T'as hésité avant d'entrer dans l'église, t'as commencé à avoir peur quand tu t'es rendu compte que c'était le jour j. Pourtant, hier encore tu pensais que c'était la bonne décision. Que tu faisais pas de connerie. C'est peut-être l'effervescence de l'évènement, la réalité qui te tape subitement à la gueule. Ta mère, tu l'aurais jamais invité de ton plein grès, mais paraît que c'était important pour les grands-parents de la blonde qu'il y ait au moins une personne de ta famille présente. Pour rendre les choses un peu plus officiel, certainement. Elle n'a pas cessé de te faire des éloges sur ta femme, "C'est la bonne" et tout pleins de phrase comme ça. T'en était conscient, sinon tu serais pas là, près à lui passer la bague au doigt. Mais c'est pas ton truc, le mariage et tout le blabla. Tu te passes la main sur le visage puis tu passes l'allée centrale. T'essayes de relativiser les choses. Après tout ça, vous allez rentrer et retourner à vos vies. T'as hâte, t'en peux plus de ce pays. Tu salues d'un signe de tête les gens présents, tu connais pas vraiment grand monde, mais ils ont l'air tous ravie d'être présent. Ta mère te fait signe, elle a l'air heureuse d'être là elle aussi. Tu parles avec ta génitrice pendant quelques minutes, elle peut pas s'empêcher de remettre tes vêtements en place et ça te saoule. Tout ce monde présent te saoule, en vérité. T'aurais préférer faire ça en comité restreint, tu voulais pas t'afficher autant. La musique commence, tout le monde prend place, ta mère te laisse enfin tranquille pour allez s'asseoir près de la grand-mère de Lera. Tu te mets face à la grande porte, les mains dans tes poches. Tu vois Lera, au loin. Tu bouges pas d'un poil, ton regard reste posé sur elle. T'attends patiemment qu'elle te rejoigne. ça fait plus de vingt-quatre heures que tu l'as pas vu. Tu sais pas ce qui lui est passé par la tête depuis. Si elle a autant la trouille que toi de tout ça. T'aurais bien aimé la voir avant tout ça, toi. Pour parler, normalement, mais t'as du suivre les traditions à la lettre. Le genre de truc qui fait bien chier.

Elle avait mal au crâne, restes de sa soirée arrosée. Elle avait bu, trop sûrement. Heureusement, le maquillage aidait à camoufler ce qui était nécessaire pour qu’elle ait eu la bonne mine d’une personne qui avait passé une bonne nuit. A vrai dire, elle avait passé une excellente nuit, mais n’avait cependant pas pu, ni eu le temps de fermer un œil. Une mauvaise organisation et des amies russes, à comprendre qui adorent faire la fête jusqu’à l’aube, dans le cas jusqu’à leur retour ici puisque dormir dans le jet était proscrit, de toute façon le nœud qu’elle avait dans l’estomac l’en aurait formellement empêchée. Les dernières finitions apportées à la robes, nécessaire, puisque le stress aidant, elle avait encore perdu quelques kilos, ce que sa grand-mère n’avait pas cessé de lui faire remarquer, de même que sa… belle-mère d’ailleurs. Belle-mère, en voilà une appellation qui lui donnait envie de rire aux éclats. Détrompez, elle appréciait beaucoup la mère Strauss, ayant perdu la sienne très jeune, elle avait fait en sorte de se montrer sous son meilleur jour avec elle et cela semblait avoir très bien fonctionné, si bien que les deux femmes avaient été quelque peu inséparables. « Время! » lança sa grand-mère qui la regardait un instant, avec émotion avant d’embrasser son front et de sortir, quelques minutes plus tard ce fut au grand-père d’entrer. Oui, c’était l’heure et elle n’avait qu’une envie s’enfuir. Il lui fit quelques compliments qu’elle n’écouta pas, perdue dans ses plans de fuite. Elle calculait les possibilités qui lui restaient encore pour échapper à tout ça, elle pourrait sortir de cette pièce, prendre sur la droite et s’engouffrer dans une voiture, démarrer pour aller Dieu ne sait où. Elle embarqua bien dans une voiture mais avec le patriarche, en direction de l’église –catholicisme oblige. Docile, elle suivit le vieux à l’intérieur lorsque ce fut le cas, regard baissé vers le sol. Bon que lui restait-il encore comme options pour éviter tout ça ? Déjà la lourde porte se refermait derrière elle, signe qu’il était trop tard. A sa vue, les convives se levèrent et la contemplèrent longuement, plutôt la robe qu’elle portait, une de ses créations, mais elle n’était cependant pas d’humeur à apprécier leurs compliments sur son travail car très vite elle se retrouvait face à Strauss fils. Tout le monde se rassit et le prêtre put commencer son discours, en lituanien, bien entendu, choix du vieux qui honnissait plus que tout l’anglais. Le regard de la blonde vagabondait de part et d’autre de la pièce, y cherchant un trou dans lequel aller se cacher, par lequel se tirer d’ici. Tiens, elle commençait à progressivement avoir mal au ventre, car elle savait qu’ils se rapprochaient du moment fatidique. « Les alliances » dit le prêtre en anglais cette fois. Comme aucun des deux n’avait de témoin, ce fut un religieux qui apporta le coussin où elles reposaient, coussin que Lera observa longuement en silence, créant malgré elle un peu de suspens avant de prendre celle destinée à Heathcliff et de se tourner vers lui, rencontrant pour la première fois son regard. Elle prit sa main et fit passer la bague « Par cet anneau je te fais mien » Elle était plus que jamais décidée à s’enfuir, ça urgeait.

La foule se lève, Lera te rejoint petit à petit. Plus elle s'approche de toi, plus tu peux pas t'empêcher de la complimenter mentalement. Elle est magnifique et, involontairement, tu te sens fière d'être à deux doigts de la faire tienne. T'es presque certain que n'importe quel homme serait ravie de se marier avec une femme aussi belle qu'elle, et même si l'idée de mariage en elle même ne te plaît pas totalement, t'y trouves une certaine satisfaction. Une fierté d'homme, un peu comme les gagnants de la coupe du monde. Elle se positionne près de toi, face au prêtre. Tu fais de même alors qu'il commence un discours dans une langue dont tu ne connais pas un seul mot. Le mec pourrait ordonner ta mort, tu n'aurais même pas la chance de pouvoir essayer de t'enfuir avec cette putain de barrière de langue. Tu baisses le regard pendant tout ce temps, remettant tes manches en place, admirant tes chaussures acheté à l'occasion. Putain, tout le fric que t'auras dépensé pour un truc qui n'aura aucune répercutions sur ta vie en Amérique. Tu trouves ça débile, mais fallait bien ça pour qu'elle se décide à rentrer. Le prêtre demande les alliances, et c'est la seule chose que tu comprends de toute la cérémonie, passant subitement du Lituanien à ton bon vieux anglais.  Tu te tournes pour faire face à Lera alors qu'elle tarde à prendre ton alliance. T'as presque envie de la secouer, de lui demander d'aller plus vite. Mais t'as besoin de rien faire, elle finit par la prendre et te la passer au doigt. « Par cet anneau, je te fais mien. », son regard dans le tiens. Tu trouves que tout ça prend tout de suite une trop grande importance, c'était vraiment pas pour déconner tout ça. Tu la fixes pendant quelques secondes, quelques longues secondes puis tu te décides enfin à prendre également son alliance. Sa main dans la tienne, tu y glisses à ton tour l'alliance autour de son annulaire. « Par cet anneau, je te fais mienne. », tu relèves la tête tout en écoutant le prêtre qui vous donne à nouveau quelques consignes. Il s'adresse à toi, te demandant de répéter quelques phrases. Tu te fais pas prier. « Devant Dieu et devant nos familles et amis, je fais la promesse solennelle de t'aimer, de te chérir et de t'être fidèle dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la santé comme dans la maladie, dans la joie comme dans la peine, jusqu'à ce que la mort nous sépare. », t'as presque envie de rire à tes propres paroles. T'y crois pas, toi à tout ça. Ces promesses d'éternité, de fidélité et tout ce qui s'en suit. Pourtant, tu restes de marbre, fixant Lera avec attention, pendant que le prêtre s'adresse à nouveau à elle. T'es presque certain que personne n'a remarqué le malaise que tu avais d'être présent ici,  non pas assis sur un des bancs de l'église, mais en étant le principale concerné par la cérémonie.

Elle n’attendait que ça, en finir. Cela tirait trop en longueur, il y avait trop de blabla, trop de regards braqués sur eux, plus particulièrement ceux de ses grands-parents. Elle était d’ailleurs surprise qu’ils aient accepté un tel arrangement, elle les connaissait suffisamment pour savoir qu’il y avait anguille sous roche et que leur accord dissimulait quelque chose de plus tordu. Et elle, pourquoi avait-elle accepté ? Elle n’en savait trop rien…elle le savait aussi adepte de l’engagement qu’elle, peut-être même pire qu’elle et s’il était prêt à autant de sacrifice pour la ramener dans le pays de la démesure c’était qu’il tenait un tant soit peu à elle non ? Cela voulait donc dire que ses déclarations n’étaient pas aussi fausses qu’elles lui avaient semblé dans un premier temps. Peut-être que…Ce n’était ni le lieu, ni le moment pour de telles réflexions. La mission était de boucler cette affaire sans drame et le tout très rapidement. Tout comme Heath, elle n’avait nullement envie de s’éterniser. « …jusqu’à ce que la mort nous sépare » finit-elle aussi son discours, à la manière d’un robot qui ressortait un texte appris. Ouais, la mort ou une paire de fesses qui viendrait trainer dans leur sillage. Le prêtre finit son blabla habituel –du moins le supposait-elle- sur un ‘si quelqu’un évoque une raison suffisante pour mettre fin à cet union qu’il s’exprime maintenant ou se taise à jamais’ qui fut suivi d’un silence plomb durant lequel elle pria tous les dieux pour qu’on la sorte de là. Bien sur, il n’y eut personne et elle était bien trop tétanisée par l’issue à venir pour s’exprimer immédiatement au lieu de la fermer jusqu’à la mort les sépare. Elle avait envie de rire, de se foutre de leur propre gueules parce qu’ils étaient là, à se fixer, comme des cons alors qu’ils souhaiteraient être ailleurs. « Avec tous les pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare mari et femme » Il se tourna ensuite vers Heath « Vous pouvez embrasser la mariée » Le piège venait de se refermer.

A son tour, Lera déballe le fameux discours qui mettra fin la cérémonie religieuse, du moins presque. Un long silence se fait pesant dans la grande église lorsque le prêtre demande si quelqu'un s'oppose à l'union. Tu lances un coup d’œil dans la grande salle, pour veiller à ce que personne ne se lève, histoire de ne pas avoir fait tout ça pour rien. Tu finis par regarder à nouveau Lera, te préparant à la moindre réaction de sa part. Mais rien, elle te regarde. Comme si la situation était commune, du moins à vos yeux. Le prêtre radote encore une fois, puis il te fait face, te donnant l'autorisation d'embrasser ta femme. Tu lâches un rire nerveux, que tu pouvais pas garder en toi sur le coup. Un rire silencieux, que seul vous trois aviez pu l'entendre. Pourtant tu savais bien que ça devait arriver, tu t'étais mentalement préparé à cette fin. T'avais prié tout les dieux pour que cette partie de la cérémonie soit zappé. Mais peut-être pas assez. T'as aucun gêne à embrasser Lera, c'est pas comme si c'était quelque chose de désagréable. Mais pas ici, pas devant tout le monde, pas comme ça. En temps normal, tu laissais la chose bouillonner en toi, jusqu'à ce que tu ne gères plus rien et que ce soit ton corps qui prennent le contrôle sur ta raison. Embrasser Lera, c'est pas quelque chose que tu fais comme ça, parce que t'en a envie ou qu'on te le demande. Sur le coup, tu te sens piégé. Mais tu dois retomber sur tes jambes. Tu prends le visage de la mariée entre tes mains, puis le plus naturellement possible, tu déposes un baiser sur son front. Et tant pis si on trouve quelque chose à te dire, tu mettras ça sur le compte de la pudeur. Et c'est finit. Plus aucun retour en arrière n'est possible. […] T'es marié. T'as du mal a y croire. Tu te dis encore que c'est peut-être un rêve, un cauchemar. Tu sais pas, mais en tout cas, ça va ce finir. Pourtant, les heures défiles et toujours rien, pas de réveille en sursaut. Rien. T'es bel et bien marié, va falloir t'y faire. T'écrases ton mégot de cigarette au sol, tu comptes même plus le nombre de cigarette que t'as entamé depuis que vous avez rejoint la salle de réception. T'as besoin de nicotine pour calmer tout ça, tu te dis que bientôt tu seras parti loin d'ici, adieu la Lituanie, enfin. T'en a marre de voir que ça, tu veux retrouver San-Francisco. Et ta vie, surtout ta vie. Tu rejoins ta mère qui discute avec tu ne sais pas qui. Elle arrive facilement à se foutre dans la masse, à croire qu'elle a assisté à des mariages avec des étrangers toute sa vie. Tu l'écoutes vanter la réception, la mariée et toi par la même occasion. Elle est fière de dire que c'est le mariage de son fils et tu te demandes si elle image rien qu'une seconde que ce mariage, c'était simplement ta dernière solution. Tu cherches Lera du regard, mais tu la trouves pas. Tu sais pas vraiment qui évite qui, mais c'est tout juste si vous vous êtes croisé depuis votre arrivé. Tu te décides alors à aller à sa rencontre, tu traverses la salle en attrapant deux verres de champagne sur le plateau d'un serveur. Tu la cherches et tu finis par la trouver, seule qui plus est, tant mieux pour toi. Tu lui tends une coupe avant d'ajouter, moqueur, « On a pas encore trinqué à notre union. ». T'as envie de rire, mais tu te retiens. Tu te contentes de sourire bêtement avant de voire une gorgée de champagne.

Il l’avait embrassé sur le front, elle n’en revenait pas ! Tout comme sa famille d’ailleurs qui n’avait cessé de lui faire remarque, certains trouvant cela mignon qu’il se montre aussi pudique et d’autres, plutôt lâche, incapable d’embrasser une femme devant une assemblée, qu’en était-il de sa virilité ? Les doutes allaient bon vent, mais en russe ou en lituanien ou bien encore en ukrainien, ainsi Heathcliff ignorait tout ce qui se disait sur son sujet. Dès que la cérémonie fut terminée, Lera se retrouva rapidement accaparée par sa famille, entre félicitations, questions indiscrètes, câlins et autres, elle ne savait plus où donner de la tête, seule subsistait l’idée qu’elle était mariée, bordel de merde, mariée à Strauss. Aussi, quand elle eut une ouverture, elle disparut, préférant aller s’isoler loin de ce dynamisme, de toute façon, elle savait ses grands-parents tout à fait apte à prendre la relève, à donner plus de détails sur les traiteurs, les fleuristes, les décoratrices etcetera après tout, cette célébration était leur œuvre la plus totale ; Heath et elle, n’étaient que le bonus. Stressée depuis le début de la journée, elle finit par s’allumer une cigarette et l’effet est immédiat, la nicotine il n’y a rien de mieux, si ce n’est quelques rails mais il vaudrait mieux qu’elle ne laisse pas son esprit divaguer là-dessus. La voix Strauss l’extirpa de ses pensées et machinalement elle leva le regard vers lui, se faisant un petit mémo mental sur ce qu’il dégageait et sur sa beauté, chose qu’elle ne dira jamais. « La ferme » dit-elle en prenant la coupe de champagne. « Putain, dans quelle merde on s’est encore foutus ?! » Elle poussa un soupir, las et plus que tout exténuée. Cela lui apparut enfin clairement, elle se retrouvait mariée à Heathcliff Strauss, quelle merde.