Le trajet semble long, même si je vois bien à quel point Dante roule vite pour l'écourter au maximum. C'est ce silence qui gêne, qui me prend les tripes alors que je regarde par la fenêtre les rues qui défilent à toute vitesse. Je me remets à penser à quelques minutes plus tôt, son regard, ses baisers... puis ma gifle. Mais je reste silencieuse. Je ne fais pas chier, je le laisse conduire tranquillement. Je reconnais le quartier, puis l'immeuble qui arrive à grande vitesse alors qu'il se gare. Contrairement à ce qu'il pourrait croire, je ne sors pas rapidement. Je ne me détache même pas pour le coup, alors qu'il prend la parole, « Si c'est pour te foutre de ma gueule encore une fois, prends pas la peine de m’appeler. » Je tourne mon regard sur lui. Il ne me regarde même pas, il fixe quelque chose devant lui. Je baisse un instant les yeux, soupirant légèrement, ne sachant pas trop quoi faire pour le coup. Ca a vraiment l'air de l'avoir blessé pour le coup tout ça. Je termine par me détacher, mais je ne bouge pas pour autant, remontant mon regard vers lui, « Je ne me fous pas de ta gueule, Dante. Arrête avec ça. » je dis, d'un ton plus calme que tout à l'heure.

J'ai l'impression d'étouffer avec ce silence. Ça me fait tellement bizarre d’être « en froid » avec elle. Parce que même après le strip-tease, même après nos petites engueulades sur facebook, j'ai jamais réussi à lui faire la gueule. Mais là c'était différent, le trop plein d'émotions était sortit et je savais qu'on ne pouvait pas revenir en arrière. Je m'attends à ce qu'elle sorte de la voiture à la seconde où je coupe le moteur. Elle n'enlève même pas sa ceinture, elle écoute ce que je lui dis. Elektra me regarde mais je ne tourne pas la tête vers elle pour autant. « Je ne me fous pas de ta gueule, Dante. Arrête avec ça. » Elle savait très bien que j'avais raison, j'étais devenu son jouet et je l'avais laissé faire trop facilement. J'ai pas envie de me remettre à crier, je respire en me passant une main sur le front puis dans mes cheveux. Je décide enfin de tourner le regard vers elle. « Tu l'aimes lui, pourquoi tu continues à me parler alors qu'il ne veut pas ? Et que tu sais très bien qu'il a raison. » J'attends sa réponse, mes yeux dans les siens. Je veux juste qu'elle comprenne ce qu'elle me fait.

J'espérai juste ne pas éveiller une autre dispute en lui répondant ça. C'est vrai pourtant, je le faisais pas exprès. Je me foutais pas de sa gueule ! J'aurai pu le faire pourtant, et encore pire que ça vu la garce que je pouvais être. Mais là non. J'appréciais Dante, même si j'adorais le faire chier, ça faisait partie de notre relation, j'avais jamais vu ça comme un vice ! C'était pas voulu qu'on se mette à se gueuler dessus là. Il aurait juste pas dû s'approcher trop près de moi... j'étais obligée d'éclater, j'étais avec Caleb. Alors je reste là, à le fixer, attendre une quelconque réaction de sa part, alors qu'il termine par tourner sa tête vers moi et je peux ainsi enfin croiser son regard « Tu l'aimes lui, pourquoi tu continues à me parler alors qu'il ne veut pas ? Et que tu sais très bien qu'il a raison. » Je soutiens son regard, déglutissant un peu, avant de baisser mon regard sur mes mains, hésitante. « Parce que j'aime bien te parler, on est potes non...? » je dis, remontant mon regard sur lui.

Je continue de la regarder, toujours. Pourquoi elle ? Parce qu'elle me résiste ? En plus de tout le reste. Elle m'avait plut au moment où elle m'avait sortit le coup de la troisième couille, je savais de suite qu'elle était mon genre de fille. On se ressemblait elle et moi, même si je doute qu'elle aurait approuvé la comparaison. « Parce que j'aime bien te parler, on est potes non...? » Je vois qu'elle se sent mal, ça n'arrive pas souvent. Comme si elle avait perdu sa confiance d'un coup. Elektra renvoyait d'habitude l'imagine d'une gamine qui se foutait de tout, une gamine forte. Mais là, elle était juste une gamine, mignonne. Je lâche pas son regard, j'aimerais lui dire qu'on est potes, mais ça serait mentir. « Peut-être que tu me vois comme un pote... tu sais que je te vois pas de la même façon. » Je soupire et je laisse tomber a tête contre le siège, la tête toujours tournée vers elle. « M'en veut pas, ok ? Je peux rien y faire, je suis comme ça. » avec toi.

C'est dingue mais en regardant de plus près, je suis sûre qu'il a encore la trace de ma main sur sa joue. Ca a l'air encore rouge... Enfin bref, ce qui était fait est fait. Je pouvais rien faire pour lui maintenant. Et puis je le regarde... je lâche pas ses yeux, car il lâche pas les miens. J'suis pas ce genre de fille qui baisse le regard au moindre eye contact, j'ai pas peur de soutenir les regards. Sauf que là, c'est bizarre. Cette relation qu'on a, je saurais même pas y poser un nom. C'était... nous quoi. On se ressemblait beaucoup sur beaucoup de choses. Et pourtant... enfin bref. « Peut-être que tu me vois comme un pote... tu sais que je te vois pas de la même façon. » Je déglutis. Je sais pas pourquoi, mais j'avais pas envie d'entendre ça. D'entendre cette vérité flagrante. Alors je ne dis rien, je continue le regarder, sans savoir quoi dire... « M'en veut pas, ok ? Je peux rien y faire, je suis comme ça. » Je me pince les lèvres, me tournant un peu mieux pour lui faire face, « Je t'en veux pas Dante... je t'en veux pas. » je réponds simplement.

Je veux pas lui créer d'embrouilles, que ce soit avec son copain ou avec Camil. Je sais que si elle en parle à Caleb il va sûrement avoir envie de me tuer, je me prépare à ça depuis que je sais qu'ils sont ensemble. Il fallait bien que ça arrive un jour, à force de tourner autour de sa copine. Et puis Camil qui n'aime pas que je traîne avec elle, juste parce qu'il l'aime pas. J'espère que je vais pas foutre le bordel de partout parce que j'aime pas ça. « Je t'en veux pas Dante... je t'en veux pas. » Tant mieux, j'assume que c'est de ma faute. Bon, elle a ses torts, mais je suis allé trop loin. Particulièrement ce soir. Je me penche vers elle pour lui ouvrir sa portière. Elle devrait partir, il se fait tard et j'ai pas envie d'avoir une longue discussion sur ce qu'il s'est passé avec elle. « Aller, va dormir petite. » J'arrive à sourire un peu.

C'est quoi ce malaise entre nous là ? D'abord on rit, après il m'embrasse, après je le frappe, après on s'engueule et maintenant ce putain de malaise ? Si c'était pas une relation bizarre ça. Surtout qu'on est censés être potes. Enfin plus moi avec lui, que lui avec moi apparemment. Je déglutis un peu, ne sachant pas quoi ajouter pour le coup. Putain, d'habitude c'est moi qui mène la danse et j'sais pas là, ça doit être la fatigue qui fait que je suis comme ça. La fatigue et le trop plein d'émotions pour le coup. Je vois Dante se pencher vers moi, mais pas encore pour la même, il m'ouvre juste la portière. Il est temps. « Aller, va dormir petite. » Jetant un coup d'oeil à la portière ouverte, j'hésite un instant avant de regarder une dernière fois Dante qui me sourit un peu. Je souris un petit peu, l'histoire de quelques secondes, avant de baisser mon regard, puis sortir de la bagnole, fermant la portière derrière moi, évitant à tout prix de me retourner, continuant ma route jusqu'à l'immeuble.