Il me manquait, sans aucun doute. Si je ne l'avais pas appelé plus tôt, c'est parce qu'en vérité je ne savais pas si j'y étais autorisée... Après j'avais étais occupée, j'avais enfin pu récupérer notre fille à l'hôpital. J'avais été également dans un centre comme celui-ci, il y a trois ans à Des Moines et je n'avais presque pas voulu de contact avec mes parents, c'était mon choix. Mais vu que chaque état était différent, je ne savais pas ce qui en était pour la Californie. Mais là, ça en devenait urgent. Il était peut-être enfermé mais j'avais besoin de prendre de ses nouvelles, de savoir comment il se sentait, d'entendre juste sa voix. Un appel ne remplacera jamais une visite mais je ne pouvais pas faire mieux pour le moment. Je venais de coucher Louisa pour sa sieste, avant de redescendre discrètement au rez-de-chaussée. La maison était morose sans sa présence. Allô? Une bonne femme d'accueil répondit, me demandant ce que je voulais, un peu hésitante, j'enchaînais. Je suis Sierra Desrosiers, j'aimerais bien parler à Saul Saddler, mon petit ami. Elle me demanda de patienter. Je croisais les doigts.

Désintoxication. Tu devrais connaître la chanson mais c'est toujours les mêmes sensations dégueulasses qui reviennent. Tu l'as cherché, tu ne te plains pas. Depuis la naissance de Louisa, tout a changé dans ta tête. Fini l'héro. Fini les conneries. Une infirmière est venue toquer à ta chambre, elle est entrée et elle t'a dit qu'il y avait un appel pour toi. Votre petite amie souhaiterait vous parler. Tu t'es levé sans réfléchir et t'as été jusqu'au téléphone. Sierra ? Parce que l'espace d'un instant, tu te dis que tu rêves peut-être. T'es un peu à côté de la plaque, la fatigue sûrement.

Il prononce mon prénom et là c'est un peu comme une douche froide. Je me mords férocement les lèvres parce que ça fait bizarre d'entendre sa voix, étrange qu'il soit dans la même ville que moi mais en aucun cas à la maison. Il me manque, il nous manque à toutes les deux. A vrai dire, Louisa a à peine vu son papa. C'est dur de tout gérer toute seule avec cette nouvelle vie. Oui, c'est moi mon cœur. Je n'ai pas l'habitude de lui donner ce surnom niais et non original mais pourtant je l'ai sorti. Comment tu te sens? La question peut paraître stupide, je connais sans doute la réponse mais je voulais qu'il me parle.

Oui, c'est moi mon coeur. Sa voix te fait du bien. Les jours qui se suivent commencent à devenir longs et elle te manque. Louisa, tout autant. T'es tourmenté par des choses étranges, tu remets tout en question. Sûrement parce que ta vie est complètement sur le point de changer. Comment tu te sens ? Des jours que le silence est entre nous. La question te semble logique et pourtant, tu sais qu'elle connait la réponse. Comme quelqu'un en désintox.. Tu dis ça d'un ton léger, avec un rire pas vraiment contrôlé. Et toi ? Louisa va bien ? Tu marques un arrêt avant de reprendre. Je suis désolé de vous laisser dans un moment pareil. Mais si tout va bien, je sors dans quelques jours.

Comme quelqu'un en désintox, il me dit. Bien sûr, je la connaissais cette réponse. Je souris néanmoins au son de sa voix. Louisa se porte comme un charme et moi je suis un peu fatiguée. Puis je l'entends s'excuser et m'annoncer qu'il revient à la maison bientôt. C'est vrai? Je m'exclame subitement. J'étais restée un mois et demi quand j'avais été dans un centre comme celui-ci. Juste après que mon père ne tue l'assassin de mon frangin. Mon père direction la prison et moi un centre de désintoxication. Si je m'en étais sortie cette fois-ci, ça avait été grâce à Louisa. J'avais dû arrêter toutes ces merdes pour le bien de mon bébé et j'avais complètement tout jeté à la poubelle, pour éviter la tentation. J'espère que tu rentres bientôt, oui. Louisa est encore qu'un bébé qui ne se souviendra pas de ses premiers mois, mais j'aimerais que tu sois présent pour elle. Comme pour moi.

Louisa se porte comme un charme et moi je suis un peu fatiguée. Ça te rassure de savoir que ta fille va bien, un peu moins que Sierra soit fatiguée. Tu te doutes que c'est loin d'être simple les débuts avec un nourrisson et même si tu le sais, tu ne peux pas t'empêcher de vouloir vivre ces instants-là. C'est vrai ? C'est ce que les médecins t'ont dit et t'en avais été content. L'odeur de l'hôpital commence à t'écoeurer. Oui, ça l'est. Et tant mieux. J'espère que tu rentres bientôt, oui. Louisa est encore qu'un bébé qui ne se souviendra pas de ses premiers mois, mais j'aimerais que tu sois présent pour elle. Tu hochais la tête positivement, même si elle ne pouvait pas te voir. Tu es conscient de tout ça depuis le début. Je le sais, oui. Je voulais que cette histoire soit réglée le plus rapidement possible après qu'elle soit venue au monde. Je me voyais pas continuer alors qu'elle était dans la même maison. Tu comprends ? Ça t'avait même semblé impossible, à vrai dire.

Je pousse un grand soupir de soulagement que je ne cache même pas, alors que je commençais à frétiller intérieurement. Même si tout était arrivé brusquement, que c'était loin d'être dans mon habitude, j'avais enfin envie qu'on soit tous les trois, ensemble. Une famille, une vraie, totalement clean. Et dire qu'il y a un an, Saul m'invitait sur la plage en plein milieu de la nuit... Pour qu'on apprenne à se connaître. Des fois, j'avais envie d'en rire parce que j'avais l'impression de l'avoir rencontré il y a une dizaine d'années. Je l'écoute attentivement et je ne peux qu'être d'accord avec ce qu'il dit. Oui bien sûr. Je suis totalement d'accord. Je ne t'aurais pas laissé faire de toute façon, je t'aurais foutu dehors avec des coups dans le derrière. Je lance sérieusement avant d'en rire un peu, histoire de détendre l'atmosphère. Le pire, c'est que j'aurais vraiment été capable de le faire. Personne ne veut de parents drogués.

Tu l'entends soupirer et tu comprends vite que c'est plus par soulagement qu'autre chose. Tu ne sais pas trop à quoi elle pensait, c'est quelque chose que tu n'arrivais pas toujours à savoir avec Sierra. Oui bien sûr. Je suis totalement d'accord. Je ne t'aurais pas laissé faire de toute façon, je t'aurais foutu dehors avec des coups dans le derrière. Elle t'a fait rire et pourtant, tu sais très bien qu'elle était sérieuse. N'importe quelle mère aurait agi ainsi, tu la comprends. Je n'en doute pas et c'est en grande partie pour ça que je sais que tu seras une excellente maman. Tu le penses sincèrement, elle le sait. Tu as hâte, que tout rentre dans l'ordre.

Une excellente maman, qu'il me dit. Je souris dans le vague parce que même s'il en est persuadé, j'en doute et ça me tracasse. J'ai tellement peur de faire un faux pas. Des fois, je me dis que je devrais peut-être demander conseils à ma mère, lui demander comment elle a fait avec mon frère, puis moi. Mais entre nous... Étais-je le genre à demander de l'aide? Non. Au fait, George est passé récemment. Il m'a dit de te dire qu'il te fait plein de léchouilles... Sûrement un truc gay entre meilleurs potes. Je ris un peu, changeant de sujet. Et j'ai un soucis avec Mozza, je crois qu'il déprime. Je m'occupe beaucoup moins de lui depuis l'arrivée de notre fille. Parler de tout et de rien, comme notre quotidien avant qu'il arrive là-bas. Le sentir plus près de moi, pour qu'il me revienne définitivement.

Est-ce normal de se juger aussi durement lorsqu'on est parents ? Tu es certain que Sierra est une bonne mère. Pas parfaite mais bonne. Tout comme toi, tu n'es pas parfait. Vous êtes humains après tout. Tout ce que vous pouvez faire, c'est tenter d'être meilleur. Au fait, George est passé récemment. Il m'a dit de te dire qu'il te fait plein de léchouilles... Sûrement un truc gay entre meilleurs potes. Tu l'entends rire et forcément le message qu'elle te fait passer te fait rire aussi. George, t'es content de l'avoir quand même. Et j'ai un soucis avec Mozza, je crois qu'il déprime. Je m'occupe beaucoup moins de lui depuis l'arrivée de notre fille. L'idée que Mozza se montre déprimé te fait sourire. Qu'il se montre jaloux aussi tiens. Ne t'en fais pas, je viendrais bientôt t'aider et ça sera beaucoup plus équilibré. En attendant, éloigne-le de tous endroits dangereux. Tu parles comme s'il s'agissait vraiment d'un enfant, bien sûr tu étais un peu ironique mais quand même, tu voulais le garder encore longtemps ce petit rat.

Je ne peux m'empêcher d'étouffer un petit rire quand il me dit d'éloigner Mozart des endroits dangereux. Comme un enfant. C'était un peu notre premier, du moins premier engagement à deux. Certains préféraient se fiancer directement ou emménager ensemble, nous on avait voulu un rat et ça me plaisait comme ça. Je vais essayer oui. Parce que protéger un bébé des choses dangereuses c'est possible mais un rat... Il était beaucoup plus malin que moi pour se faufiler n'importe où et je n'avais pas forcément envie qu'il reste enfermé dans sa cage (je suis sûre qu'il pourrait réussir à se pendre, s'il était doté d'une grande intelligence). Je t'aime, je lui dis. Même s'il le sait déjà. J'ai hâte de commencer une vie de famille. La Sierra niaise, avec des papillons dans le ventre était de sortie. Mais si ce n'était pas avec mon copain lui-même que je pouvais être fleur bleue, avec qui je devais l'être? Quand est-ce que je saurais quand tu pourras sortir de là?