J'enchaînais les soirées, histoire d'oublier que ma vie était un véritable désastre à cette heure-ci. Je terminai de danser, il devait être dans les quatre heures du matin, quand je décidai de sortir finalement du Ruby. Je devais aller rejoindre ma voiture que j'avais eu du mal à garer, quelques rues plus loin. Ramenant mon sac sur l'épaule, j'avançais rapidement dans les ruelles sombres de San Francisco, mes talons claquant chaque pas que je faisais de plus sur le béton. Je croyais être seule. Je voulais être seule. Mais à seulement quelques mètres de la boîte, un petit groupe, de genre 3-4 types, étaient figés contre un mur. Ok, changement de trottoir obligé, j'allais le faire quand « Eh mademoiselle ! » Et merde. Ils venaient juste de se planter devant moi. Même pas j'avais eu le temps de changer de rue. « T'es toute seule ? » Même avec mes talons je faisais pas la taille. Ne réponds pas Denver, trace ta route. Sauf, que c'était pas si facile malheureusement.

Encore de sortie au lieu de s’occuper de son enfant. Mais ce soir, elle avait besoin de s’aérer l’esprit, ce qu’elle avait lu sur le formspring de Heath l’avait plus agacé qu’elle ne l’aurait cru, ni voulu d’ailleurs. Alors, au lieu de rester chez elle à ruminer inlassablement, elle avait cru bon de sortir s’amuser, boire, sniffer et terminer la nuit au bras d’une belle ou bel inconnu qui lui aurait tapé dans l’œil. Un programme simple qu’elle connaissait sur le bout des doigts à force de l’avoir pratiqué pendant bon nombre d’années. Les choses ne s’étaient pas déroulées de cette manière puisque personne ne lui avait été assez intéressant pour cela, alors aux environs de quatre heures du matin, après avoir fumé près de deux paquets de cigarettes ainsi que deux joints et deux chichas à défaut de boire, elle quitta enfin la boîte pour prendre l’air et rentrer. Elle eut à peine le temps de s’allumer une cigarette qu’elle remarqua un groupe d’hommes accoster une jeune femme, seule. Bordel, ils étaient toujours ici, à chaque fin de soirée, ils n’avaient rien d’autre à foutre de leur vie ou quoi ? Cette histoire risquait fort bien de mal se terminer. « Sérieusement, allez vous gratter les couilles ailleurs » ne put-elle s’empêcher de lancer. Elle n’était pas de ceux qui tracent leur route en faisant mine de n’avoir rien vu, sans doute ce qui causera sa perte. Elle se glissa à côté de l’inconnue et lui murmura doucement à l’oreille « retire tes talons » tandis qu’elle faisait diversion auprès des garçons. « Bon sérieux les mecs, vous avez pas autre chose à glander ? Vous arrivez tellement pas à pécho que vous attendez qu’une pauvre fille soit seule pour essayer de l’avoir et à plusieurs ? » Elle eut un reniflement méprisant «vous vous rendez compte à quel c’est pathétique ?! » Ni une, ni deux, un mec l’agrippa violemment par le cou, y appuyant violemment. « Je vais t’apprendre à la fermer la pute » Pour toute réponse elle ricana et jetant un regard vers la demoiselle en détresse, elle donna un coup de genou dans les testicules de l’agresseur avant de prendre la fuite, la main de sa compagnon d’infortune dans la sienne. Où ? Elle n'en savait trop rien encore.

Ma vie était tellement pas assez palpitante que maintenant il fallait qu'une bande de grosses racailles viennent m'embêter ? Sérieusement. J'avais trop de la chance ces derniers temps. Mon karma revenait au galop. J'avais beau essayé de tracer ma route, impossible, ils me cernaient tous. Ils devaient bien avoir leur technique, à chaque fin de soirée, essayer d'attraper quelques filles esseulées... Trop de chance que ça soit tomber sur moi aujourd'hui. Surtout qu'il n'y avait quasiment, voire même personne, dans les rues à cette heure-ci. « Sérieusement, allez vous gratter les couilles ailleurs » Ah bah, apparemment non. Une voix de fille venait de s'élever dans les airs et je priai le bon dieu pour qu'elle arrive à me sortir de là. Au moins, je n'étais plus seule. Je n'eus même pas le temps de regarder qui c'était que sa voix arriva jusqu'à dans mon oreille « retire tes talons » La voyant faire diversion, je me baissais pour quitter discrètement mes talons, ne cherchant pas à en savoir plus. Ce n'était pas le moment de faire ma chochotte. « Je vais t’apprendre à la fermer la pute » Je n'avais même pas suivi la scène, que levant mes yeux, je vis la pauvre fille, dans le noir, agrippée par l'un des imbéciles. Arrachant un cri étouffé, je n'eus pas le temps de répliquer qu'elle lui lança un bon coup dans les bijoux du mec et m'attrapa rapidement la main pour commencer à courir. Et là, je ne me posais pas de question, je courais. Comme jamais j'avais couru d'ailleurs. J'entendais les mecs crier derrière nous mais je n'osais pas me retourner. On continuait de courir, encore quelques bonnes minutes, jusqu'à arriver à une rue un peu plus vivante que la dernière. Je m'arrêtais, un peu essoufflée, prenant appuis sur un mur à côté. « Merci... » soufflai-je entre deux respirations, finissant par lever mon regard sur ma sauveuse... oh. Lera.

Lera était bien contente que l’inconnue n’oppose aucune résistance et la suive sans rechigner, de toute façon, sa vie était en jeu, donc valait mieux qu’elle fasse tout ce qui était en son pouvoir pour survivre. Lera courrait le plus rapidement que possible, sans même se rendre compte qu’elle tenait encore la main de la brune dans la sienne alors qu’elles progressaient. Ses poumons brulaient, incendiant sa cage thoracique. Bordel, la clope lui avait détruit son endurance passée, en plus d’autres substances illicites que l’on ne citera pas. Littéralement pourrie de l’intérieur, c’était encore un miracle qu’elle put tenir une telle distance. Elles s’arrêtèrent soudain et se baissant légèrement, elle entreprit de reprendre un semblant de respiration régulière. Sans grand succès cependant. Elle avait l’impression de faire une de ses crises, heureusement, tout cela passa. « De rien » Elle se tourna vers la jeune femme et le moins que l’on put dire c’était qu’elle était surprise d’en découvrir son identité. « Denver… » Souffla-t-elle, en se redressant. Pour une surprise, c’en était une. « Bon, c’est pas tout ça, mais faut bouger avant qu’ils nous rattrapent » proposa-t-elle en scrutant les environs afin de déterminer si oui ou non, les quatre énergumènes les avaient suivies. Aucune trace, mais on n’était jamais trop prudents. « Tu es garée où ? »

« Denver… » Ouais c'était bien moi. Drôle de coïncidence quand même tout ça. Qu'une fille vienne me sauver la mise, et ça devait être Lera. La fille qui ne m'avait jamais appréciée à l'époque où je sortais avec Domenico. Et c'était presque réciproque. Mais j'avouais que ces derniers temps ce n'était pas celle qui m'importait le plus. Et j'étais plutôt reconnaissante qu'elle m'ait sauvée. Sauf si maintenant qu'elle savait que c'était moi, elle allait m'abandonner ici. « Bon, c’est pas tout ça, mais faut bouger avant qu’ils nous rattrapent » Ah bah apparemment non ! J'hochais la tête, silencieuse, terminant par regarder autour de moi si jamais je les voyais arriver en courant comme un troupeau de vache. « Tu es garée où ? » « Hum, deux rues plus loin, vers là-bas. » indiquai-je avec mon index. Mes chaussures entre mes doigts, je marchais toujours pieds nus sur le sol bétonné, alors que je faisais signe à la blonde de me suivre. Toujours silencieuse.

Deux rues plus loin. « Okay » répondit-elle simplement. IL n’y avait rien à ajouté. Les jeunes femmes ne s’adressaient pas la parole habituellement, ayant peu de choses en commun et Lera doutait que cela changerait aujourd’hui. Enfin, elle ne savait plus et ne tenait pas à s’étendre plus longtemps sur la question, elle sortait Denver de la merde et ça s’arrêtait là, chacune rentrerait chez elles, point barre. Soudain, alors qu’elle crut un instant être hors de danger, des bruits de pas se firent entendre, alors, machinalement, elle s’empara du bras de Denver et l’entraîna contre le mur afin qu’elles puissent à la fois se dissimuler et pouvoir observer. Cela avait quelque chose d’étrangement sensuel, rappelant brièvement à la blonde comment ses soirées se terminaient habituellement. « Shhh » Elle tendit l’oreille, discrètement, consciente que si elles se faisaient prendre ici, elles n’avaient aucune chance et franchement se faire violer ce soir, surtout pour Denver n’était pas dans ses projets. « Bon, je crois qu’on va rester un petit moment ici… » Murmura-t-elle à Denver ne parvenant à identifier le groupe de personnes qui circulaient étrangement lentement. « Vaut mieux éviter de prendre des risques… » Ajouta-t-elle, son cerveau réfléchissant déjà à une manière de les sortir de là, passer toute la soirée ici n’était pas non plus dans ses plans. Soudain, elle se souvint que Caleb travaillait ce soir, parfait, il servirait à quelque chose. Elle sortit son téléphone et s’empressa de lui envoyer un message, un SOS qui l’alarmerait et de ce fait le poussera à venir rapidement. « J’ai envoyé un message à un pote, il devrait pas tarder »