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Anonymous
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Mar 28 Jan - 0:28


EMPTINESS IS NORMAL.


Le néant me coince contre les parois d'un ennui que je ne suis pas capable d'exprimer. J'ai le regard vague, embrumé par des douceurs médicamenteuses. Licites, illicites. Je ne sais plus vraiment. Allongée contre le cuir de mon canapé, j'apporte une cigarette à mes lèvres pour l'allumer ensuite. La nicotine fossilise mes pensées et remplace l'ennui par l'apaisement. Entre mes lèvres, la fumée se faufile pour s'évaporer lentement, quelques mètres au-dessus de mon crâne. Mon regard se perd à travers les courbes diaphanes qui s'entre-mêlent. On dirait presque qu'elles dansent avec l'écho du lourd silence qui caresse la pièce. Je finis par me redresser, toujours clope aux lèvres en attrapant mon ordinateur portable. Mes prunelles délaissent les danseuses chimériques pour courir sur l'écran pixelisé. La lumière brutale me les fait plisser un peu. J'ouvre facebook, fais défiler la page quelques minutes jusqu'à ce que mes yeux s'arrêtent sur un visage qui me semble familier. Je survole les commentaires puis son prénom apparaît. Des lettres qui remontent à la surface après le naufrage. Je souris, un peu amusée. Bastian et moi partagions des secrets. Des ecchymoses passées sous silence et qu'on faisait semblant de ne pas avoir remarqué. Les années avaient beau avoir coulé, le souvenir des marques est éternel. San Francisco était en train de me cracher le passé à la gueule.

Je ferme mon laptop, agacée par ma conscience qui se déchire lentement puis je me redresse. En supprimant l'idée des possibilités, en arrachant les particules d'attendrissement qui n'ont toujours fait que m'affliger. La plasticité des gens me brûlait parfois la peau, j'avais du mal à vivre, à respirer parmi eux et sortir de mon appartement ou simplement de mon lit était un effort considérable. Je ne vis que par l'éphémère, je disparais au même instant que la nuit pour laisser place au matin et à la vie des autres qui s'éveille. Le trop-plein me saoule, si cela se passe ailleurs que dans une boîte ou une rave party. J'ai la décadence en virus persistant et la vertu me semble risible. J'attrape un verre pour y faire couler mon ambroisie ambrée. Le whisky glisse comme de la lave dans ma trachée jusqu'à ce qu'on frappe à ma porte. Je fronce des sourcils avec l'amertume au bout de la langue pour finalement me rappeler qu'un ami devait passer me prendre pour qu'on se détende à une soirée. Je pose mon verre et range ma bouteille de Jack Daniels avec regrets pour aller enfiler ma veste en cuir. J'ouvre la porte, la referme derrière moi et descend les escaliers en entraînant le mec en question à ma suite.

Les vibrations attrapent mes envies et m'emmènent jusqu'au bar. Après avoir passé commande, je discute avec mon ami durant quelques instants jusqu'à ce qu'il s'éloigne pour rejoindre les autres personnes que l'on devait rejoindre. Je me blottie dans la solitude, le temps d'un battement de cil en finissant mon verre tout en laissant mon regard balayer la foule mouvante face à moi. Mes rétines s'attachent à des traits dessinés avec délicatesse et préciosité. Il ressemble à Bastian, me fait presque penser à une copie parfaite, un hologramme perdu dans d'autres visages anonymes. Je le fixe, peut-être avec un peu trop d'insistance comme pour lui arracher le masque des années puis je finis par abandonner mon verre pour m'approcher du peut-être inconnu. Ma main se pose sur son épaule pour qu'il se retourne et puis mes yeux plongent dans les siens. Excuse-moi, tu t'appellerais pas Bastian ? La ressemblance est trop forte pour que ce ne soit pas lui et un peu plus tôt, c'était bien sa photo que j'avais vu et il se trouvait qu'en plus de tout cela, nous nous trouvions dans la boîte où la photo a été prise. Le passé m'irritait les sens, troublait mon présent fait d'artifices et de bombes. J'étais partagée entre la nostalgie d'une ancienne complicité et le rappel venimeux des violences étouffées.

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Anonymous
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Mer 29 Jan - 21:26

Cela fait environs cinq fois que je fait le tour des chaînes de ma télévision à la recherche d’un programme divertissant. On est samedi soir et je ne suis même pas dehors, à cette simple pensée j’ai l’impression que je prends vingt ans d’un seul coup. Pourtant j’ai sincèrement la flemme de bouger, comme si mon corps venait de fusionner avec le canapé. Pourtant la boîte à image semble s’être liguée contre moi et se refuse à me divertir, incapable de rester sans rien faire je me lève et pousse un long soupir en me regardant dans le miroir, il est hors de question que je parte me coucher si tôt un samedi soir quand même, je peux me forcer à sortir mais seul, ça ne m’interesse pas vraiment. Seulement je ne suis pas vraiment d’humeur à supporter n’importe qui, je ne suis pas véritablement du genre sociable, je sais juste bien faire semblant. Semblant d’apprécier ces prétendus « amis » que je possède, qui ne sont pour ma part que de simples connaissances à mes yeux ou bien des pions que je manipule habilement pour qu’ils ne cessent de graviter autour de moi et constituer un carnet d’adresse qui laisse croire que je connais tout le monde. Je n’ai jamais besoin de personne et pourtant il est impossible de vivre sans le reste de la société, et ce reste ne supporte pas les gens seuls alors il faut savoir jouer la comédie, faire de grands sourires et faire croire que l’on est comme tout le monde. Pour ma part ce jeu fonctionne très bien, je suis devenu très fort d’ailleurs et la plupart des gens qui m’apprécient ignorent que leur mort ne me ferait absolument rien. Au fond ça fait un peu comme une coquille vide, sauf qu’au lieu de trouver cela dépriment, au fond c’est ça qui me rassure, pas d’attache, pas de souffrance, et quand il n’y a pas de souffrance, tout va beaucoup mieux. Je ne leur ressemble pas, je n’ai pas les ennuis du commun des mortels socialement parlant, vu que je n’éprouve pratiquement rien pour eux. Et eux ne se rendent compte de rien, et c’est parfait ainsi.

Je parcours lentement mes contacts téléphoniques à la recherche de mon partenaire de soirée parfait, j’ai déjà le nom en tête et je lui envoie un message. Je sais que Roman n’est jamais contre une soirée à deux, qui se termine d’ailleurs la plupart du temps à quatre. Un clin d’oeil et on sait qu’on se reverra plus pour le reste de la soirée, notre proie accrochée à notre bras. Le message est envoyé et quelques secondes plus tard je reçois une réponse positive. Un sourire se dessine aussitôt sur mes lèvres, ce type est vraiment fiable, sans doute pour cela que c’est l’un des seuls que j’apprécie réellement. Je file dans ma chambre et termine de me préparer rapidement, je suis déjà habillé et un coup de main dans mes cheveux permet de les coiffer plus ou moins, j’enfile mes chaussures et ma veste et je suis prêt. Je sais qu’en voiture j’en ai pour environs dix minutes à rejoindre la boîte dans laquelle nous nous sommes donnés rendez vous et qu’il sera à l’heure. Finalement je ne serais pas une loque ce samedi soir.

Il arrive à peu prêt en même temps que moi et quand on partage comme lui et moi le même mode de vie un peu spécial, on partage également nos vices. On s’allume nos cigarettes avant de rentrer et discute un instant avant d’écraser notre mégot par terre et de rentrer dans l’atmosphère festive de la boîte de nuit. Je me mets au bar avec lui et commande deux whisky double. Le barman nous connait et sait très bien qu’on ne s’arrêtera pas à là et nous en envoie quatre, pour s’épargner du boulot dans dix minutes. Buvant d’un trait mon verre, je sens une main se poser sur mon épaule. Fine, sans doute une femme. J’interromps ma conversation et me retourne sur un visage qui me dit vaguement quelque chose, sans doute l’avais-je déjà croisée dans la ville, ou croisée plusieurs fois dans cette boite de nuit, en tout cas je n’avais pas couché avec elle, c’était certain sinon je m’en serais souvenu. Je l’observe un instant avant d’entendre sa question, étrange qu’elle connaisse mon prénom. Et en même temps pas vraiment, elle a très bien pu me voir sur papier glacé et reconnaître le mannequin sur lequel elle a bavé la veille sur son magasine de fille. C’est déjà arrivé plusieurs fois, sauf qu’étrangement elle n’a pas vraiment l’air de venir pour ça. « Si, c’est moi, on se connait ? » Simple et efficace. J’espère sincèrement ne pas avoir couché avec elle et oublié, j’aurais l’air vraiment con. Ou alors que ce soit une amie d’une fille avec qui j’ai baisé et que j’ai fais dégagé ensuite qui a décidé de venger sa pote. J’aurais l’air encore plus con.
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Anonymous
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Sam 8 Fév - 1:14



Les flashsbacks transpercent mon cerveau avec brutalité. Les souvenirs reviennent grignoter ma peau, comme une maladie incurable. L'espace d'un instant, le temps s'arrête à ces divagations. Aux fissures cancérogènes qui gangrènent mes muscles. Mes yeux agissent comme des scalpels, découpant avec précision les métamorphoses des années qui agressent et délavent. Bastian a toujours le même regard, froid mais fort. Imposant le silence parfois le malaise. Je me complais à l'observer tel qu'il est à présent. Sûrement à des kilomètres de ces démons autant que je le suis des miens. Du moins, c'était le cas, jusqu'à ce qu'il apparaisse dans mon champ de vision qui ressemble plus à un champ de bataille qu'autre chose. Mes phalanges compressent légèrement son épaule avec une inconscience dépravée par ma soif de violence et cette haine débordante qui ne fait qu'augmenter jusqu'à l'explosion. Quelque part, la suppression me semblait couler de source mais l'ennui me retenait toujours et avait sauvé bien des gens des griffures que j'étais capable d'infliger.

Si, c'est moi, on se connaît ? Je souris avec l'ironie du sort. La réponse était incrustée dans mon ventre comme une impression, un sixième sens invisible. Le mensonge me prend alors par la gorge, me charme et me fait presque céder à l'envie d'insuffler des mots factices et de faire plier le poids des années pour qu'il finisse par me libérer mais je reste silencieuse, face à lui, qui aujourd'hui est loin du jeune garçon abandonné par mes pensées. La vérité pourrait troubler l'étendue sans plis de son existence. Peut-être que son passé était aussi venimeux que le mien mais j'avais la certitude que tous les mots qu'on ne s'est jamais dit étaient encore enfouis quelque part, enterrés derrière les apparences d'indifférence et de désinvolture. La franchise, doucement agressive, était l'option que je préférais. Très certainement. Je relâchais la pression que mes doigts exerçaient sur son épaule et me positionnais face à lui. Asra de Laeddis. Je penche un peu ma tête sur le côté tout en soutenant son regard comme si je fouillais dans les profondeurs de ce qu'il cache.

Peut-être qu'il me détesterait d'apparaître comme un fantôme du passé lorsqu'il s'y attend le moins et peut-être que j'aimerais retrouver les effluves que l'on partageait quelques fois ensemble. Nous avions tous les deux changé et j'avais hâte de connaître ce nouvel esprit, cette nouvelle image flambant neuve. Toujours un sourire ravi sur les lèvres, je continuais. Ça te dit quelque chose ?

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Anonymous
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Sam 8 Fév - 21:08

J’ai l’impression qu’un film vient de se lancer devant mes yeux sans que je ne puisse regarder ailleurs pour ne pas revoir les images que je connais que trop bien. Je peux faire ce que je veux contre, je sais parfaitement que ces images ne s’en iront jamais de mon esprit, après tout elles sont aussi gravées en moi que les marques que je porte sur mes hanches. A jamais.
Mon regard froid se pose sur la jeune femme brune en face de moi, incarnation parfaite de ce passé refoulé que je n’accepterai jamais, j’ignore ce dont elle se souvient et en même temps, j’espère qu’elle ne se rappelle que peu de choses de moi, qu’elle ne se souvienne que d’un gamin qu’elle a vaguement connu lors de ses vacances. Car oui, il ne fallait pas croire que j’étais totalement débarrassé de mes souvenirs -à mon plus grand regret- et à peine avait-elle prononcé son prénom que j’avais l’impression que devant mes yeux son visage se modelait en celui de la jeune fille que j’avais connu des années auparavant. « Asra… » ma voix est légèrement cassée par la surprise, c’était bien la dernière personne que je pensais retrouver ici. La bobine du film de mon passé ne cessait de se dérouler dans ma tête et je voyais à présent un petit gamin qui me ressemblait étrangement, même si son visage n’était pas encore marqué par la colère qu’il ressentirait dans le futur, comme un masque qu’il ne pourrait plus jamais retirer des années plus tard. Ce gamin est bien sûr accompagnée d’une petite brune et ils se tiennent la main sur la plage. Image toute donne et pourtant c’était le tout premier souvenir que j’avais avec Asra.
Je restais fixé sur elle et cela pouvait lui sembler bizarre et pourtant je revoyais mon passé défiler devant moi, année après année je savais qu’elle revenait chaque été, et chaque été je le passais avec elle. Les deux gamins grandissaient ensemble un mois par année, mais à chaque fois nous étions tous les deux au rendez-vous. C’était la seule véritable amourette d’été que j’avais eut, en même temps j’étais encore un gamin à cette époque. Je l’avais même connue avant que mon père ne meurs, c’était d’ailleurs l’une des seules à m’avoir connue avant que ma mère ne devienne une autre personne, et elle était aussi l’unique à avoir vu peu à peu la transformation de mon être en un bloc de glace. Elle avait remarqué sans aucun doute - je n’étais pas dupe de son regard innocent - les bleus sur mon corps et parfois même sur mon visage et pourtant elle avait toujours eut le respect et l’intelligence de faire comme si je n’avais rien. C’était ça aussi que j’avais apprécié chez elle et sans doute l’unique raison pour laquelle je ne l’avais jamais envoyé se faire foutre. Tout comme elle, de son propre côté me tolérait encore. Car j’étais pas le seul à vivre des trucs de merde, et c’était à croire que ça nous avait pas mal lié ces conneries. On parlait jamais de nos mères, toujours de nos pères morts et de cette manière on entretenait le souvenir d’être chéris tout en accentuant la haine de celles encore vivantes. La haine était notre lien, la feinte était ce qui le maintenant en vie même si chacun de nous savait qu’un jour on ne pourrait plus faire comme si rien ne se passait même si au final, nous n’en étions jamais arrivés à là.
Car je m’étais barré, comme un connard, sans prévenir, bien loin de toutes ces merdes et d’elle. Il fallait l’avouer, j’avais un instant pensé à garder contact avec elle mais elle ne serait que le couteau planté dans la plaie qu’on arrive pas à retirer, le seul lien qui me maintiendrait avec ce passé de merde alors elle aussi au final, je l’avais laissée. D’ailleurs je trouvais ça étonnant qu’en face de moi, elle arbore ce sourire au lieu de me gifler. Après tout elle aussi était passée maitresse dans l’art de la manipulation et de la feinte et peut-être ne faisait-elle que semblant de me revoir. Méfiant ? Légèrement, j’avais souvent eut l’impression de me retrouver face à un alter égo avec elle et c’était assez perturbant, aussi je me contentais de l’imiter en affichant à mon tour un sourire. « je me souviens parfaitement de toi. » Phrase qui semblait banale et qui pourtant avait son double sens, oui Asra je me souviens de toi, de ton passé, de tes merdes que tu m’as toujours caché. Je suis moi aussi d’une certaine manière, le lien avec les souvenirs que tu fuis. « Il va me falloir un whisky » soufflais je assez fort pour que le barman nous entende et s’approche de nous, servant déjà mon verre avant que je ne me retourne vers elle. « Tu prends quoi ? ». Je ne cessais de la fixer, je ne pouvais pas d’ailleurs. Tout comme je ne pouvais pas retenir la question qui s’échappa aussitôt « Qu’est ce que tu fais ici ? » Nous n’étions plus à l’époque des vacances.
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Anonymous
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Sam 1 Mar - 14:34



Les particules de mon innocence sont en effervescence lorsque j'observe la toile de mes souvenirs se remplir de plusieurs milliers de couleurs, passant de la clarté à l'obscurité comme le jour qui se fait absorber par la nuit. Des odeurs d'étés oubliés parcourent eux aussi le cortex, transpirant d'idées volatiles sous mon crâne. J'ai beau restée sur place, à soutenir son regard devenu presque livide, mon esprit lui s'est évadé, sans surprise, pour se jeter dans ce vide qui ne fait que grandir entre mes organes. Sa voix brisée par les souvenirs, sans doute trop lourds à porter, me ramène sur Terre. Le silence s'enroule autour de nos corps et je sens ma colonne vertébrale frissonner à son contact. Lorsque les mots restent figés à l'entrée de mes lèvres, ils hurlent leurs cauchemars dans mes veines jusqu'à ce que  je ne sois plus capable de retenir quoi que ce soit. Jusqu'à en vomir des atrocités inexpliquées et insensées. Tomber sur Bastian, par le plus grand des hasards, était la dernière des choses à laquelle je m'attendais et la confusion qu'il m'insufflait à chacune de ses respirations n'arrangeait pas vraiment mon inertie soudaine.

La juvénilité passée m'avait fait comprendre l'aigreur de la déception lorsque j'ai su que Bastian ne reviendrait plus. Je m'y été attardée avec les restes d'une candeur décharnée par les blessures qu'une mère peut infliger à sa propre chair comme si c'était normal. Comme si l'évidence portait justice à sa monstruosité. Je préfère diluer les nuages obscurs que la simple pensée de ma mère créait avec l'alcool et pourquoi pas quelques lignes, à la place de me retrouver dans ce genre de situation ridicule et inconfortable. La malice de son sourire était comme une sorte d'avertissement, un prologue à la nouvelle connexion établie entre nous. Il confirme ensuite que la piqure de rappel fait effet et que sa mémoire vient sans doute de le gifler. Étrangement, son trouble apaise le mien et mes nerfs se détendent les uns après les autres face à l'idée des oscillations cardiaques imaginées. L'exposition de mes secrets me paraissaient moins douloureuses, presque salvatrices. J'étais consciente de l'éphémère viendra détruire cette assurance pratiquement inutile. Il commande un whisky alors que je décide de prendre place sur l'un des sièges en cuir du bar.

Vodka, ni plus ni moins. Mon calme trahissait le moindre doute. L'impassibilité est tellement ancrée dans ma peau que m'en défaire ne me paraît pas envisageable. Ce que je faisais à San Francisco ? Mes réponses étaient absurdes. Puisque je n'avais concrètement aucune raison à lui offrir. Le besoin de mouvement, l'instabilité qui caractérise le moindre de mes souffles. Marcher sans destination, n'avoir pour ambition que l'errance sont des actes que beaucoup de gens ne peuvent pas assimiler. Je voyage. Mes mots n'assemblaient que des phrases courtes. Les argumentations avaient tendance à compliquer ma patience et je n'étais pas sûre que ça intéresse qui que ce soit. Les aéroports sont devenus mes résidences secondaires. Je souris plus sincèrement cette fois, alors que le barman dépose ma boisson sur la surface lisse du comptoir en verre. Je bois quelques gorgées pour finalement m'adresser à Bastian à nouveau. Et toi ? T'es en cavale ?

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Anonymous
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Dim 2 Mar - 14:50

Le flash back de mon passé défile devant moi depuis une minute et pourtant j'ai l'impression que cela fait une éternité, comme si je repassais des mois et des mois avec elle. J'ignorais que ma mémoire avait cette capacité à retenir le moindre détail de mon passé, moi qui la pensais justement intelligemment sélective. D'un geste presque imperceptible je secoue négativement la tête de gauche à droite, comme si ce simple mouvement allait balayer de mon esprit ces années merdiques. Il n'y a pas d'autres mots pour ça, mise à part les quelques mois d'été, généralement le reste de l'année était un enfer.

Pour la première fois ma voix se brise, non pas de l'émotion de retrouvailles émouvantes, mais de colère de revoir ce bout de chair frêle capable de me gifler mentalement des années plus tard. Et pourtant je ne lui en veux pas à elle personnellement, je sais bien que son existence n'est pas la cause de mon passé, simplement de son fantôme. De nos fantômes, passagers clandestins de notre évolution de vie, sans qu'aucun exorciste n'ait réussi à nous en débarrasser. Je réagis comme je le fais à chaque situation stressante : Je commande du whisky, et d'un signe de main je commande par la suite la vodka de la demoiselle qui a bien grandit, exit le petit jus d'orange qu'elle sirotait petite sur la plage. Le barman la serre et je retourne toute mon attention envers elle, quelques flash me revenant de temps en temps, à intervalles irrégulières comme si un paparazzi me pointait son flash en plein dans les yeux. "Tu t'arrêtes ici définitivement ?" Dans ma bouche, cette interrogation s'assimilait plus à un ordre, ma façon de parler n'avait plus celle de ce jeune con sûr de lui, elle prenait plutôt l'intonation d'un chef d'entreprise habitué à avoir ses esclaves à ses pieds.

Je m'accoude au bar et boit cul sec mon verre d'alcool brun. Il ne me brûle même pas la gorge, j'ai l'habitude de ma chère mère pour ce genre de liquides et je lui dois bien ça au moins. Je la regarde un long moment, comme si notre conversation était beaucoup plus mentale que réelle, j'ai même encore du mal à croire que c'est elle et pourtant même s'ils sont voilés d'une froideur à faire pâlir un iceberg, elle a toujours ce regard de petite fille que j'avais connu. "Trop bruyants." Réponse à la con, je me le dis aussitôt et pousse un soupir avant de hausser un sourcil. Je secoue la tête de gauche à droite. "Crois-le ou non je n'ai encore tué personne." Elle me connait depuis l'enfance, elle a vu naître en moi la haine et la colère et par conséquent cette violence que j'exprimais parfois -souvent à l'époque- d'une manière bien trop physique. "Je vis ici. Ne me demande pas pourquoi, j'me le demande moi-même."
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Anonymous
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Mer 5 Mar - 13:48



En nageant dans toutes ces complications, je me raccrochais au fait que je n'avais plus rien à perdre. Le passé tatoué de ratures est bien derrière moi et j'aime l'idée de salir le présent, de marquer la peau des autres au fer rouge et de leur laisser un arrière-goût de sang dans la bouche. Une partie de moi avait disparue, à jamais. Pourtant, cet hologramme poussiéreux persistait à flotter devant moi, à m'effleurer et à chatouiller mes sens jusqu'à l'excès. Je m'amusais à faire couler l'alcool russe dans ma trachée, laissant ainsi les brûlures couvrir mes doutes, mes craintes enfouies et mes ecchymoses évanouies. Il était plus simple de se concentrer sur la vivacité brutale de la vodka que sur mes pensées corrosives et l'illusion de souvenirs morts depuis des années. San Francisco ou une autre ville, cela n'avait aucune importance. Je suis arrivée sans savoir pourquoi ni comment. C'était juste un autre moyen de remplir les creux qui, pourtant, restaient infiniment vides.

L'incompréhension se fait souvent bouffer par la colère. Celle de Bastian, je la sens malgré les quelques centimètres qui nous séparent. On se fixe. On se retient de cracher la haine à la gueule de n'importe qui, n'importe comment. On se tient en laisse parce que c'est préférable et surtout car nous nous trouvons dans un lieu public. Inutile de faire des vagues. Du moins, pas pour le moment. Définitivement, ça me paraît bien sérieux comme mot. Je n'en sais rien. Peut-être, peut-être pas. À la suite de ses mouvements, je remarque le désintérêt face aux brûlures teintées d'alcool. L'habitude d'une routine bien ancrée dans sa façon de porter le verre à ses lèvres. Mon regard en dérangeait plus d'un, surtout lorsqu'il j'y mettais l'insistance actuelle mais Bastian n'était pas comme la masse et c'était en quelques sortes ce qui nous avait toujours reliés l'un à l'autre. Devrais-je dire félicitations, alors? La haine est comme l'essence aux conséquences dramatiques. Alors le meurtre, pour certains, étaient une option à envisager. Peut-être même pour moi. Non, pas peut-être. Certainement.

Rien ne dure jamais. L'éphémère, c'est tout ce qui existe réellement. Alors l'endroit où l'on se trouvait, aussi stable que les autres prétendent être, n'a aucune importance. Je bois quelques gorgées à nouveau, tout en me tournant un peu pour observer les alentours sans réellement le faire. Fixer un point dans le vide, survoler les visages. Se fondre simplement dans le décor. Je crois que c'est le dernier endroit où j'imaginais te recroiser à nouveau. L'ironie me fait rire un peu. Mais quoi que je puisse en dire ou en penser, c'est arrivé.

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