Aimeric. Il aurait dû avoir vingt-cinq ans cette semaine et il n'était pas là pour les fêter. Ca faisait donc depuis le début de la semaine qu'Ethan ruminait le souvenir de son meilleur ami, n'ayant décidément pas terminé le deuil. Certes, il était bien moins obsédé par la pensée de sa mort, mais lorsqu'il y pensait, ça le ruinait de l'intérieur. Il y avait d'abord eu l'anniversaire de sa mort, le mois dernier, puis l'anniversaire de sa naissance cette monstrueuse semaine. Dans ces moments-là, il ne pouvait s'empêcher de se dire que s'il avait été là pour lui, s'il avait insisté pour parler des problème d'Aimeric, il serait encore avec lui pour fêter dignement son anniversaire avec lui. Alors il était tout seul dans son appartement qu'il se mettait alors à haïr plus que tout, avec une photo de son meilleur ami posé sur la table dans un cadre. Il était assis devant à la fixer bêtement devant un verre à moitié rempli de whisky et la bouteille à quelques centimètres. Un véritable cliché. Il avait passé un peu de temps chez Julie, ce qui lui avait offert un bon bol d'air, mais alors qu'il traversait sans doute l'une des plus douloureuses périodes de l'année, il était seul face à un souvenir qu'il tentait tout le reste du temps de dissimuler. Il vida son troisième verre cul-sec et décida de sortir de son appartement pour penser à autre chose, pour se défouler, se calmer une bonne fois pour toutes.

L'alcool commença doucement à faire effet lorsqu'il entra dans un bar. Il avait fait la route en scooter sans vraiment s'en rendre compte et s'était arrêté là, comme alerté par l'air familier du bar. Il lui sembla alors que c'était là qu'ils allaient parfois avec Aimeric alors qu'ils n'avaient même pas encore l'âge de boire. Et pourtant, ils étaient régulièrement sortis ivres du bar, comme deux cons qui pensaient que s'amuser, c'était surtout boire. Il poussa alors la porte du bar plein de nostalgie, il fallait dire qu'en ce soir-là, il en était rempli, et il s'assit au comptoir avant de commander deux cocktails, un pour lui, un pour Aimeric, comme s'il était là. Un faible sourire traversa son visage lorsqu'il se rendit compte que c'était ce qu'ils avaient pris la première fois où ils étaient venus ici. Les deux verres arrivèrent assez vite et il en tendit un vers la place à côté de lui, inoccupée. Il prit ensuite le sien avant de lever les yeux au Ciel, tendant son verre dans la même direction. « Joyeux Anniversaire enfoiré ! » Et il but cul-sec. Il regarda ensuite le cocktail à côté de lui, se persuadant presque que son meilleur ami viendrait soudain le boire avec lui, mais bien sûr, il ne vint jamais. Il le prit alors et le but aussi vite que le précédent. Il se retint alors bêtement de pleurer avant de commander la même chose. La soirée continua ainsi jusqu'à ce que la barman refuse de lui servir un verre de plus, remarquant l'état déjà bien amoché du jeune homme, qui avait à présent plus l'air d'un gamin que d'un homme. Il se leva alors et sortit du bar en titubant, maudissant ridiculement fort le barman. Une fois dans la rue, l'air frais lui massacrant le visage vu l'heure, il marcha inconsciemment quelques minutes avant d'arriver devant chez Oakley, un ami de lycée, qui avait connu Aimeric lui aussi. Ethan était complètement torché, limite ivre mort, il frappa nerveusement à la porte, de plus en plus fort. Il devait être environ une heure du matin et il criait d'un ton qui montrait bien son état d'ivresse conséquent. « OAK ! OUVRE ! OUVRE ENFOIRE ! EH T'SAIS QUOI ? ON M'A JETE D'UN BAR ! AHAH ! AIMERIC SE MARRAIT COMME UN CON ! » Il délirait totalement devant la porte de son ami, il riait d'un air con, en frappant la porte jusqu'à ce qu'elle s'ouvre devant lui, laissant apparaître Oakley, apparemment agacé. « Oaaaak ! T'en as mis un temps pour ouvrir gars ! » Il poussa alors son ami et entra à l'intérieur, sans aucune gène, avant de s'écrouler sur le canapé. « Bon alors, tu m'sers un verre ou quoi ?! » Il pointa du doigt la bouteille de vodka qu'il voyait devant lui puis regarda Oakley avec un sourire jusqu'aux oreilles. Il était en plein délire, comme à son habitude lorsqu'il buvait beaucoup trop pour supporter son propre corps.

Ethan n'avait pas pour habitude de boire régulièrement. Autrefois, peut-être que si, quand il était plus jeune, avec son meilleur ami et leurs potes, mais ça lui était finalement passé, ce qui n'était pas plu mal. Déjà qu'il mettait sa vie en danger en fumant, pas la peine d'en rajouter en buvant tout le temps. Mais cette semaine était bien douloureuse pour lui, il lui était même difficile de supporter la vie en cette fameuse semaine. Aimeric manquait à l'appel, et il manquerait toujours, quoi qu'il fasse. Son meilleur ami lui manquait. Il n'avait pas eu la chance de vivre comme Ethan avait vécu, malchanceux dès le début de sa vie, il avait préféré se tuer que de continuer. Laissant Ethan seul avec sa culpabilité et ses remords. Ca avait été bien dur à supporter pendant de longs mois, pendant un an, il avait eu du mal, mais il avait fait le deuil, petit à petit, décidant de vivre pour son meilleur pote. Et pourtant, chaque année, ça lui faisait le coup. Chaque année, il délirait, il pétait un câble -peut-être un peu à cause de la solitude aussi- et il se mettait la tête à l'envers bêtement, se raccrochant à l'idée qu'Aimeric était encore là. Il finissait totalement torché et impossible à contrôler. Et ce soir-là, c'était la même chose. Il était arrivé chez Oakley par miracle et là, il gueulait à sa porte à une heure du mat pour que son ami lui ouvre. Il avait l'air d'un con à hurler dans la rue comme ça. A porte s'ouvrit enfin sur un Oakley bien énervé et Ethan ne se gêna pas pour entrer, poussant même son ami pour ensuite s'écrouler sur le canapé en demandant un verre de plus. Il ne tenait plus à l'alcool, plus autant qu'avant. Ca aurait énervé n'importe qui d'être réveillé à une heure du matin par un mec ivre mort qui cherchait encore son meilleur pote disparu. Il était dans un état lamentable. Et Oakley n'était pas vraiment le genre de type à laisser faire bien gentiment. Il le rejoignit sur le canapé avant de le traîner dans la salle de bain de force. « Si t'as soif, va boire l'eau de la douche ça te fera du bien. » Le jet d'eau complètement gelée s'abattit sur le visage du pauvre Ethan qui faisait tout pour l'éloigner. « Putain mec ! Mais arrête ! T'es barge ! Arrête !! » Le jet s'éteignit enfin et Ethan secoua la tête vigoureusement en passant sa main sur son visage trempé pour tenter de chasser l'eau. Il détestait ça. L'envie de gerber lui venait mais Oak le menaça bien vite en voyant son état. Il le fixa un long moment, énervé. Il allait lui faire payer. Il était dans un état pitoyable, tout se mélangeait dans sa tête, et il avait la haine. Pourtant, le peu de raison qui lui restait confirmait les dires de son plus vieil ami. Il repassa une main sur son visage. « Okay, d'accord. Lâche moi. Laisse moi récupérer okay ?! » Il poussa son pote pour sortir de la salle de bain. Il était trempé de la tête aux pieds. Il alla de nouveau s'écraser sur le canapé. L'alcool était un peu redescendu après le choc de l'eau froide, même si évidemment, ça n'arrangeait pas totalement son état. Il respira profondément. Americ n'était pas là, il avait bel et bien disparut. Il ne pouvait plus se permettre de péter un câble comme ça chaque année. Certes, ça n'arrivait qu'une fois par an, mais tout de même. « Aimeric aurait dû avoir vingt-cinq ans cette semaine. Et l'anniversaire de sa mort, c'était y a un mois. Fait chier putain. » Oakley avait connu Aimeric lui aussi, c'était d'ailleurs le seul qui savait comment il était avant. Ils étaient bien différents maintenant, Oakley et Ethan, mais autrefois, ce n'était pas tant le cas. Il enfouit son visage dans ses mains. La perte d'Aimeric avait bien été la chose la plus difficile à vivre pour Ethan. Il resta un moment comme ça puis releva la tête. « Allez, sers moi un verre, n'importe quoi, s'il-te-plaît. » Il n'était pas méchant, il était juste triste. Il faisait l'idiot ce soir, c'était certain. Il était une heure du matin et il emmerdait son ami à cause de son deuil. Il n'avait pas vraiment conscience de l'heure qu'il était.