Le jour fatidique. Le jour où je devrais me soumettre totalement aux traditions familiales, vivre à leur guise et non à la mienne, m’enchaîner avec leurs règles, et leur mentalité cadenassée. Je ne voulais pas pour autant me sentir ainsi, c’est pour cela que j’ai eu cette illumination, cette nouvelle philosophie, perception si je puis dire, qui a réussi à me rendre moins cynique, lorsque des visions de mon futur effleuraient ma conscience. Le mariage n’est qu’un contrat, rien de plus. Une liaison légale, qui unissait deux personnes, et leur permettait de vivre en sécurité, complètement protégés par la loi. Je n’ai pas eu à organiser grand-chose, ils attendaient déjà cet événement avec impatience, et avait tout planifié à ma place. Je ne me sentais pas particulièrement enthousiaste à l’idée de m’unir avec Eve ou une quelconque autre femme. C’était juste une coutume parmi tant d’autres, à respecter.

Vêtu d’un costume parfaitement bien conçu par un grand designer, mes cheveux blonds soigneusement plaqués d’un côté, portant la kippa qui m’a été proposée par le rabbin. Je contemplais ma montre sans grand intérêt, répondant aux faux compliments des membres de ma famille et des invités qui se trouvaient dans la grande salle. Je venais de signer les documents qu’il fallait en présence du rabbin et des différents témoins. Il ne me restait plus désormais qu’à redécouvrir ma femme après quelques jours de séparation, exigés par la religion juive. Peut-être n’étais-je simplement qu’un simple pion parmi tant d’autres, destinés à accomplir tes tâches bien précises, pour m’éteindre à la fin. Une monotonie indolore, fade, qui m’avait desséché, rendu aussi glacial qu’un iceberg, comme m’avait décrit ce clown à l’activité sexuelle particulièrement accrue. Je ne me souciais guère de ce que ces gamins pouvaient penser de moi. J’avais tout de même cruellement besoin d’adrénaline dans ma vie. Je n’allais probablement pas en avoir le jour de mon mariage.

Tout le monde était déjà présent, les familles les plus influentes des Etats-unis s’étant regroupées, dans cette espèce de château, ancienne propriété de mon grand-père, pour ce jour si peu spécial à mes yeux. Je conversais avec quelques amis, parlant surtout de politique et de sujets très peu gaies, attendant patiemment la venue de ma future épouse.

C’était le grand jour, si on peut appeler ça comme ça. Celui où ta vie serait unie à celle de Yaël et ce pour toujours si tout se passait bien. Tu détestes les mariages et tout ce qui se rapporte à une sorte d’amour pur et inconditionnel. Les preuves d’amour aussi grandes ne t’inspirent rien de bon, personne n’est capable d’aimer une seule personne pendant une durée de temps aussi longue, surtout pas toi dans ce cas. Peut-être que tu aurais pu rencontrer une fille bien, une fille qui t’aurait rendue heureuse et avec qui tu aurais voulu passer une bonne partie de ta vie. Mais tu sais que ça aurait déçu tes parents et que tout ce qu’ils veulent c’est un bon mariage avec un juif qui saura prendre soin de toi comme ils l’entendent. Malgré leur amour pour toi ils ont leurs idées bien arrêtées. Il était inconcevable que tu rentres à la maison un jour, une femme au bras et que tu leur annonce qu’elle partageait plus que de l’amitié avec toi.
Ta mère et ta sœur t’aident à ajuster ta robe dans le miroir, tu te regardes sans vraiment te rendre compte de ce que tu es en train de faire. Tu vas bel et bien te marier, c’est arrivé tellement vite que tu sembles presque surprise d’être là aujourd’hui. Toutes les femmes de ta famille sont regroupées autour de toi, les yeux brillants de larmes d’émotions. Tu n’arrives toujours pas à croire qu’ils aient tous cru à votre amour factice au point d’être ému en ce jour si banal finalement. On te dit que c’est le moment, il va falloir y aller, rejoindre ton futur mari que tu n’as pas vu depuis plusieurs jours et te faire passer la bague au doigt.
On annonce ton arrivée et le bruit de l’assemblée semble se calmer. Ton père dépose un dernier baiser sur ton front avant de te prendre par le bras pour t’emmener jusqu’à ton époux près du rabbin. Tu marches sur ta ligne droite, le cerveau vide de toute pensée et tu accroches un sourire à ton visage. Yaël t’attend dans son costume au bout de l’allée, tu arrives à sa hauteur et ton père s’éloigne, tu te tournes vers ton bientôt plus fiancé.