En ce moment, tout se passait bien. Nous nous étions disputés quelques fois, mais ça n’avait pas duré bien longtemps. Je ne savais pas trop si c’était parce qu’elle était enceinte, cela nous liais peut-être encore plus maintenant ? J’avais commencé à déménager la pièce tout près de notre chambre où je rangeais mes instruments et où je rangeais un peu de tout en fait. Pour l’instant, j’avais juste commencé à un peu tout débarrasser. Je pensais peindre les murs, sûrement en vert parce que c’était une couleur mixte mais aussi parce que je savais que c’était sa couleur préférée. Pour le moment, l’appartement suffirait pour nous trois mais il allait falloir qu’on mette un peu d’argent de côté pour pouvoir sûrement acheter un appartement plus grand, car nous allions finir par nous marcher dessus à un moment donné. C’est drôle comme le temps passe vite, Jude était déjà à la moitié de sa grossesse. Elle avait un petit ventre rond, qui lui allait horriblement bien. Je la trouvais juste magnifique : les gens disaient que les femmes enceintes étaient encore plus belles que d’habitude, je pouvais maintenant confirmer.

Cela faisait presque une heure que nous attentions dans la salle d’attente. Le médecin était en retard et toutes les patientes s’en plaignaient, puisqu’elles avaient du boire un litre d’eau avant de venir pour pouvoir voir clair à l’échographie. Ce fut presque un soulagement lorsque le médecin appela Jude parce que c’était enfin son tour. C’était la deuxième fois qu’elle passait une échographie. Vu comment son ventre s’était arrondi, le bébé devait peut-être ressembler à…un bébé. J’avais surtout hâte moi de pouvoir le sentir, c’est compliqué pour le père de se rendre bien compte du fait qu’il va avoir un bébé alors qu’il ne le voit pas, qu’il ne le sens pas. Je me souvenais de la sensation que j’avais ressentie lorsque j’avais sentir les petits pieds de Dylan dans le ventre de sa mère. J’étais jeune, mais déjà à cette époque c’était…magique. Alors je n’osais même pas imaginer lorsque ça serait notre bébé. J’avais tout aussi hâte de savoir si ça serait un garçon ou une fille. Bizarrement, je préférais une fille, même si au fond, cela n’avait pas grande importance, ça n’était qu’un détail.

Et si je pouvais encore plus profiter de tout ça, c’était aussi parce que je savais que tout finirait sûrement par s’arranger : j’étais deuxième dans la liste des personnes à greffer pour un nouveau cœur et d’après mon médecin, cela pourrait arriver dans les semaines à venir. J’avais vraiment hâte d’avoir un nouveau cœur, de ne plus être essoufflé au moindre effort, de ne plus ressentir cette pression dans ma poitrine insupportable. Mais je savais que le plus dur était à venir : la rémission après l’opération était longue et difficile et pleins de questions se bousculaient dans ma tête : et si l’opération ne marchait pas ? Et si…je faisais un rejet de greffe et que je finissais par…mourir ? Je ne préférais pas penser à ça, mais rien que l’idée que je puisse mourir sans même avoir vu le bébé, sans même avoir pu épouser Jude, sans même avoir…vécu. J’avais peur, vraiment.

Jude s’était allongée et avait remontée son tee-shirt pour laisser la gynécologue appliquer le gel sur son ventre. « Je n’aurais pas assez de gel, je reviens », annonça-t-elle en partant de la salle. Je restais debout à côté de Jude en lui tenant la main, j’avais hâte de voir, de savoir tout cours. Je me penchais pour déposer un bisou sur sa joue, « Alors…tu dirais quoi, fille ou garçon ? :p », murmurais-je à son oreille avant de me redresser pour lui sourire.

F L A S H B A C K ;

« Maël, j’ai l’honneur de te présenter…mon petit frère ! », annonça Jude avec un immense sourire aux lèvres en me tendant une petite photo en noir et blanc. J’attrapais le bout de papier en regardant bien, je n’y voyais rien : il était censé se trouver où là-dessus ? J’approchais la photo, assez perplexe, je n’y voyais absolument rien, mais je n’osais pas trop lui dire de peur de passer pour un con. « Alors, tu le trouves comment ? », demanda-t-elle en se plaçant à côté de moi pour voir elle aussi l’échographie. « Eh bien…je le trouve…nul part », répondais-je en gardant les yeux rivés sur la photo. Jude se mis à rire en me prenant l’échographie des mains. « Maël, tu crains ! – lança t-elle en regardant la photo. Elle pointa une partie de la photo du doigt – il est là ! ». Je repris l’échographie entre mes mains en souriant, « Je vois…et…c’est censé être un bébé ça ? », demandais-je, toujours aussi perplexe. Jude haussa les épaules en s’asseyant de nouveau face à moi sur mon lit. L’avantage d’être insociable, c’était que personne ne voulait dormir dans la même chambre que moi à l’orphelinat, j’étais donc un des rares garçons à avoir ma chambre pour moi tout seul. « Maman m’a dit que à ce stade, ça s’appelait un foetus, enfin un truc du genre on est censé voir la tête et tout mais j’t’avoue que j’ai encore du mal à trouver tout ça…enfin bref, voilà j’voulais te le montrer, mais faut pas que j’perde l’écho maman me l’a confié juste pour que j’te la montre ! ». Je lui souris en lui tendant l’échographie pour lui rendre.

« Tu devrais voir, son ventre est tellement rond qu’elle ne peut même plus voir ses pieds ! », ajouta-t-elle en riant. « Te moque pas, tu riras moins quand ça sera toi qui sera enceinte », lançais-je en riant à mon tour. Jude baissa son regard vers l’échographie en rougissant, ça me faisait rire, à chaque fois que je disais un truc, elle trouvait le moyen de rougir. « Enfin…à moins qu’en faite tu ne sois pas une fille et que tu m’ais mentie toutes ses années ! », lançais-je en lui souriant pour la taquiner. La belle me dira la langue en me poussant légèrement, « Connard, bien sur que j’suis une fille ! ». Je lui tirais la langue à mon tour, « J’suis sûr que tes enfants seront très beaux. Enfin…si tu ne choisis pas un père trop laid, hein ». Elle se mit à rire puis elle se levait de mon lit en ouvrant la porte de ma chambre, « Allez, on s’voit plus tard Petterson. Tu devrais venir à la maison, ma mère dit qu’un orphelin doit être confronté à une grossesse un jour histoire de pas être déstabiliser le jour où il mettra une fille enceinte ». Je pris un air surpris, « Ta mère a dit ça ? ». Elle me sourit, « Bien sur…j’parie que t’a jamais vu une femme enceinte de près de toute ta vie ». Je baissais mon regard, je me sentais con de ne jamais avoir vu ça, mais en même temps ici, il n’y avait pas vraiment de femmes enceintes. « Viens dormir chez moi ce week-end… - elle sortit de la chambre avant de passer sa tête dans l’ouverture de la porte – et…ce n’est pas une proposition, c’est un ordre ».

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J’avais assisté à la première échographie, mais cette fois c’était différent. Nous allions enfin savoir et cela allait nous aider aussi pour savoir comment appeler le bébé. Nous en avions déjà vaguement parlé, mais sans donner d’idées précises de prénoms. Autant savoir avant quel sera le sexe non ? Pour pouvoir chercher les prénoms du bon sexe plutôt que de se casser la tête à en chercher pour les deux. « T'as pas dit que tu croyais que ce serait un mec, alors que j'ai dit une fille l'autre jour sur Facebook, avec Will ? :p ». Je me suis mis à rire, c’est vrai qu’on avait « lancé des paries » sur facebook l’autre jour avec Will. J’avais dit au hasard que ça serait un garçon, je n’en avais pas la moindre idée, et personne ne pouvait savoir d’ailleurs. Certaines personnes disent que les mères le sentent, mais je me demandais bien comment elles pouvaient sentir un truc pareil. Enfin, il y a beaucoup de choses que nous les hommes, on ne pouvait pas comprendre, comme les envies des femmes enceintes. Souvent, on dit qu’elles ont envie de fraises, j’étais tombé de haut avec Jude, surtout le jour où elle m’a demandée de lui acheter des cornichons et de la glace qu’elle mangeait ensemble. Ca me dégoutait de voir ça et je me demandais bien comment elle pouvait manger un tuc pareil, c’était complètement dégoutant. Mais bon, si elle en avait envie, je n’allais pas non plus la priver de ça, aussi bizarre cela pouvait-il paraître.

« J'ai hâte de savoir qui va devoir payer qui... (a) ». Je lui tirais la langue, de toute façon, nous avions les mêmes chances de gagner ! Une chance sur deux..enfin, j’avais dit un garçon, mais au fond j’aimerais plus avoir une fille. On dit que les filles sont matures plus vite et qu’elles sont beaucoup plus faciles à vivre. Et puis, si c’était une fille, elle aurait plus de chance de ressembler à Jude, et je voulais qu’elle soit aussi belle qu’elle. La dame revint assez vite avec son gel et elle en appliqua à nouveau sur le ventre de Jude en faisant glisser son appareil dessus. Je gardais ma main dans la sienne en regardant le petit écran devant nous. « Donc…là il va plus ressembler à quelque chose que la première fois ! – annonça la gynécologue en continuant à bouger la sonde. – Vous voyez là, il y a une tête – elle pointa avec son doigt sur l’écran – et là…des pieds. Vous voulez savoir le sexe des bébés ? ».

Comme je l’avais pensé, c’était très différent de la première fois que j’avais vu une échographie. Je ne savais pas trop si c’était le fait que ça soit mon bébé, notre bébé. Voir sa petite tête et se dire qu’il arrivait à tenir dans le petit ventre de Jude, c’était vachement bizarre. Et ses pieds aussi, ils avaient l’air minuscules et lorsque je regardais le ventre de Jude, je me disais qu’ils devaient être même encore plus petit pour être là dedans. J’étais tellement subjugué par ce qu’elle nous montrait à l’écran que je ne fis même pas attention à ce qu’elle disait. « Bien sûr qu'on veut ! », lança Jude. Je me tournais vers elle en souriant, je sentais mon cœur s’emballer. Le médecin avait sûrement proposé de nous faire connaître le sexe du bébé. Je resserrais sa main dans la mienne en tournant à nouveau mon regard vers le petit écran face à nous. Heureusement qu’il y avait des gens qui faisaient de ça leur métier, parce que personnellement, tout seul je n’aurais jamais réussis à voir une tête ou un pied !

« Ici on voit très clairement que c'est un garçon ! Son cœur bat très rapidement et encore plus évidant, on voit qu’il possède un pénis… ». Je sentais le regard de Jude se tournait vers moi, je ne savais pas trop comment l’interpréter. Elle avait instinctivement réagit parce qu’elle savait que je voulais une fille mais en sachant que « son cœur battait très rapidement » ? Je me fichais que ça soit une fille ou un garçon. Au fond, les deux, ça m’allait largement. Le truc qui me fit réagir, c’était qu’elle ait dit que son cœur battait vite. Je commençais à paniquer intérieurement, est-ce que..ça voulait dire qu’il allait être malade, tout comme moi ? Je gardais mes yeux rivés sur l’écran, j’allais demander au médecin si elle pouvait voir pour ma maladie ou pas, mais celle-ci continua ; « Mais... ». Je tourna le regard vers elle, mais quoi ?

« Mais votre deuxième, c'est difficile d'y voir clairement par rapport à sa position... Mais si vous voulez mon avis, je dirais que c'est une fille. ». Je déglutis en tournant mon regard vers la dame qui avait plongée ses mains dans les poches de sa blouse blanche. Le..deuxième ? C’était une blague ? C’était impossible, on ne pouvait pas avoir des jumeaux…un seul, ça risquait d’être difficile à gérer, surtout à cause de l’argent. Robbyn m’avait dit qu’il voudrait nous aider financièrement si nous n’y arriverons pas, j’avais accepté seulement si c’était vital, je ne me voyais tout de même pas aller lui réclamer de l’argent. Je lâchais sa main, je commençais à paniquer, et si les deux bébés avaient ma maladie ? Ca serait l’horreur… Ce n’était pas que je n’étais pas vraiment content…je rêvais de former une famille avec Jude, un bébé c’était le bonheur, alors deux…mais comment est-ce que nous allions nous en sortir ? Je venais de commencer à travailler, je n’avais pas un superbe salaire, et Jude non plus. Surtout que j’allais sûrement devoir dépenser pas mal d’argent pour ma foutue opération…et même s’il me restait de l’argent que mes parents m’avaient laissés, ça ne serait pas suffisant à long terme, un bébé, ça coute chers, alors deux..

« J’crois avoir mal compris…vous êtes en train de me dire que…on va avoir des jumeaux ? », demandais-je au médecin avant de reprendre la main de Jude. « J’veux dire…personne nous avez dit ça la première fois… ». La dame sourit avant continuer à glisser la sonde sur son ventre. Je sentais mon cœur s’accélérer. J’allais lui demander plus de précision quand le médecin me coupa dans mon élan, « Par contre…j’ai l’impression que le garçon a un problème au niveau du cœur, je vais devoir le mesurer… - elle regardait l’écran en bidouillant l’image – est-ce que vous avez des antécédents de problèmes cardiaques dans la famille ? Parce que le garçon a un cœur plus petit que la normale…après, pas la peine de vous affolez, il peut encore se développer d’ici les semaines à venir mais pour le moment il est en dessous de la normale… »

Nous allions en avoir deux. Deux à la fois ; des jumeaux. Un garçon et une fille ! J’étais déchirée… Est-ce que j’étais contente, ou non ? Ça allais être chaud, financièrement… déjà que très bientôt je serai en arrêt de maternité chez Starbucks, l’emplois qui me paie le mieux… Et Maël, commence à peine son boulot d’enseignant. Mais le pire, c’est qu’on ne pouvait compter que sur nous-même. Mon père n’était pas là pour nous, Andrew non-plus et Robbyn ne le serait plus aussi. Seulement Maël, et moi. Il lâcha ma main, je devinais rapidement qu’il avait probablement fait ce lien aussi dans sa tête… Mais pour ma part, j’étais tout de même contente… Des jumeaux, beaucoup de gens aimerait en avoir.

J’crois avoir mal compris… vous êtes en train de me dire que… on va avoir des jumeaux ?

J’avalai ma salive… Bordel… j’étais nerveuse, j’avais peur qu’il ne soit pas content. Il reprit ma main, j’étais un peu rassurée, je la serrais dans la mienne, en caressant celle-ci avec mon pouce…

J’veux dire… personne nous avait dit ça la première fois…

Je me pinçais les lèvres en regardant mon ventre, puis l’écran devant nous. J’arrivais à le voir, la présence des deux bébés… Je me sentais nerveuse, mais à la fois heureuse… On aura donc un de chaque, mais beaucoup plus de boulot. C’était notre premier… j’veux dire, nos premiers… Déjà qu’on s’inquiétait à propos de l’attitude qu’on devra avoir, en tant que nouveau parents, maintenant c’était deux fois pire.

Le médecin continuait l’analyse, tout en souriant :

Par contre… j’ai l’impression que le garçon a un problème au niveau du cœur, je vais devoir le mesurer…


J’avalais ma salive de travers. J’ai bien entendu ? Je me sentais un peu moins heureuse du coup et beaucoup plus nerveuse… Notre bébé allait avoir cette saloperie… Enfin, elle semblait sous-entendre que ce n’était que l’un d’entre les deux, mais je ne souhaitais pas ça pour aucun des deux.

Est-ce que vous avez des antécédents de problèmes cardiaques dans la famille ? Parce que le garçon a un cœur plus petit que la normale… après, pas la peine de vous affolez, il peut encore se développer d’ici les semaines à venir mais pour le moment il est en dessous de la normale…

Je me pinçais les lèvres, je sentais un nœud se créer dans ma gorge, j’étais mal… Je savais que Maël allait « s’en vouloir », du moins je m’en doutais… Il m’a déjà demandé à plusieurs reprises si j’allais lui en vouloir si notre bébé était malade comme lui, je lui avais dit que non mais là… je ne pouvais même pas le rassurer… Notre enfant allait probablement être malade, c’est presque confirmé… Il sera encore plus insécure, j’en avais peur…

... c'est bien ce que je croyais...

Je suis sortie de ma bulle et me retournai vers elle…

C'est... Maël, il y a des problèmes de cœur.

Ai-je prononcée à voix basse… Je retirai ma main en la ramenant sur la chaise… Je soupirai… J’avais envie de pleurer, ce n’était pas du tout ce que je voulais mais je devais m’y attendre.

Comme je vous ai dit, le cœur a encore le temps de se développer d'ici quelques semaines...

J’hochai la tête… C’était trop tard, j’étais déjà démoralisée.

L'échographie est terminée...?

À moins que vous aillez autre questions... oui.

Je sentais mon cœur s’affoler, je paniquais. L’idée d’avoir des jumeaux était maintenant un bonheur comparé à la nouvelle qu’elle tentait désespérément de nous annoncer. Attendre quelques semaines…tu parles. J’avais ses problèmes de cœur, et le bébé avait un cœur trop petit : c’était exactement ce que j’avais, une hypotrophie myocardique, autrement dit, un cœur beaucoup trop petit. C’était pour ça que j’étais vite essoufflé, celui-ci était trop petit pour envoyer la « dose » normale de sang aux organes, donc lorsque je faisais un effort, comme les organes ont besoin de plus de sangs, cette fonction était trop mal assurée, d’où aussi les malaises. C’était une vraie saloperie, et petit j’avais eu du mal à m’y faire. A l’orphelinat, on me faisait manger équilibré – beaucoup trop équilibré – en me faisant manger le moins possible de friandises ou de gras afin de m’éviter d’aggraver mes problèmes. Je ne me voyais pas infliger ça à mon propre enfant. Mais en même temps, nous n’avions plus le choix. Jamais Jude ne pourrait avorter, et on ne sépare pas des jumeaux, tout le monde le sait. Et puis...on ne se sépare pas d’un bébé parce qu’il est malade, c’était une maladie viable, la preuve, j’étais encore envie. Mais je savais ce que c’était, d’être privé de pas mal de choses, les visites tous les mois à l’hôpital, devoir faire pas mal de sport pour muscler le petit cœur…

Mais peut-être que j’avais mal vécu cette maladie parce que j’avais été seul face à elle ? Ça n’était pas la psy de l’orphelinat qui allait me soutenir. J’avais dit à Jude assez tard que j’étais malade, pareil pour Eliàs et Bambi. Mais ça n’était pas encore pareil, même si ils avaient toujours été là pour moi. C’était la présence d’une personne qui savait ce que c’était. Je m’étais senti horriblement seul toutes ses fois où j’avais attendu dans la salle d’attente de l’hôpital…il était hors de question que mon enfant ressente la même chose. Quoi qu’il arrive, j’allais être là pour lui puisque je savais ce que c’est d’avoir cette maladie. Je l’accompagnerais à l’hôpital et dès petit, je l’inscrirais sur la liste des gens à greffer pour qu’il ait un nouveau cœur au plus vite plutôt que d’attendre que cela s’aggrave comme les médecins avaient fait avec moi. Et même si je pensais tout ça, sur le coup, j’avais vachement peur et même si Jude m’avait dit qu’elle ne m’en voudrait pas, moi j’allais m’en vouloir. Même si ça n’était pas volontairement ma faute, ça l’était quand même. Et si mon propre enfant me détestait à cause de ça ? Je ne le supporterais certainement pas… « ... c'est bien ce que je croyais... ». Je baissais mon regard vers le sol en essayant de calmer se putain de cœur qui n’arrêtait décidément pas de me gâcher la vie. « C'est... Maël, il y a des problèmes de cœur », annonça Jude avant de lâcher à son tour ma main. J’eue un pincement au cœur à entendre ça.

« Comme je vous ai dit, le cœur a encore le temps de se développer d'ici quelques semaines... ». Je relevais le regard vers elle, je voyais bien dans ces yeux qu’elle était désolée. Pas la peine de nous mentir ou de nous donner des faux espoirs, nous avions bien compris que c’était foutu et à en voir la tête de Jude, elle n’avait plus l’air aussi heureuse que tout à l’heure. J’avais envie de la prendre dans mes bras et de lui dire que j’étais désolé, mais je ne pensais pas que c’était en me rejetant la faute sur moi qu’elle irait mieux, au contraire. En même temps, qu’est-ce que je pouvais bien dire d’autre ? Déjà qu’elle avait « peur » de cette grossesse, surtout de l’accouchement, alors une grossesse « anormale », c’était vraiment pas du tout ce qu’il nous fallait. « L'échographie est terminée...?». Je relevais le regard une dernière fois sur l’écran. Ce moment qui était censé être magique et que nous avions attendu depuis si longtemps était en train de tourner au cauchemar. « À moins que vous aillez autre questions... oui.. » J’hochais la tête négativement et la dame s’avança vers Jude pour lui essuyer le ventre du truc gluant qu’elle lui avait étalé dessus tout à l’heure. « Normalement, il ne vous reste plus qu’une seule échographie mais je préfèrerais que vous reveniez dans deux semaines pour voir si le cœur est toujours trop petit ou non… », annonça t-telle en finissant de nettoyer le petit ventre de Jude. Une fois fait, j’aidais Jude à se redresser pour qu’elle couvre son ventre en remettant bien son tee-shirt.

« Attendez moi quelques minutes, je vais vous imprimer l’échographie pour que vous puissiez l’amener chez vous ! », annonça-t-elle en nous tournant le dos pour sortir de la pièce. Je restais tout près de Jude puis j’allais m’asseoir à côté d’elle en lui souriant bêtement. J’attrapais à nouveau sa main que je caressais avec mon pouce. « Ça va ? », murmurais-je en m’approchant un peu plus d’elle. Je n’avais aucune envie de la voir pleurer, mais vu comment elle réagissait comment on parlait de ma maladie, je n’osais même pas imaginer sa réaction s’il s’agirait de notre bébé. Je soulevais sa main pour déposer un baiser dessus, « On s’occupera bien de lui, tu verras… »

Nous allions avoir deux enfants et l’un d’entre eux allait souffrir de la maladie. Ce n’est pas ce que j’avais espéré pour notre enfant, pas du tout même et j’avais peur qu’automatiquement je prenne plus soin de notre petit garçon à cause de ça et que notre fille, se sente un peu plus délaissée. J’avais de ces pensées… parfois je m’en fais pour rien, mais là le cas n’est pas que mineure… Notre enfant avait une espérance de vie raccourci déjà, alors qu’il n’est même pas encore né.

Normalement, il ne vous reste plus qu’une seule échographie mais je préfèrerais que vous reveniez dans deux semaines pour voir si le cœur est toujours trop petit ou non…

J’hochai la tête, j’étais d’accord. Je lui demandais de bien nous planifier un rendez-vous prochain, elle allait regarder avec la réceptionniste et nous rappeler dans très peu de temps. La dame essuya mon ventre tout gluant, je n’y pensais même plus d’ailleurs. Heureusement qu’elle avait pris l’initiative de retirer le gel sinon je serais partie avec !

Attendez moi quelques minutes, je vais vous imprimer l’échographie pour que vous puissiez l’amener chez vous !

Je me suis tout de même assise, et remit mon tee-shirt par-dessus mon ventre… Je le caressai un moment, la tête basse… Je ne savais pas quoi en penser. Je ne voulais pas envisager l’adoption, ni pour un ni pour deux, je voulais les garder ces bébés. C’était certain. Je n’avais pas mis toute ma famille à dos pour un rien ! Et puis encore, ils étaient prévus et nous avons mis du temps à y arriver… je ne pouvais pas abandonner nos projets, bien qu’ils vont légèrement changer. Deux couchettes à acheter, deux poussettes, plus de couches, plus de nourriture, plus de temps, plus d’efforts… Nous n’en avions pas nécessairement les moyens encore, mais j’avais aussi de l’argent hérité de ma mère que j’avais gardée, sans oser vraiment y toucher encore… Je pourrais m’en servir en cas. J’avais également deux emplois et encore de l’argent en poche, je n’étais pas dépensière, bien que je devais refaire un peu ma garde-robe ces derniers temps, comme je ne peux plus rien porter avec ce gros ventre.

Ça va ?

Il venait de rompre ma bulle, je quittais mes pensées et hochai la tête, lui montrant que j’allais effectivement bien. Enfin, moitié moitié. J’étais contente, on allait être une famille un peu plus grande en partant, un peu plus complète… On allait avoir des jumeaux ! Et de deux sexes différents… Nous qui voulions une fille, mais un garçon aussi, c’était juste parfait ! Ce qui l’était un peu moins, c’était cette maladie de cœur et tout l’argent qu’on devra dépenser. Dépenser n’était pas un problème, mais je ne voulais pas avoir de la misère à vivre… Surtout qu’on est censé prouver à mon père et Andrew qu’on peut y arriver tout seul.

On s’occupera bien de lui, tu verras…

Il était assis à côté de moi sans même que je le remarque… Je serrais un peu sa main dans la mienne, j’avais un peu peur de l’avenir. J’espérais vraiment qu’on s’en sorte bien, qu’on ai pas de problème niveau financier et surtout que notre bébé guérisse beaucoup plus rapidement que Maël… Je n’ai pas envie qu’on lui apprenne à ses 20 ans qu’il a 5 ans en moyenne qui lui reste à vivre, j’en ai pas envie du tout. Et ce n’est pas que pour Maël et moi… Les jumeaux, sont souvent liés, comment sa sœur se sentirait ? Et si à cet âge-là, il a déjà une copine, comment elle allait se sentir ? Je n’avais pas envie qu’une autre vit ce que j’ai vécu, mais en tout cas… si jamais, je sais que je ne réagirais jamais comme mon père. Je comprendrais et je serai toujours là pour les supporter. Je ne veux pas que l’histoire se répète...

Je sais qu'on s'occupera bien... d'eux.

Je me sentais bizarre. On a toujours parlé de ma grossesse comme si on allait avoir qu’un seul enfant, maintenant changer nos habitudes pour mettre tout au pluriel, c’était assez déboussolant... Mais nous allions vite nous y faire, j’espère.

Le médecin revint dans la pièce et nous montrai les photos, en expliquant un peu plus détaillé. Je lui souris et la remerciai avant de nous lever et de nous diriger vers la sortie… J’avais les jambes molles et la tête pleine. Qu’est-ce que je devais penser ? Comment est-ce que les parents de Maël ont réagi par rapport à sa maladie ? Je sentais un pincement au cœur, on dit que les bébés pendant la grossesse, ressentent les émotions de la mère. Alors ils doivent être tristes, j’en avais bien peur… Je devais me changer les idées et penser un peu plus positivement.

Nous marchions pour nous diriger vers la voiture de Maël alors que je regardais ces photos. Je souris instinctivement en voyant les pieds de nos petits bouts de chou…

Alors Elle Nina et Micah Tyler, c'est à ça que vous ressemblez ?

Ai-je prononcé en caressant mon ventre. Nous sommes enfin arrivé à la voiture, j’ouvris la porte et m’y installai à l’intérieure.