(Rp faisant suite à cette conversation )

Gros week-end. La convention tattoo de San Francisco. Attendue toute l'année, elle est la plus grosse qui existe dans la ville. Située en plein centre, dans un hangar réputé pour ses événements en tout genre. Spacieux et confortable, il accueille du simple concert au plus grandes expositions. En gros, c'était une date importante pour Arnóra. Elle y participait pour la première fois et en tant qu'exposante, qui plus est ! Présente sur place depuis de nombreuses heures, elle était venue accompagnée de Gayle. Au départ, une invitation anodine, entre meilleures potes. Même si tout le monde sait qu'il se trame bien plus qu'une simple amitié entre ces deux là, Arno' savait se tenir. Elle se devait de rester professionnelle et concentrée avant tout. Pas évident avec ce canon qui se trémoussait devant elle dans un pantalon bien serré, laissant pleine vue sur son fessier. Fuck.

Puisque la tatoueuse aimait taquiner son amie - mais toujours dans le but de faire passer des messages - elle décida de lui envoyer un message via facebook. Le stand était désert depuis un moment et tout le monde avait le nez plongé dans son smartphone. Des messages anodins au début. Un peu d'humour, un peu de jalousie. Tout commençait toujours comme ça entre elles. C'était plus fort que tout. Cette envie irrépressible de rendre l'autre jalouse, d'émettre l'éventualité d'aller voir ailleurs. Se rappeler qu'elles étaient libres et qu'elles avaient le droit de vivre leur vie sans rendre de comptes à l'autre.

Arnóra avait été bien plus loin que d'habitude dans ses messages. Feintant l'innocence, elle s'était livrée. Elle avait avoué une infime partie de ce qu'elle ressentait pour Gayle. Cette belle brune qui possédait le pouvoir de lui faire chavirer le coeur avec un simple regard. Oui, peut-être qu'il y avait des choses déplaisantes en elle. Du genre... du genre son addiction à la drogue et à l'alcool. Mais Arn' n'était franchement pas le meilleur exemple qui soit. Elle détestait simplement la voir se faire du mal comme ça, pour rien. D'un autre côté, elle ne pouvait que comprendre. C'était si simple, si facile de vivre de cette façon. Rester sobre et affronter la réalité jour après jour n'aurait fait que les plonger dans une déprime propre à tous les autres humains de cette planète. Elles vivaient dans leur bulle, avec Tim et d'autres gens, par ci, par là. Auprès de Gayle, Arno' se sentait tout bonnement invincible, vivante.

Plus elle se livrait, plus la jeune tatoueuse remarquait qu'elle n'avait aucune idée de ce que pouvait éprouver son amie. Elle se doutait bien, certes. Elle ne pouvait pas nier les gestes tendres, les regards plein d'amour mais si tout ça était anodin ? Si tout ça, c'était juste la vision de l'amitié côté Gayle ? Si elle se faisait des films ? Le seul moyen de le savoir était simplement de le demander. Alors elle posa les bases. "Mais moi das tout ça j'ai droit à rien !". Elle aussi voulait savoir ce qu'il se passait sous cette tête brune. Que se passait-il dans ce coeur tout mou ? Les événements prenaient une drôle de tournure et le coeur d'Arnóra battait à cent à l'heure. Elle sentait que quelque chose était en train de se passer, en train de changer.

Elle approchait, telle une tigresse. Perchée sur ses jambes interminables, de sa silhouette fine, presque imaginaire. Arnóra la regardait, d'un oeil partagé entre le désir, l'amusement, l'attente et la peur. Tout ces sentiments qui s'entremêlaient à chaque fois qu'elle se trouvait aux côtés de Gayle. Elle se détestait pour ça. Elle détestait ressentir des choses susceptibles de lui annoncer qu'elle était en train de frôler l'amour. Était-elle amoureuse de Gayle ? Pour le savoir, il aurait fallu qu'elle ait été amoureuse une fois dans sa vie. Et rien jusque là n'avait pu se présenter comme tel. La jolie brune prétendait pouvoir l'embrasser devant tous ces gens. Elle prétendait que tout ça signifiait quelque chose pour elle. Ouais, Arnóra, elle aimait pas trop jouer avec les sentiments des autres. Si elle échangeait un baiser avec Gayle, il devait être vrai et refléter un minimum de sincérité.

- T'es vraiment sûre que j'le ferai pas ?

Gayle se trouvait incroyablement proche des lèvres de la tatoueuse. Autant dire qu'Arno' ne faisait plus la maligne, là, assise sur son siège ergonomique. Un peu saisie de voir la belle si entreprenante, elle mourrait pourtant d'envie de goûter à ces lèvres pulpeuses qui lui faisaient de l'oeil depuis bien trop longtemps. Le problème avec Arnóra était qu'elle donnait toute sa confiance à ses amis mais qu'elle n'accordait qu'une infime partie de celle-ci à l'amour. Vous saisissez ? Bah oui, Gayle c'était aussi et avant tout sa meilleure amie. Alors que faire ? Pourquoi tant de retenue ? Pourquoi ne pas se laisser aller. Se laisser aller à un tout petit baiser. Non mais non. Impossible, ce baiser voudrait dire bien trop de choses pour la jeune femme assise. Si seulement elle était certaine que ce qu'elle ressentait était réciproque ? Elle aurait aimé être comme son amie, au fond. Audacieuse, le genre de meuf qui a peur de rien. Qui écoute ses envies et pas sa raison. La meuf qui agit et qui avise après. La meuf sans prise de tête. Elle était loin de tout ça. Ouais. Trop raisonnable, trop coincée peut-être. Sobre de toute substance, elle avait plus de retenue. Pourtant, défier était son La.

- Ouais. Je crois que t'as juste une grande gueule, mon amour.

Un fin sourire illumina son visage tandis que son regard croisa celui de Gayle un bref instant avant de se poser sur les lèvres de cette dernière, indéniablement attiré par cette chaire rouge vif. Il ne lui manquait plus que d'avancer de quelques millimètres pour que leurs lèvres se rencontrent. Que faire une fois qu'elle s'y trouverait ? Car ça allait arriver. Elle le savait pertinemment. Plus elle provoquerait la tatouée, plus elle obtiendrait ce qu'elle espérait secrètement. Pas folle la guêpe ! Dans son esprit, tout se déroulait comme une scène digne d'un grand film américain. Un baiser fougueux, long, sensuel et langoureux. Des mains s'entrelaçant, glissant dans leur chevelure respective, l'impossibilité de s'arrêter malgré le regard de tous. Se laisser enivrer par cette haleine emplie de désir. Juste la sentir proche. Plus proche que jamais. Mais la réalité serait probablement bien différente. Et surtout, elle engrangerait un tas de trucs auxquels elle n'avait pas pris le temps de réfléchir. Aucun doute que tout cela allait faire éclore des sentiments bien plus vrais, bien plus profonds. Ou au contraire, lui faire réaliser qu'elles devaient juste être amies et continuer de se désirer dans leurs fantasmes.

Le temps s'arrêta. Plus de son, plus de lumière, plus d'air. Les lèvres de la belle Gayle s'étaient posées, comme un oiseau, délicatement. Arnóra pouvait sentir cette chaire douce et ferme contre les siennes. Ne réalisant pas tout à fait ce qu'il se passait, elle resta une fraction de seconde inerte, sans bouger, les yeux encore entrouverts. Mais lorsqu'elle prit conscience de ce qui était en train de se produire, elle retrouva ses sens, néanmoins plongée dans un univers parallèle. Ses yeux se fermèrent alors, ses lèvres se mouvèrent lentement et sensuellement contre celles de Gayle. Elle glissa une main sur la joue maquillée de son amie et une autre dans son cou, afin de la retenir un maximum de temps près d'elle. Elle avait finalement osé. Elle avait finalement fait un pas vers Arno' alors que celle-ci ne l'attendait plus. Le bout de sa langue passa lentement sur la lèvre inférieure de Gayle, s'en suivit une légère morsure qui mit fin au baiser. Après tout, il serait peut-être le seul d'une vie entière, autant le rendre magique.

Les yeux à moitié clos, un très léger sourire bordait le coin de sa bouche. Elle caressa la joue de son amie une dernière fois avant de la libérer de son étreinte. C'était foutrement bon, FEUCK. Si elles n'avaient pas été en public, Arnóra n'aurait pas hésité un seul instant à aller plus loin, à tenter sa chance. Tant de choses s'étaient déroulées lors de cette infime minute. Personne ne l'avait retournée de cette façon auparavant. Personne. Malheureusement, il fallait rapidement reprendre ses esprits, après tout, elle était au boulot...

- Et bien je m'étais trompée, dit-elle d'une voix rauque, témoignant de tout son désir pour la belle brune.

A présent qu'elle savait ce qu'elle éprouvait pour Gayle, il était impossible de le nier ou de faire marche arrière. Il allait falloir assumer tout ça. Cet acte et tout ce qui se cachait derrière. Ce serait difficile, probablement un peu douloureux aussi. Se mettre en couple ? Ca l'effrayait, tout simplement. Se mettre en couple avec une femme comme Gayle ? Trois fois plus. Personne ne lui avait appris à aimer. Personne ne lui avait enseigné les bons gestes, les bonnes réactions, les bonnes attentions. Ca semblait si simple vu de l'extérieur et pourtant... Et pourtant il  se s'agissait pas de suivre son instinct. Il ne suffisait pas d'être spontané. Il fallait parfois prendre le temps de réfléchir à ce que l'ont disait pour éviter de blesser l'autre. Pour s'ouvrir à l'autre. Et pour le moment, les deux jolies tatouées n'étaient pas encore très douées pour se livrer l'une à l'autre.

Le temps. Le temps était la clé.

- Mais tout ce que tu as gagné c'est que je vais plus pouvoir te lâcher maintenant...

Le silence n'était pas confortable, Arno' l'avait bien compris. Alors pourquoi ne pas continuer à essayer de savoir des choses ? C'est vrai. Après tout elle l'avait défiée mais uniquement si tout cela signifiait quelque chose. Et signifier quelque chose, dans sa bouche, revenait surtout à dire "Si tu m'aimes plus que comme ta pote". L'heure était venue.

- Donc j'en étais à me demander ce que toi tu pensais de moi, n'est-ce pas ? Ajouta-t-elle dans un sourire taquin.

- C'que j'pense de toi, c'est que t'es une personne formidable, qui mérite d'être aimée comme il faut. Que j'aime tes yeux, ta voix, ta façon d'être, ta gueule d'ange quand j'te réveille, quand tu te colles contre moi dans ton sommeil...en fait, j'crois que j'aime tout de toi, même tes défauts. Parce que c'est tes défauts qui font de toi quelqu'un de parfait.

Et merde. Tout ça était sorti si naturellement que c'en était presque pas croyable. Évidemment, Arno' se doutait que Gayle voyait en majorité du positif en elle, sinon elle ne serait pas dans sa vie. Mais... wow. Tout ça ? Jamais elle n'y aurait songé, c'était du genre trop beau pour être vrai quoi. Elle savait d'autant plus que la belle brun n'avait pas toujours eu de la chance en amour. Alors qu'elle ose comme ça se livrer une nouvelle fois à une femme relatait du miracle. Bon, c'est vrai, Arn' était totalement inoffensive, elle aurait pas fait de mal à une mouche. Puis elle était tellement frêle que même une mouche aurait pu la mettre à terre. Bref, tout ça ne voulait pas dire qu'elle était prête à lui passer la bague au doigt et lui faire des bébés. Nan, les bébés peut-être, en fait.

Maintenant il fallait répondre, d'une manière ou d'une autre. Ce n'était peut-être pas l'endroit le plus approprié pour le faire mais elle ne pouvait pas rester les bras ballants, se contentant d'absorber tous ces compliments.

- Tu voulais savoir ce que j'aimais pas chez toi. Bon, comme je t'ai dit, y a quasiment rien. Mais si je devais trouver un truc, ce serait la drogue et la boisson. Mais je suis pas le meilleur exemple pour te juger donc voilà. C'est juste que ça me tue de te voir te faire du mal, inutilement.

C'était dit. Et vrai. Elle espérait que Gayle ne le prendrait pas mal. Ce n'était pas un reproche en soi. C'était plus une inquiétude qu'autre chose. Elle aurait aimé pouvoir soigner tous ses maux, être son seul remède. Pouvoir rendre sa vie heureuse rien qu'avec sa seule présence. Malheureusement tout n'était pas si simple dans la vie. Une personne ne suffisait pas indéfiniment à votre joie de vivre. Pourtant, le quotidien d'Arnòra ne serait plus aussi beau sans sa grande tatouée.

- Je voudrais bien suffire à ta vie mais je suis pas débile. Je suis consciente qu'on vit pas dans un monde de bisounours. Tu pourras pas te contenter de moi toute ta vie. J'aimerais juste te montrer qui a pas que ta réalité, qui a pas que ce que tu as connu.

Elle se référait bien évidemment à son ex. Elle voulait être la preuve vivante qu'on pouvait aussi trouver beaucoup de bonnes choses dans l'amour, même si Arno' n'était pas une spécialiste dans le domaine. Elle était novice, ce qui lui laissait l'espoir d'y croire et de se donner corps et âme pour la personne qui réussissait à saisir son coeur. Et elle se sentait prête, prête à se donner à Gayle, quitte à se perdre dans les limbes.

- Je sais que c'est pas vraiment le lieu approprié pour parler profondément de ce genre de trucs. Mais bon. Tu sais comme moi qu'il faudra y passer à un moment ou un autre. Ajouta-t-elle, ne pouvant s'empêcher de sourire à pleines dents.

Cette idée la réjouissait et l'effrayait à la fois. Mais comment ne pas succomber ? Les papillons dans le ventre, le vertige, le coeur qui bat la chamade, tout ça, ça existait vraiment. C'était pas des conneries d'adolescents. Alors peut-être qu'elle se brûlerait les ailes, peut-être qu'elle se planterait lamentablement. Qu'elle verrait le mur de face et qu'elle y laisserait ses dents, sa peau, son coeur tout mou. Mais elle ne voulait pas passer à coté de cette chance. Ca se reproduirait pas deux fois et elle refusait de vivre sa vie à se demander comment ça aurait pu se passer, comment elles se seraient aimées et j'en passe. Perdre l'amitié de Gayle était un risque à prendre mais la regarder s'en aller avec quelqu'un d'autre aurait été équivalent à s'ouvrir les veines et regarder le sang pisser sans réagir.

Elle se sentait comme une gosse. Une gosse à qui on expose des dizaines de beaux jouets et qui ne sait pas par où commencer, qui y va à tâtons, qui touche un peu à tout. Ce serait similaire si un jour elles se mettaient ensemble pour de vrai. Elle aurait besoin de temps, de repères et d'apprendre. Et elle ne se voyait pas avec un meilleur professeur...

- Tu sais autant que moi que quand t'es jeune, t'es influençable. Et l'problème, c'est qu'à cette époque, j'ai rencontré de mauvaises personnes, qui m'ont pas toujours portée vers le haut, et ca a créé une mauvaise dépendance... Et j'ai jamais cherché l'aide de quelqu'un pour m'sortir de là.

Ca... Arnóra était bien placée pour le comprendre. Elle aussi était partie de là. Voulant à tout prix échapper à la demeure familiale, elle n'avait trouvé que de mauvaises personnes dans la rue. On n'y croit pas tant qu'on n'y est pas. On se dit que se sont de simples jeunes qui n'ont rien à faire dans une ville toute pourrie, qui veulent juste papoter avec leurs copains de quartier. Ouais, on y va toujours dans ce but. Puis on se retrouve avec des pétards et des pax de coke dans la poche. On a rien vu, on a rien compris et déjà, on sait plus s'en passer. Mais c'est toujours mieux que de se faire les quatre coins de la baraque. Alors reprocher à Gayle cette faiblesse aurait été une vaste blague. Elle ne lui en voulait pas non plus de ne pas avoir cherché de l'aide. Après tout, comment dire à tes proches "j'ai un problème avec l'alcool. Et la drogue". trop difficile.

Arno' la laissait parler, buvant ses paroles comme le Saint-Graal. Elle aimait cette voix réchauffante. Une voix douce et féminine. Parfois rauque. Bref, la sécurité. Et oui, ce petit bout de femme aux cheveux longs, aux jambes vertigineuses et au sourire éclatant était la personne la plus rassurante à qui elle ait jamais eu affaire. Tout ce dont elle avait manqué dans son enfance et son adolescence, elle le retrouvait en Gayle. En la regardant simplement se mouvoir dans l'espace ou en écoutant ses précieux conseils. Car oui, même si elle aimait faire la fête, elle n'en restait pas moins une personne attentive. Et Arnóra aimait ce côté pieds-sur-terre. Elle avait besoin de stabilité, une fois dans sa vie. Elle se contenta de caresser sa main et de garder ce petit sourire niais  sur les lèvres.

- Montres moi ta réalité, alors. Si tu me laisses l'occasion de la partager, alors dis le moi. Montres moi que...qu'on peut vivre notre réalité, et qu'importe si ca dure pas toute notre vie, au moins on aura essayé d'être heureuses, ensemble.

God. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Alors comme ça, elle lui laissait une chance ? Pour de vrai ? Genre s'aimer, se faire des bisous, des calins d'amoureux et tout et tout ? Non, c'était impossible. Elle jouait. Elle se moquait de la petite Arnóra, pas possible autrement. Les yeux de la tatoueuse se firent alors plus attentifs, plus grands aussi. Elle tentait péniblement de cacher sa surprise mais déjà l'air lui manquait. Partagée entre l'envie d'hurler, de sauter partout, de sauter à son cou, de la demander en mariage... Elle se contentait de fixer les yeux de son amie, le coeur prêt à dégommer sa poitrine. Et ce n'était visiblement pas fini.

- J'te veux pour moi, Arno. Mais le dernier mot te revient

Plus proche à présent, Arno' pouvait sentir son souffle à la commissure de ses lèvres maquillées. Devait-elle répondre maintenant ? Pourquoi attendre plus longtemps ? Pour le jeu ? L'excitation ? A quoi ça rimait ? Elles s'aimaient toutes les deux. Elles attendaient péniblement que l'une d'entre elles fasse le pas qui changerait leur destinée. Gayle en avait franchi un. Et lequel ! Il ne restait qu'à Arnóra d'officialiser ça une fois pour toutes. De se laisser porter par cet amour lancinant. De se laisser guider par sa princesse du rockl et de lui montrer, elle aussi, de quoi elle était capable pour son joli minois - ou cul.

Alors elle suivit son instinct. Aussi simplement que ça. Une nouvelle fois, ses fines lèvres se posèrent sur celles de Gayle. Un baiser bref mais appuyé. Un baiser qui ne demandait qu'à prendre vie, qu'à se libérer. Mais tout était trop intense dans l'immédiat. Tout bas, elle répondit plus clairement :

- Moi aussi je veux que toi. Personne d'autre. Et je veux te voir avec personne d'autre non plus. Je veux tout connaître de toi, tout savoir, tout prévoir, tes gestes, tes réactions, tes mots. Je veux juste former un avec toi. T'es tout ce que j'ai toujours désiré putain, tu te rends pas compte Gayle... Il est sûrement trop tôt pour te le dire mais je suis raide dingue de toi. Je t'aime. Genre pour de vrai...

Sa main libre avait quitté ses genoux pour se poser contre la joue de la plus belle femme qu'elle ait rencontré dans sa vie. Et il semblait qu'aujourd'hui, elle lui était destinée.

Alors qu'Arno réalisait à peine tout le privilège auquel elle avait droit, elle se demandait pourquoi. Pourquoi Gayle et pas une autre, pourquoi pas un homme, pourquoi maintenant et pas avant... Des questions certes un peu inutiles mais pourtant perturbantes. Le destin était drôle parfois, il suffisait de rien pour que tout bascule. Il avait suffit d'une seule fille, d'un seul sourire et son coeur avait fondu comme neige au soleil. Elle n'avait rien demandé, elle n'avait rien voulu mais ça c'était fait. Tout seul. Et par chance, tout s'avérait réciproque.

- T'es la seule personne que je laisse m'apprivoiser, qui fait déconner tous mes sens, qui m'rend aussi dingue, et c'est vraiment pas donné à qui le veut. On ne formera qu'une seule et unique personne, et t'apprendras tout ca. T'es la personne spéciale que j'cherchais pour fracasser la pierre de mon coeur, et j'ferai tout c'que j'peux pour te garder, te voir sourire, heureuse. Et...et moi aussi je t'aime, vraiment, depuis un moment maintenant, même si j'le montrais pas. Mais j'compte bien te le montrer chaque jour, dès maintenant...

Comment avait-elle fait ? Elle l'ignorait. Elle n'avait rien cherché. Elle n'avait rien tenté de prouver. Elle était restée elle-même avant tout. La vie avait fait en sorte qu'elles se ressemblent par beaucoup de points, que leurs centres d'intérêts étaient proches, ainsi que leur style de vie. La vie avait tout bonnement amené ces deux jeunes femmes à se rencontrer. Oui, Arno' était superstitieuse. Si quelque chose arrivait, cela était forcément un signe du destin. Donc si elle avait rencontré Gayle, il y avait forcément une raison. La raison était largement devinable aujourd'hui. Si elles s'aimaient, cela impliquait encore un nouveau signe. Celui que chaque casserole a son couvercle. Alors peut-être qu'elles ne resteraient pas ensemble toute la vie mais qui sait ?

Un couple est fait de compromis, de concessions, de prises de conscience mais aussi et surtout de confiance et de partage. De dialogues. Si toutes les deux suivaient la route qui leur était tracée, aucune raison qu'elles ne soient pas ensemble pour la vie. Optimiste de l'amour, Arno' ne doutait pas une seconde de ses capacités à rester jusqu'à la mort avec Gayle. A se vouer à elle entièrement, à lui offrir son corps, son âme, tout ce qu'elle détenait de positif. Pour l'instant, elle se sentait vivante à ses côtés, fière, heureuse, en sécurité... Le jour où cet amour serait destructeur, elle aviserait.

- Je suis heureuse près de toi. Et saches que tu peux me faire confiance. Je ferais tout pour toi, pour que ça fonctionne entre nous, même si un jour ça fonctionne plus. Je t'abandonnerai pas.

Concis mais clair. Représentatif de ce qu'elle pensait réellement et ce à quoi elle s'engageait. Pas besoin de mariage pour se promettre fidélité dans la joie et la maladie. Pas besoin d'un anneau pour se promettre d'être là pour le meilleur et pour le pire. Elle se dévouait entièrement à l'aventure et celle-ci ne faisait que commencer...