La journée commençait délicieusement. Mes yeux s'ouvrirent sans mal, et j'avais passé une nuit sans faire le moindre cauchemar. A travers les stores, on devinait que le temps se faisait doux de par la lumière chaude qui s'en dégageait.
Je me levai quelques minutes après mon réveil, allumant une musique d'ambiance presque instantanément. Sur un rythme joyeux et entraînant, j'enfilai mon peignoir en soie pour me rendre à la cuisine. Je n'avais pas pu résister à la tentation d'embaucher une femme à tout faire, dans mon nouveau chez moi. Je pense que je n'aurai pas survécu sans elle. Roberta m'avait déjà préparé le petit déjeuné, comme chaque matin. Le journal du jour était posé sur la table, et le thé n'attendait qu'à se faire servir.
Quelques fruits et une tasse de thé plus tard, je filai me préparer à sortir. Je ne connaissais personne. Personne ne me connaissait. Ce nouveau départ semblait avoir été mit en stand by, la chance et les miracles ne m'ayant évidemment pas sauté dessus à mon arrivée. Le problème lorsque que l'on naît une cuiller en argent dans la bouche, c'est que l'entrée dans la vraie vie, la vie que l'on mène seul et sous le seul contrôle de son libre arbitre, est terriblement perturbante. Tous nos acquis, notre manière de voir les choses, nos buts, sont remis en cause. On découvre un autre monde. Et je venais de sauter sans protection dans un monde de fous, après avoir été choyer toute mon enfance. Quelle folie !
J'avais eu mon diplôme en France et j'étais tout à fait bilingue mais je n'avais pas souhaité poursuivre des études. Manque d'envie, de temps, d'énergie. Pas besoin, surtout. Cependant, je gardais un bon rythme de travail, de manière à ne pas devenir un espèce de légume infâme, riche, gros et analphabète. Je me documentais alors sur tout un tas de sujets, de manière à garder une certaine curiosité quant au monde qui m'entoure et avec lequel je vis, et pour que ma capacité de mémoire ne disparaisse pas totalement. Je passais un tiers de mon temps libre -les deux autres tiers consistants à faire la fêtes et les boutiques- à cultiver la musique, le cinéma, les livres... d'ailleurs, aujourd'hui j'avais prévu de passer un moment à la bibliothèque. Je suis loin d'être un rat des livres, mais disons que cette culture littéraire de permet d'avoir une contenance que la jeunesse dorée, riche belle mais inculte, ne connait pas.
C'est d'un pas léger que je me rendais alors à la bibliothèque de mon quartier, comme plusieurs fois depuis mon arrivée à San Francisco. Une fois devant le rayon de mes livres favoris, je marquais un temps d’arrêt devant une étagère, sur laquelle j'étais sure d'avoir vu le livre que je cherchai quelques jours plus tôt. Je fronçais les sourcils, contrariée qu'il n'y soit plus. Un soupir s'échappa de ma bouche, tandis que mes doigts manucurés se dirigeaient vers une encyclopédie sur laquelle je me rabattis. Je ne calculai personne ici, ayant laissé mon costume de Lockweder à la porte de cette bibliothèque. Ici, j'étais anonyme.
Je m'installai à la longue table en bois brun se trouvant entre les deux rayons que je m'étais approprié ces derniers temps. Personne ne passait jamais, et le silence régnait plus ou moins (selon les heures de la journée). En cette matinée, je me sentais étrangement seule. Si d'habitude ce sentiment me réconfortait et s'il me permettait de mieux me concentrer, ce n'était pas le cas aujourd'hui. Il m'arriva plusieurs fois de me retourner sur moi même, un air inquiet au visage, après avoir entendu un léger bruit... mais qui me semblait terriblement proche.
Je m'étais réveillée de bonne heure ce matin. Motivée par l'idée d'avoir une journée bien remplie, j'avais ouvert les yeux au premiers rayons de soleil, ou presque. Domenico, mon colocataire, dormait encore. L'appartement m'appartenait ce matin. Je me fis rapidement un bon petit déjeuner avec des toasts et de la confiture accompagnés par un café et quelques petits gâteaux. Ah, la gourmandise ! J'étais absolument rassasiée quand je sentais l'envie de dormir m'envahir, comme si je subissais le fameux moment de la digestion de l'après-midi. Bref, il n'était pas question que je rejoigne mon lit immédiatement. Aujourd'hui, j'avais quelques rendez-vous de prévus, dentiste, esthéticienne, banquier et agent. Et oui, maintenant que j'étais propulsée au rang de "star" si on pouvait appeler ça comme ça, je me devais d'avoir un agent. Ce dernier était supposé me proposer aujourd'hui un nouveau casting pour un prochain film. En ce moment, je n'étais pourtant pas vraiment d'humeur à être productive avec l'accident d'Elyes. Celui-ci s'étant retrouvé dans le coma pour une raison que j'ignorais encore, mon moral n'était plus au beau fixe. Cependant, je me devais de faire quelque chose, cela passerait le temps et me ferait oublier cette peine. De plus, comme tout le monde, je devais travailler et gagner de l'argent. Je ne voulais pas comptais sur le soutien de ma famille, ma mère avait déjà ses propres problèmes, pas financiers, mais quand même. Il était inutile de la déranger pour si peu, je pouvais me débrouiller.
J'avais fini de m'habiller quand je découvris qu'il était encore trop tôt avant de me rendre chez le dentiste. J'avais au moins deux bonnes heures devant moi. Décidément, j'avais vraiment eu le sommeil léger cette nuit ! Je décidai alors de me rendre à la bibliothèque, histoire de découvrir de nouvelles histoires, palpitantes et intéressantes pour moi, étant donné que je devais désormais interpréter des personnages. Puis, je passais toujours un bon moment à lire. Ca m'apaisait, me détendait. Je n'avais plus eu beaucoup de temps à l'Université de me plonger dans la littérature, néanmoins depuis que je n'étais plus scolarisée, j'avais du temps à tuer et les livres s’avérèrent être un bon passe-temps. Toujours est-il que ce matin, peu de personnes se trouvait à la bibliothèque. Normal, il était tôt et puis les gens travaillaient majoritairement à cette heure-là. Je me faufilais dans un rayon de littérature pour adultes, section romance et drame. J'adorais ce mélange, c'était juste incroyablement envoutant comme univers dès qu'on commençait à lire. Alors, très vite, je trouvai mon bonheur. Un titre poétique, aux allures "années 60" et avec une intrigue plutôt séduisante. Je le pris donc et m'assis un peu plus loin, auprès des grandes fenêtres donnant sur les rues de San Francisco. Au bout d'une demi-heure, une autre personne entra et se dirigeait vers le rayon dans lequel je me trouvais. Cette personne ne m'avait pas vue. Je continuais à lire, mais presque lassée par l'endroit où j'étais, dans lequel je me sentais bien seule, je me dirigeai en direction de mes rayons favoris. D'habitude, quelques personnes y passaient. Je devrais donc apprécier cette place. Assise sur un genre de fauteuil, je me remis à lire. Au bout de quelques minutes, je fus déconcentrée, une nouvelle fois. Je me levai, avançais pour chercher une meilleure place, plus confortable que ce fauteuil qui semblait un peu trop vieux... Je fis un peu le tour du rayon pour me retrouver dans un endroit avec une table et une seule occupante. La fille que j'avais croisée. J'étais derrière elle, elle ne m'avait donc toujours pas vue. Je m'aperçus qu'elle avait fait tomber son foulard deux rayons plus loin. Je m'empressais de le récupérer pour la lui ramener. Cette fois, je passais à côté d'elle pour éviter de l'effrayer. « Hey... Excuse-moi, mais je pense que ceci t'appartient ? » Je fis un petit sourire en montrant le foulard couleur beige d'une main, l'autre tenant encore mon livre. La fille était vraiment très jolie et paraissait sympathique. Et étrangement, elle me semblait familière. C'était sans doute mon imagination qui me jouait un tour.
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J'étais profondément plongée dans une encyclopédie de psychologie, hypnotisée par le flux d'informations intéressantes dispersées sur chaque ligne. Le silence me permettais d'être concentrée sans me faire violence, et le soleil inondait de couleurs chaudes l'immense pièce, se faufilant parmi les longs rangs de livres. Une vingtaine de minutes après mon arrivée, je fus dérangée par une fille pendant que je lisais confortablement. « Hey... Excuse-moi, mais je pense que ceci t'appartient ? » Je relevai mon regard sur la brune qui se trouvait devant moi. Je marquai un temps d'arret d'un air raleur avant de voir le léger sourire qui accompagnait ses paroles. Curieusement, je lui rendrai sans réfléchir, en la remerciant. « Oh ! Merci. » Après l'avoir placé à l'intérieur de mon sac à main, mes yeux balayèrent la jeune femme rapidement. Elle n'était pas très grande mais plutot mince. Ses cheveux manquaient de sophistication mais elle était plutôt bien habillée. Mignonne dans l'ensemble. Elle tenait un livre dans sa main, mais je ne pu en lire le titre. Dommage, on dit souvent que l'on est ce que l'on lit. En tout cas, moi, je le dis. Le regard de cette femme était foudroyant, d'un très beau vert. En un second sourire, j'ajoutai « Heureusement que tu l'as trouvé, c'était une édition limitée française ». Je ne l'aurai plus trouvé nul part, et si j'étais matérialiste, je n'étais pas négligente vis à vis de mes affaires.
A première vue, la personne que je venais de rencontrer me paraissait très sophistiquée, très classe. Et lorsqu'elle me confia que son foulard provenait d'une édition limitée française, je n'en paru guère surprise. Cependant, j'en était ravie. Originaire de France, du côté de ma mère, j'eus quelques occasions de faire un tour dans les boutiques chiques de Paris. Ces magasins étaient absolument formidables et spectaculaires. Bien que plus jeune la mode ne me passionnait pas du tout, j'étais toujours impressionnée par l'habillement français et restai particulièrement admirative face à toutes ces créations. En résumé, cela restait un emblème mythique, à mes yeux. De plus, je me demandais si la jeune fille s'était rendue en France pour se procurer l'accessoire que je venais de lui rendre. J'espérais intérieurement que la réponse serait affirmative car je serais enchantée de me retrouver avec une fille ayant visité ce pays que j'aimais tant. « Oh oui je comprends parfaitement. Et je t'en prie. L'as-tu trouvé ici ou carrément en France ? » Et comme si c'était tout à fait naturel, je pris place à côté d'elle, tout en souriant, pour m'asseoir sur une chaise. Cela paraissait peut-être un peu culotté de ma part et pourtant cette fille éveilla ma curiosité. Je voulais donc en savoir plus.
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