J'avoue avoir eu un petit moment d'hésitation avant de répondre. Oui ?

tu sais pas trop quoi dire, tu sais même pas pourquoi tu l'appelles. sûrement pour ne pas la laisser dans le vide. c'est moi. tu dis, même si elle le sait déjà. j'ai écouté ton message. et ça te faisait bizarre, ça ne faisait que t'angoisser encore plus.

Je me détends un peu au son de sa voix. Malgré tout, j'ai toujours aimé l'entendre, c'est comme si j'étais avec lui, comme si je n'étais pas seule. D'accord... Je dis. Quoi dire d'autre ?

t'es resté silencieux un moment après sa réponse. tu cherchais tes mots mais rien ne venait vraiment, si ce n'est que cette conclusion flagrante qui t'a toujours suivi. je me sens terriblement con, tu sais. t'aurais dû réfléchir plus longuement. t'en es conscient aujourd'hui. je pense toujours que tu mérites quelqu'un de présent. un mec absent la plupart du temps, ça ne t'apporte rien. t'es sincère, tu le penses vraiment.

Je me lève de ma chaise pour aller fermer la porte du bureau après avoir jeté la fin de mon sandwich. Il était vraiment un disque rayé. Je m'affale dans le sofa et passe une main dans mes cheveux, dépitée. Ça me rendait malade tout ça et ça n'arrangerait rien en cassant. Prends pas de décision à ma place et arrête de dire ça. Tu parles toujours de moi, mais au final je ne sais même pas comment tu vis ça. Je dis, calme.

elle est saoulée. tu l'entends à la manière dont elle te répond. tu dis rien. puis elle te parle de ce que toi, tu ressens. ça te paraît clair pourtant. ça me pose problème dans le sens où je suis conscient que je gère absolument pas depuis un moment déjà. et je parlais de ma vie en général. de la drogue, de la pression, de mes sentiments. je suis lucide.

J'essaye de le comprendre. J'imagine, je peux imaginer. Il me parlait toujours de moi, mais il allait mal. Mon côté parent nourricier prend le contrôle de mes émotions quand je dis Tu as besoin de repos, plus que jamais je pense. Et d'être seul. La tournée s' allongeait beaucoup trop.

ça aurait été plus simple si elle voyait les choses comme toi. si elle pensait un peu plus à elle au lieu de constamment penser aux autres. c'est surtout que t'as pas besoin d'endurer les conséquences. elle t'avait un peu parlé de son histoire et c'était sur ça que t'avais conclu qu'elle avait besoin d'autre chose.

Ce n'était pas ma faute si je pensais plus aux autres que moi. J'avais toujours été comme ça, peut-être plus après la mort de mon frère. Je n'avais pas envie dêtre égoïste en pensant que Saul m'abandonnait petit à petit. Quwlles conséquences ? Juste son absence ? J'aurais déjà pris mes jambes à mon cou, si c'était si horrible que ça... J'étais têtue et déterminée.

tu peux pas t'empêcher de froncer les sourcils en l'écoutant, parce qu'elle est bornée et qu'elle se contente d'un trop peu que toi, tu ne supportes pas. oui, je pense que ne pas avoir de nouvelles de l'autre pendant des jours, c'est horrible. parce que ça véhicule une image négative et parce que ça l'atteint, même si elle fait la forte pour te rassurer. t'es pas con au point de fermer les yeux sur ce qui pose problème. je suis jamais là et on s'éloigne de plus en plus. tu soupires un peu à la fin de cette phrase, tout en laissant tes pupilles se fixer au vide. comment est-ce que ça pourrait fonctionner comme ça, sierra ?

Il veut qu'on arrête, je le sais. On dirait juste qu'il veut que je l'avoue moi-même et ça, ça me rend malade. Il m'avait promis qu'il me laisserait pas tomber. Qu' on serait plus fort que la distance, il avait promis. Encore des putains de paroles en l'air sauf que cette fois j'étais plus accro que d'habitude. Peut-être que finalement je n'avais été qu'un flirt de passage à ses yeux et basta. Ma gorge se noue. Ne me fais pas dire ce que tu veux entendre. JMa voix s'essoufle.

sa phrase te serre un peu le coeur. toute cette conversation, en fait. tu comprends pas pourquoi les choses sont aussi compliquées tout d'un coup et tu repenses à ce qu'on t'a dit et à ce que elle t'a dit, à ce que vous vous êtes dit l'un à l'autre. alors dis-moi ce que tu penses être le mieux. dis-moi ce que tu penses tout court. je peux pas deviner, tu sais ? sierra ne parlait pas beaucoup. elle intériorisait beaucoup trop.

t'avais du mal à comprendre pourquoi elle disait qu'elle t'aimait maintenant alors qu'elle l'avait fait jamais auparavant. ça te déstabilisait trop. beaucoup trop. alors tu fermes les yeux, comme si tu pouvais disparaître mais t'es toujours là. on te laissera tranquille avec le fait que je suis absent. t'aurais plus besoin d'y penser. tu conclus.

tu vois bien que cette conversation tourne mal. c'est un genre de pressentiment. de toute façon, t'as jamais été doué pour parler, jamais été doué pour exprimer clairement les choses et t'avais beau essayé, ça restait pareil. avec tout le monde. tu l'écoutes, jusqu'à la fin. tu soupires à nouveau passant une main sur mon visage en tentant de te remettre les idées en ordre mais ça t'énerve et c'est plus fort que moi. tu me prends pour qui au juste ? tu crois que je m'engage comme je l'ai fait avec toi avec n'importe qui ? tu penses que c'est facile de te dire ces choses ? ton ton est plus sec mais t'en ai pas grand chose à faire. tu connais très bien mes sentiments, je t'ai pas menti. même si j'ai eu du mal à le croire et que j'ai encore parfois du mal, je suis pas un menteur mais prends-moi pour un menteur si ça te chante. j'en ai juste marre de cette situation et ça n'ira pas mieux dans trois mois. crois-moi.

sierra et toi, vous n'êtes pas du genre à vous disputer mais là, ses paroles t'affectent et tu peux pas t'empêcher de lui en vouloir de sous-entendre que tu t'es foutu d'elle du début jusqu'à maintenant. tu pensais qu'elle t'avait saisi mais apparemment, elle ne te connaît pas encore assez. j'ai vraiment pas besoin de ton sarcasme en ce moment. tu dis, un peu agacé par son comportement. pourtant, si tu prends le recul, tu peux la comprendre. tu devrais. quand je t'ai rencontré, tu m'as donné envie d'être quelqu'un de bien. je suis devenu plus stable. je suis devenu fidèle, j'ai commencé à diminuer l'héro. grâce à toi. ce sont des choses que j'ai jamais fait pour quelqu'un d'autre alors t'as pas le droit de me faire comprendre que je m'en fous. t'as pas le droit de parler comme ça. t'ajoutes, énervé au possible par ce qu'elle peut penser de ta personne. seulement, j'ai l'impression de pas réussir. j'y arrive simplement pas et je le sens pas. je vais pas te laisser te voiler la face et être malheureuse en silence pour ne pas déranger ma carrière ou une autre connerie de ce genre, on est bien clair ? tu marques une pause avant de reprendre. plus calmement cette fois. alors évidemment, tu me manques. évidemment, le fait de te voir devenir silencieuse avec moi me dérange et évidemment, je veux qu'on arrête car je sais que ça ne fera qu'empirer et j'ai pas envie de te faire du mal et c'est ce qu'il se passera sur la durée.

ça te tue, cette conversation. comment vous vous laissez. le fait que tu sois aussi con. faut croire que les connards ne changent pas, même dans l'illusion de la rédemption. t'avais envie de gerber. ton comportement te faisait gerber et t'es incapable de lui répondre lorsqu'elle te répond. ta gorge se serre et tout te revient en tête. tout défile devant tes yeux, votre rencontre. vos moments. c'est stupide. t'avales ta salive difficilement et tu te dis qu'il y a l'héro qui t'attend. ouais puis c'était que quelques mois de ta vie après tout. faut rester lucide. ça ira. t'espères qu'elle te détestera après ça. t'as envie qu'elle t'oublie vite, qu'elle t'efface. tu veux qu'elle soit heureuse, même si tu vois pas comment toi tu pourrais l'être à l'heure actuelle.

elle raccroche brusquement suite à ça, tu restes un moment avec ton téléphone en main avant de réaliser. de comprendre que c'est vraiment fini cette fois et que tout ça, c'est à cause de toi. t'arrives même plus à relativiser. tu raccroches et tu vas t'enfermer dans ta chambre d'hôtel. histoire de quitter un peu la réalité avec la poudre.