Paris. A quel point j’aime Paris est impossible à définir. Je m’en rendais compte aujourd’hui, maintenant que j’y étais à nouveau. Ça faisait un an que je n’y étais pas retournée, un an que j’étais venue ici avec Lilas, Alan et Khris. Petit sourire. Quel été on avait passé. C’était là que je m’étais rendue compte des sentiments que j’avais pour Eliott, petit frère de mon meilleur ami. Je ne comptais pas la fois où j’étais venue en février pour enterrer ma mère. Aujourd’hui j’étais de retour, de retour chez moi. Mais cette année, pas à l’appartement de mes parents. Ma mère était morte et donc mon père n’avait pas souhaité quitter la maison, si bien qu’Eliott et moi avions du trouver un hôtel. Sans compter que j’avais demandé à mon fiancé de partir sur un coup de tête et qu’il avait fallu trouver rapidement. Mais il avait fallu que je quitte San Francisco. Au plus vite. J’étais carrément en train de péter les plombs et de faire n’importe quoi. J’avais vu Elia à deux reprises et ces deux fois, nous nous étions embrassés. Sans compter tout ce qu’on pouvait se dire… J’étais perdue. Bien sur j’aimais Eliott, c’était évident, je ne me posais même plus la question. Mais Elia avait le gout de l’interdit, attirant… Pour une fille comme moi qui avait l’habitude de tout foutre en l’air à chacune de ses relations, c’était comme lâcher un renard dans un poulailler. Trop tentant, je n’avais pas résisté. Elia m’avait dit qu’il m’aimait et j’étais restée bouche bée. Incapable de lui faire entendre raison, presque capable de répondre « moi aussi ». C’est pourquoi j’avais décidé de partir, avant de faire plus que de l’embrasser, avant de vraiment tout ruiner. Je devais sauver mon couple avec Eliott, je devais arrêter mes conneries, avant que l’irréparable n’arrive. J’avais cru que c’était la solution, effectivement. Mais non, j’étais au plus mal. J’étais bien avec Eliott et je n’arrêtais pas de penser à ce que j’avais fait. J’étais assise en tailleur sur le lit de notre chambre d’hôtel, les yeux dans le vague, Eliott était allongé derrière moi. Je respirais lentement. J’avais promis à Elia de ne rien dire, mais je ne pouvais plus garder ça pour moi. Je fermais les yeux et retenais mon souffle. « Eliott. » Je me retournais vers lui. J’hésitais entre tourner autour du pot ou tout dire d’un coup. Il savait que j’avais couché avec Elia dans le passé, quand on avait rompu cet hiver, il savait que j’avais gardé contact avec lui un moment. Mais ça allait lui faire un choc… Je m’en voulais d’avance… Je le fixais, les yeux brillants. « Je t’ai pas dit pourquoi j’ai voulu partir aussi vite. Et je pense que tu dois le savoir. Même si tu me détestes après. » soufflais-je. Je me levais et m’appuyais conte le mur en face du lit. Est-ce que ça allait achever notre histoire ? Est-ce que tout allait se finir maintenant ? Je ne savais pas si j’étais prête pour ça. J’aimais Eliott c’était certain, mais j’avais visiblement des sentiments pour un autre. Et je savais que je ne pouvais pas avoir les deux. Je ne pouvais pas faire du mal à Eliott comme ça indéfiniment.
Paris, Paris, ville de l’amour et du romantisme, me voici. Je ne me souvenais pas de mes précédents voyages à Paris. A tous les coups j’avais dû y aller en compagnie de mes parents, de ma sœur et de Khris. Enfants de personnages connus dans la chirurgie esthétique, il était normal de nous voir de temps à autre au bras des plus grands de la mode, tant à la fashion week que pour aller boire un café dans un lieu, bien évidemment sécurisé et/ou privatisé. En tant qu’enfant, je n’avais pas goûté à cette célébrité, j’avais davantage passé une enfance « normale » si l’on peut dire, bien que très décalée par rapport à la norme. Le passé appartient au passé, il paraît. C’est si facile à dire, mais il ne faut pas oublier que celui-ci peut laisser de profondes cicatrices et blessures. Quoi qu’il en soit, nous étions enfin arrivés à Paris après une bonne dizaine d’heures de vol. J’avais oublié à quel point les trajets long-courriers pouvaient être pénibles. L’envie d’être à Paris, ville si jolie et prestigieuse, aux côtés de Charlotte en valait largement la peine. C’était le moment de repartir à zéro, de se montrer à l’un et l’autre que l’on n’était bien tous les deux, que l’on formait un couple idéal et que ces fiançailles n’étaient pas une erreur. Mes sentiments envers Charlotte étaient sincères, et je savais que les siens étaient réciproques. Je le sentais lorsque l’on passait du temps ensemble, lorsque nous nous plongions ensemble dans notre bulle c’était comme si rien n’avait changé. Cela faisait pratiquement un an que j’étais avec elle, que nous nous étions mis en couple, si l’on oublie notre rupture de quelques semaines. Elle revenait de Paris, décidément, c’était à ce moment que la tempête avait ravagé San Francisco. Elle était venue trouver refuge chez moi à son retour, nous nous étions mis ensemble et avions passé des moments exquis en compagnie de l’autre. Des moments vite mis de côtés pour laisser place aux trahisons, tant de mon côté que du sien. Un passé qui laisse des blessures, des cicatrices profondes. Les plaies ne sont pas toujours refermées, les sutures sont parfois mal faites. Quand j’avais été voir ailleurs, par curiosité sur la sexualité gay (aussi bizarre que cela puisse paraître), Charlotte avait couché avec Elia, alors qu’elle prétendait m’aimer etc. Cela me faisait mal, encore et toujours quand j’y repensais, mais davantage encore lorsque j’appris qu’elle le fréquentait encore, et pas spécialement en tant qu’ami. Elia brisait tout dans notre couple, il semait le doute entre nous deux et attirait Charlotte dans ses bras. J’en devenais nerveux, et cela me tapait sur le système. Comment croire Charlotte alors que j’apprends qu’elle me ment ? Soi-disant qu’elle allait arrêter de le voir, alors qu’elle le voyait encore, elle l’embrassait même. Comment garder une confiance totale en ma fiancée, comment être sûr qu’elle n’ira pas coucher avec lui à nouveau ? Charlotte n’était qu’à moi, impossible de la partager avec un autre homme. Comment pouvait-elle scinder son cœur en deux, son cœur n’appartient qu’à moi. Comment aimer un caractère si puéril et vicieux que celui d’Elia ? Je ne voyais vraiment pas ce qu’elle lui trouvait. Le pire dans tout ça c’était peut-être d’apprendre qu’elle avait de réels sentiments pour lui. Comment est-ce que cela avait-il pu se produire ?
Paris était la meilleure solution pour s’éloigner d’Elia, pour laisser de côté nos problèmes de couple et passer du temps ensemble. La situation était parfaite, la fuite était évidente et la solution temporaire à nos problèmes. Nous n’étions là que depuis quelques heures, nous avions eu le temps de traîner un peu dans la capitale française, mais le voyage m’avait complètement exténué. J’étais allongé sur le grand lit de notre chambre d’hôtel, les yeux rivés sur le livre que je lisais. Charlotte était juste devant moi, assise en tailleur au bord de notre lit. Elle pensait certainement. A quoi ? Je ne saurais le dire, j’espérais simplement qu’elle ne pensait pas à ce pauvre type d’Elia. Elle prononça mon nom, brièvement, dans un souffle. Je commençais à connaître Charlotte, presque comme si je l’avais fait, et je savais que cette manière de parler n’annonçait rien de bon. Alors qu’elle se retournait vers moi, je lui adressais un regard et posais le livre à mes côtés tout en le gardant dans ma main droite. Mon regard l’interrogea sans que mes lèvres n’aient le besoin de bouger. Ses yeux, brillants, annonçant des larmes me rendit anxieux. Qu’avait-elle à me dire pour qu’elle soit touchée à ce point ? J’avais un très mauvais pressentiment. Elle me disait que j’allais la détester, et cette parole m’effrayait. Mes sourcils se froncèrent, sans même que je m’en rende réellement compte. Elle se leva et se posa contre mur, je la suivais du regard, toujours aussi inquiet. Parle bon sang Charlotte. « Je t’écoute » dis-je avec un air calme. J’en avais l’air, mais je ne l’étais pas. Je me doutais de ce qu’elle allait me dire, je le sentais, mais j’espérais me tromper. Ne me dis pas ce que je n’aurais jamais dû entendre, ce que tu n’aurais jamais dû faire ou ressentir. Je retenais mon souffle, loin d'être prêt à entendre ce qu'elle avait à me dire.
Je n’arrivais pas comprendre comment on avait pu en arriver là. J’avais tellement misé sur ma relation avec Eliott. C’était mon équilibre. C’était ma vie. Je ne m’imaginais pas sans lui. Pourtant avec ce que j’allais lui dire, il allait certainement en être autre chose. Quelque chose allait se briser. Nous. Comment était-ce possible ? J’aurais voulu remonter en arrière. Avant cet hiver. J’aurais changé les choses, rien de tout ça ne serait arrivé. On avait enfin réussi à être heureux, j’avais tellement fait souffrir Eliott. Lorsqu’on s’était remis ensemble, je tenais enfin la chance de tout faire basculer, de nous rendre heureux. Je tenais la chance de me marier avec lui, vivre cette vie à deux. J’avais tout gâché. C’était mon crédo après tout. Dès que je me fiançais, je foutais tout en l’air. Je l’avais fait avec Léo, je recommençais avec Eliott. Peut-être que je n’étais pas faite pour les fiançailles, peut-être que je devais « juste » être avec quelqu’un. Peut-être passer directement à la case mariée. Peut-être que je devais juste arrêter d’être conne et tout briser autour de moi. Je voulais arrêter maintenant, ne rien dire à Eliott. Elia avait raison, il fallait peut-être que tout ça reste entre nous, personne ne devait savoir. Mais les sentiments que j’avais pour lui devenaient de plus en plus difficiles à cacher. J’avais toujours cru qu’il était impossible d’aimer deux personnes à la fois. je me retrouvais avec la preuve que c’était possible devant moi. Je les aimais différemment, Eliott était la douceur et la sécurité dont j’avais toujours voulu et dont j’avais toujours eu besoin, il me rassurait ; Elia, c’était l’interdit, l’extrême, le feu… J’étais perdue entre deux eaux et je savais que cette situation ne pourrait pas se tenir indéfiniment. Je ne pourrais pas rester comme ça entre les deux à espérer les avoir que pour moi, les deux. Je savais que je ferai du mal à l’un des deux, voire aux deux et même à moi. Je savais qu’aucun des deux choix qui s’offraient, n’allait me satisfaire. Parce que j’allais perdre l’un des deux, quoi qu’il arrive. Je levais la tête vers Eliott, en respirant. Et si je laissais tomber ? Et si je ne disais rien… ? Impossible. Je devais être honnête avec lui, autant pour Eliott que pour moi. « Je t’écoute. » Je déglutissais, difficilement. Le moment de vérité. Tout déballer. Te dire que je t’aime mais que je l’aime aussi. « Si j’ai voulu partir c’est parce que… j’ai voulu fuir. Fuir Elia… J’ai… Je l’ai vu… plusieurs fois. Il m’a dit qu’il m’aimait. J’ai voulu partir vite, pour qu’on soit que les deux. Mais j’ai l’impression de te mentir et je déteste ça… Je t’aime… » Je savais très bien que ça ne suffirait pas. Je savais que l’amour que j’avais pour lui n’effacerait pas ce que j’étais en train de lui annoncer. Ça ne m’excusait pas. Ça ne m’excusait pas d’avoir vu Elia, de l’avoir embrassé à nouveau. J’avais retrouvé celui avec qui j’avais couché cet hiver, les sentiments en plus. J’en crevais de faire souffrir Eliott. J’avais peur qu’il ne veuille plus de moi. C’était égoïste de ma part ? Surement…
Je tenais mon livre favori dans ma main droite, observant Charlotte d’un regard interrogateur. Je trimballais toujours ce livre dans ma valise, j’aimais le lire, je m’y complaisais. C’était une histoire, comme souvent animée par un jeu de l’amour, mais surtout palpitante. J’aimais m’y plonger, m’imaginer à la place d’un des personnages. Je vivais ma propre histoire, pas moins compliquée que ce roman, loin de là. J’aurais même pu reprendre les faits un à un, les relier, et monter mon propre livre lorsqu’on y songe. Je rêvais de devenir un personnage de roman, et voilà j’y étais. Pour une fois je regrettais d’avoir souhaité cela. Je me sentais davantage dans une pièce de théâtre dramatique et tragique que dans un roman palpitant et à l’eau de rose. Le grand amour, j’en avais rêvé depuis ma plus tendre enfance. Pas toujours apprécié des autres enfants, j’avais rêvé d’une fille qui pourrait se tenir à mes côtés, m’aimer pour la personne que je suis, et me soutenir. J’avais cru trouver cette personne en Charlotte, et j’étais toujours autant persuadé que je l’aimais. C’était elle que je voulais, pas quelqu’un d’autre, et j’aurais fait n’importe quoi pour obtenir ce que je voulais, c’est-à-dire elle. Pourtant, elle s’échappait, tel un oiseau. Elle avait été comme dans un nid avec moi, un nid protecteur, et désormais elle semblait avoir besoin de voir du paysage, de respirer ailleurs et de s’envoler vers de nouveaux horizons. Pourtant, je ne voulais pas de ça. Charlotte était ma copine, et non celle d’un autre. Elia était un pauvre type à mes yeux. Il m’arrachait littéralement Charlotte des bras, par je ne sais quel subterfuge ou ensorcellement invisible. Je le détestais, réellement. Je le détestais pour m’arracher mon rêve, mon me priver de l’amour et la sécurité que me procurais Charlotte. Je m’étais fiancé avec elle, j’avais d’immenses projets en tête pour notre avenir. Elle n’était pas prête, elle me l’avait dit, je le sentais. Cela se sentait encore plus en ces temps difficiles. J’étais prêt à attendre, des mois, voire même des années, car tout ce que je savais était que je voulais passer le restant de ma vie à ses côtés. Elle était tout ce que je désirais. Mes fiançailles l’officialisaient, et jamais je n’avais regretté d’avoir fait cette demande, malgré les doutes que j’avais pu éprouver en me rappelant de Léo. Mais c’était différent, j’étais convaincu que ça l’était. Et Elia faisait voler cette conviction et laissait apparaître plus qu’un soupçon de doute.
Ce voyage, c’était notre chance, notre chance de repartir sur une base saine, loin de celui que j’assimilais presque au diable. J’avais cru que cela était possible, pourtant Charlotte était en train de me prouver le contraire. Je savais qu’elle voyait toujours Elia, malgré l’interdiction que j’avais formulé et qu’elle avait approuvé à contre cœur. Elle m’avait trahi, j’étais cependant prêt à la pardonner. Pourtant… ce soupçon dans sa voix me confirmait qu’elle ne m’avait pas tout dit. Ce qu’elle m’avait dit venait de glacer mon sang mais éveillais à la fois une rage intense dans mon cerveau que je contenais au maximum. Je semblais rester de marbre, partagé entre la froideur que m’inspirait ce discours et la colère qui émergeait inévitablement. Je m’étais battu pour récupérer Charlotte, j’aurais pu faire n’importe quoi pour elle, je l’avais demandé en fiançailles, et elle faisait tout voler en éclats aussi facilement ? Tous mes efforts anéantis en quelques semaines, de manière progressive et douce. Elle ne pouvait pas jeter cet amour si facilement comme on jette une boîte sans importance à la poubelle. Elle me disait qu’elle m’aimait, elle était sincère je le sentais, je le savais. Si ce n’avait pas été le cas elle ne m’aurait pas dit oui, c’était certain. Pourtant toutes ses paroles contenaient un mais, dissimulé, et au fond j’étais effrayé à l’idée d’entendre ce qu’elle me cachait et ce qu’elle avait tant de mal à dire. Je la voyais déglutir, je sentais alors mon angoisse s’élever d’un cran. « Continue… » Dis-je avec un peu moins d’entrain que ma parole précédente. Je savais que ce qu’elle allait me dire n’allait pas me plaire, vraiment pas, pourtant il fallait que je l’entende sortir de sa propre bouche. Il était essentiel de voir la vérité en face, de considérer les choses en leur totalité, de sorte à prendre la décision qu’il fallait prendre.
Depuis que j’étais avec Eliott, rien ne nous avait été épargné. Ça avait commencé avec l’avortement. Quand j’avais vu qu’Eliott restait à mes coté dans cette épreuve, j’avais compris. Compris qu’il m’aimait vraiment, compris que moi je l’aimais tout autant, compris qu’il serait toujours là quand j’aurais besoin de lui, compris que c’était lui. Je n’avais jamais douté de mes sentiments envers Eliott, parce qu’ils étaient tellement fort qu’ils n’avaient pas besoin d’explications. Etre avec lui c’était tellement simple, paradoxalement à tout ce que nous avions vécu. C’était tellement instinctif et rassurant d’être avec lui. Quand nous nous étions remis ensemble après cet hiver, j’étais persuadée que nous étions plus forts que tout. que rien ne nous séparerait plus. Je me disais que nous avions déjà tout subi, qu’il ne pouvait plus rien nous arriver. Plus rien nous arriver de pire. Et pourtant, ces dernières semaines, Elia était arrivé et avoir fait voler en éclats toutes mes certitudes de vie meilleure pour Eliott et moi. J’avais beau aimer de tout mon cœur Eliott, je n’arrivais plus a mettre de coté les sentiments, les émotions que me faisaient ressentir Elia. Ce gout d’interdit qu’il avait. Sa façon de me parler et de me dire que je comptais pour lui. De me le montrer. Sa façon de me dire « je t’aime »… C’était violent, c’était brut, c’était tellement différent de ce que je vivais avec Eliott. Eliott m’avait apporté la douceur et la sécurité dont j’avais toujours eu besoin et dont j’avais toujours manqué. Je n’avais toujours connu que des mecs comme Elia, sur d’eux, prêts à tout, brusques mais touchants. J’avais besoin qu’Eliott me prouve que quelque chose d’autre était possible. Mais Elia m’avait fait retrouver ce que j’avais toujours connu et ce à quoi je n’avais jamais pu résister. Je m’étais dit que partir était la solution. Plus j’étais loin d’Elia et proche d’Eliott, moins j’allais avoir envie de retourner dans les bras d’Elia. J’y avais cru… Pourtant, maintenant éloignée de lui, je ne faisais que penser plus à lui. J’avais continué de lui parler toute cette semaine que j’avais passé en amoureux avec Eliott. Il n’avait cessé de me demander de rentrer, de me dire que je lui manquais et moi, je n’avais cessé de répondre « Je sais. » Alors que je ne savais rien. Je ne savais plus rien. J’avais passé pourtant une excellente semaine avec Eliott, tout avait été parfait. J’étais toujours autant amoureuse de lui et heureuse d’être avec lui, mais il y avait autre chose, je le savais. Et il le savait très bien aussi, c’était certain. Il savait qu’il y avait un problème, le caché ne servait plus à rien… « Continue… » J’avais lancé une bombe et maintenant je ne pouvais plus reculer. Je devais être honnête avec lui. Ne serait-ce que par respect. Pourtant, j’étais trop lâche. « Et c’est tout… » Menteuse. Je regardais par la fenêtre puis je me retournais vers Eliott, les larmes aux yeux. « Avant de partir… Elia et moi, on s’est vus… il m’a embrassé. » Je baissais la tête. Ne me quitte pas, putain, ne me quitte pas, je suis rien sans toi. Pourtant, moi, j’étais bien partie quand il m’avait trompé c’était légitime. Et s’il décidait de le faire, je n’aurais rien à dire. Je devrais le laisser faire…
Je suis prêt à l’écouter sans vraiment être prêt. Je me sens comme ayant été jeté dans une prison, prêt à recevoir un châtiment. Le méritais-je réellement ? Etais-je le criminel ou alors la victime de cette supercherie ? Un silence pesant surplombe la chambre, j’aurais aimé qu’il disparaisse sans pour autant qu’elle me dise ce qu’elle avait à me dire. La bombe était déjà à moitié lâchée, je savais que ce qui allait suivre allait former un chaos total. Former ? Que dis-je.. Le chaos est déjà présent. J’avais cru possible de rattraper les erreurs que nous avions accumulées au fur et à mesure. Où il y a de la vie il y a de l’espoir, à ce qu’il paraît. La semaine avait été parfaite, et au lieu d’ajouter une cerise sur le gâteau, je sentais que Charlotte allait le prendre et l’écraser à terre, qu’elle allait mettre les pieds dans le plat. Je haïssais ces moments où elle mentait, certes, et je l’avais prié de me dire toute vérité. La vérité, la sincérité, était pour moi une base nécessaire à notre couple. Charlotte était mon premier et seul amour, le seul réellement sincère qu’il y eut dans ma vie. La seule fille à qui j’avais proposé de me fiancer, la seule avec qui j’avais parlé de fonder une famille. Je lui faisais confiance de A à Z, pensant que j’étais le seul fautif dans mes conneries depuis le début, depuis Ahren à vrai dire. J’étais convaincu que l’on aurait pu rebâtir notre relation sur des bases saines. Et voilà qu’Elia arrive, remet tout en doute, et brise notre couple en morceaux. Comme tout peut voler facilement, comme l’amour est fragile. J’étais pourtant convaincu que Charlotte était mienne, qu’elle ne me voulait que moi et seulement moi, qu’il était impossible qu’elle m’abandonne, comme ça, pour courir dans les bras d’un autre. Je ne savais réellement ce qu’elle me reprochait, mais tout ce que je savais c’est que toute cette histoire avait un gout amer de trahison. Ce genre d’histoire où un de tes meilleurs alliés te plante un poignard dans le dos.
Charlotte ne semblait pas prête à me raconter la suite de l’histoire, la suite de ses confessions. Pourtant, elle avait commencé, alors elle devait finir ce qu’elle avait entreprit. Je ne sais si elle craignait d’avouer ce qu’elle avait à me dire, cette chose dont je me doutais, ou si elle était davantage effrayée à l’idée de ma réaction. Je penchais plutôt pour la seconde solution, me questionnant également sur la réaction que je pourrais avoir. Je n’y pensais plus, et me concentrais sur Charlotte. Je sentais mon corps trembler légèrement par nervosité, je voyais les pages de mon livre se mouvoir sous la pression que j’exerçais sur elles involontairement, et j’attendais la seconde bombe. Un coup de tonnerre brisant la tranquillité d’un été sans nuage. Aux mots de Charlotte, je n’eus aucunement le temps de réfléchir à ce que je faisais. Tenant toujours mon livre préféré dans la main, je le jetai violemment à terre en hurlant. « Mais tu te fous de moi Charlotte, tu te fous de moi ? » J’étais comme emporté dans une tempête noire de colère. Je m’en doutais, j’en étais sûre. Elle ne pouvait pas s’en empêcher, elle ne pouvait pas s’empêcher de voir ce salop. « Dis plutôt que vous vous êtes embrassés ! » Je ne réflechissais vraiment plus. Je ne savais si le fait que mon système nerveux plus que tendu avait un rapport avec cela, mais je frappais vivement de mon pied le lit et ne ressentais aucune douleur. J’étais furieux, et c’est pourquoi je sortais de la chambre avec hâte pour me rendre au bar de l’hôtel au rez-de-chaussée. Je faisais quelques pas en arrière, la regardais et hurlais en agitant mes bras « Et puis tu sais quoi, va te le faire, va chercher ton chéri puisque t’y es ! C’est bon j’ai eu ma dose, j’en ai ma claque ! COMMENT est-ce que tu peux me regarder dans les yeux, comment ? Et dire que j'croyais qu'on pouvait se faire confiance. TU PARLES » Dis-je en fermant violemment la porte, un des deux badges de notre chambre dans ma poche. Je traçais alors vers l'ascenseur. De lourdes larmes s'écrasaient sur mon visage, pourtant mon expression faciale ne prenait pas la forme d'une tristesse quelconque. Je ne savais si j'étais davantage triste ou en colère.
Je commençais à avoir mal à la tête, elle tournait et je savais très bien pourquoi : je ne maitrisais plus rien et c’était insupportable. J’étais en train de détruire la seule chose bien que j’avais faite depuis que j’étais arrivée à San Francisco. J’étais en train de foutre en l’air la plus belle histoire de ma vie. C’était bien fait pour moi finalement ; dès le début j’aurais du résister à Elia. Dès le début j’aurais du garder mes distances. Je n’aurais pas du coucher avec lui cet hiver. Mais ça avait été tellement tentant. J’avais été tellement mal, j’avais eu besoin de réconfort, j’avais eu envie que quelqu’un prenne soin de moi ; ma rupture avec Eliott empêchait le fait que ce soit lui qui fasse tout ça. Alors que finalement, c’était ce que j’aurais du faire. J’aurais du retourner vers Eliott. Je n’aurais même jamais du le quitter. D’accord il m’avait trompé, mais je savais qu’il m’aimait, je l’avais toujours su. Et depuis que nous nous étions remis ensemble, il n’avait cessé de me le prouver, de me le montrer. Qu’est-ce que je pouvais demander de plus ? Qui j’étais pour tout foutre en l’air comme ça, qui j’étais pour briser Eliott comme je le faisais ? Eliott se leva et jeta son livre au sol, je sursautais et me recroquevillais sur moi-même, en fermant les yeux. « Mais tu te fous de moi Charlotte, tu te fous de moi ? » Je pinçais les lèvres pour ne pas pleurer. Je ne répondais pas, il n’y avait rien à dire. « Dis plutôt que vous vous êtes embrassés ! » « Non… » murmurais-je la tête baissée. Si, évidemment que si… Je laissais une larme couler le long de ma joue mais je ne relevais toujours pas la tête. Je le vis commencer à partir et je relevais la tête instinctivement. Le regard suppliant. Ne me laisse pas, t’es tout ce que j’ai… Je savais que c’était peine perdue. Je venais déjà de tout foutre en l’air en quelques secondes. Eliott revint sur ses pas et je retenais mon souffle. « Et puis tu sais quoi, va te le faire, va chercher ton chéri puisque t’y es ! C’est bon j’ai eu ma dose, j’en ai ma claque ! COMMENT est-ce que tu peux me regarder dans les yeux, comment ? Et dire que j'croyais qu'on pouvait se faire confiance. TU PARLES » Un flot de larmes s’échappa de mes yeux. Je savais ce que ça voulait dire, je savais ce qui allait arriver : il allait partir, il allait me laisser. Notre séjour à Paris allait ainsi se terminer, tout avait basculé. J’étais venue ici en couple, fiancée et j’allais repartir seule. Une fois de plus je comprenais que Paris n’était plus fait pour moi. J’étais repartie enceinte la dernière fois… Je savais aussi qu’un choix allait s’imposer, je ne savais pourtant pas encore que ce ne serait pas seulement Eliott qui me le demanderai, mais Elia aussi. Je savais que tout deux allaient vouloir que je me décide. Et qu’est-ce que j’allais faire ? Est-ce que j’étais prête à prendre un nouveau départ sans Eliott ? ça me paraissait tellement inconcevable. Eliott reparti, un badge à la main et mon instinct me disait que c’était la dernière fois que je le voyais. Je savais qu’il ne reviendrait pas, je le connaissais par cœur. Il sorti de la chambre et je me laissais tomber sur le lit en pleurant. Quelle conne… Je ne savais plus quoi faire. La première chose qui me vint à l’esprit fut : Elia. Viens me rejoindre, me laisse pas seule, je peux pas… Eliott, reviens...