L'âme assassine, cruelle, mais libre. Elle l'était. Torturée mais libre. Son corps était bien présent mais je ne voyais qu'elle. Ce qu'elle dégageait réellement, ce que je ressentais. Ce que j'avais toujours ressenti. J'avais cette soif de fusion, de ne pouvoir former qu'un. Un seul être. J'avais compris un peu trop tard qu'elle était indépendante. D'une force qui m'a toujours dépassé. Je n'ai jamais su être à la hauteur. Je l'ai simplement laissé disparaître. S'envoler de ma vie. Comme un mirage. Cette idylle, n'était réelle que dans ma tête. J'étais heureux pourtant. Heureux de l'avoir connu, simplement. Je me suis toujours plu à la voir comme une âme. Son enveloppe corporelle m’envoûtait aussi. Mon obsession ne cessait de s'agrandir. Pourtant, je me contentais simplement de la regarder. De sourire. L'amour, quelle belle saloperie.

Un voyage éternel. Une étreinte chaleureuse. Je jalousais tous ces hommes. Je la suivais. Un combat acharné avec ma conscience. Je ne me sentais plus exister, plus qu’à travers ses regards. J’étais son ombre. Celui qu’on ne remarque jamais. Cette absence me faisait saigner. Les maux, les tourments m’assaillaient de toutes parts. Je perdais mes mots face à ce visage. Face à cette divinité. Les cieux ont su être cléments cette fois-ci. Nous dansions. Ma main tremblante a su l’entraîner avec elle, au rythme de ces mélodies effrénées. Durant un bal. Le bal de fin d’année. Nos corps en harmonie. Mon esprit virevoltait, voguait sur cette piste. La vision d’une extase furtive en tête. Je la regardais ensuite s’éloigner. Aucun échange verbal, nous communiquions à notre façon.

Un spectre. Je n’en étais plus qu’un. Privé de mon énergie. Je me nourrissais simplement de ses souvenirs. Je me suis rendu à l’évidence. Nous n’allions jamais former un. Nous n’allions jamais être un seul être. Mon unique soulagement était cette manie que j’avais. Cette passion pour la création. Des croquis s’envolaient. Mon deuil se faisait. Des pages blanches, des tissus, chaque couleur choisie, la représentait. Un acharnement inexpliqué. Un acharnement qui me fascinait. Une douleur qui me faisait vibrer. Dieu que je l’aimais.

Cet appartement à San Francisco. Le nid où sommeillaient toutes ces frustrations. Ces émotions inexprimées. Je créais pour oublier. Oublier ma lâcheté. Les années se ruaient l’une après l’autre. Le temps défilait. J’étais le même. Toujours en manque. En manque d’elle, de ces sensations, de cette inspiration, de cette intensité. Je voulais qu’elle me consume. Qu’elle me détruise, mais qu’elle soit là. Qu’elle soit présente. C’est tout ce que je demandais. Alors, j’attendais. Un miracle sans doute, que mon rêve devienne réalité.