Je me réveillai en sursaut et jetai machinalement un regard à mon réveil posée sur ma table de chevet. 16h. Je me redressai. Un peu trop brusquement car une violente nausée me prit. Depuis quelques semaines maintenant je me sentais horriblement mal et je pensais en connaître la cause. Le manque. Je me précipitai aux toilettes rendre le peu de nourriture que j’avais ingurgité en rentrant du travail. Donc, pas grand-chose. Je me rinçai par la suite la bouche et retournai me coucher. Je n’avais envie de rien mise à part de rester dans mon lit comme je l’avais fait jusqu’ici. Inertie. Soudain, je me levai et me mis à arpenter la pièce de long en large, les membres tremblotants. Je ne pouvais stopper ces tremblements qui m’assaillaient de toute part. Ainsi que ces idées qui s’infiltraient perfidement dans mon esprit. Je repensai encore et toujours à cet inconnu que j’avais croisé dans les rues. Cet inconnu qui lui ressemblait tant. Je regrettai amèrement de ne pas l’avoir suivi, au moins j’aurais su à quoi m’attendre et j’aurais pu aviser. Non, non, il a fallu que je rebrousse chemin, voyons le résultat ! Quelle idée stupide aussi de venir dans sa ville ! Quelle idée de le suivre ! J’avais froid. Il me manquait. J’avais chaud. J’étais mieux sans lui. J’étais perdue.
Je tombai brutalement sur les fesses au pied de mon lit et me recroquevillai sur moi-même. J’avais froid. J’avais peur. J’avais chaud. J’étais invincible. Je pris une profonde inspiration. Aucune amélioration. Les tremblements étaient toujours de la partie, mes féroces douleurs abdominales également ainsi que mon angoisse grandissante. De même pour mon irritation et mes nausées. J’étais une véritable boule de nerf. Je mettais tout sur le compte de Dylan, mon dealer. S’il n’avait pas voulu jouer au plus malin avec les flics, il ne se serait pas fait coffrer et je ne serais pas dans un état pareil ! Il fallait sérieusement être con pour penser que l’on pouvait faire ses petites affaires sous le nez du chef de la police sans en être inquiéter. Et évidemment, il fallait que ce soit le meilleur qui ait un comportement à risques.
Lorsque j’étais arrivée à San Francisco, il y a un peu plus d’un an, j’avais rencontré un bon nombre de revendeurs mais aucun ne s’attira mes faveurs. Déjà la moitié avaient essayé de m’arnaquer en me vendant de la mauvaise marchandise et ne pouvant cautionner cela, je leur avais fait une mauvaise réputation auprès des consommateurs, je ne pouvais décemment pas aller les revoir, la bouche en cœur. Ils me détestaient, certainement. Et les autres n’étaient que des adolescents avides de sensations fortes et voulant gagner de l’argent facilement, ils n’ont pas fait long feu. L’on ne peut s’improviser dealer, il faut avoir certaines qualités essentielles pour l’être, comme la discrétion par exemple ou encore savoir s’entourer.
Je me ruais une nouvelle fois aux toilettes avant de m’écrouler à genoux, mains au ventre. Mes douleurs montaient crescendo. Je repris des cachets et me trainai tant bien que mal jusqu’au lit où je m’endormis. Du moins, j’aurais bien voulu. Je dormais moins qu’à l’accoutumée, déjà que mes nuits étaient courtes. Sans que je ne m’en rendisse compte, Morphée m’avait attiré à lui. Je fus réveillée vers les environs de 23h par un appel d’une connaissance m’invitant à aller passer la nuit en boîte de nuit en leur compagnie. Je fus tentée de refuser, peu désireuse de voir des gens mais j’acceptais finalement, cela ne pouvait pas me faire de mal et tout semblait revenu au calme. Je me préparais. Elles passèrent me prendre une heure plus tard et c’était partit.
La musique était tellement forte que je ne m’entendais plus penser. Habituellement, j’aimais beaucoup ce genre d’ambiance, mais pas ce soir. J’avais des préoccupations plus urgentes à régler et je réalisai que je n’avais pas le cœur à m’amuser. Les filles durent carrément me traîner pour que je les suive sur la piste de danse, pourtant c’était souvent l’inverse. J’étouffai littéralement au milieu de tous ces gens qui me bousculaient. Les verres d’alcool que j’avais descendu ne paraissaient pas vouloir faire effet. Lorsque je n’en pus vraiment plus, je pris mes affaires et sortis fumer, suivi de près par le mec avec qui j’avais commencé la soirée. Ne rien laisser paraitre. J’allumai ma clope et l’effet fut instantané. Mon partenaire voulut lancer la conversation mais je l’en dissuadais aussitôt. « Ecoute, je ne sais pas pourquoi tu m’as suivis et franchement j’en ai rien à foutre, dégages ! » J’entendis des pas s’éloigner, je supposais qu’il avait écouté mon conseil. J’étais plus imbuvable encore qu’à l’accoutumée, qu’importe. Je remarquai un mec dans un coin alors que je m’allumais ma seconde cigarette, dissimulé par les ténèbres, si l’on ne faisait pas attention, il pouvait largement passer inaperçu. Avait-il assisté à la scène précédente ? Je supposais que oui. Et honnêtement, je m’en foutais pas mal.
Hier soir, sur les coups de minuit, mon meilleur ami, Milo avait eu la brillante idée de m'appeler pour sortir en boîte de nuit. Difficile de dire non. Il trouvait toujours les bons arguments pour faire bouger ma carcasse de mon canapé, et je n'étais pas le genre de mec à refuser une telle proposition. J'étais plus une personne qui vivait la nuit que le jour. Le jour, je me reposais, et la nuit, je sortais, je dealais, je draguais, je baisais. La base. Je bondissais du canapé pour me préparer. Après mûres réflexions, je choisissais un slim noir, et un tee-shirt blanc, avec un motif moulant, faisant ressortir ma musculature. Un jet de parfum, un coup de gel dans les cheveux, et le tour est joué. Sachant comment j'allais finir, je préférais prendre un taxi pour me mener jusqu'en boîte de nuit, plutôt que de prendre ma voiture. Aussitôt arrivé en boîte, aussitôt un verre en main. En boite de nuit, je me laissais totalement aller. C'était une façon pour moi d'oublier tous mes soucis. J'enchaînais, aux côtés de mon meilleur ami, shooter sur shooter, et comme vous l'aurez compris, à la fin de la soirée, j'étais h-s. Je me souvenais d'avoir laissé Milo seul pour suivre une jolie jeune fille dont j'ignorais même le prénom. Une chose est sûr, je n'allais surement pas regretter de l'avoir suivi. Elle avait l'air.. très entreprenante. Ce que j'aimais beaucoup chez une fille. En plus de cela, elle avait l'air d'avoir du caractère, et d'être sûr d'elle. Le lendemain matin, lorsque j'ouvris les yeux, je ne me souvenais plus de grand chose. Je savais que j'avais passé la soirée aux côtés de Milo, mais je ne reconnaissais pas la pièce dans laquelle je me trouvais actuellement. A mes côtés, une jeune fille, une très jolie jeune fille. En vue des vêtements dispersés un peu partout dans la pièce, j'en concluais rapidement que nous avions tout deux passés une nuit de folie, qui s'achevait dès maintenant. Je n'étais pas le genre de mec à taper de grand discours. Cette fille n'était qu'un coup de plus dans mon tableau de chasse, rien de plus. Je me levais, un sourire narquois sur les lèvres. On se revoit quand ? me demandais Johanna. Immédiatement, je posais l'une de mes mains sur ma tempe. Parles pas si fort, j'ai la tête qui va éclater. C'était un prétexte pour ne pas répondre à sa question, comme si j'avais pour habituer de revoir mes conquêtes d'une nuit. Elle était bien trop facile à avoir dans son lit à bon goût. J'aimais quand il y avait du challenge et non quand je n'avais qu'à claquer des doigts pour avoir la fille que je voulais dans mon lit. J'enfilais rapidement mes fringues quand mon portable se mit à sonner. Contre toutes attentes, il ne se trouvait plus dans ma poche de jean. Putain de merde! Je parcourais toute la chambre pour le retrouver cacher par terre, sous un oreiller. Le prénom affichait sur ce dernier était signe que ce soir, je devrais surement bosser. Je décrochais. Attends, je te rappelle d'ici dix minutes grand max. Je raccrochais, et me retournais vers Johanna. J'y vais, bye. Attends me disait-elle. Y'a pas d'attends, j'ai d'autre choses à faire. Je quittais son appartement claquant la porte. Je déambulais les escaliers à grande vitesse pour regagner l'extérieur. Je jouais la carte de la sécurité en empruntant les petites rues pour regagner mon appartement. De là, j'étais sûr que personne ne me cramerais au téléphone avec mon client. Portable en main, mon interlocuteur finit par décrocher. Ouais, scuse' j'étais pas chez moi, qu'est-ce qu'il t'arrive? J'ai plus de came mec, faut que tu m'en fournisses ce soir avant que je pète un câble, j'en peux plus. Comprenant le manque qui le bouffait de l'intérieur, et ayant tout chez moi, je ne pouvais pas lui refuser. Ecoutes, je vais en boîte ce soir, je t'attends près de la sortie vers une heure et quart, sois à l'heure. Je raccrochais immédiatement, et enfouie mon portable dans ma poche. Arrivé chez moi, je me jetais immédiatement sur mon lit. Crevé comme j'étais, je ne mis pas longtemps à tomber dans les bras de Morphée. Les heures passèrent, et je tournais et virais dans mon lit. Après s'être pris une bonne cuite, il n'y avait rien de mieux que de faire une bonne sieste, car ma nuit avait été courte. Et ce soir, je n'étais surement pas prêt de me coucher tôt, encore une fois. Mes yeux daignaient enfin s'ouvrir. Je m'étirais un instant, avant de poser mon regard sur mon réveil qui indiquait presque vingt heure. J'avais passé ma journée à dormir comme un gros. En me levant, mon ventre se mit à gargouiller. La faim se faisait ressentir. Avant toutes actions, direction la cuisine dans laquelle je me préparais quelque chose de consistant à manger. Des frites et un steak sur lequel je faisais cuire un oeuf. Quand cela fut prêt, je m'installais à table et mangeais tranquillement, en regardant la télé. Mon repas terminé, je partis me prendre une douche. Une bonne douche bien chaude, le paradis. Les yeux fermés, l'eau coulant le long de mon corps, je me sentais bien. Mais l'heure tournait, plus vite que je ne pouvais le penser, et lorsque je ré-ouvrais les yeux, c'était le retour à la réalité. Je coupais l'eau et sortais de la salle de bain. J'enfilais mon boxer, et mis de nouveau un slim, et un tee-shirt moulant. C'était ceux dans quoi je me sentais le mieux, des vêtements qui me collaient à la peau. L'heure approchait bientôt vingt-trois heures. Je repassais dans la salle de main, me coiffant et me parfumant. Arrivé en boîte de nuit, l'ambiance était à son comble. La musique battait son plein, et les gens s'agitaient sur la piste de danse. Quant à moi, je m'installais sur un tabouret prêt du comptoir sirotant un cocktail alcoolisé pour commencer la soirée. Je préférais y aller doucement me réservant pour la suite de la soirée. Scrutant difficilement l'horizon dû à la pièce sombre et au jeu de lumière, mon regard se posait sur cette fille aux long cheveux blonds. Elle semblait désorientée, elle était loin d'être dans son état normal. Sa crevait les yeux. Mais, je fus tiré de mes rêveries lorsque mon portable sonnait. La personne qui m'avais appelé ce matin même était déjà là. Je regardais l'heure, qui affichait presque minuit. Il était bien en avance. Je ne bronchais pas, et quittais l'intérieur, mains dans les poches. J'avançais prêt de l'endroit où nous devions nous retrouver. C'est au travers de nos salutations que je lui glissais le sachet de poudre qu'il voulait dans la main. Quant à lui, il me donnait à son tour l'argent qu'il me devait. C'est parfait. Merci mec, je te recontacte quand j'aurais besoin. Ca marche. Il disparaissait à présent de mon champ de vision. Main en poche, j'attrapais mon paquet de cigarette qui contenait en réalité des joins roulés, de façon à ce que l'on croit que c'était seulement des cigarettes roulées. J'en portais entre mes lèvres, et l'allumais, tirant une longue latte. Je fermais alors les yeux, m'adossant contre les murs. Lorsque la fumée ressortait par ma bouche, je m'amusais à faire quelques cercles. Ecoute, je ne sais pas pourquoi tu m’as suivis et franchement j’en ai rien à foutre, dégages! La voix de cette jeune fille me tirait de mes rêveries. Et lorsque mon regard se posait en sa direction, je fus surpris de constater que c'était la fille que j'avais remarqué à l'intérieur du Ruby Skye. Maintenant seule, je me redressais et n'hésitais pas à l'approcher. Ca va ? Tu te sens bien ? C'était une façon pour moi de lui faire comprendre que j'avais cerné, par son attitude, qu'elle n'allait pas si bien qu'on ne pouvait le penser.
Je me sentais réellement mal. Je me rendais à quel point j’étais vraiment accro à ces merdes. Cela n’était pas surprenant puisque j’en consommais depuis mes seize ans. Depuis que j’avais rencontré Gareth. Depuis que j’avais décidé d’accueillir sa maitresse en mon sein plutôt que de la rejeter. Je n’aurais pu. Je l’aimais trop. Je ne voulais pas le perdre. Et je savais que je n’aurais jamais pu le faire décrocher. Son addiction était bien trop profonde. Je ne lui avais imposé de choisir entre moi et la drogue. Je connaissais pertinemment la réponse. Il ne m’aimait pas assez. Alors j’ai attendu. J’ai goûté. J’ai sombré. Avec délice. Avec passion. Avec lui. Ce dernier était, je crois, le plus important. Je n’aimais pas ces merdes, du moins pas au début, mais pour lui…tout était différent. Ah, dieu que c’était pathétique de penser de cette manière. De régir ainsi sa vie pour et par rapport une seule personne. Quand un seul être nous manque, le monde entier nous semble dépeuplé. Ou quelque chose dans le genre. Bref, cette citation me correspondait fort bien. Je n’étais pas en manque de ces merdes. J’étais en manque de lui. De ses sourires. De sa chaleur. Addicted. Seule drogue pour laquelle on ne me fera jamais décrocher. Je ne le voulais pas de toute manière.
Je m’assis sur les marches puis posai ma tête contre le mur avant de m’allumer une cigarette. La nicotine n’avait aucun effet sur moi. Dieu que je maudissais Dylan à cet instant précis. Ses enfants, ses petits-enfants ainsi que ses arrières petits-enfants. Toute la famille. Bordel, dans quelle merde il me foutait ! Je tirai une nouvelle fois sur ma clope. J’étais tellement dans mes pensées que je n’avais même pas vu que le mec de l’ombre s’était approché de moi. Que me voulait-il celui-là ? Je n’étais pas d’humeur à essuyer des tentatives de drague à deux balles ce soir. J’avais envoyé boulé l’autre, je n’allais sûrement pas être tendre avec lui. « Ca va ? Tu te sens bien ? » C’était quoi ce plan drague à deux balles ? Bon avouons-le, ça changeait du sempiternel ‘on ne s’est pas déjà vu quelque part ?’ par contre pour l’originalité on repassera, hein. Je souris. Sans raison. La folie me guettait sans aucun doute. Ou l’étais-je déjà, folle. Cela expliquerait bien des choses. « Pourquoi, t’es médecin ? » Mon ton était plus narquois que froid. Je lui jetai un regard dénué, je le savais, de toute expression. Je voulais savoir qui était mon interlocuteur et je devais reconnaitre qu’il était plutôt pas mal. Si j’avais été en forme, j’en aurais sans doute fait mon dîner. « D’ailleurs que fait une gueule d’ange telle que la tienne dans des coins sombres ? » Non pas que cela m’intéressât des masses, mais puisqu’il était là, autant faire la conversation. Ca ferait passer le temps et me changerait à coup sûr les idées avant que je retourne me terrer dans mon appart. Et qui sait ? Peut-être finirais-je la nuit en bonne compagnie.
Diego ϟ I wouldn't recommend sex, drugs or insanity for everyone, but they've always worked for me.