Bras croisés, je restais en retrait de la foule, sur le côté droit de l’amas de nanas excitées (+ deux ou trois gars) qui écoutaient avec les yeux le concert qui leur était offert ce soir. Je ne me leurrais pas… ce n’était pas vraiment pour la musique qu’elles étaient venues à l’Elbo Room… non, tout comme ça n’était pas pour la musique que les groupies de One Direction se battaient pour être dans la fosse, si vous voyez ce que je veux dire. D’ailleurs, on n’entendait que partiellement la voix du chanteur, en-dessous des exclamations de son public qui semblait très content de le retrouver après plusieurs mois d’absence. Je me dois de le dire : pour une fois dans ma vie, j’étais content d’avoir des problèmes d’audition, ça me permettait de me concentrer sur ce qui se passait dans la salle.
Ainsi, mon regard avait rapidement fait le tour de toutes les personnes présentes, dont certaines me fixaient de temps en temps au lieu de regarder ce qui se passait du côté d’Ethan (car oui, c’était bien lui qui jouait aujourd’hui). Je n’aimais pas particulièrement le fait de me faire mater par des adolescentes et c’est ce qui me poussa à les ignorer vite fait bien fait pour me focaliser uniquement sur ce qui se passait sur scène. Il y avait un problème. Le show battait son plein, mais j’avais un mauvais pressentiment concernant la fatigue de mon petit-ami qui durait depuis quelques temps, même s’il n’arrêtait pas de me répéter qu’il n’y avait pas de quoi s’en faire, c’est pourquoi je restais parfaitement stoïque dans mon coin, prêt à intervenir en cas de « je ne sais pas trop quoi ». C’est un truc que j’avais développé progressivement depuis que j’étais avec ce mec et sur lequel je travaillais encore : anticiper. Ca faisait déjà quelques temps que je pensais plus souvent à comment le faire se sentir mieux lui plutôt qu’à ma gueule, et même si ce n’était pas toujours un succès à cause de mon mauvais caractère et de mon impulsivité, je peux vous assurer que je faisais tout mon possible pour le faire passer en premier. Je me demandais d’ailleurs si ça lui faisait quelque chose que je sois là, ce soir. Sans doutes. Dans tous les cas, le voir évoluer dans son élément, là où il se sentait bien et qu’il avait confiance en lui, ça me faisait sourire intérieurement (même si je tirais la gueule, en vrai).
Ce soir c'était le grand soir pour moi. Je remontais sur scène après plusieurs mois d'absence. Ça faisait une éternité que je n'avais pas toucher à ma guitare et encore moins chanter ailleurs que dans ma douche, mais j'avais besoin de cela. Ce sentiment que je ressens lorsque je suis sur scène... Le regard des gens rivés sur moi, même si je suis l'être le plus timide sur la terre. En réalité, ça me donnait un peu confiance en moi de faire ça. De voir que des gens apprécie ce que je fais et m'encourage en venant me voir chanter dans leur bar préféré.
Il faisait chaud, terriblement chaud d'ailleurs. Les spot lights n'aidaient en rien dans le cas présent, mais malgré la lumière aveuglante, j'avais réussi à discerné la silhouette de mon petit ami dans l'assistance, c'était tout ce dont j'avais besoin. Le savoir près de moi, savoir qu'il veillait sur moi, m'aidait à me concentrer sur ma musique. Je voulais chanter pour lui, qu'il soit fier de moi … enfin, faire de mon mieux pour le satisfaire malgré le souffle qui commence à me manquer.
Je ravale ma salive, je respire plus fréquemment … tout pour ne pas flancher. Pourtant, mon corps s’alourdit et une fois de plus, ma vue s'embrouille. Fort heureusement pour moi, j'arrive au bout de la chanson ce qui me permet de souffler un peu. Je ne laisse rien paraître cela va de sois et je continue de sourire fièrement à l'auditoire, mais comme je suis limité dans le temps, je m'empresse d'enchaîner. Mes doigts glissent alors contre les cordes de ma guitare, j'ouvre la bouche, mais aucun son ne sort. Je me sens étouffé … l'air me manque. Quelque peu paniquer, je cherche Shawn du regard... il est flou, je le vois mal, je stresse. Soudainement, tout devient noir autour de moi. Plus un son, plus une image, mon corps tombe littéralement contre le sol, ma peau couverte de sueur. J'halète, j'ai peur … pourtant je ne peux rien faire d'autre qu'attendre qu'il se produise quelque chose.
Lorsque la chanson se termina, je m’autorisais enfin un petit sourire et applaudis comme le reste de l’audience. Moi-même, je ne connaissais pas la tracklist et découvrais de nouveaux morceaux en même temps que les autres personnes présentes dans la salle. Honnêtement, je ne savais pas comment on pouvait créer des sons comme ça, les mettre sur papier ou même les imaginer. Ca me semblait totalement fou, comme concept et je respectais beaucoup le travail des musiciens pour cela, car cet art m’était totalement étranger.
Durant l’espace de quelques secondes, j’avais sorti mon téléphone portable pour vérifier l’heure, mais mon attention fut vite ramenée sur ce qui se passait dans la salle lorsque j’entendis une exclamation générale du public. Alarme directe. Il était où, Ethan ?! Je ne pris pas le temps de me poser plus de questions avant de contourner la foule comme je le pouvais, bousculant quelques personnes sur le passage pour me frayer un chemin jusqu’à la scène sur laquelle je montais dans la précipitation. Deux filles s’étaient déjà approchées du jeune homme évanoui sur le sol lorsque j’arrivais à sa hauteur, sans doute pour lui porter assistance, mais je ne pris pas la peine d’être poli pour leur demander de s’écarter, « s’il vous plaît », loin de là. Mes mains s’étaient en fait posées respectivement sur une épaule de chacune d’entre-elles pour les tirer brusquement vers l’arrière afin de me laisser la place. Qu’elles se soient fait mal ou non en tombant sur le dos, je n’en n’avais que faire à cet instant précis. Tout ce qui m’intéressait était de connaître l’état d’Ethan, ce que je fis immédiatement en me penchant sur lui pour vérifier s’il respirait. Réponse : oui.
Après avoir rapidement retiré la guitare qui lui écrasait la poitrine, je lui relevais la tête et posais cette dernière sur mes genoux sans le quitter des yeux un seul instant, une paume sur son front pour m’assurer de sa température corporelle. Bon sang, il brulait de fièvre…
Je me redressais et tournais le visage vers un membre du personnel qui venait d’accourir pour lui demander d’appeler une ambulance, puis refocalisais mon attention sur le jeune homme, dos au reste de la salle. Je ne saurais pas trop vous dire l’état émotionnel dans lequel cet événement venait de me plonger, mais c’était comme si mes inquiétudes de ces derniers jours venaient d’atteindre leur summum.
« Allez, ouvre les yeux, Ethan, arrête de dormir ! »
J’intériorisais un soupir et m’autorisais à lui caresser la tête du bout des doigts, presque imperceptiblement. Plus jamais je ne l’écouterai quand il me dirait que « c’est juste un rhume ».
Je venais de perdre toute notion du temps et de l'environnement. En moins de temps qu'il n'en faut pour respirer, j'étais tomber au sol comme une merde, incapable de me relever. Ma chaleur corporel était beaucoup trop élevé, mon corps ne réagissait plus, il est clair que j'avais besoin de repos, même si je passais le plus clair de mon temps à dormir ces derniers jours. Manger, boire, dormir là était mon emploi du temps. J'essayais de me convaincre que ce n'étais qu'un rhume, que les symptômes allaient s'atténuer avec le temps, mais rien. Au contraire, mon état de santé se détériorait à vu d'oeil.
L'excitation de monter sur scène avait eu raison de moi. J'avais atteins ma limite. Tout ce que je percevais à présent était le noir ainsi que le silence. Shawn? Mais où est-il? J'ai besoin de lui... Soudainement, mon corps se mit à bouger avec l'aide de quelqu'un. Je connaissais ce contact, parfaitement même. C'était mon petit ami, il était là … Incapable de réagir, je le laissai me manipuler en douceur et profita pleinement de ses petites caresses dans mes cheveux pour reprendre mes esprits peu à peu. J'étais certes incapable de réagir ou même encore d'ouvrir les yeux, mais j'étais en mesure de pouvoir lui adressé quelques paroles pour le '' rassurer ''.
« Chut … ça va … fait moi sortir d'ici! » Marmonnai-je en ouvrant a moitié les paupières pour le regarder, attendant que ma vue s'améliore quelque peu. Bon il est clair que je ne pouvais plus lui mentir sur mon état, mais en lui demandant de s'occuper de moi, je lui donnais en quelques sorte l'autorisation de m'emmener à l’hôpital. « Je ne veux pas t'entendre dire que tu me l'avais dit... » Un faible sourire se dessina sur mes lèvres alors que je retrouvais peu à peu ma motricité, bougeant simplement ma main pour venir caresser ses doigts. « Tu ne me laisse pas ein? Tu ne les laisses pas m'emmener sans toi! » Mon visage se crispa sous le poids de la douleur alors que je bougeais avec lenteur. « Dans tes bras … prend moi dans tes bras! » À ces mots, mes yeux se refermèrent. Je commençais à m'impatienter. Je voulais qu'on m'éloigne de la foule, qu'on arrête de m'observer comme si j'étais une bête de foire … Et je ne voulais surtout pas que l'on me considère comme un être faible!
J’avais le regard littéralement braqué sur les yeux d’Ethan qui s’ouvrirent à peine après m’avoir parlé. Pour toute réponse à sa tentative de me rassurer, lorsqu’il m’annonça que « ça allait », je ne pus m’empêcher de lui rétorquer un « ta gueule » à peine audible. Je ne savais pas quoi faire exactement pour l’aider, de peur de lui faire mal en le déplaçant, mais il me fit comprendre qu’il voulait que je l’éloigne du centre d’attention et je n’allais pas me faire prier pour accéder à sa demande. J’avoue que je n’avais pas trop entendu tout ce qu’il m’avait raconté, car avec tout ce qui se passait dans mon cerveau à ce moment-là, l’information n’arrivait pas à entrer.
Après avoir reposé sa tête au sol, je m’accroupis et passais mes bras derrière ses genoux ainsi que ses épaules afin d’avoir de bonnes prises pour le porter. Un membre du personnel m’indiqua le chemin jusqu’à une arrière-salle vide et je le suivis sans poser de questions, tout en faisant attention à là où je mettais les pieds. Un demi-sourire s’afficha sur mon visage tendu durant le chemin.
« Je te l’avais dis. »
Une fois arrivés dans la pièce, au calme, j’allongeais le corps du jeune homme sur un canapé posé dans un coin et m’assis immédiatement à côté de lui. Ce qui se passait autour de nous, je n’en n’avais pas la moindre idée, même si j’étais à peu près conscient que la personne qui m’avait conduit ici était en train de s’activer pour aller chercher je ne sais trop quoi. Je commençais par ouvrir un peu la chemise d’Ethan pour lui permettre d’avoir de l’air frais sur la peau, lui qui se plaignait toujours d’avoir chaud.
« Les secours vont bientôt arriver alors tiens le coup jusque là, d’accord? Je reste avec toi, t’en fais pas… ça va aller… »
En attendant, il fallait peut-être essayer de lui changer les idées pour qu’il ne se concentre pas sur sa douleur et c’était sans doute aussi difficile à faire pour lui que pour moi, surtout lorsque j’avais une aussi belle vue sur son visage d’une pâleur inouïe. Tout en reprenant la parole, je vins chercher l’une de ses mains.
« T’as assuré comme un pro ce soir, t’as vu tout ce monde pour qui t’as tenu plus de la moitié du concert ? Mais arrête de faire venir autant de filles, hein. »
Incapable de bouger moindrement, je me laissai porter dans les bras de mon homme, plutôt satisfait de la position pour le coup. Il était attentionné envers moi, je le voyais très clairement et ça me faisait terriblement plaisir de le voir ainsi. Il faisait des efforts considérable ces dernier temps et je lui était reconnaissant pour cela. Une fois dans ses bras, je laissai ma tête retomber contre son torse et respira son odeur comme pour m'en imprégner, avant de sourire à sa réplique. C'est bien lui ça. Faire ce qu'on lui dit de ne pas faire. Enfin pour l'heure il l'avait lancer à la blague et je dois avouer que pour une fois, ça m'a bien fait rire. « Ta gueule. » Répliquas-je simplement avec un léger sourire de pendu aux lèvre. Malgré la situation, il arrivait quand même à me rendre heureux. Wow.
Une fois dans la pièce isolée du reste de monde, je pris place sur le canapé au bon vouloir de Shawn et ne perdit pas une seconde lorsqu'il fût installer pour venir me coller à lui, frissonnant au contact de sa peau plutôt froide sur ma peau brûlante et humide. « Parle pas comme ça Shawn, à croire qui m'est arriver quelque chose d'épouvantable. Je suis juste épuisé … tout simplement … y'a pas de quoi s'inquiété okay? » J'essayais de le rassuré du mieux que je le pouvais, même si au fond de moi j'étais complètement terrifié. J'avais peur … terriblement peur même... mais pour le bien de mon petit ami qui semblait être dépassé par les événements, j'essayais de rester calme.
Lorsqu'il prit la parole pour la seconde fois, je ne pu m'empêcher de rire. Les filles ein, comme si je les avais invité, moi! Discrètement, je tournai la tête vers lui et vint le mordre en douceur avant de plonger mon regard dans le sien. « Merci tu es gentil! Ça faisait un moment que je n'avais pas chanter, mais si ça t'a plu c'est tout ce qui compte. Pour ce qui est des filles... ça il faut que tu vois ça avec elles une à une. » Un nouveau rire m'échappa alors que deux nouvelles personnes en uniforme faisaient leur entré dans la pièce. Mon regard se porta alors sur eux et retrouva mon sérieux en une fraction de seconde.
Ils s'avancèrent vers moi et mon premier réflexe fût celui de serrer la main de Shawn aussi fort qu'il m'était donné de faire. Ils m'examinèrent rapidement, avant de m'installer une aiguille dans le bras pour ne pas que je me déshydrate et l'un d'entre eux se pencha ensuite pour me soulever. La panique totale, la chose à ne pas faire! Étant incapable de me débattre je tournai la tête en direction de mon petit ami et me mit a le supplier de vive voix de me porter, lui. Je ne voulais pas qu'on nous sépare, même pas pour une minutes, si bien que je me mis à pleurer... « Laissez-le me porter s'il vous plaît! » Mon souffle se coupa de nouveau... sans Shawn j'étais tout simplement incapable de garder le contrôle … j'avais besoin de lui... ma force dépendait de lui.
Il fallut peu de temps avant que les secours n’arrivent. Pour moi, ça semblait être une éternité, ces quelques minutes… mais il paraît que très peu d’entre-elles s’étaient écoulées depuis qu’on était là. Pour moi, le souci d’Ethan venait sans doute de sa consommation de drogue (qu’on pouvait ne pas soupçonner) et j’appréhendais qu’il nous fasse un arrêt cardiaque à cause de ça, un jour. Pourtant… il restait là, toujours à vouloir jouer le mec rassurant même quand c’était pas le moment et je me demandais comment il était encore possible qu’il n’ait pas craqué.
J’avais parlé trop vite. Il avait effectivement suffit que les urgentistes arrivent et s’activent autour du jeune homme pour que celui-ci se mette à nouveau à paniquer. J’avais été obligé de leur laisser ma place pour qu’ils puissent faire leur métier, cependant... mais l’effet de la coupure de contact avec Ken’ avait été impressionnante, même pour moi qui étais habitué à son besoin constant d’être en ma présence. Je m’étais forcé à rester à l’écart malgré mon envie de m’approcher du garçon… et c’est ce qui me permit de prendre conscience de ce que voulait vraiment dire notre relation. Ce n’était pas un truc « passager », mais presque quelque chose de désespéré. Une interdépendance totale sur laquelle il n’y avait pas de mots à mettre.
Après un regard échangé avec les ambulanciers, j’obtins leur approbation pour m’approcher à nouveau d’Ethan et l’attrapais comme avant pour l’emmener jusqu’à l’extérieur sans rien dire. Je ne pouvais pas prononcer la moindre syllabe, et ce à cause de la boule dans ma gorge qui m’en empêchait, mais cela ne m’empêcha pas de faire des allers-retours visuels entre là où je mettais mes pieds et les yeux de mon compagnon. Une fois celui-ci installé dans le véhicule médical, on m’annonça malheureusement qu’il n’était pas autorisé de rester et que j’allais devoir me rendre à l’hôpital par mes propres moyens. Dans le même temps, un calmant était administré par intraveineuse au convalescent. Tout se passait beaucoup trop vite, c’est un fait, mais je me suis tout de même gardé le temps de parler une dernière fois avec Ken’ avant qu’il s’en aille « tout seul ».
« On se rejoint très vite, d’accord ? »
Après avoir passé une main sur son front, j’y déposais un baiser et repris quelques distances pour articuler un « je t’aime » muet, puis reculais à contre cœur pour sortir de l’ambulance dans un état de stupeur assez conséquent.