Contrôle du gauche, crochet sur le dernier défenseur, frappe de l'intérieur du pied, but. Le gardien n'a rien vu, et moi je marque mon premier but sur le sol américain. Bon OK, les américains ne connaissent absolument rien au foot et je joue sur une vieux terrain vague tout cabossé, mais un but reste toujours un but. J'embrasse l'écusson de mon vieux maillot de la Mannschaft - le plus beau, celui de Bastian Schweinsteiger, récupéré à la fin du match contre le Portugal remporté 3-1 par l'Allemagne - et tape dans la main de mes coéquipiers du jour pour fêter ça. Ces types, je ne les connais pas beaucoup, ils habitent juste le quartier où vit ma soeur et je n'ai pas pu résister à l'appel du ballon.
Le football, j'ai toujours aimé ça, mais j'ai commencé à y jouer assez tardivement, au début du lycée en fait. Ce rectangle vert, c'est sans doute le seul endroit où j'ai montré un peu d'altruisme au début. Moi, Maximillian Zimmer, l'enfant-chéri, l'enfant-roi, j'avais toujours eu ce que je voulais sans avoir à me soucier des autres, sans avoir besoin de dire "merci", et je me retrouvais sur un terrain à devoir partager un seul ballon avec dix autres bonhommes. Les premiers matchs ont fait mal, j'ai eu le droit de me faire bien engueuler par le coach, mais bon, je plantais des buts malgré tout, alors il était obligé de me laisser sur le terrain. Et mes buts j'en étais pas peu fier à vrai dire.
Oui parce que les buts, les filles elles adorent ça. Elles remarquent beaucoup moins les défenseurs ou les gardiens par exemple. Ailier gauche c'est parfait : Tu cours le long de la ligne de touche, juste en bas de la tribune, alors les groupies venues te regarder peuvent t'admirer et t'applaudir sans problème. J'ai toujours eu un rapport très particulier avec les filles. En fait, je les respecte beaucoup du moment qu'elle se respecte elle-même. Si vous me dites que je suis un connard parce que je couche par ci par là avec la première fille qui passe je vous dis non. Je vous dis juste que cette fille a peu de respect pour son corps et pour elle-même et qu'au lieu d'envisager une relation durable avec moi, elle m'offre gentiment son corps. Je ne suis pas un connard, je ne fais rien pour attirer les filles dans mon lit. Par contre, elles y viennent toute seule, alors je ne vais pas les virer hein, logique.
Mes parents m'ont toujours poussé à faire du football. Il faut dire que jusque là, j'avais jamais eu énormément de projet dans ma vie à part faire chier le monde. D'ailleurs, j'étais drôlement bon pour ça. Ma victime préféré étant ma soeur, Evelyn, bien entendu. Même ce n'est pas vraiment ma soeur, étant donné qu'elle a été adopté. Enfin, ça ne m'a jamais empêché de la faire chier royalement. Entre elle est moi, ça a longtemps été chien et chat. On était jamais d'accord sur rien et tous les sujets étaient propices à discorde. Je lui en ai énormément voulu à elle et aux parents lorsque qu'elle est partie faire son tour d'Europe. Je leur en ai voulu à eux, de lui laisser autant de liberté alors quoi moi j'étais le roi et j'étais bloqué à la maison. Et je lui en ai voulu à elle de me laisser tout seul à la maison. Après tout, coincé tout seul entre les parents, on faisait plus drôle, même s'ils cédaient à tous mes caprices.
A vrai dire, nous n'avons réussi à nous entendre que très récemment, quand elle est venue en Allemagne pour récupérer ses enfants. Il faut dire que j'ai grandi. J'ai toujours énormément de défaut, je suis toujours arrogant, narcissique, exigeant et j'en passe, mais j'ai commencé à comprendre que le monde ne tournait pas seulement autour de moi. Oh, juste un peu hein, je reste par moment toujours aussi insupportable. Mais j'ai appris la maladie de ma soeur, j'ai pour une fois arrêté de penser qu'à moi, et je me suis dis qu'elle avait peut-être besoin de moi toute seule là-bas. Alors j'ai décidé de plier bagage et de partir avec elle vivre à San Francisco. Ce n'était pas vraiment une contrainte : les Etats-Unis m'ont toujours attiré, et puis la vie entre mes deux parents devenaient invivables. Tout seul à la maison, ils me voyaient toujours comme leur petit bébé et moi, je suffoquais, j'avais besoin d'air. Ce départ était pour moi une aubaine. Et puis comme j'avais envie de me rapprocher de ma soeur, c'était l'occasion ou jamais, non ? Maintenant que je suis là, je vais profiter des States mais je vais aussi essayer de prendre soin d'elle comme elle a toujours pris soin des autres.
uc.