C'est à cause de ça !
Joyce saisit le bras du métisse et le remonta légèrement pour lire la partition. Et avec un débit impressionnant, elle reprit :
C'est quoi ça ? Pourquoi je le vois que maintenant ? Tu veux que je te dise quelque chose ? Ce que j'en pense vraiment ? Avant de t'expliquer, oui, je bosse ici ! Oui... Tu peux le dire, je fais du strip. Soit dit en passant, ce soir, j'ai eu énormément de succès. Preuve ?
Elle saisit son sac qui était posé sur le siège conducteur, récupéra la liasse de billets dépassant et les jetta sur Noham.
Mon salaire de la soirée ! |...| J'en suis fière, je fais quelque chose pour moi. Je vais pas le crier sur tous les toits parce que j'estime que ça me regarde uniquement. J'en prends plaisir et pour la première fois de ma vie, j'suis pas raisonnable ! Le bien fou que ça fait... Tu peux pas imaginer ! Quand j'étais avec toi, j'étais incapable de faire une chose pareille ! Je pouvais pas, j'étais totalement sous ton emprise... A tort, peut-être. Quand on me proposait quelque chose, même insignifiante, je prévoyais ta réaction ou je t'en parlais immédiatement. Je faisais rien sans ton consentement ! Rien, Rien ! Alors si la personne que je suis devenue te déplait, tu peux t'en prendre qu'à toi même. Parce que... C'est à cause de toi si je suis comme ça ![HJ : le titre, tu vois. La classe :gla: ].
C'était trop, c'était toujours trop avec elle de toute façon. Y'avait ce truc qui faisait que ça devenait « trop » justement. Et c'est comme ça qu'il décrirait leur relation en un mot. C'était pour ça qu'il y avait mit fin, et pourtant c'était pour ça qu'il ne pouvait pas s'en passer. Joyce avait raison dans ses propos, ils n'étaient plus ensemble depuis un moment, alors comment expliquer le besoin qu'avait Noham d'agir de la sorte ? Incontrôlable.
Pius tout alla très vite d'un seul coup, tellement qu'en quelques secondes elle venait de découvrir le tatouage du jeune homme. Tatouage qui se rapportait à leur histoire et qu'il avait fait, bien entendu, une fois qu'il l'avait quitté, étant un jeune homme particulièrement illogique sentimentalement. Il ne savait pas quoi faire, et elle lui facilita la tâche lorsqu'elle reprit sur cette histoire de striptease. Sa mâchoire se serra lorsqu'il vit voler les billets qu'elle lui jetait à la figure, ça pouvait ressembler à une de leur disputes explosives, à la différence non négligeable qu'au jour d'aujourd'hui il pouvait très bien la perdre. Noham ne fit qu'encaisser les mots de la jeune femme, puis explosa.
« A cause de moi ? Je vois. Alors finalement je t'ai rendu service, en te libérant de mon 'emprise' t'as pu te libérer toi même, faire ce que tu veux, ENFIN ! C'est à se demander comment tu faisais pour vivre avant, avec moi ! C'est clair que te déshabiller là bas c'est beaucoup moins dangereux que mes plans foireux en moto pour ta santé. |...| Tu vois, ça confirme ce que j'pensais au final, ça n'a été que bénéfique pour toi à t'entendre parler, et à me sortir ce genre d'excuses ! J'ai plus aucune raison de regretter ce que j'ai fais. »
Toutes ces vérités qu'elle pouvait lui cracher ce soir, il les avait déjà tourné et retourné dans sa tête il y a quelques années et il aurait préféré ne pas s'aventurer dans cette conversation. Il ne savait faire qu'une chose dans ces cas là; se braquer. Finalement il releva à son tour sa manche pour faire apparaître son tatouage et reprit.
« Et ça, tu l'as pas vu parce que j'l'ai fais pendant ton stage de théâtre, tu te souviens ? Quand t'es revenue, j'avais plus de raison de te le montrer. |...| Bref, t'as raison pour le reste. J'ai rien à dire sur ce que tu fais là dedans, ça me concerne pas maintenant, mais ta sécurité ça me concernera toujours, donc tu viens ? » Il lui tendit son casque.
Les deux tatouages que possédaient Joyce se référaient à une grande partie de sa vie. Leur signification était inconnue de son entourage. On l'avait souvent questionné sur leur sens et elle avait toujours été très évasive ; l'un était en rapport avec la musique. Le second, bien plus discret, avait été fait sur un coup de tête selon ses dires. Faux. Joyce n'avait jamais été aussi certaine. Même si elle était amenée à se séparer dans la foulée, elle savait pertinemment qu'elle n'allait jamais regretté ses actes. Même près de 3 ans après leur rupture, elle n'avait pu concevoir de se rendre dans un centre pour faire des séances de laser et ainsi se détatouer. Elle les assumait pleinement et les arborait fièrement. C'était sa vie, et quelque part, il était toujours auprès d'elle malgré la séparation. Joy pouvait être indécise à tous les niveaux, hésiter en permanence, peser le pour et le contre en toute circonstance mais quand il s'agissait de son attachement au jeune métisse, tous ses doutes se dissipaient. Tout naturellement, comme la majorité des couples, elle avait tenté de découvrir son univers. Prendre des cours de danses antillaises pour être au plus proche de ses originies : elle maitrisait le zouk cannelle et le zouk gimgembre à la perfection, se rendait encore aujourd'hui à des soirées à thèmes et conduisait en écoutant les grands artistes de cette influence. Autre exemple : Elle avait intégré l'équipe des cheerleaders et pouvait ainsi le croiser aux entrainements. La liste était loin d'être exhaustive mais toutes ses actions, elle les faisait avec plaisir.
Dorénavant, elle était comme perdue à enchainer certains agissements qui n'avaient aucun sens. Pourtant, elle faisait ses activités dans l'ombre mais à chaque fois qu'elle montait sur scène, c'était comme une revanche, une provocation de plus.
Est-ce que j'ai dit que t'étais dangereux pour moi ? Depuis quand t'écoutes les autres ? Justement, j'étais effondrée que t'es parti et je crois que tu peux même pas imaginer ce que j'ai ressenti à ce moment là. Tu vois... j'ai une défaillance cardiaque mais j'ai jamais eu autant de problèmes de coeurs qu'à cette période ! C'est peut-être bateau et assez niais quand je l'ai entendu chez les autres personnes mais tu me l'as brisé, Noham. Y a une part de moi qui s'est éteinte à ce moment là et une autre facette qui a fait son apparition. Comment tu voulais que je fasse confiance à quelqu'un après ça ? Comment tu voulais que j'agisse normalement ? C'était un moyen pour moi de m'affirmer alors peut-être que c'était pas la bonne solution... Mais justement, ta réaction là, ça me donne davantage l'envie de monter sur scène. Je sais que ça te touche !
Le tatouage qui lui montrait la laissa dubitative. C'était la première fois qu'elle doutait sur les intentions de Noham : pourquoi faire un tatouage après une séparation, spécialement quand on a pris la décision d'y mettre un terme ?
C'était quoi le but ? Je voulais même pas le faire ce stage. D'ailleurs, je l'ai plus foiré qu'autre chose. Les profs ne me trouvaient pas assez concentrée... J'arrête ! Et nan, t'as perdu tout droit ! J'ai pas envie de rentrer avec toi. Tu me touches, je crie au viol, je te préviens. J'ai une voix qui peut porter... Ce que je me dis là, c'est que dans l'histoire, j'étais bien plus investie que toi. Alors d'un côté, je suis satisfaite, je dois certainement t'écoeurer mais justement, je m'en réjouie... Parce que tu peux ressentir, ne serait-ce qu'un peu, ma déception ! Egalité !
« Il a bien fallut que je les écoutes ! » une parole de trop qu'il tenta de reprendre. « Enfin j'veux dire qu'ils avaient pas tout à fait tord sur certains points. Regarde bien, je t'ai fais prendre des risques inutiles avec ces courses de moto, juste pour t'avoir avec moi à chaque instant, et le pire c'est que je ferais exactement pareil aujourd'hui ! Je changerai rien ! Alors qu'il faut grandir, et Eliàs t'as sans doute plus fait grandir que moi, il t'a davantage poussé vers le haut, et tu sais quoi ? Je le respecte pour ça, j'en suis carrément jaloux même ! » Il la regarda. Il avait envie de lui dire tellement de chose à présent, s'il s'écoutait, s'il faisait l'égoïste, il lui aurait demandé d'arrêter ce stupide job dont elle n'avait pas besoin, il lui aurait demandé de quitter son frère, il lui aurait tout dit des véritables raisons de leur rupture, il lui aurait dit à quel point ça l'avait brisé lui aussi et à quel point il ne pouvait pas se passer d'elle. Mais au final : « T'as eu raison de faire ce stage ! C'était une chance pour toi, tu comprends rien c'est pas possible ! T'aurais du t'investir à fond, tu vas passer à côté tout sinon. »
Il culpabilisait encore de lui avoir fait tout ça, mais il était persuadé que c'était la meilleure chose à faire sur le moment. Il avait 19 ans à l'époque, et ce fameux matin où il prit l'appel à la place de Joyce, à propos d'un stage incontournable de quelques mois, il paniqua et chercha la meilleure chose à faire pour elle et non pour lui. Peut être s'était-il trompé, mais à cet instant, il avait jugé que c'était le mieux, agissant directement en partant du loft sans la prévenir. Il avait très vite prit une grosse claque par la suite, lorsqu'elle accepta ce stage. Il devenait fou d'être séparé d'elle en sachant qu'elle le détestait surement à ce moment là. Mais à son retour de stage, les choses avaient changé.
Joy préférait jouer la provocation, comme à son habitude, et paradoxalement ce genre de chose chez elle l'attirait autant que ça pouvait l'énerver. La plupart du temps ils surencherrisaient jusqu'à ce qu'un des deux arrête le jeu avant de tout perdre. Ils s'étaient souvent poussés à bout, et avaient continué bien après leur rupture. Et des fois, la provocation de Joyce sauvait Noham qui rentrait dans le jeu plutôt que de tout avouer et de lâcher prise.
« Tu veux me toucher en faisant ça hein ? Très bien, alors fait le à fond, on retourne au club à ce moment là, montre moi de quoi t'es capable Charà ! » Il planta son regard dans le sien. « Soit tu danses, soit tu montes »
Ce secteur d'activités n'était certainement pas fait pour elle. Si sa mère venait à l'apprendre, elle serait très probablement choquée de voir sa denière petite fille, son bébé, se dénuder certains soirs par semaine. Son père la renierait pour le tort causé à l'image de marque de sa compagnie de luxe : avoir une fille strip teaseuse n'a rien de très prestigieux. Quant à ses frères et soeurs, elle n'imaginait même pas les leçons de moral à venir. Pourtant, elle redoutait encore plus la réaction de Noham. Son opinion avait toujours énormément d'importance : la manière dont il la percevait, ce qu'il connaissait d'elle, son jugement sur ses prises de décision. Elle était obligée d'avoir comme son consentement pour pouvoir vraiment avancer. Alors même si elle s'est toujours très indépendante, il n'en était rien sans l'avis de sa propre mère et Noham.
C'est toi qui comprends rien ! Ce stage, en vrai, je m'en foutais mais totalement... J'ai jamais couru après la notoriété. Je veux pas devenir une grande actrice et enchainer les films qui font un carton au box office ! C'est pas mon but... Mon unique objectif, c'est de vivre le plus d'expériences. Avoir une vie de dingue en condensé ! Alors oui, c'est vrai, j'adore monter sur scène ou donner la réplique à un acteur que j'admire ou danser en chantant devant une salle comble ou encore être déchainée sur ma batterie ! J'aime ça ! Mais je prends autant de plaisir à le faire dans une petite salle des fêtes dans un patelin paumé. Les sensations sont identiques... Mais ce qu'on partageait ensemble, c'était unique et c'était certainement pas la popularité qui allait pouvoir me donner ce... Joy cherchait ses mots pour définir le lien qui l'unissait à Noham, elle finit par se rendre à l'évidence qu'il n'y avait pas un véritable terme pour définir leur relation et ce que le jeune homme lui avait apporté. D'un geste vif de la main allant de lui à elle, Joy reprit. ça !
Autrement dit, elle lui expliquait que toutes les scènes du monde et toutes les rencontres professionnelles n'étaient rien en comparaison de leur relation. Joyce se montrait sincère. Même si elle faisait un pas vers Noham en lui livrant son état d'esprit lors de leur séparation, Joy ne pouvait s'empêcher d'entrer dans son jeu. Il lui adressait une sorte d'ultimatum. Sans répondre, elle s'installa sur le siège conducteur de sa voiture pour augmenter le volume de la musique. Elle sortit de nouveau de son véhicule en retirant son manteau pour le donner à Noham.
Tiens moi ça ! Tu l'auras voulu !
Malgré la température assez basse en cette saison, Joyce se déhancha légèrement en retirant son haut. Elle poursuivit son manège jusqu'à se retrouver uniquement avec le bas de son ensemble et ses chaussures à talon.
Noham n'avait jamais douté de la sincérité de la jeune femme qu'il connaissait par coeur et encore moins à cet instant, la vérité s'était toujours lu dans ses yeux, elle pouvait difficilement mentir en le regardant ainsi. C'était alors l'effet d'une grosse baffe qu'on lui aurait mis sans prévenir, comment pouvait elle lui sortir tous ces ressentiments maintenant ? Il avait l'impression, d'un coup, de ne pas avoir agis pour son bien quelques années auparavant. Le métisse s'était enfermé dans l'idée que son entourrage avait raison, qu'il l'étouffait, qu'il n'était pas prudent avec elle et qu'il l'empêchait de mener sa carrière à bien. Ce qu'il voyait maintenant c'est qu'il s'était peut être trompé, peut être qu'il aurait du l'écouter elle et seulement elle au lieu des autres. Lui aurait-il fait plus de mal en partant plutôt que s'il avait continué à la garder dans sa bulle ? Il s'en voulait d'entendre tout ça, il s'en voulait de penser que c'était sa faute si elle avait prit la route du club, il ne l'aurait jamais accepté auparavant. Rien que le fait de l'imaginer bosser dans cet endroit le dégoûtait et l'énervait au plus haut point, elle avait raison, elle savait parfaitement comment le toucher. Il resta sans voix jusqu'à ce que Joy augmente le volume de la musique qui provenait de sa voiture. La voyant se déshabiller en rythme il ressentit à la fois un sentiment de satisfaction, puisqu'il était clair qu'il adorait la voir rentrer dans son jeu de cette manière, mais très vite il se senti bien con. Son petit sourire aux lèvres s'effaça rapidement et le jeune homme s'approcha de son ex pour l'envelopper dans son manteau. Instinctivement il l'a prit dans ses bras et posa ses lèvres sur sa chevelure blonde un instant.
« On peut rentrer maintenant ? »
S'en suivit un long silence. Ce genre de silence que Noham ne craignait pas en sa compagnie. Le métisse avait abandonné l'idée de faire sa course ce soir, quitte a garer sa moto dans le coin, préférant la raccompagner. Quelques minutes après il s'adressa de nouveau à la blondinette sans pour autant poser son regard sur elle.
« Je l'ai fais parce que j'comptais revenir... » Parlant de son tatouage. « Ça a été les pires mois que j'ai passé, parce que t'étais loin que je savais très bien que tu détestais, que tu comprenais pas. J'pouvais pas te faire ça, ça me tuait j'en pouvais plus de ne pas t'avoir, et puis t'es rentrée avec ce mec et j'me suis dis que j'avais peut être pas fais ça pour rien. |...| Ça doit bien te faire rire de voir que j'suis incapable de te laisser entièrement au final ! »