Après plus de trois semaines passées à l'hôpital, je commençais petit à petit à aller mieux. Mes poumons avaient retrouvé leurs formes initiales et je n'avais plus de moment de bug où je ne captais plus ce qu'il se passait autour de moi. J'avais autorisation de quitter ma chambre pour aller fumer à l'extérieur, moyennant fauteuil roulant et accompagnant, ce qui n'était déjà pas si mal. J'avais quitté le service de réanimation il a quelques jours, pour un service spécialisé dans la rééducation. Plus de bip de machine toute la nuit, plus d'infirmières qui crient sans arrêt dans les chambres à côté car un patient est en train de mourir. Juste, le calme. J'avais revu Yaël, dans les premiers jours de mon hospitalisations. Il s'était mis hors de lui, persuadé que c'était à cause de son père si j'en étais là. Sa paranoïa n'avait de cesse de s'amplifier ces derniers temps, mais je restais sceptique sur le fait qu'il y ait un lien entre son père et mon accident. Quatorze heure. Je devais suivre aujourd'hui ma première séance de rééducation à la marche. Je n'avais pas posé un pied au sol depuis le 23 septembre, et même si je ne le montrais pas, j'étais terrifié. J'avais peur de ne plus pouvoir mener la vie que j'avais avant tout ça. L'infirmière vint me chercher dans ma chambre et me déposait à l'intérieur d'une sale aux nombreuses machines dont je pigeais pas trop l'utilité. Je soupirais, attendant seul le mec qui pourrait me dire "Lève-toi, et marche."

Bordel, je sais ce que je fous là. Enfin, je sais, mais comment j’ai pu me faire prendre comme ça ? Bordel, j’ai pas autant de temps libre que ça, venir faire mes travaux d’intérêt général à l’hosto, je préférerais encore ramasser des déchets dans les rues…bon, peut-être pas mais j’aime pas les hôpitaux, j’ai jamais kiffé être ici, et si je peux les éviter, c’est cool. Et puis, être l’aide d’un mec qui peut pas marcher ca va être super chiant. D’ailleurs ca veut dire quoi ? Que je vais devoir pousser son fauteuil, l’aider à se redresser ou autre connerie du genre ? Sérieux, j’ai une gueule à faire des trucs comme ça ? En plus il est pas de ma famille et je suis pas payée, en gros, je taffe gratos. Mon agent a dit que je devais être heureuse, je vais pas aller en taule mais merde meuf, je préférais encore aller en taule, tu piges pas quoi là-dedans ?! Mais j’ai fermé ma gueule, c’était mieux pour moi, faut pas que je fasse trop de vagues, hein, je peux risquer gros et j’ai un taff, des responsabilités et la daronne piquerait une crise si je retourne encore en taule. Je lui avais promis plus de conneries, que je me mettais au vert, d’ailleurs c’était dans cette optique qu’elle avait accepté que je vienne à SF, elle s’était dit que je serais loin de l’ambiance new-york, de la puissance des Wayans et toutes mes autres relations, mais bon, on change pas ce qu’on est comme on dit. Bref, je suis la dame devant moi, pas vraiment contente d’être là et elle est pas vraiment contente de devoir m’supporter, écoute ma poule, c’est comme ça. Elle m’emmène devant un mec avec des cheveux de nanas, de dos j’ai cru que c’était une meuf, bref, on s’en branle, j’écoute même pas ce qui se dit, j’regarde autour d’moi, c’quoi cette merde ? Elle me fait un signe, j’dois me présenter. « Salut, j’suis Ebony, apparemment j’suis là pour pousser ton fauteuil, mais j’préviens direct, pour les chiottes tu t’démerdes » La meuf soupire et s’excuse de mon comportement, j’vais lui en foutre une mais j’me tais, faire profil bas jusqu’à ce que je m’tire d’ici.

Je reste seul quelques instants dans la pièce, bougeant légèrement mon fauteuil au milieux des instruments de torture qui y sont présents. Je fouille dans ma poche et sort mon telephone le temps d'envoyer un sms à Elektra et à mon frangin. Une infirmière passe alors la porte, accompagnée d'une jeune femme. Je les salue d'un geste de la main puis hausse un sourcil lorsque la plus jeune des deux se présente. Son franc parlé me rappelle légèrement celui de Lektra. J'arque un sourire alors que l'infirmière s'excuse pour elle. " Non, non, c'est rien, on est au moins d'accord elle est moi sur un point. C'est un bon début. " Je ris légèrement avant de me retourner vers la jeune femme, elle à l'air jeune, pour une sorte de kiné ou j'sais pas quoi. " J'me serai bien levé pour te serrer la main, mais c'est un peu complexe dans la configuration actuelle des choses. Enchanté, Ebony. Moi c'est Menahem. " C'est une des rares fois où j'utilise mon vrai prénom. J'ai toujours préféré me présenté en tant que Blake Lewis, mais j'ai envie de le laisser un peu à la porte, ce Blake rock-star -un peu égocentrique sur les bords-. Je la toise de haut en bas alors que l'infirmière quitte la pièce en fermant la porte derrière elle. " Sérieusement, t'es vraiment kiné ? Non pas que j'ai pas confiance hein, mais t'as l'air bien jeune. "

Bon au moins, il a pas l’air casse-couilles. Il le prend pas mal, au pire s’il l’avait mal pris, ça m’aurait pas empêché de dormir, je m’en tape total, c’est sa life, pas la mienne, hein. J’ai dit ce que j’avais à dire, comment il le prend et pourquoi, ça, c’est son problème. J’suis au-dessus de tout ça et j’ai qu’une envie m’casser d’ici donc perso, j’attends que ça mais bon, la meuf a dit pas de merde, ‘fin, pas de conneries, je devais faire toute cette période que le juge avait donné si je voulais pas que ça s’aggrave. « Ah faut forcément se lever pour serrer la main ? » C’est pas une critique, c’est pas sarcastique ni ironique, je pige pas en fait son délire. Il a l’air super bizarre ce mec, tout comme son nom d’ailleurs. Je peux pas m’empêcher de rire, un peu discrètement bon, pas tant que ça mais bordel, c’est quoi ce nom de merde ! « Sérieusement, tu t’appelles vraiment amène les nems ? » que je rétorque du tac au tac à sa question, continuant de le défier du regard, un petit sourire quand même parce que je suis fière de ma blague, bah quoi, elle est bonne je trouve. « Et est-ce que j’ai une gueule à être kinée ? J’me suis faite chopper par les flics et genre pour m’racheter j’dois taffer dans l’hosto et pousser des fauteuils comme le tien » J’hausse les épaules, y avait mieux comme y avait pire et au moins ils m’avaient pas donnés un patient super chiant, il semblait pas mal lui. « Il t’est arrivé quoi ? »

« Ah faut forcément se lever pour serrer la main ? » J'hausse les épaules. C'est vrai qu'au boulot, quand un client ou un mec qui vient passer un casting vient dans mon bureau, je me lève pour lui serrer la main, j'trouve ça plus polie, j'sais pas, mais j'pense qu'on va pas débattre sur le sujet. Je l'entends alors rire alors que je me présente à mon tour. Amène les nems ? Ok, celle là, on me l'avait jamais vraiment sorti. Je la regarde un sourcil levé puis je rigole furtivement. " Menahem. Rien à voir avec les nems. C'est juif. " "Le consolateur" à croire que mes parents voulaient faire de moi un psy. À la place, j'avais choisi la musique, ils étaient contents, ça rapportaient un peu plus, et puis ma mère pouvait savoir tout ce que je faisais grâce à la presse à scandale. Elle avait déjà vu plusieurs fois Elektra comme ça, et ses questions incessantes sur elle devenaient agaçantes. Ok, donc enfaite, je suis tombée sur une meuf en TIG qui doit se repentir en poussant des handicapés. Génial, je sens en elle toute la bonne volonté du monde. " J'sais pas, t'as pas la gueule d'une délinquante non plus. " J'hausse les épaules à nouveau alors qu'elle me demande ce qui m'est arrivé. D'habitude, j'trouve toujours de la merde à dire style que j'ai sauvé un car de hollandais qui allait tomber du golden gates ou quoi. " J'ai emmené mon gosse à l'école. C'est plus dangereux que ce que l'on pense. "