T'as pas bossé depuis un petit moment et tu sais bien que si tu te grouilles pas, on va te foutre la pression. Avec tout ce bordel qui c'était passé à San-Francisco ces derniers temps, t'étais pas sortie bosser ou très peu. La dernière chose dont t'as bien besoin dans ta vie, ce serait de te faire arrêter pour délit de prostitution. Maintenant que tout ça c'est calmé, t'as place sur le trottoir n'attend plus que toi et t'as pas hésité à aller bosser ce soir. Le frigo va pas se remplir tout seul comme dirait ton père. Perché sur tes talons, t'attends sagement qu'une voiture s'arrête devant toi pour commencer ta nuit. T'as toujours été répugné par ce système, se tenir sur un trottoir, tes atouts bien en avant. Les mecs n'ont plus qu'à choisir celles qu'ils préfèrent, comme au supermarché. Mais tu vas pas cracher sur le seul boulot que tu peux être capable d'avoir, c'est comme refuser de l'eau quand on meurt de soif. Une voiture se met en double file en face de toi, tu t'avances en même temps que le mec baisse sa vitre. Tu t'apprêtes à lui dire tes tarifs quand tu le reconnais très bien. Isiah, ton bosse. Tu souris, amusé. « Je suppose que j'ai pas besoin de te donner les tarifs, tu les connais bien. », tu te trouves drôle sur le coup ouais. Mais tu sais que si il est là, c'est pas pour se payer une pute, t'es certaine que lui n'a pas besoin de se payer qui que ce soit de toute.

Pendant les dernières semaines t’as perdu pas mal de fric. Tout San Francisco était en quarantaine et toi tu pouvais ni continuer ton business ni te barrer. T’as du rester pas mal de temps enfermé chez toi parce que le FBI recherchait ceux qui avaient coupé le courant, t’avais pas intérêt à sortir. T’es plus qu’heureux que tout soit revenu à la normale, enfin tu vas pouvoir retrouver ta vie comme tu l’aimes. Mais pour ça t’as du travailler dur depuis que la crise est passée et revoir la liste de tous tes employés modèles. Tous parfait sauf une. Un incident concernant une pute est remonté jusqu’à tes oreilles, elle aurait repoussé un de tes collaborateurs venu lui acheter tes services. C’est pas le genre de pub que tu peux te permettre et tu comptes bien la secouer un coup. Tu longes la zone de tes employées, lentement, t’arrêtant près de Giulia. Tu baisses ta vitre. Tu te dis que tu choisis vraiment bien tes travailleuses, elle en était la preuve. « Je suppose que j'ai pas besoin de te donner les tarifs, tu les connais bien. » Tu fronces les sourcils, si elle croit qu’elle peut faire de l’humour avec toi elle se trompe. Vous faites partie du même monde mais sans pour autant être au même rang.« La ferme, montes. » tu dis accompagné d’un signe de tête désignant le siège passager. T’es pas le genre de boss dont tout le monde rêve non.

Il répond pas à ta petite blague, même pas un sourire. Tu vois direct qu'il a les nerfs contre toi, mais ça te passe au dessus de la tête sur le moment. « La ferme, montes. », qu'il te dit, il te l'ordonne presqu'en fait. « C'est que t'es autoritaire dis moi. Je monterais dans ta bagnole quand tu me le demanderas un peu plus poliment. », tu recules un peu de la voiture pour bien lui montrer que t'es bien décidé à ne pas monter. T'as même pas besoin de l'entendre dire, t'as juste à le regarde pour comprendre que tu le fous en rogne, encore plus qu'il ne devait déjà l'être. Tu restes comme ça, à le regard depuis le trottoir pendant quelques secondes, pas plus d'une minute. Tu lances un regard de chaque côté de la rue avant de marmonner un truc incompréhensible entre tes dents. Il te saoule déjà avant même d'avoir entendu le pourquoi de sa visite surprise. T'ouvres la portière et tu t'installes sur le côté passager, tu croises tes bras alors que tu poses ton regard sur lui. « J'espère que t'as une bonne raison de venir me faire chier, je suis en train de perdre des clients. », tu sais vraiment pas pourquoi il vient te voir. Tu sais bien que t'es pas l'employé la moins chiante, mais t'as pas souvenir d'avoir merdé ces derniers temps. Du moins, pas quelque chose d'assez important pour qu'il débarque pendant que tu bosses.

« C'est que t'es autoritaire dis moi. Je monterais dans ta bagnole quand tu me le demanderas un peu plus poliment. » Tu la regardes, le front et les yeux plissés. Tu comprends pas trop ce qui se passe là, on te l’avait jamais fait celle-là. Elle se fout de ta gueule ou comment ça se passe ? En une fraction elle a l’air d’avoir oublié qui t’es. T’es ni son pote, ni son copain, ni un connard qu’elle peut insulter comme elle veut : t’es son putain de boss. Elle fait la grande à ne pas vouloir monter dans la voiture, tu dis rien et t’attends qu’elle se décide. Tu t’allumes une clope et pose ton bras sur le rebord de la fenêtre, patientant comme tu peux. Giulia semble revenir à la raison et finit par venir s’asseoir à coté de toi. Dès que sa portière claque tu appuies sur l’accélérateur, t’as pas de destination précise, vous allez surement faire un million de fois le tour du quartier pendant votre discussion. « J'espère que t'as une bonne raison de venir me faire chier, je suis en train de perdre des clients. » Tu lâches un petit rire moqueur, c’est elle qui perd le plus d’argent dans l’histoire et t’en as vraiment rien à foutre. Tu tires sur ta clope. « C’est bon t’as fini ton petit manège de la femme insoumise ? Oublie pas, t’es ma pute. » Tu lui jettes un petit coup d’œil discret avec un sourire en coin, qu’elle idiote de croire qu’elle peut se permettre ce genre d’attitudes devant toi. T’arrêtes la voiture à un feu rouge, tu baisses un peu le volume de ta radio. « Si t’as envie de continuer à travailler faut que tu la mettes en veilleuse. »

« C’est bon t’as fini ton petit manège de la femme insoumise ? Oublie pas, t’es ma pute. », la fin de sa phrase résonne à plusieurs reprise dans ta tête alors que tu retiens de justesse l'envie de lui en foutre une même, si c'est pas l'envie qui manque. Tu te demandes si y a bien un moment où il va comprendre que tu lui appartiens pas. Qu'il soit ton boss ne fait pas de toi sa pute. Mais ça te fait sourire un peu qu'il soit si naïf. « Ta pute ? Continue d'espérer, t'as de quoi vivre pendant un moment avec ça. », tu rétorques sur un tons qui se veut à la limite de l'agressif. Tu forces un sourire alors que tu tournes ton visage en sa direction, tu le provoques avec ton air je-m’en-foutiste et t'en es pleinement consciente. Il arrête la voiture à un feu rouge. « Si t’as envie de continuer à travailler faut que tu la mettes en veilleuse. », tu fronces les sourcils, le mitraillant du regard. « Tu veux en venir où là ? », ouais, qu'il aille directement au fin fond du problème, que t'en finisse avec cette conversation qui, tu le sens, va te prendre la tête. « Me fais pas des menaces, t'es pas le seul sur SF. », tu dis après avoir soupiré de lassitude.

« Ta pute ? Continue d'espérer, t'as de quoi vivre pendant un moment avec ça. » Tu souris en coin encore une fois, elle se croit vraiment plus forte que toi. Elle a pas compris que la vie ne marchait pas comme ça. C’est pas elle qui décide de qui domine cette conversation, t’es là donc elle doit se taire, point barre. Tu dis rien pour l’instant, tu la laisses dans son illusion. Tu écrases ta clope dans le cendrier. « Tu veux en venir où là ? » Tu soupires, en plus de te les briser faut qu’elle soit conne. « Me fais pas des menaces, t'es pas le seul sur SF. » Tu éclates de rire, tapant sur ton volant tellement tu trouves ça drôle. Le feu passe au vert et la voiture démarre en trombe. Tu te calmes doucement et reporte ton attention sur elle. « Pas besoin de te menacer, je fais ce que je veux de toi. » Elle était bien montée dans ta voiture sans trop se poser de questions. Ton arme dans ton caleçon bougera surement pas mais c’est pas une raison pour qu’elle fasse la maline. « Y’a quelques jours t’as mal traité un client et il est venu se plaindre. C’est un de mes associé et j’ai perdu pas mal de thunes à cause de toi. » Tu rigoles plus, tu rigoles jamais avec l’argent que tu te casses le cul à gagner. « T’as quoi à dire sur ça ? » Elle qui aime tant parler pour rien, elle devrait être contente.

Tu l'entends rire, t'as l'impression qu'il se force tant s'est exagéré. Tu te retiens de lui en foutre une, pourtant ta main te démange tellement. Mais si y a bien un truc que t'as appris avec le temps, c'est qu'un mec frappera toujours plus fort. « Pas besoin de te menacer, je fais ce que je veux de toi. », tu le regardes même pas, t'évites. Mais là, sans même avoir les yeux posés sur lui, tu visualises bien son sourire de con qui accompagne ses paroles. Tu te retiens de répliquer, c'est comme se battre contre un mur avec lui. Il est trop buté, il pense tellement que tu lui appartiens parce que tu bosses pour lui que t'arrives jamais à lui clouer le bec. Alors tu préfères lui laisser la joie d'avoir "gagner". « Y’a quelques jours t’as mal traité un client et il est venu se plaindre. C’est un de mes associé et j’ai perdu pas mal de thunes à cause de toi. », tu te tournes directement face à lui, avec ton expression qui lui demande si il se fout pas un peu de ta gueule. « Putain, tu viens me faire chier pour ce mec ? T'as que ça à foutre ou quoi ? », tu sais de qui il parle. Tu refuses pas souvent des clients, du moins t'estimes pas faire beaucoup de perte. Plus tu peux te faire de tune, mieux tu te sens. Mais celui là, tu l'avais gentiment envoyé chier. Du moins, gentiment à ta façon, apparemment ça devait pas assez l'être. T'as beau être une pute, tu veux pas taper dans la merde. Ce genre de mec devrait se payer de la chirurgie plutôt que des putes, c'est ce que tu t'es toujours dis. « T’as quoi à dire sur ça ? », ce que t'as à dire ? Vraiment rien. Tu l'as refusé, ça s'arrête là. Jamais une seule fois tu aurais songé à ce qu'Isiah vienne te demander des comptes. Tu le regardes avec ton air blasé. « Je te manquais autant pour que tu ramènes ton cul jusqu'ici ? Paraît que c'est un privilège. », tu souris. Tu rigoles même l'espace d'un instant suite à ta remarque.

Elle se la ferme un peu, elle commence à comprendre qu'elle pourra pas gagner de toute façon. Déjà qu'à la base t'as pas mal une grande gueule, là en plus c'est ton employée. On discute pas les ordres, surtout pas les tiens ouais. « Putain, tu viens me faire chier pour ce mec ? T'as que ça à foutre ou quoi ? » Bien sur que tu viens la faire chier pour lui, elle comprend pas comment le business marche. Pour elle c'était qu'un client comme les autres et elle s'est surement pas posée de questions avant de l'envoyer balader. Tu lui éviteras les détails mais ce mec un est un de tes plus gros fournisseurs pour ce qui se rapporte aux armes, donc une grande partie de ton revenu mensuel. Le gars t'as fait une crise parce que la belle avait pas voulu se laisser fourrer. Voilà pourquoi t'étais là, aussi un peu pour voir sa gueule aussi mais ça c'est une autre affaire. « Je te manquais autant pour que tu ramènes ton cul jusqu'ici ? Paraît que c'est un privilège. » Tu gares la voiture sur un parking désert et commences à te rouler un joint. « T’es pas exceptionnelle. Des filles comme toi j’en ramasse à chaque coin de rue. » C'était pas la vérité mais bon, t'allais pas la conforter dans l'idée qu'elle était une jolie petite chose unique. Et t'allais pas lui dire que, ouais, t'aimes qu'elle te tienne tête. « Justement j’ai pas que ça à foutre de devoir venir te faire des rappels. Tu connais ton taff, t’es la seule à pas encore avoir compris qu’on refuse pas un client. Je crois que t’as pas bien saisi ta place dans l’échelle sociale. » Ouais c'est un avertissement et à la prochaine connerie elle aura plus qu'à trouver un autre mac. Ça lui ferait revoir son avis sur toi d'en avoir un qui lui tape dessus.