Je détaillai celle qui sera ma colocataire avec attention. Nous nous n’étions pas encore engagées, enfin il y avait encore possibilité de décliner l’offre si vraiment le courant ne passait entre nous ou si l’appartement ne me plaisait pas du tout, ce dont je doutais au vu des photos qu’elle m’avait envoyées. Donc revenons à…Skye, si j’avais bonne mémoire. Elle était très jolie et pétillante. Elle semblait respirer la bonne humeur ainsi que la joie de vivre. J’avais cru comprendre qu’elle était une jeune fille de bonne famille et j’avoue avoir craint qu’elle soit une de ces gosses de riches imbue d’elle-même et ayant tout ce qu’elle désirait. Peut-être était-ce le cas mais elle semblait conserver une certaine humilité, dans le sens où elle n’utilisait pas ses biens matériels pour se rendre supérieur à toi. Ce genre de personnes j’en avais bouffé toute ma vie et j’étais bien contente que Skye ne fasse pas partit de cette catégorie. Cela me rappelait une fille dans mon collège qui était issue d’une famille monstrueusement riche et qui le faisait bien comprendre à tous ses camarades. Elle pensait que tout lui était dû du fait que ses parents aient de l’argent. D’ailleurs l’administration fonctionnait dans ce sens en lui accordant tout ce qu’elle demandait. Les élèves aussi. Elle avait toujours des petits chiens qui accouraient lorsqu’elle sifflait. J’avais refusé de faire partir de cette cours qu’elle menait d’une main de fer ce qui m’avait valu d’être rejeté de tous, dieu que je m’en fichais. Enfin pas au début. J’étais jeune et comme tout le monde je voulais que l’on m’aime un minimum, ce n’était pas le cas. J’étais la tête de turc de son petit groupe mais j’ai su rebondir. Certes des années plus tard, mais vaut mieux tard que jamais non ? Il m’a fallu des années d’apprentissages, de souffrance, d’humiliations et de pertes pour comprendre qu’au fond je n’avais que faire de la vie des gens, je n’avais que faire de leur intérêt et la vie fut d’un coup plus belle. Je montrais à la reine et à ses serviles sujets que j’étais une coriace. Je souris légèrement en songeant à la manière dont je l’avais humiliée devant tout le monde. Ah, la jeunesse.

Nous pénétrâmes ensuite dans l’appartement. Je n’osais pas encore y poser une marque de possession, n’étant pas totalement sure. Il se pouvait que cela me déplût, bien que j’en doute. Ce qui me marqua instantanément c’était la luminosité de la salle de séjour ainsi que la merveilleuse vue que nous avions sur l’océan. Je m’approchai des grandes baies vitrées et restai un moment hébétée devant le magnifique spectacle qui s’offrait à moi. « Je sais où je vais passer le plus clair de mon temps. » ris-je avant de continuer la visite de ma nouvelle demeure qui était cent fois mieux que la précédente. J’empruntai donc le couloir sur ma gauche allant visiter la salle de bain ainsi que les chambres. Je compris que nous partagerons la salle de bain, cela ne me plaisait guère mais c’était bien dérisoire face à ce que cet appartement avait à m’offrir. J’entrai par la suite dans la chambre où il n’y avait rien d’inscrit sur la porte. Elle était d’une superficie moyenne, en fait, elle faisait la taille du salon du studio dans lequel je vivais juste et cela me convenait parfaitement. Je m’approchais de la fenêtre et un heureux hasard voulut qu’il y ait également une vue sur la mer. J’étais comblée au possible. J’avais d’ailleurs déjà une idée de la manière dont j’allais décorer mon nouveau lieu de vie. Car oui, j’étais conquise.

J’allais rejoindre Skye qui semblait, elle aussi, profiter des biens faits marins. « Alors tu le trouves comment ? » demanda-t-elle alors que je me positionnai près d’elle. « Magnifique ! » m’exclamai-je, ravie. « Franchement t’as très bon goût ! » Ce n’était pas des paroles en l’air, je n’étais pas du genre à faire des compliments dans l’unique but de flatter l’égo. « En tout cas je serais extrêmement ravie d’être ta colocataire ! » Ajoutai-je en souriant.

Finalement, j’étais plus contente d’avoir répondu à cette annonce, enfin plutôt contente que Cameron et Jacek m’aient poussée dans cette voie. J’avais gagné un nouveau logement, qui était, avouons-le, nettement meilleur que le trou à rat dans lequel je me terrais depuis mon arrivée à San Francisco. Et le point le plus important était sa proximité de la plage, je pouvais la voir du salon, de ma chambre. D’ailleurs même la décoration de l’appartement nous rappelait ce fait. Ah, j’étais plus que ravie. En outre, Skye semblait plutôt sympa. La cohabitation sera agréable, même si l’on ne deviendrait pas forcément les meilleures amies du monde au vu de mon caractère, cela n’empêchait pas que nous passerions sans doute de bons moments. C’était déjà pas mal. J’essaierais, sous les conseils de mon psychologue préféré, de refréner mes pulsions asociales et de calmer mon adorable caractère de merde. Nous étions sur la bonne voie. Je doutais que j’aie réellement à me forcer, jouant un rôle tous les jours avec qu’elle. Cela devrait aller. A l’observer, elle semblait aussi ravie de cette colocation, tout était donc pour le mieux. « Bon alors, ça t'arrangerait qu'on emménage quand ? Pour ma part le plus tôt possible serait le mieux ! Mais après je ne veux pas te presser. » Je lui souris et c’était un sourire sincère. J’étais contente qu’elle soit aussi pressée que moi car je me voyais mal rester une semaine de plus dans cet immeuble de fous où personne ne respectait personne. Où les gens n’avaient aucun scrupules à te réveiller tôt le matin, bien que je n’étais pas une grosse dormeuse, les enfants hurlants, les cris, les coups ou encore la vaisselle brisée n’était pas le meilleur moyen pour commencer une journée. Loin de là. Si l’on voulait se reposer, c’était durant l’après-midi car la moitié des gens travaillaient, encore ce n’était pas totalement sur. Y en avait toujours pour rester et faire chier leur monde. Evidemment. Le soir, je crois que c’était le pire. En plus des trucs habituels, il y en avait certains qui s’improvisaient musiciens à trois heures du matin. Chose que je n’avais jamais compris. Tu avais du temps toute la journée mais c’était seulement lorsque les gens dorment que tu venais pousser des hurlements plus proches d’un porc qu’on égorge que d’un chanteur. Bref, un immeuble de fous que plus vite je quitterais, mieux je me porterais. « Le plus tôt me convient également, disons dans la semaine…mercredi ? » Ma réponse parut lui plaire puisqu’elle sourit. Il était temps pour moi de prendre congé, chose que je lui dis. Elle me remit le double des clés pour faciliter mon emménagement. Je la remerciai, la saluai puis partis. Ah, je n’avais qu’une hâte revenir dans mon nouveau chez-moi pour de bon.