Très souvent, il arrivait que Heathcliff ait du mal à dormir la nuit. Un peu normal quoi. Quand on traverse une période difficile, beaucoup de pensées se bousculent dans notre tête et c'était ce que Heath vivait. Souvent, il se réveillait en plein milieu de la nuit suite à un rêve, apellons plutôt cela un cauchemar. Bref, il se réveillait en pensant que Rosamund était toujours là, endormie à ses cotés, mais ce n'était bien évidemment jamais le cas. Cela pouvait parraître bizarre à dire, mais il la voyait souvent dans ses rêves et il lui parlait. Il savait qu'elle était toujours là et qu'elle veillait sur lui. Cela ne l'empêchait pourtant pas de se sentir seul, incroyablement seul. Il savait qu'il ne se remettrait jamais complètement de la mort de celle-ci, c'était impossible et inimaginable. Elle avait occupé une trop grande place dans sa vie pour qu'il puisse totalement la rayer de ses souvenirs. Il espèrait seulement qu'un jour, il pourrait vivre sa vie comme avant. Peut-être qu'il finirait par rencontrer une autre femme avec qui il était heureux. Ça il n'en savait rien. Pour l'instant, il ne cherchait pas à trouver l'amour. C'était trop tôt, beaucoup trop tôt. Il avait encore cette impression de trahir son épouse quand il lui arrivait de coucher avec une autre femme, même si il savait que c'était un peu malsain de penser ainsi.
Bref, un simple regard vers son cadran lui permit de constater qu'il s'était encore réveillé en plein milieu de la nuit. Il savait pertinemment qu'il parviendrait difficilement à s'endormir de nouveau. Il préféra donc se lever. Il n'avait aucune idée de ce qu'il allait faire à cette heure, mais c'était toujours mieux que de rester allonngé dans son lit à fixer le plafond. Après s'être passé un peu d'eau au visage pour reprendre ses esprits, il revêtit un simple jean et un t-shirt noir. Son appartement lui parraissait beaucoup trop vide et ennuyant. Sur un coup de tête, il décida de sortir de chez lui pour prendre sa voiture. C'est ce qu'il aimait faire lorsqu'il avait besoin de se retrouver seul avec lui-même pour réfléchir. Il aimait conduire pendant des heures, sans avoir d'itinéraire précis. Il conduisait à travers la ville tout simplement. Il monta donc dans sa voiture et mis le volume de la radio à fond. Il roula pendant quelques heures comme à son habitude. Lorsqu'il approcha du cimetière, il décida de s'y arrêter, ce qu'il faisait rarement parce que ça lui faisait trop mal. Il gara sa voiture non loin de l'entrée avant de pénétrer à l'intérieur du cimetière. Il connaissait l'endroit ou reposait Rosamund par coeur, si bien qu'il aurait pu si rendre les yeux fermés. Une fois devant sa tombe, il soupira en se remémorant des dizaines de souvenirs. Même s'il savait qu'elle n'était plus vivante, il avait parfois l'impression qu'il la reverrait, mais quand il était au cimetière, il devait voir la réalité en face, et il avait toujours de la difficulté à l'accepter. C'était pour ça qu'il ne s'y rendait pas souvent. Cependant, Heathcliff se sentait mal quand il passait plusieurs semaines sans lui rendre visite, même s'il savait très bien que c'était parfois mieux pour lui. Il ne resta devant sa tombe que quelques minutes, parce qu'il ne pouvait pas supporter d'être là trop longtemps.
Lorsqu'il retourna à sa voiture, il constata qu'il était environ cinq heures du matin. Inutile de retourner chez lui dormir, il n'avait pas envie de s'enfermer chez lui alors que le soleil devait se lever dans quelques instants. Il conduit donc jusqu'au café le plus proche. Heath aurait définitivement besoin d'un café pour survivre à la journée. Heureusement qu'il ne devait pas aller travailler parce qu'il n'aurait pas été très productif. Après quelques minutes de route, il arriva tout près de ce petit café ou il avait souvent l'habitude de venir, même si ce n'était pas particulièrement à coté de chez lui. Le café était encore vide, quelques personnes s'y trouvait. Des gens matinaux ou encore des insomniaques comme lui. Il alla s'asseoir au comptoir pour commander un café esspresso, son remède pour masquer le sommeil. Puis, en buvant tranquillement son café, il prit un journal qui traînait et commença à le feuilleter.
Avez-vous déjà eu la sensation de vous sentir terriblement seul ? Etre au milieu d'une foule ou entouré de vos proches aussi bien de membres de votre famille, d'amis ou de simple connaissances et avoir cette impression qui ne vous quitte pas. Joyce avait la chance d'avoir dans son entourage des personnes sur qui compter, des êtres qui seraient prêts à tout pour la protéger et la savoir heureuse. Malgré tous leurs efforts, la native de Limassol conservait ce sentiment. Ses histoires si fortes, soient-elles, finissaient toujours ; les relations évoluaient et Joyce devait s'accoutumer de tous les changements. Comment avoir des repères ? En cette période d'examens, l'étudiante avait passé une bonne partie de la nuit à réviser son texte pour son oral prévu en début d'après-midi. Elle devait pleinement camper son rôle de Rosalind dans une oeuvre de Shakespeare. Aucune inspiration. Rien. Le néant. Pourtant, son professeur de théâtre croyait en son élève. Il connaissait son potentiel et avait assez confiance en elle pour lui donner des personnages relativement complexes à jouer. Cette nuit, elle n'arrivait à rien. Joyce lisait une ligne pour l'oublier aussitôt. Assise en face d'un miroir, elle se "donnait la réplique" sans grande conviction. Elle avait l'esprit préoccupé. La blondinette survolait son texte en pensant à autre chose. Ne parvenant pas à se concentrer, Joyce prit l'initiative de se coucher pour se réveiller tôt afin d'apprendre ses répliques.
Il devait être 5 heures du matin quand son réveil se mit à sonner. Après une bonne douche bien chaude, Joyce se rendit à son QG : un petit café sans prétention près d'Alamo Square où elle connaissait le gérant et les employés. Elle avait passé de nombreuses heures dans ce lieu à avoir de longues conversations avec le serveur, à bronzer en terrasse ou encore à savourer un bon chocolat viennois. Une fois arrivée au Luna Cafe, Joyce se rendit immédiatement au comptoir, dépensant son sac auprès d'elle et en sortant son texte. Le serveur lui apporta son chocolat sans même prendre la peine de lui demander, signe que c'était une habituée des lieux.
Il ne fallait que quelques minutes avant que son regard se pose sur un autre client à sa droite, que quelques secondes avant qu'elle se remémore leur dernière rencontre. Heath semblait exténué, sûrement n'avait-il pas fermé l'oeil de la nuit. Joyce lui en voulait tellement. A quoi pouvait-elle s'attendre ? A un peu plus de considération ? Le regardant avant son journal à la main, elle prit la parole spontanément en faisant le rapprochement entre la presse écrite traitant de l'actualité mondiale et la vie privée du jeune homme : Alors c'est quoi les dernières nouvelles ? Arrêter d'afficher tes conquêtes sur un réseau social ? Comment elle s'appelle déjà la dernière ? Quoi que vu ton état de fatigue, t'as dû passer une nuit agitée... Tu comptes l'appeler elle ? En fait... Laisse... Réponds pas... ça me regarde pas !
Même s'il avait le journal devant lui, Heathcliff ne s'y intéressais pas vraiment. Il était beaucoup trop fatigué pour se concentrer à lire un article et de toute façon, il n'avait jamais été du genre à lire les journaux, sauf parfois pour les nouvelles sportives. Alors qu'il allait refermer son journal, il entendit une voix féminine lui parler. Il n'avait pas remarquer que Joyce était entrée dans le café. S'il l'avait vu, il aurait sans doute tenter de sortir sans qu'elle l'appercoive parce que c'était ce qu'il faisait souvent, fuir. Mais maintenant qu'elle lui avait adresser la parole , il était trop tard pour faire quoi que ce soit. Vu le ton qu'elle abordait avec lui, il se doutait qu'elle lui en voulait énormément, et au fond, il ne pouvait pas réellement la blâmer. Elle avait de très bonnes raisons de lui en vouloir. «Et si ça ne te regarde pas, pourquoi est-ce que tu pose la question ? Tu ne t'attend quand même pas à ce que je parle de ça avec toi. » Il lui avait répondu aussi sèchement qu'elle lui avait parler. Il lui devait des explications c'était certain, mais il n'allait pas s'acharner à le faire alors que visiblement elle n'avait pas envie de les entendre. «Je ne pensais pas que tu jugeais les gens comme ça. Ça n'a rien à voir avec ce que tu penses si j'ai l'air fatigué. Non, je n'ai pas dormi de la nuit, mais je n'ai pas envie de raconter pourquoi.» Joyce était au courant de son histoire. Elle savait que sa femme était décéder suite à un arrêt cardiaque étant donné qu'elle avait une maladie du coeur. Il s'était confier à elle un soir et elle avait été d'une très grande écoute pour lui et il l'appréciait pour cela. C'est d'ailleurs parce qu'il y avait eu une complicité pas comme les autres entre eux, qu'ils avaient finis par coucher ensemble. Pour Heath, elle n'était pas une simple jeune femme avec qui il avait couché. Il avait l'intention de garder contact avec elle, puisqu'il savait qu'une grande amitié pourrait naître entre eux. Le lendemain, il avait cependant été choqué d'apprendre que Joyce était atteinte de la même maladie que sa défunte épouse. Alors qu'il s'était rendu chez une amie de cette dernière, elle aussi atteinte de cette maladie, ils avaient longuement discutés et allez savoir pourquoi, il avait mentionné Joyce durant leur conversation et elle lui avait dit qu'elle avait déjà croisée la jeune femme à l'hopîtal étant donné qu'elle avait aussi cette maladie du coeur. Il ne voulait pas revivre les mêmes sentiments que ceux qu'il avait vécu avec Rosamund face à la maladie de Joy. Il ne voulait pas s'attacher à elle sachant qu'elle connaîtrait peut-être le même sort que son ex. Il avait déjà un deuil sur les épaules, il ne voulait pas souffir encore plus. C'était lâche, il le savait, mais dans ce genre de situation, il n'avait pas le courage qu'il avait l'habitude d'avoir. «Écoute, je sais que je te dois des explications, sauf que je ne sais pas si tu voudras les entendre.» Il ne savait pas si elle était du genre rancunière ou bien si elle allait le laisser parler un instant. Il ne voulait pas parler si elle ne l'écoutait pas. Et puis, sa maladie était un sujet délicat, elle ne savait pas qu'il était au courant et elle risquait d'avoir un choc quand elle saurait qu'il savait.
A ce moment précis, Joyce hésitait entre demander au serveur de lui apporter sa commande à emporter afin de rentrer réviser dans son loft ou rester et connaitre le fin mot de l'histoire en prenant le risque d'être blessée par des explications douteuses. Dans son esprit, la jeune Arnault était persuadée d'être considérée comme une fille facile aux yeux d'Heath ; ce genre de femmes qui pouvaient passer d'homme en homme sans se poser la moindre question. Elles rencontraient une personne le soir même et finissaient la nuit en sa compagnie. Joyce ne voulait pas banaliser l'acte sexuel au point de coucher avec le premier venu dès que l'occasion se présentait. Elle se respectait bien trop pour être réduite qu'à un simple cul qu'on oublie en la remplaçant par une autre sex friend. Elle n'était pas prude pour autant, bien au contraire. Joy tenait juste à avoir de la considération de la part de son partenaire, une complicité, prendre du plaisir et en donner à un homme qui avait une certaine attache ; pas juste attiré par son physique pour ne plus donner signe de vie par la suite.
Avec Heath, Joyce ne s'était pas spécialement posé de questions. Ils avaient passé la soirée à se confier, à se conter des faits relativement intimes qu'on a pas l'habitude de raconter à la première conversation. Elle avait été attendrie par le lien qu'unissait le conseiller financier à sa défunte femme. Dans le fond, elle se reconnaissait dans son histoire et s'identifiait pleinement. Elle aussi avait vécu de belles histoires et en cas de crise cardiaque, il était fort probable que le jeune homme qui partageait sa vie à ce moment là ressente une souffrance équivalente à celle d'Heath. En l'espace d'une soirée, il lui avait fait une excellente impression. Elle pouvait ressentir son mal être et tentait de trouver les bons mots pour apaiser sa peine ne serait-ce que quelques heures. Joyce tenait absolument à lui faire penser à autre chose, qu'il puisse vivre comme un jeune homme de 24 ans sans songer à son deuil, juste le temps d'une unique nuit. Une nuit pour vivre sans contrainte, sans se poser de questions, sans penser au passé et à l'avenir, juste profiter du moment présent.
Nan, bien sûr que non ! Je m'attends à quoi venant de toi ? T'as eu ce que tu voulais... T'as plus à te confier dorénavant, peu importe le sujet.
Pour Joyce, elle avait été en quelque sorte manipulée par Heath. En n'ayant plus de nouvelles du jeune homme, elle remit tout en question de cette soirée : la sincérité de ses propos, leur complicité apparente, la manière dont ils se comprenaient.
Tu sais que je me suis posée des tas de questions, je me suis remise en cause mais je pense que tu t'en fous. Je voudrais que tu saches une chose quand même : c'est la première fois que je faisais ça ! Connaitre quelqu'un et passer la nuit directement avec lui. Alors c'est peut-être anodin pour toi... Une habitude... Mais ça l'était pas pour moi. Je sais même pas si j'ai envie d'entendre tes explications. Et maintenant vu ton état de fatigue, t'es même pas en condition pour avoir une conversation !