Samedi soir. 21h. L'heure de rendez vous pour la jeunesse de San Francisco, ou les boites et les nightclubs se retrouvent soudainement bondés. Également l'heure de rendez-vous des policiers venant frapper aux portes des appartements, dans le but -souvent vain- de mettre fin à tout ce tapage nocturne. Je ne déroge pas à la règle. Ce soir là, comme beaucoup de soirs en ce moment, j'avais été invitée à une fête tenue par cette fille dont je me souviens à peine du nom. J'ai longuement hésité avant de pendre la décision d'y aller, mais cette fête se déroule à une rue de chez moi, la plupart de mes vraies amies seront là, et jamais je ne manquerai une occasion de me faire bien voir en public. C'est la raison pour laquelle je me trouvai devant le miroir de ma salle de bain personnelle en train d'épiler minutieusement mes sourcils. Je venais de passer une bonne heure à me maquiller et me coiffer, mais le résultat final me convenait parfaitement, j'étais donc satisfaite. Je retournais dans ma chambre ou m'attendaient, soigneusement lissés sur mon lit, les vêtements que j'avais choisi un peu plus tôt. Une robe noire Chanel assez simple mais magnifique, accompagnée d'une pochette assortie et de bottes hautes. J'avais décidé de faire dans le sombre. Bien sûr je me devais d'être parfaite et d'attirer les regards, mais je n'avais pas non plus envie qu'on me remarque trop ce soir (pour une fois).
Je vérifiai l'heure. J'étais légèrement en retard. Exactement ce que je voulais. J'attrapai mes clés et les tournai dans la serrure après avoir refermé la porte derrière moi, laissant un appartement vide. Mon père était comme à son habitude absent pour son travail et ma soeur m'avait lancé quelques paroles que je n'avais écouté qu'à moitié, me signalant qu'elle serait absente pour la journée et la soirée. C'était pas comme si ça me dérangeait. Moins je la voyais, mieux je me portais, tel en avais-je décidé. Et honnêtement, j'avais l'impression que ce dicton lui convenait très bien aussi. Mes hauts talons claquaient sur les pavés de ma rue. Il faisait plutôt bon dehors, mais c'était un ciel sans étoile qui surplombait la ville. J'arrivais plutôt rapidement à ma destination, et j'entrais sans même m'annoncer. Pas besoin de ça pour que les gens sachent que je suis là.
Le premier quart d'heure se déroula bien, sans plus. J'avais attrapé une boisson, me tenais loin de la table pleine de nourriture et faisait la conversation avec plusieurs personne. Rien de bien folichon. Un garçon apparemment toujours affligé par les dégâts de la puberté s'approcha de moi. Youhou. Il ouvrit la bouche pour me parler, et c'est là que j'aperçut, dans le fond de la salle, une blonde que j'aurait préféré ne pas voir. Sans même prendre la peine de rembarrer mon "nouvel ami", je m'approchai d'elle doucement avant de m'arrêter dans mon chemin. Bordel, qu'est-ce qu'Anastasiya foutait là ? Depuis quand on va aux même fêtes ? Décidément j'aurai mieux fait de rester à la maison. L'idée de partir me vint en tête, mais rien que le fait de m'imaginer de retourner seule dans un appartement vide un samedi soir avec si peu d'alcool dans le sang me déprimait. Ne sachant pas vraiment quoi faire pendant un moment, je fis semblant de converser avec une fille qui se trouvait là, espérant que ma soeur remarque ma présence et réagisse elle même. Oh et puis non. Voyons Oksana, ce n'est pas comme ça qu'une grande dame est censée agir. Je pris quelques secondes pour me motiver mentalement, et finit par m'approcher d'Ana, un faux sourire en disant long affiché sur mon visage.
Je jetai négligemment mon gobelet de café dans la première poubelle rencontrée, et vérifia que mon sac était bien fermé. C'était comme un réflexe maintenant, peut être était-ce parce que je n'avais que des sacs de marque, et que mon sac à main renfermait, en quelque sorte, toute ma vie ? Car oui, c'était limite ma vie. Mon téléphone, ma carte de crédit, ma carte d'identité, mon argent, mes cartes de fidélités des magasins ... Qu'est-ce qu'Anastasiya Tsekhov serait sans tout ça, finalement ? Pas la même, sûrement.
J'avançai de quelques pas, et m'arrêtai une seconde pour vérifier ma silhouette dans le reflet d'une vitrine. J'arrangeai un peu les mèches autour de mon visage, puis, avec un sourire satisfait, repris ma marche. Je devais aller chercher ma robe qui allait sans doute être arrivée à la maison, avant d'aller me changer chez Helen. Je pouvais très bien me préparer chez moi, mais ma soeur me poserait sûrement des questions sur où j'allais, avec qui. Comme si ma vie l'intéressait. C'était juste qu'elle ne voulait pas aller aux mêmes endroits que moi pour ne pas avoir ma concurrence.
Je marchais encore quelques minutes sur les trottoirs de San Francisco avant de voir enfin une station de taxis. J'ouvrai la portière d'une des voitures à ma disposition, et m'engouffrai à l'intérieur du véhicule. Sans même regarder le conducteur, je lui donnai l'adresse de notre maison d'une voix ferme. Il démarra l'air un peu énervé, mais démarra. Je m'adossai au siège de cuir, sans même savourer le contact du tissu sur ma peau. Soudain, la sonnerie familière de mon téléphone portable résonna. Je me redressai aussitôt, et farfouillai dans mon sac à la recherche de mon téléphone. « Allo ? » dis-je d'une voix neutre. C'était le dressing, pour me dire que ma robe était prête. Je raccrochai, et ordonnai au chauffeur de changer de direction. Je n'aurais pas à rentrer chez moi avant d'aller à la soirée. Tant mieux !
Quelques heures plus tard, je sortis de la voiture avec Helen à mes côtés. Ma meilleure amie m'avait accompagnée, mais généralement on se séparait vite dans ce genre de soirée. Au début on restait ensemble, et puis on était séparées par la foule, ou par les beaux jeunes hommes qui nous invitaient à danser. Je n'avais pas besoin de regarder l'heure pour vérifier que, comme à mon habitude, j'étais parfaitement à l'heure. Il y avait ceux qui se faisaient désirer en arrivant en retard, ceux qui arrivaient trop tôt tellement ils étaient impatients que la soirée commence (ça c'était les petits nouveaux de la soirée), et ceux qui arrivaient parfaitement à l'heure, comme moi. Mes talons aiguilles claquèrent sur le sol, et je franchis la porte. Pour l'occasion, j'avais mis la nouvelle robe Sandro que mon père m'avait faite livrer lors d'un de ses derniers voyages à Paris. D'un blanc tirant sur le crème, avec les escarpins de la même couleur et la pochette assortie. Autant dire que je fis mon impression en rentrant. Avec un petit sourire satisfait, je me dirigeai vers le bar où j'hésitais avant de commander. Finalement, je me décidai sur une vodka. Je ne voulais pas finir bourrée au bout de 5 minutes - façon de parler, puisque je tenais très bien l'alcool -, mais autant bien commencer la soirée. Je la bus d'un coup et me détournai du comptoir pour errer dans la foule pour me faire voir un peu. Je sentis alors une pression sur mon épaule et me retournai, le sourire ravageur sur les lèvres. Je me trouvais face à un homme d'environ 25 ans, très grand, des cheveux châtains tirant sur le blond et de magnifique yeux. « Salut toi. » me lança-t-il avec un clin d'oeil. Il s'aperçut que je le détaillais de la tête aux pieds, même si dans mon esprit c'était que je l'évaluais, et ce ne fit qu'agrandir son sourire. « Sal ... » Je me figeai. Tout mon corps se raidi. Quelques secondes qui parurent une heure passèrent, et je retrouvai la maîtrise de mon corps. Une visage bien trop familier venait de s'encadrer dans mon champ de vision, et c'était bien le dernier que je m'attendais à voir ici. Un grand sourire aux lèvres, Oksana sembla ravie de ma réaction. Je lâchais le jeune homme sans plus lui accorder le moindre regard et me tournai vers ma soeur. « Oksana. » lâchai-je d'un ton provoquant. « Quelle ... agréable surprise de te voir ici. Ou plutôt désagréable ? Je ne saurai dire, aide moi à choisir ! » ajoutai-je d'un ton railleur.
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