• Minuit trente, c’est une heure pour aller chercher un plateau de sushis ? D’ordinaire j’aime me faire livrer à pas d’heure, mais là…Je combattis ma fainéantise du moment pour y aller moi-même, parce que c’était pour la bonne cause. En effet, Eléanore semblait être « souffrante » (en fait, j’ai ouï dire qu’elle ne se remettait pas tellement de sa soirée alcoolisée de la veille, mais ça on ne le dira pas) et venait en même temps d’avoir une forte envie de Japonais…Et puis cela faisait bien une vingtaine de jours que je n’étais pas sortie à cause de mes examens. J’acceptai donc d’aller dîner en sa compagnie et pourquoi pas sa petite Shiloh si elle n’était pas déjà couchée –elle ne le fut pas.
  
  C’est donc de ma posture je-glande-dans-mon-lit-devant-la-tv-depuis-14-heures-cet-après-midi que je m’habillai à la hâte, après avoir reçu la proposition -tellement subtile- de mon amie. Ipod dans les oreilles, sac à main truffé de paperasse inutile –Je n’avais pas encore eu le temps de le vider- téléphone portable en main, je vérifiai une dernière fois que je n’avais rien oublié avant de quitter mon appartement pour la nuit. Je me dirigeai alors vers le sushi-shop de nuit qui se trouvait par chance à deux pas de chez moi, pour y faire une commande qui aurait sans doute pu nourrir toute une famille. Je suis trop gourmande, je vénère les sushis et Elea aussi. Alors il avait mieux en avoir trop que pas assez.
  
  Si j’avais parcouru le chemin séparant ma résidence du sushi-shop à pied, j’avais préféré faire le reste du trajet vers ma destination finale en taxi. Je ne suis pas motorisée, les distances sont longues à San Francisco et ce n’était pas une heure convenable pour traverser la ville seule.
  Je me sentais un peu patraque à tel point que je somnolais pendant tout le temps qu’à duré le trajet, presque. Le reste, je devais tenir la conversation avec le chauffeur mexicain et fort, fort bavard. En dix minutes, j’ai du apprendre tous les détails de sa vi de ces dix dernières années. Tellement intéressant ! Et puis, mon cerveau commençait déjà à penser au régal qui m’attendait. Mes préoccupations étaient clairement plus intéressantes que la grande tante veuve de Miguel (le fameux taxi-driver) qui prépare les meilleures confitures aux figues du monde. Vraiment.
  
  Bientôt, j’aperçus les bâtiments de Sunset District et je sentis un léger sourire se former sur mon visage. Heureuse ? Oui. Eleanore était plus qu’une amie pour moi, c’est probablement cette grande sœur que je n’ai jamais eu. Je l’aime énormément et nous passons toujours du bon temps ensemble. En outre, je lui dois une grande partie e la réussite de ma vie à San Francisco. Enfin cela faisait plusieurs semaines que nous ne nous étions pas vues. Il y avait clairement du temps à rattraper. Shiloh aussi me manquait beaucoup. A une certaine période de l’année, j’avais pris l’habitude d’être régulièrement chez elles. Au moins une fois par semaine, si ce n’étaient plusieurs. Donc oui elles me manquaient, sortir me manquait, avoir une vie sociale tout court aussi. Je pense également que n’avoir aucune contrainte du type « oh mon dieu j’ai une dissertation pour dans trois jours, interro la semaine prochaine blablabla ». Là en l’occurrence, je venais de faire mon entrée dans la période « Demain je fais une énorme grasse matinée, et puis je ne fais rien de ma journée. Et puis pendant plusieurs longues semaines aucune contrainte ne s’imposerait à moi. Le bonheur.
  
  Après avoir payé ma course, je me dirigeai vers l’entrée de Léa. Portail fermé, je dus lui téléphoner. Mon interlocutrice ne tarda pas à décrocher :
  
  « Je suis là, tu m’ouvres s’il te plait ? »

Il devait être dans les environs de 23h30, Eléanore après avoir mis les deux enfants -soit Shiloh et Stuart le fils d'Evelyne qui était à l'hôpital- au lit se retrouvait seule au salon avec un des chats de sa meilleure amie couché près d'elle sur le canapé. Regardant -ou plutôt essayant de trouver quelque chose de bien à regarder- la télé. Rien de bien intéressant ne passait, la jeune femme s'ennuyait, son ordinateur portable était là devant elle sur la table et elle le prit pour le mettre sur ses genoux histoire de vérifier ses e-mails et faire un petit tour sur facebook -ce site internet fréquenté par le monde entier et qui semblait vraiment avoir la cote- Pourquoi en avoir un aussi ? Pour voir ce que font les autres ? Elle n'en savait trop rien, elle en avait un et puis voilà. D'une manière très subtile elle s'arrangea pour s'organiser une soirée sushis avec son amie de longue date, Ryan -grâce à son statut facebook-. Elle en avait tellement envie de ses sushis et elle même ne pouvait pas sortir car elle était malade et dans un trop sale état pour aller les chercher elle même. Elle aurait aussi pu passer commande et qu'on les livre chez elle mais c'était plus intéressant si elle pouvait avoir une amie en prime.

La jeune femme resta sur le pc après avoir arrangé la soirée avec son amie. Elle l'attendrait ici en bas au salon puis elles monteraient certainement dans la chambre après avoir mangé, soit resteraient en bas en regardant des DVD, Eléanore en faisait la collection, il y en avait pour tous les goûts et les couleurs.

Déposant son ordinateur sur la table et se levant du canapé en essayant de ne pas bousculer le chat d'Evy, la jeune malade était partie pour la cuisine -autant déjà préparer les boissons ce disait-elle-. Elle chercha dans le frigo et trouva un fond de jus d'orange, pas assez pour être servi à table, elle se le servi dans un verre et le bu d'une traite avant de continuer à chercher. Ne trouvant rien d'autre que du lait et une bouteille d'eau dans le frigo, l'infirmière s'en alla dans le garde manger. Heureusement pour elle, il y avait une brique de Jus d'orange, une bouteille de coca et une bouteille de fanta qu'elle alla mettre au frigo pour qu'ils soient un minimum froid quand Ryan serait là.

Elle retourna au salon et s'arrêta une minute devant le miroir, elle était vraiment dans un sale état il fallait quel change ça, ne serait-ce que se coiffer convenablement et se passer un peu d'eau froide sur le visage. Elle monta dans la salle de bain et passa devant la chambre des enfants, qui dormaient avec Debussy -le chien d'Evelyne- un léger sourire aux lèvres elle alla dans la salle de bain pour se barbouiller le visage et s'attacher les cheveux en queue-de-cheval. Enfin lorsqu'elle eu terminé elle retourna au salon et s'installa à nouveau à sa place. Le chat n'avait pas bougé entre son départ et son arrivée, mais une fois couchée il vint se mettre sur la jeune maîtresse de maison, qui lui caressa le dos.

Elle resta là dans le salon un bon moment à regarder la télé en attendant que sa petite soeur se pointe. Son téléphone sonna elle décrocha. Elle reconnu immédiatement la voix de Ryan.

« J'arriva je vient t'ouvrir. »

Elle se leva en faisant attention de ne pas brusquer le chat. Se dirigea vers la porte d'entrée et ouvrit la porte pour inviter son amie à entrer dans son petit -enfin pas si petit il y avait quand même quatre chambre à coucher dans cette baraque- chez elle. Un petit sourire aux lèvres en voyant son amie et le packs de sushi elle la laissa entrer puis ferma la porte.

« Tu sais tu aurais pu utiliser la sonnette. » Avec un petit rire amusée. « Fait donc comme chez toi, tu connais la maison. » Sur ces mots elles se dirigèrent vers le salon et Eléanore l'abandonna pour amener les boissons et tout ce qui était nécessaire -soit serviette, verres, ...-

• Eléanore m’indiqua de m’installer, après tout j’étais comme chez moi. Je riai :
  « je sais bien que je suis chez moi ! »
  
  Je jetai à la volée mon sac sur son canapé et me dirigeai vers la cuisine pour l’aider à déballer notre dîner. Lorsque je vis qu’elle cherchait de la boisson, je ne pus m’empêcher de lui demander si elle n’avait rien d’alcoolisé à disposition.
  
  « Tu comprends, j’ai fini mes exams aujourd’hui et tous les étudiants sont en ce moment même en train de se prendre une cuite à je ne sais quelle fête et moi aussi j’ai besoin d’un peu me laisser aller ce week-end. Bien-sûr, je vais me tenir à carreau, je sais qu’il y a shiloh, blablabla blablabla ». Déballai-je, en roulant des yeux.
  
  Après avoir tout disposé dans une grande assiette, je la plaçai dans un plateau avec des petites assiettes et les verres, puis retournai au salon pour tout mettre en place.
  La préparation d’un plateau-télé avec Léa constituait tout un rituel. Une certaine disposition des mets et de la table par rapport aux canapés était nécessaire. Aussi, les télécommandes devaient être à disposition, les petites couvertures pour ne pas se geler les pieds etc. Tout devait être fait de façon à satisfaire notre fainéantise. Il fallait pourvoir se servir à boire et manger sans fournir le moindre effort et tout en étant bien orienté par rapport à la télévision. Aussi être le plus à l’aise possible.
  La deuxième partie de la préparation? Convaincre Léa de regarder Bambi avec moi. Je savais bien qu’elle ne faisait que regarder des Disney depuis qu’elle avait adopté Shiloh, qu’avec moi elle voulait se faire une soirée entre « jeune femmes » mais franchement je n’avais absolument pas envie de regarder Sex and The City ou un truc dans ce genre-là. Je faisais ma crise Bambi, après avoir fait ma crise du Roi Lion deux semaines plus tôt, j’avais ce besoin VITAL de regarder Bambi.
  
  Finalement, cela n’a pas bien été difficile. Je suis Wils et Wils est une grande enfant. Autrement dit, je sais très bien obtenir ce que je veux en suppliant de façon très insistante avec une petite voix et un air de chien battu. J’en étais presque à suivre mon amie partout dans sa maison en piaillant « s’teuplait, s’teuplait, s’teuplaiiiiiiiiiit ». Elle ne tarda pas à céder. Une petite capricieuse H24, c’était déjà suffisant pour elle. Pas la peine de m’avoir moi en plus.
  
  C’est ainsi que nous nous installâmes devant Bambi, prêtes à passer une soirée de… heum. Folie !
  
  « STOP ! avant de commencer tu m’offres donc quoi à boire ? »
  
  Elle allait me taper dessus, je le sentais. Ha. Tant pis, j'étais prête à courir.

• Voilà, elle avait faibli. Je venais juste de faire perdre patience à Ela, qui, sur le coup des nerfs me gronda comme elle l’aurait fait avec sa fille. C’était comique. Tout sourire, je me levai en sautillant vers son fameux placard à alcool.
  
  « Okaaaaaay, keep cool Léa ! »
  
  Amusée, je me dirigeai donc vers sa caverne d’Ali Baba…Enfin façon de parler, la désillusion fut rapide. Non pas que je m’attendais à tomber sur une cave à Vins, mais vu comment mon amie venait de me parler de son super placard à boissons surprotégé –on ne sait jamais, des fois que Shiloh aurait des envies de cocktail alcoolisé- j’ai quand même imaginé un peu plus que…Une bouteille de vodka entamée et un whisky…Une bouteille à chaque main, je sondai on esprit rapidement, avant de réaliser que je ne savais pas encore ce que je voulais. C’est donc avec les deux que je retournai à mon emplacement. Je les déposai bien soigneusement près de moi, m’installai sous ma couverture avec mon petit plateau…
  
  « Voilà, enfin ! Aaaah ». C’est sur ce grand soupir que je lançai à ma Léa :
  
  « Dis t’as vraiment peur que Shiloh y touche ? C’est drôle ton gros cadenas en fait. Si je ne t’aimais pas je dirais même ridicule, mais je reste gentille. Tu peux aussi juste les mettre dans les placards du haut tu sais. Bon, je pense que je devrais me taire. Je ne t’embête plus ce soir, c’est promis, j’ai déballé mon lot de conneries. »
  
  J’appuyai donc sur le bouton « play » pour démarrer le film. Je me préparai en outre psychologiquement à ne pas pleurer. Ben oui, Bambi, c’est triste depuis le départ et moi j’étais une âme sensible. Je le suis toujours d’ailleurs. Je savais également que mon infirmière de copine n’était pas réellement motivée à regarder Bambi. Mais bon, ce soir-là, j’étais sa deuxième Shiloh, je méritais au moins ça.
  Le problème –parce qu’il fallait bien que je m’en trouve un- était que…mon esprit avait soudainement décidé d’être préoccupé et de penser à trois cent cinquante choses en même temps…En l’occurrence…
  
  « Dis donc Ela, à tout hasard, tu ne connaitrais pas un certain Dwight...Underwood je pense? »
  
  Dwight. Comment dire…je l’avais rencontré quelque temps auparavant dans des circonstances douteuses. Je ne sais plus trop lesquelles. Enfin si, after-party d’un show donné par un ami à moi, qui se trouvait aussi en être un à Dwight, me semble-t-il. Ou alors il était juste là par hasard, ce qui est également possible. Enfin toujours était-t-il que nous étions tous quelque peu alcoolisés et une chose en entrainant une autre, je me suis réveillée avec lui dans mon lit. Génial. Cela ne faisait pas vraiment partie de mes habitudes, mais c’était arrivé. Évidemment, je n’en avais parlé à personne. D’abord parce que je ne suis pas du genre à informer les gens de mes frasques et ensuite parce que je me suis rendue compte que Dwight connaissait genre 70% de mes amis. Génial. Et puis nous nous sommes revus. Et nous avons entretenu des relations disons…Ambigües. Très ambigües. Enfin vous voyez le truc. Peu après je me suis également rendue compte que Dwight n’était pas un cœur à prendre à l’époque où c’était arrivé. Il ne l’est toujours pas. Une relation physique ? Difficile à dire. Non pas seulement. Mais voilà, c’était déjà suffisamment compliqué pour moi d’assumer mon nouveau statut de…-c’est horrible à dire- maîtresse de ce type, alors je n’allais certainement pas en parler. Même pas à Léa. Ni Alexa. Lui-même n’avait jamais pris la peine de m’en informer il avait fallu que je l’apprenne de façon un peu hasardeuse. Je ne lui avais jamais dit non plus que j’étais au courant. Il devait sans doute me prendre pour une imbécile, mais je ne m’étais jamais résolue à le lâcher. J’étais bien avec lui et donc pas le courage de le faire. Quelle horreur. Enfin bref, telle était ma situation. Et je ne savais même pas encore qui était l’heureuse élue. Mais quelque chose me disait que je ne tarderais pas à le savoir. Voilà. D'ailleurs c'est en partie pour cela que je tentai de trouver des renseignements auprès de mon amie, étant donné que ne le connaissant pas elle ne porterait peut-être pas de jugement là dessus...Mais pourrait me filer des infos sur ce qu'elle entend dire parmi ses relations? Donc Dwight, que je n’avais pas vu depuis quelque temps me préoccupait l’esprit de façon assez récurrente, en l’occurrence lorsque je regardais Bambi en me goinfrant avec Eleanore. Fabuleux.
  Je me servis un demi-verre de Whisky que j’ai voulu mélanger à du Coca…Ah. Il n’y avait que des jus de fruits à table.
  
  « Heumm. Sinon t’as pas du Coca ? »
  
  Mon amie me jeta un regard assassin. Elle allait me taper cette fois c’était sûr. Je plissai donc mes yeux en prenant l’air le plus mignon que je pouvais et ajoutai.
  
  « Pas taper, hein… ».
  
  Et puis je me levai précipitamment de mon siège comme pour prendre la fuite à travers le salon, et riant aux éclats.
  Je venais de perdre 10 années de ma vie en l’espace de trente secondes. Bonjour, je m’appelle Ryan et j’ai 10 ans d’âge mental.