Assise en tailleur sur son lit, j'écrasais mon joint dans le cendrier. Un nouveau plan, encore. Je me trouvais intelligente, des fois. Je pourrais sûrement avoir un prix Nobel pour mes trouvailles. J’attrapais mon portable et composais le numéro de Sonic. Il décrocha assez vite. Je pris ma voix de femme fragile, délaissée et blessée. On aurait pû croire que j'avais pris les cours Florent. Non, je n'ai pas pris les cours Florent. J'ai seulement passé quatre ans de ma vie dans un hôpital psychiatrique. C'était encore mieux que des fichus cours de théâtre.

« Allô..? Sonic...? C'est moi...»

Je passais décidément une excellente soirée. Le restau' était sympa, Eve était magnifique, j'm'étais à peine énervé sur le serveur. Tout était parfait. Enfin. Il suffira d'un appel pour que ce cliché vole en éclat. Mon portable sonne, je demande à Eve' de m'excuser et sort dehors rapidement, j'décroche, soupire. Qu'est ce qu'elle avait ENCORE ?

« Ouais c'est toi j'le sais. J'l'ai vu à ton numéro. Tu veux quoi ? »

Pas de pitié, ni de douceur, je sais qu'elle va me pourrir la vie. Again. Et en ce moment, la dernière chose dont j'ai besoin dans ma vie c'est elle.

J'avais cette folle envie de lui rire au nez. Si seulement il savait comment sa vie allait chambouler dans quelques minutes. Mais chaque chose en son temps. On allait partir lentement, et je laisserai le suspense planer. Il fallait le mariner. Je laissais quelques secondes de blanc après que sa voix froide et énervé sorte de l'appareil. C'était parti pour ruiner sa vie. LET'S GO. Mes reniflements faisait croire que je pleurais. En fait, des larmes roulaient carrément sur mes joues. Bordel, j'aurai dû faire actrice. Ma voix était toujours aussi petite et fragile, et j'articulais entre quelques reniflements.

« Je... J'ai... J'ai quelque chose à te dire... S'il te plaît, ne t’énerves pas.. »

On aurait vraiment dit que je pleurais. Larmes de tristesses et panique mélangées. Il fallait qu'il tombe dans le panneau. Il le fallait.

Mais oui c'est ça tu pleures. On va dire que j'te crois. J'soupire devant son manège. Suzie Suzie Suzie, tu crois sérieusement que depuis le temps j'le sais pas que t'es une comédienne professionnel ? D'ailleurs plutôt que de me pourrir la vie ça te dit pas d'essayer Hollywood ? 'S'il te plaît t'énerve pas' Hum .... Huuuuum. Un nouveau soupire s'échappe de mes lèvres.

« Ouais ouais j'te le promet. Abrège. J'ai pas toute ma soirée. »

En y repensant. C'est quand même pas normal cette voix paniquée...

Il n'y croyait pas. Après tout ce que j'avais pu lui faire, c'était bien normal. Mais ça serai trop simple si j'abandonnais et disais de ma voix froide et détachée " Je suis enceinte." Non. La simplicité, c'était pour les lâches. J'avais un but à atteindre; qu'il croit vraiment que je suis paniquée. Et que pour le coup, il le soit aussi. Je continuais alors mes reniflements et mes pleurs de femme fragile, terrorisée et désorientée. Et c'était reparti pour le faire mariner.

« Je t'en supplie, Sonic .. Ne le dis à personne .. J'ai pas envie que d'autres personnes soient au courant ... Pas pour l'instant, s'il te plaît ... Me fais pas ça ...»

Je n'avais jamais supplié Sonic dans le passé. Je n'avais eu aucune raison valable pour me rabaisser à ce point. Et la phrase pitoyable que je venais de prononcer à mon ennemi me fendait le coeur. Peut être que justement, avec cette preuve de faiblesse - qui était bien sur non-réelle - Thompson commencerait à tomber dans le panneau. Il fallait qu'il tombe dans le panneau. Et je savais me montrer convaincante.