« With every strike of lightning, Comes a memory that lasts Not a word is left unspoken As the thunder starts to crash Maybe I should give up »
Flashback ;
« Joyeux anniversaire ! » La lumière venait de s’allumer dans le petit salon de l’appartement New-Yorkais. Une grand banière était accrochée sur le mur au dessus de la télévision avec inscrit ; « Joyeux anniversaire Maël ! ». Quelques uns de nos amis étaient là, debout au milieu du salon, fières que l’effet de surprise recherché soit réussi. Je sentais la main d’Emma resserrer la mienne. Elle me regardait avec un immense sourire sur les lèvres, attendant certainement une réaction, un mot de ma part face à la fête surprise qu’elle m’avait organisée. J’étais pétrifié sur place, en même temps, à San Francisco, l’orphelinat ne m’avait jamais fait de fête surprise. En général, j’avais le doit à un joyeux anniversaire de la part du directeur des lieux suivit d’une tape dans le dos. Voyant que j’étais encore sur place, la belle brune s’avança dans le salon, gardant sa main dans la mienne pour m’obliger à rentrer et à ne pas rester dans l’entrée. Elle retira son manteau et posa sa main sur mon torse au niveau de mon cœur en prenant un petit air ironique, « Maël ? Je t’ai pas fait faire une crise cardiaque rassure moi ! ». Je lui souris, j’étais vachement agréablement surpris ; « C’est juste que…whoua ! ».
Une de nos amies vit vers moi pour me prendre dans ses bras, Emma se recula un peu. « Et encore, t’a pas vu Em’ se disputer avec la pâtissière pour ton gâteau ! », annonça la blondinette qui se recula en me souriant. Emma posa ses mains sur sa taille en lançant un sourire étonné à notre amie ; « Val, attends, elle était chiante, t’es pas d’accord ? », demanda-t-elle. La jeune femme haussa les épaules. « Pourquoi tu t’es disputé avec la pâtissière ? », lançais-je à Emma en me tournant vers elle, le sourire aux lèvres. La belle se pinçait la lèvre avec un petit air enfantin. « Elle m’a cherchée, j’te jure ! Je lui demande gentiment si sa sera possible de d’écrire « Joyeux anniversaire Maël » sur la forêt noire que j’avais commandée et elle ne voulait pas ! », lança-t-elle en me souriant. La jeune femme face à nous éclata de rire. « Em’, c’est pas qu’elle ne voulait pas, elle ne pouvait pas ! Elle t’a expliquée pendant vingt minutes qu’on ne fait pas de glaçage ni d’écriture comme ça sur des forêts noires ! ». Croisant ses bras au niveau de sa poitrine, Emma fit la moue en souriant, « Si y’est pas écrit « joyeux anniversaire » sur un gâteau, c’est pas un gâteau d’anniversaire ! ». J’attrapais la belle par la taille en l’attirant vers moi, « Et alors, y’est écrit au final sur ce gâteau ? ». Elle baissa son regard vers le sol, gardant toujours se magnifique aux lèvres, « Et bien…j’ai eu le gâteau dans l’écriture, mais du coup j’ai écrit moi-même dessus avec du chocolat blanc fondue ! ». Je lui souris et me pencha vers elle pour déposer un baisé sur sa joue, lui murmurant doucement, « Merci, pour tout ça… ».
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Je m’étais réveillé assez tôt ce matin là, comme tous les matins d’ailleurs. Je ne savais pas trop pourquoi j’avais repensé à mon anniversaire il y a un an…peut-être parce qu’il arrivait bientôt et que cette année les choses risqueraient d’être beaucoup moins parfaites qu’il y a un an…Mais pour une fois, je ne suis pas allé courir. Cela faisait plusieurs jours même que je ne l’avais pas fait, mais l’envie n’y était pas, tout comme le moral d’ailleurs. C’était dans ce genre de moments que l’on pouvait reconnaitre ses vrais amis et ceux qui vous critique et vous poignarde dans le dos. J’avais pu voir les gens qui eux avaient compris ou qui me soutenait quoi qu’il avait bien pu se passer comme par exemple Alexa. Je ne la connaissais pas très bien mais elle avait été une des premières à prendre de mes nouvelles et deux jours plus tôt, elle était venue me ramener des cookies et me tenir un peu compagnie, même si je n’étais pas vraiment de très bonne compagnie depuis quelques jours. Et malgré tout ce qu’on avait bien pu dire sur elle, Emma aussi avait été là, les choses étaient moins bizarres entre nous, enfin, parfois sa le devenait, mais elle m’adressait la parole. Nous étions proches et j’appréciais ça, j’en avais besoin. J’avais besoin de me raccrocher à quelque chose, de voir que lorsqu’on commence une relation avec quelqu’un, que ça soit une relation amoureuse ou pas, ça ne finit pas toujours mal. Et puis, quoi de mieux qu’Emma pour vous remonter le moral ? Elle était un petit rayon de soleil, mon petit rayon de soleil. C’était pour ça que j’avais décidé de faire un effort en sortant enfin le nez e mon appartement pour aller à son expo. Je savais que c’était important pour elle, et elle m’avait demandée de venir au départ. Ca me faisait sortir et voir du monde, et puis, là bas j’étais sûr de ne pas croiser Jude.
J’avais nourris Winston avant de partir. Acheter ce chien était une idée merveilleuse. Vivre tout seul dans un appartement, surtout que je n’étais pas le garçon le plus sociable du monde, alors je me sentais toujours un peu seul. Avec ce chien, j’avais de la compagnie en plus. Et puis, quand je l’avais adopté, c’était surtout parce que je me disais que lui au moins, il ne me quitterait jamais. Elle m’avait demandée de me faire beau, alors je n’hésitais pas à sortir la chemise et la cravate, de toute manière en général, les expositions étaient des évènements assez classes et assez chics. Ca, je le savais car Emma m’avait emmené à des milliards d’expo, je commençais à être habitué, même si cette fois, toutes les toiles et les dessins affichés, je les connaissais déjà. Enfin, une bonne partie, car elle avait du en refaire depuis le temps. Dès 20h j’étais sur les lieux, il y avait déjà pas mal de monde, je trouvais rapidement Emma, elle était morte de trouille, pour une fois c’était moi qui allait la rassurer, en temps normal c’était plutôt le contraire qui se produisait. La soirée se passa très bien, je ne connaissais pas grand monde à part des amis que nous avions en communs qui étaient venus voir les merveilles de la miss.
Pendant la soirée, je proposais à Emma de la raccompagner, elle accepta, alors j’attendais que tout le monde soient partis pour pouvoir la reconduire chez elle. Les gens avaient l’air de beaucoup aimer ce qu’elle faisait, tout le monde allait lui parler, enfin tout se passait à merveille. Elle avait l’air d’être contente, ça faisait plaisir à voir. Il était 23h lorsque l’exposition fut terminée, je la raccompagnais alors chez elle comme prévus. L’expo s’était déroulée pas très loin de chez elle, nous sommes vîtes arrivés. Elle m’invitait à rentrer quelques minutes. En entrant chez elle, je regardais un peu partout, c’était bizarre, j’avais presque l’impression d’être revenu chez elle à New-York à part la disposition des pièces qui était différentes. Je posais mon manteau sur le canapé en balayant la pièce du regard, elle avait sûrement fait ça pour ne pas trop être dépaysé de New-York. « J’ai l’impression d’être revenu à New-York tout à coup », lançais-je en souriant.
And it's strange that things change. But not me wanting you. So desperately.
Stressée... Sur le moment je ne pensais pas l'avoir déjà été à ce point. J'étais tendue comme jamais, remontée à bloc, allant et venant dans tous les sens. En fin d'après-midi, j'étais passée sur les lieux de l'exposition afin de regarder la manière dont tout cela avait été organisé. Une semaine d'exposition, un artiste par soir. La simple idée de ne pas clore la semaine me rassurait. Si ça ne plaisait pas, si ça faisait un flop, les gens ne s'en souviendrait peut-être pas ! J'étais hésitante et en même temps surexcitée. Et pourtant, je n'avais eu de cesse de me répéter que tout allait bien se passer. Mon entourage, au courant de cette exposition, avait tout fait pour me rassurer. Sans franc succès. Cela ne durait que quelques instants, le temps que leurs paroles entre par une de mes oreilles et en ressortent de l'autre côté de ma tête. Tout d'abord Donovan, qui m'avait gentiment accompagné à l'entretien... Je me souviens m'être littéralement jetée dans ses bras en sortant du bâtiment, devant lequel il m'avait récupéré. A ce moment là, je n'avais pas encore eu de montée d'adrénaline, réalisant à peine ce qu'il allait m'arriver. Il avait été là, essayant de canaliser en vain la petite boule d'énergie que j'étais, affichant un large sourire sur mon visage fin, et sautillant sur place comme une gamine à qui on a promis un tour de manège ! Puis il y eu Nevaeh, Alexa, même un de mes professeurs s'y était mis en apprenant la nouvelle ! Et enfin Maël. Je pouvais presque dire que c'était grâce à lui que j'allais être exposée ce soir, puisqu'il m'avait aidé à choisir les toiles. Et heureusement qu'il avait été là, sans quoi j'aurais pu faire de mauvais choix, ou encore péter littéralement un câble. Durant toute mon entrevue avec la gérante de la galerie, je n'avais fait que penser à lui. C'était idiot, mais cela avait toujours eu un effet apaisant sur moi. Lors de mes examens, d'entretiens importants, je me rappelais toujours de ses conseils et de l'attention qu'il m'avait toujours porté, veillant à ce que je conserve mon calme et que je reste détendue. Je le faisais naturellement pour lui, lorsqu'il stressait et manquait de faire une crise ; il me le rendait sans même s'en rendre compte.
FLASH BACK « Stop ! » La voix de Maël venait de retentir dans le living-room de son appartement, et passant derrière moi il me prit des mains mon bouquin d'art moderne. Ça faisait déjà un bon moment qu'il tournait en rond, se retenant de m'interrompre et cela sans même que je ne m'en rende réellement compte. « Mais Maël... - tentais-je de répliquer, en me redressant sur le canapé. Il me lança un regard presque sévère en secouant légèrement le livre devant moi, comme pour me narguer. - Pas de mais... T'as suffisamment bosser, tu fais une pause ! - Je ne suis pas prête, l'examen est demain et... - Et rien du tout ! Bien sûr que si tu es prête. Hier dans la voiture tu récitais les biographies de ces mecs à Juliet ! - Je soupirai doucement, alors qu'il jetait un coup d'œil à la couverture de mon livre. - Francis Bacon ? C'est qui lui ? - Profitant de son manque d'attention passager, je tentais de lui reprendre l'ouvrage, sans succès. - C'est un artiste de l'Ecole de Londres, mouvement d'Art moderne d'après-guerre... - A présent à genoux sur le canapé, tournée dans sa direction, je le suppliais presque du regard. Mais Maël n'en démordait pas, il ne voulait pas le rendre. Il avait vraiment dû se montrer patient, j'en prenais alors conscience. - Hop, hop, hop ! - Il se rapprocha tout de même de moi, en gardant à bonne distance le livre. - Et encore, j'ai de la chance, tu n'as pas pris tes cours ! - J'affichais alors une petite moue. Il savait que ça me stressait énormément, et que si je ne l'exprimais pas en faisant des crises je me collais tout de même la pression. - Le plus drôle dans tout ça c'est que tu viens passer la nuit à l'appart, tu prends tes bouquins, mais t'oublies tes affaires pour dormir... » - Là, je le sentais taquin. Ça n'était pas la première fois que j'oubliais malencontreusement mes affaires, forcée de me servir dans l'armoire de mon petit ami pour avoir ne serait-ce qu'un t-shirt sur le dos. Je le fixais, restant silencieuse mais affichant un léger sourire qu'il me rendit très vite. Il me faisait face et seul le dossier du canapé nous séparait encore. Haussant innocemment les épaules, je fis glisser mes mains sur sa taille. « Je n'ai peut-être pas envie de dormir en venant ici... - Son sourire s'accentua légèrement, et il entra dans mon petit jeu, me donnant la réplique avec un plaisir non dissimulé. - Mademoiselle a un examen demain matin, il faut qu'elle se repose pour être en forme... - Il rapprocha doucement son visage du miens, butinant avec douceur et envie mes lèvres sucrées par quelques baisers. Amusée par un tel discours, je laissai mes mains remonter le long de son torse, pour finalement l'attirer plus franchement à moi. - On laisse Francis de côté... On a mieux à faire, hein ? » Le bouquin tomba sur le sol dans un bruit sourd, alors que je hochai la tête doucement, approuvant alors ses paroles. Il passa par dessus le dossier du canapé, me contraignant à me reculer un peu, pour finir par m'allonger sur ce dernier. Je ne m'étais jamais rendue à un examen aussi détendue que ça... Fatiguée aussi. Mais qu'importe, j'étais amoureuse. FIN FLASH BACK
Après être repassée chez moi pour me doucher et me changer, enfilant une robe des plus originales soigneusement choisie avec l'aide de ma petite Chloé adorée, j'avais pris mon courage à deux mains. Ne voulant pas me mettre dans un état lamentable, j'avais même rejeté l'appel de ma mère, qui bien évidemment n'était au courant de rien. Ou alors elle m'appelait justement pour ça, l'ayant appris par l'intermédiaire d'une de mes tantes par exemple. Bref, je ne voulais pas de larmes ce soir, ni même de pression supplémentaire. C'est tendue que je suis arrivée sur les lieux, retrouvant la directrice de la galerie et donc la responsable de l'exposition. Elle attendait beaucoup du beau monde m'avait-elle dit, me décrochant un sourire crispé. J'étais morte de trouille. Je n'avais pas encore croisé un seul visage connu, et sentir ces regards insistants sur moi, accompagnés de quelques index pointés dans ma direction pour désigner « l'artiste » me mettait mal à l'aise. Je craignais que certains travaux soit jugés trop sévèrement parce qu'ils étaient très personnels. C'est lorsque je l'ai vu que je me suis peu à peu détendue. Il était réellement venu, et avait même passé une chemise et une cravate pour l'occasion. Très chic le jeune Petterson ! Avec moi et mes multiples visites d'expositions , il en avait eu l'habitude à vrai dire !
Les heures passèrent à une vitesse folle ! Présentée à tout un tas de gens, je recevais des compliments, des critiques, des conseils. Je parlais de mon parcours, j'apprenais des choses, et puis je prenais surtout le temps de récolter les avis des gens que je connaissais, ce qui m'importait davantage étant donné qu'il s'agissait de ma première exposition publique. Damon, Alexa et ses belles jambes étaient venus ; tout comme Nevaeh. Les voir ici m'avait réellement fait chaud au coeur ; à moi, la petite New-Yorkaise un peu perdue à SF. Sur le coup des 23 heures, Maël ma raccompagna chez moi, comme il me l'avait précédemment proposé. « J’ai l’impression d’être revenu à New-York tout à coup ». Je ne pu retenir un léger rire, amusée par cette réflexion. Il était vrai que j'avais fait mon possible pour disposer les meubles de manière à me sentir réellement comme à la maison, même si faire tout autrement aurait été préférable pour éloigner les souvenirs et soulager mon petit cœur. Mais j'y étais attachée mine de rien... Quitte à avoir une pointe de tristesse dans son quotidien. « J'avais besoin de garder mes repères. Et puis me dire que Juliet ou Val peuvent passer le pas de la porte d'un moment à l'autre avec des plats chinois et des films me fait du bien par moment ! » - lançais-je avec un léger sourire, en retirant ma veste. Elles avaient fait ça à plusieurs reprises après ma rupture avec Maël, et aujourd'hui leur présence me manquait plus que de raison. Mais les chassant bien vite de mon esprit, je me tournais vers Maël. « Je t'offre quelque chose à boire ? Je vais avoir du mal à faire mieux que le champagne de la réception, mais bon... » Je me dirigeais vers mon petit coin cuisine, ouvert sur la pièce principale de mon appartement, allumant au passage des petits spots au-dessus de ce qui ressemblait à un comptoir. Le bruit de mes talons claquant sur le parquet eurent raison de moi (plus exactement de ma petite tête fatiguée), si bien que je m'empressais de les retirer, perdant quelques centimètres au passage.
[Te sens surtout pas obligée de me suivre dans la longueur, je me suis un brin emballée sans m'en rendre compte.]
Emma avait toujours été assez douée en déco. Enfin, ça n’était pas tellement étonnant, vu qu’elle était pas mal artistique. Mais Emma était comme ça, elle aimait avoir son petit chez soit qui lui ressemble, et effectivement, il lui ressemblait. C’était accueillant et on pouvait vraiment voir qu’elle avait juste une passion pour la peinture. Je me demandais si sa mère était déjà venue la voir à NY lorsqu’elle l’avait quittée pour voler de ses propres ailes. C’était certains que si elle était venue la voir, elle aurait tout de suite changé d’avis quant à l’orientation professionnelle de sa fille. Je n’avais jamais compris comme une mère pouvait avoir tant délaissée sa fille comme elle l’avait fait avec Emma. Surtout pour ensuite, venir la harceler pour que celle-ci revienne, comme si son départ l’avait réveillée. Enfin, sa fille aimait ce qu’elle faisait, c’était évident, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Ce qui comptait, c’était qu’elle soit heureuse non ? Si elle pouvait voir sa fille parler de tous ses peintres et autres choses, elle comprendrait tout de suite. Mais bon, je ne m’étais jamais mêler de leur relation, à part une fois où j’avais dit à sa mère ce que je pensais. Voir Emma en pleure à chacune de leur conversation, ça n’était pas top.
« J'avais besoin de garder mes repères. Et puis me dire que Juliet ou Val peuvent passer le pas de la porte d'un moment à l'autre avec des plats chinois et des films me fait du bien par moment ! », dit-elle d’un air nostalgique en ôtant son manteau à son tour. Je tournais dans le salon, regardant les étagères sur lesquelles il y avait quelques photos des deux jeunes femmes en question. Juliet et Val…qu’est-ce qu’elles nous en avaient fait voir ses deux là ! Heureusement que je n’étais pas le seul garçon de « la bande » à ce moment là, au milieu de ses trois filles. Si Stephen n’avait pas été là, je serais devenu dingue avec ses trois là. Mais tout ça, c’était avant. Quand nous étions à New-York, quand nous étions…un couple. Depuis que nous avions rompus, depuis que j’avais rompus, plus rien n’était pareil. C’était dommage…nous avions eu tellement de bons moment tous les cinq. « Je t'offre quelque chose à boire ? Je vais avoir du mal à faire mieux que le champagne de la réception, mais bon... », je me tourna vers elle en plaçant mes mains dans mes poches tout en haussant les épaules, « Un verre d’eau, ça m’ira merci… ». Je lui souris et me tourna de nouveau vers une photo sur laquelle 5 personnes se tenaient assis sur une plage, le sourire aux lèvres. De gauche à droite, on pouvait voir Val’, Steph’, moi, Ju’ et Emma. Un sourire se dessina sur mes lèvres.
FLASHBACK ;
« Donc, tu es musicien c’est ça ? », la question de la belle blonde me fit sourire. Cela faisait maintenant dix minutes que j’étais assis face à elle dans le salon de l’appartement d’Emma. Celle-ci était dans sa « kichinette » et je sentais sa tête passer de temps en temps l’ouverture de la porte pour jeter un coup d’œil en notre direction. « Val’, arrêtes de l’assommer de questions, c’est pas un entretien d’embauche ! Il a déjà été embauché… », déclara la brunette en rigolant alors qu’elle faisait marcher le micro-ondes. Val’ haussa les épaules en me souriant, « Bon, qu’est-ce qu’ils font les autres là ? », lança-t-elle à Emma en se levant pour la rejoindre dans la cuisine. Je me cambrais légèrement pour poser mes coudes sur mes genoux, laissant poser ma tête dessus. Pas un entretien d’embauche…non, j’allais juste rencontrer ses amis, c’était pas du tout important, au pire ils me détesteraient et elle finirait par me quitter parce qu’ils lui rabâcheraient que j’étais un pauvre mec. Non, je ne devais pas faire bonne impression, pas du tout ! J’entendais les deux jeunes filles rire dans la cuisine. Je me levais pour aller les rejoindre, plus en m’avançant, j’entendais la blondinette murmurer en rigolant ; « Dit donc il est plutôt pas mal ! ». « Pas touche Val’, j’te préviens, pas touche ! », annonça Emma en rigolant de plus belle. Quelqu’un toqua à la porte et j’entendais Emma me crier ; « Maël, tu vas ouvrir s’te plait ? ». Je soupirais, j’avais l’impression d’être un étranger au milieu d’une bande d’amis. Moi qui avait déjà du mal à me sociabilisé avec une seule personne, alors avec trois d’un coup… J’ouvrais la porte, derrière se tenait deux personnes, une grande brune et un grand blond, qui, auraient d’ailleurs fait un beau couple à mon avis. « Donc…Stephen et Juliet c’est ça ? », lançais-je en souriant. C’était…bizarre, enfin, ça n’était pas dans mon habitude d’entamer la conversation comme ça, mais j’essayais de faire un effort, pour Emma. Je ne voulais pas que ses amis me prennent pour un mec bizarre qui ne dit jamais rien. « C’est ça ! – lança Juliet en s’avançant vers moi pour me prendre dans ses bras ce qui me fit, encore plus bizarre. Elle se recula un peu en me lançant un immense sourire : est-ce que tous les amis d’Emma étaient comme elle ? Toujours souriants et dégageant cette bonne humeur accueillante et chaleureuse –et toi, tu dois être le fameux Maël ? ». Un sourire se dessina sur mon visage, elle essayait de me mettre à l’aise, je me demandais bien ce qu’Emma avait bien pu leur raconter sur moi… « Ah non…moi c’est juste Maël », lançais-je en souriant. Juliet me rendit mon sourire et s’avança dans l’appartement. Stephen s’avança vers moi en se contentant de me serrer la main, je le sentais un peu plus distant que son amie.
« Bon ! On a des taaaaaaaaas de questions à te poser mon p’tit ! », lança Juliet en embrassant Emma qui débarquait dans le salon avec les pizzas qu’elle venait de réchauffer. Ses amis s’asseyaient sur le grand canapé, me laissant le petit canapé une personne face à eux. J’avais vraiment, vraiment l’impression d’être un ado qui a la conversation avec le papa de la fille avant de l’emmener manger une glace un samedi soir. Je m’asseyais dans le petit canapé, je me sentais un peu…gêné. Emma elle ne faisait que passer et revenir, prenant les assiettes, couverts et autre en affirmant toutes les dix secondes à Juliet qu’elle n’avait pas besoin d’aide. « Alors…avec Emma…c’est sérieux ? », demanda tout à coup Stephen. Je relevais le regard vers lui, j’étais bizarrement nerveux. « Steph’… », soupira Emma en s’arrêtant face à nous, me lançant un petit sourire avant de retourner dans la cuisine. « Non…ce qu’on essaie de te dire Maël c’est que…Emma nous a beaucoup parler de toi, on ne voudrait pas qu’elle soit déçue tu vois… », continua Val’ en prenant un air un peu plus sérieux que tout à l’heure. Alors là…je ne le sentais pas du tout. Je sentais tous ses regards posés sur moi…je détestais ça. Je me levai d’un bond sans rien dire et je me dépêchais de me diriger vers la cuisine où Emma cherchait les serviettes de table. « Ça va pas ? », demanda-t-elle en se redressant. Je tournais en rond dans la petite pièce puis m’arrêtais devant elle, « Ils ne vont pas m’aimer Em’…chui trop différent… ». Elle posait ses mains sur sa taille en me souriant, cette situation avait l’air de l’amuser un peu. Elle posa les serviettes sur le plan de travail quand elle se rendit compte que j’étais sérieux. Elle s’approcha de moi et posa ses deux mains sur mes joues en me souriant de plus belle, « …on est différents…et pourtant je t’aime ». Je levais les yeux vers elle, mon cœur s’était arrêté de battre pendant deux secondes lorsque j’avais entendu ses deux mots. C’était la première fois qu’elle me disait qu’elle m’aimait. Je lui souris et posais mes mains sur les siennes, « ..moi aussi je t’aime », murmurais-je. C’était la première fois que je disais ça à une fille, la première fois qu’on me le disait aussi. Cette sensation était indescriptible.
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C’était pas croyable à quel point une simple photo pouvait faire raviver tant de souvenirs. Surtout d’être ici avec elle, j’avais vraiment l’impression d’être revenu à New-York, malgré la disposition des pièces qui n’étaient pas les même, ça y ressemblait tellement… Je pris la liberté de m’asseoir dans son canapé. Je passais ma main sur mon visage, il commençait à se faire tard, je n’allais pas rester trop longtemps, et puis elle voudrait sûrement vite aller dormir. Quoi que, la réussite de son expo avait du la rebooster. En tout cas, à chaque fois que j’étais descendu de la scène, j’avais l’impression de revivre et je ne tenais plus en place ce qui était, assez rare en fait. Je me demandais si elle avait encore des nouvelles de Ju’, Val et Steph’. Sûrement, ils étaient assez liés. Au départ, après notre rupture, j’avais continué à les voir, mais j’avais vite retiré ma révérence, surtout quand j’avais pris la décision de revenir à San Francisco. Je n’avais plus de vie à New-York, même si en fait, je n’avais pas de vie non plus à San Francisco. Je n’en avais nulle part d’ailleurs. Je voulais juste retrouver ma sœur ici, c’était ça le plus important lorsque j’avais quitté New-York. Ma sœur. Un drôle de silence s’était installé alors que la miss était toujours dans la cuisine. Je me redressais un peu, il fallait bien que je trouve quelque chose à dire. « Tu leur parles encore à Val’, Steph’ et Juliet ? », demandais-je en regardant en direction de la cuisine.
Mine de rien, exposer était quelque chose d'épuisant. Plus fatiguant que de peintre les toiles ! Et encore, je n'osais même pas imaginé l'état des personnes qui avaient été chargées du bon déroulement de la soirée. Entre les employés que j'avais vu s'affairer entre le bar et le service ; les responsables qui s'étaient assurés que tout se passait bien ; les visiteurs et invités qui avaient détaillés le moindre centimètre carré de mes toiles... Que de stresse ! J'étais probablement la mieux lotie ! Répondant à quelques questions par-ci, par-là, retrouvant mes amis un peu plus tard, devant prendre quelques photos... Un peu plus et j'aurais pu me prendre pour une véritable artiste, reconnue du grand publique. Mais non, je demeurais la petite Emma Katrina Davis, perdue en plein San Francisco avec pour seul compagnon son pinceau. Sympa, non ? Triste tableau... J'allais devoir chercher le point de fuite de ma vie, afin d'en réchapper. Mais pas ce soir, j'étais crevée. Retirant tout juste mes chaussures, j'avais l'impression que mes pauvres petits pieds me remerciaient d'avoir eu l'initiative de les délivrer de mes -certes superbes mais pas moins douloureux- escarpins. Ces derniers finirent dans un coin de l'entrée, alors que je proposais un verre à Maël. Ça n'aurait rien d'un service de luxe, mais avec moi, il en avait eu l'habitude.
FLASH BACK Je m'étais tellement appliquée pour que tout soit parfait. Me levant très tôt, j'avais traversé la moitié de la ville pour me rendre dans une petite épicerie fine afin de pouvoir acheter les quelques produits frais manquant à ma liste d'ingrédients. Des produits dont je pouvais être sûre de la qualité, des produits qu'on ne trouvait pas facilement ici, même en étant à New-York. Des produits exotiques pour les américains, tellement ordinaires en Europe... Bref, je n'avais pas été radine d'efforts et de bonne volonté. Puis je m'étais dépêchée de rentrer, mangeant un sandwich très rapidement sur le chemin du retour pour ne pas perdre de temps. Une après-midi chargée m'attendait, et mon pauvre petit four allait en baver ! J'ai cuisiné... J'ai lu et relu des recettes pour parvenir à un résultat que j'espérais superbe. Et là ? J'étais assise par terre contre la porte de mon placard, les genoux repliés contre ma poitrine, mes mains retenant ma tête... J'affichais une mine des plus déçues, j'avais les larmes au bord des yeux. C'est comme ça que Maël m'a trouvé, franchissant le pas de ma porte avec pour sa part un large sourire. J'aurais dû en faire de même ce soir ! L'accueillir dans une belle robe, soigneusement coiffée, prête à savourer cette soirée en sa compagnie pour fêter comme il se devait les 6 mois de notre couple. Ouais, j'aurais dû... Mais j'avais tout merdé ! « Emma ? - Je ne bougeai pas, presque honteuse de me présenter ainsi à lui. - Hey, ma puce ! Mais qu'est-ce que tu fais par terre...? - Je sentais une pointe d'inquiétude dans sa question. Ce que j'étais ridicule ! Se penchant vers moi, il passa ses mains sur mes épaules, et me força ensuite à relever la tête. - Je suis désolée... - Ce fut plus fort que moi, fatiguée et croulant sous le poids de la déception, je me mis à pleurer. - De quoi ? Pourquoi tu t'excuses ? - Je voulais... Je voulais bien faire, c'est nul... - tentais-je d'expliquer en montrant rapidement le plan de travail d'un signe de la main. Maël releva le regard, sans doute pour voir l'étendu des dégâts, et ne pu que sourire doucement, attendri par ma réaction. Il m'aida à me relever, me demandant dans un murmure de me calmer, puis il me serra dans ses bras avec tendresse. - Ce n'est pas grave... C'est rien... - Mais... - Chuuut ! Retire-moi ce tablier, va te changer ; je vais nous commander une pizza... - D'un revers de la main, il sécha mes larmes. Je me sentais tellement bête. Je lui avais promis ce repas, et je l'avais royalement loupé. Reculant doucement, je voulais encore m'excuser mais il m'en empêcha en se rapprochant rapidement, posant son index sur mes lèvres. - On ne discute pas Mademoiselle Davis... » Maël m'embrassa avec douceur mais néanmoins sensualité, avant de me laisser filer jusqu'à ma chambre. J'allais au moins essayer de me rattraper avec la tenue. Tsss ! FIN FLASH BACK
Un verre d'eau ? Il n'était pas difficile, et même plutôt arrangeant. Acquiesçant d'un signe de tête, je me dirigeai alors vers la cuisine, l'abandonnant dans mon salon et mes souvenirs. Ça me faisait bizarre de le voir ici, dans cet environnement qui m'était désormais totalement réservé depuis qu'il avait décidé de me quitter. Il n'y avait plus ses affaires qui trainait un peu partout, plus de petits mots griffonnés à la va vite avant qu'il aille faire son jogging dans Central Park, plus aucun signe de sa présence dans ma vie en soit. Et pourtant il l'était toujours, dans des souvenirs si simples qu'ils en étaient devenus marquants. M'emparant de verres, je déposais le tout sur un plateau avec une bouteille d'eau fraiche, ainsi que du jus de fruits. Mauvais avant d'aller se coucher. Mais aux vues de mon état de fatigue avancée, je ne craignais rien ! Heureusement d'ailleurs, sinon j'aurais eu du mal à garder mon calme, capable de casser un verre par maladresse et empressement. Maël tenta de lancer la conversation, me demandant si j'étais toujours en contact avec Val, Juliet et Steph'. Je bloquais instantanément les souvenirs à l'entrée de mes pensées, refusant de m'y plonger maintenant. Ça aurait été trop douloureux.
FLASH BACK Excitée comme une puce, j'avais allumé mon ordinateur à toute vitesse. Mon sac avait été expédié sur le fauteuil voisin, mon manteau reposait sur le dossier de ce dernier et mes baskets avaient volé à travers le salon. Regardant l'heure, je pouvais être fière de ma performance, j'étais à l'heure ! Et pas pour une stupide série télévisée ! Oh non ! Une fois calée dans mon canapé, je m'emparais du pc portable et double cliquais sur l'icône Skype. J'allais pouvoir papoter avec la bande, et j'avais hâte ! La connexion fut établie rapidement, me permettant d'entendre un « Hey ! » joyeux et spontané. « Ma puce ! Tu nous vois ? Tu nous entends ? - Oui, oui ! - Han ! T'es sublime ! C'est la webcam ou t'as pris des couleurs ? - Oh j'en sais trop rien ! Vous allez bien ? - Ça va super et toi, petite Californienne ? - Je ne pu m'empêcher de rire. Californienne ? La bonne blague ! J'étais bien loin de l'être encore. Le stresse New-yorkais avait dû me suivre jusqu'ici. Enfin j'adoptais doucement ce nouveau mode de vie, et il me plaisait. - Ça va... Vous me manquez. Toi aussi Ems, tu nous manques. Qu'est-ce que tu nous racontes de beau ? [/color]- Ils affichaient de grands sourires, serrés les uns contre les autres pour rentrer dans le champs de vision de leur caméra. - Oh rien de spécial... Les cours, le dessin... - Tu t'es fais des amis ? - Oui, oui, de superbes rencontres. Je suis sûr qu'ils vous plairaient ! - La dénommée Alexa, sur facebook, a l'air sympa ! - Elle est adorable ! - Et donc tu as revu...? - Ouais. -Un léger silence s'installa. Ils attendaient la suite, mais je n'avais pas envie d'en parler. Pourtant ils insistèrent, me contraignant à répondre si je souhaitais changer rapidement de sujet. - Bah égale à lui même. Avec une petite-amie en plus, c'est tout. - Oh ma belle... - Bon on change de sujet, je n'ai pas envie d'épiloguer sur sa vie sentimentale. - Ok, ok... » FIN FLASH BACK
Heureusement qu'ils avaient été là. Ma petite bande, mes chéris... Les amis sur qui j'étais sûre de pouvoir toujours compter. Sans eux, sans leur patience et leur blagues pourries, j'aurais peut-être touché le fond à l'heure qu'il était. Revenant avec mon plateau, je daignais lui répondre. « Oui. Sms, appels, mails, skype... Tout y passe. Je n'ai pas abandonné NY. » Les bras chargés, je m'avançais jusqu'à la table basse. Là, je servis Maël et lui tendis son verre ; pour ensuite m'occuper du miens. Je savais qu'il n'avait plus de nouvelles d'eux depuis... Mais je ne me risquais pas à lui en donner spontanément. Après tout, c'était peut-être comme le reste, il s'en fichait probablement. Il n'était pas revenu à San Francisco pour profiter du soleil. Il devait avoir tous les éléments de sa vie ici, ceux dont il ne pouvait pas se séparer indéfiniment. Les autres... quelle importance ? « Bon, ça t'a plu ce que tu as vu ce soir ? Ou pas ? En toute honnêteté... » Je ne voulais pas parler du groupe, surtout pas avec lui. Les souvenirs restaient au placard. Attrapant mon verre, je bu une longue gorgée de jus de fruit, comme pour me planquer derrière en attendant le verdict.
Ma question était stupide. Bien sur qu’elle devait avoir des nouvelles d’eux, ils étaient tellement soudés que ça m’avait intimidé la première fois que je les avais rencontrés. Enfin, surtout parce qu’ils étaient un peu comme elle et que j’étais différent, tellement plus renfermé. Mais ça n’était qu’une facette ! Pendant toute l’année que j’avais passé avec Emma, nous en avions eu des fous rires tous ensemble. J’avais réussis à m’intégrer et j’avais beaucoup, beaucoup de souvenirs avec eux. Elle pouvait penser ce qu’elle voulait, je ne m’en fichais pas, ils avaient comptés et s’ils voulaient me revoir, je n’aurais pas dit non. Malheureusement, j’étais déjà « out ». J’avais fait du mal à Emma, ils ne me le pardonneraient pas, j’en étais certains et je n’avais absolument pas envie de me faire jeter alors que j’aurais fait le premier pas. C’était bête, j’avais encore leur numéro, à tous et parfois j’avais envie de les appeler, mais c’était peine perdue, j’avais trop peur de ce qu’ils pourraient bien me dire. « Bon, ça t'a plu ce que tu as vu ce soir ? Ou pas ? En toute honnêteté...».
F L A S H B A C K ;
« C’est quand tu veux ! – lançais-je à Emma d’une voix calme et posée. Je venais de poser ma guitare sur son lit. Cela faisait deux heures qu’elle m’avait exilé dans sa chambre, me demandant de ne pas rester derrière elle à la regarder travailler. Em’, t’es encore vivante où tu t’es coupée une veine avec un pinceau ? ». Je la taquinais, mais elle me faisait toujours rire lorsqu’elle était stressée. Elle avait l’occasion d’exposer une toile à elle pur les portes ouvertes de la fac et elle avait tenue à exposer une nouvelle toile. Je me levais du lit, ce qui fit réagir la belle brune en entendant le craquement du plancher sous mes pieds. « Je vais bien ! lança t-elle. J’ai presque…presque fini…mais… », elle barbouillait, elle paniquait. Son tableau était certainement magnifique comme à chaque fois. Mais comme à chaque fois, elle voulait encore mieux faire. Elle m’avait interdit de sortir de la chambre tant qu’elle n’avait pas finie, mais je commençais à m’ennuyer et en plus de ça, je n’allais pas la laisser paniquer toute seule devant un tableau. « Maël, reprend ta guitare et t’arrêtes pas de jouer s’te plait ! ». J’ouvris la porte de la chambre sans l’écouter. Le salon était assez sombre, il commençait à se faire tard.
Une petite lampe éclairait un coin de la pièce où Emma avait placé son chevalet. Elle se tenait debout devant sa toile, une palette en main. Elle se tourna immédiatement vers moi en me fusillant du regard. « Maël Petterson, tu m’écoutes quand j’te parle ? J’ai pas fini ! », dit-elle en posant ses mains sur sa taille. « Ça fait des heures que t’es dessus…laisse moi voir ! », lançais-je en souriant tout en m’approchant d’elle. Elle s’avançait elle aussi vers moi avant de placer ses mains sur mes yeux pour ne pas que je puisse voir le tableau derrière elle. « Maël soit sympa…laisse moi…une petite heure ! ». Je lui souris et retira ses mains, les gardant les miennes. « T‘a pas besoin d’un avis ? » Elle soupira, me lâchant les mains en se dégageant de mon chemin pour le laisser voir son œuvre d’art. Le tableau était…magnifique. Il représentait un couple, sous un parapluie à Central Park. Je me tournais vers elle d’un air étonné, « Quoi ? Quoi ? – demanda t-elle d’un air paniqué – C’est pas beau ? Pas réaliste ? Les couleurs vont pas ensemble c’est ça ? Il manque quelque chose c’est sur mais j’arri…. », je la coupa en plaçant mon index sur ses lèvres. « C’est beau , comme toujours… ». Elle me sourit et enroula ses bras autour de mon cou, « Tu dis ça pour me faire plaisir ! Dis-moi franchement ! ». Je lui souris et me pencha vers elle pour l’embrasser la joue. « Tu sais ce que je préfère ? » murmurais-je à son oreille. Elle me fit non de la tête et je frottais le bout de mon nez contre le sien. Je me reculais ensuite et un large sourire se dessina sur son visage lorsqu’elle se rendit compte que j’avais de la peinture verte sur le nez. Elle passa son doigt sur celui-ci et comprit qu’elle avait de la peinture sur son nez. Elle plaqua son front contre le mien en me regardant dans les yeux. Même elle, elle avait l’odeur agréable de la peinture fraîche, j’adorais ça. « Dis-moi, en toute honnêteté… », murmura-t-elle. Je lui souris et déposa un baiser sur le coin de ses lèvres, « C’est magnifique ma chérie…magnifique ».
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Je bus une gorgée de mon verre d’eau, elle me faisait rire. Décidément, certaines choses ne changeront jamais. Emma était très douée, je n’avais jamais vu quelqu’un d’aussi habile avec un pinceau et un crayon et d’aussi passionnée aussi. Le seul problème, c’est que j’avais toujours eu l’impression qu’elle n’avait pas l’habitude qu’on lui dise, sa mère ne s’en préoccupait pas de toute manière, si elle s’était intéressée à sa fille, elle aurait sûrement été ravis du chemin qu’elle avait choisis de prendre. Je levais mon regard vers elle en lui souriant. « Bien sur que c’était bien ! Génial même… ». Je le pensais vraiment, avant je ne m’y connaissais rien du tout en art, mais avec toutes les expos où elle m’avait emmené et tous les cours qu’elle avait révisée encore et encore en un an, j’avais finis par apprécier ça. C’était une forme d’art comme une autre, une manière d’exprimer nos sentiments, notre vécue et parfois, je trouvais que c’était les œuvres les plus abstraites qui avaient le plus de signification. Beaucoup d’artistes étaient des gens solitaires, mal dans leur peau avec des idées plutôt noirs. Alors peut-être que c’était parce que j’étais solitaire avec des idées souvent noires que j’arrivais à comprendre ce que les gens ne comprenaient pas, en tournant autour et en maugréant « pffft ça ressemble à rien ! ». J’avais eu l’occasion de voir quelques nouveaux tableaux à l’expo d’Emma, mais je connaissais déjà la plupart exposés. Un silence s’était installé, je regardais un peu autour de moi histoire de ne pas rien faire en buvant quelques gorgées de mon verre que je finis par poser sur la table basse. «...les gens ont du le dire le même non ? Que t’était douée ? – je lui souris, bien sur qu’ils avaient du lui dire ça, c’était obligé. Depuis le temps que j’te l’répète… »
J'avais toujours eu besoin de savoir ce qu'il en pensait. L'avis de Maël comptait probablement plus que n'importe quel autre point de vue. On pouvait bien me critiquer, me dire que c'était d'une nullité rarissime, si le jeune homme aimait, je m'en sentais comme rassurée. Presque fière quelque part. Enfin jusqu'à présent j'avais fonctionné ainsi, durant une longue année -trop courte à mon goût. Est-ce que cela avait changé ? Est-ce que je me devais de changer, moi, personnellement ? Sûrement, puisque les choses n'étaient plus comme avant. Je devais me détacher de lui, penser autrement, chercher l'assurance et la force d'affronter le monde ailleurs qu'en cette relation. Ailleurs qu'en sa personne... Sinon j'allais étouffer... Comme ce qu'il restait de nous. Étouffer et mourir. Et bien évidemment, loin de moi l'envie de disparaître ! Pourtant, c'était plus fort que moi. Même si je faisais mon possible pour me convaincre que j'alimentais simplement la conversation pour éviter le malaise, je savais au plus profond de moi que je cherchais à me rassurer. Je l'avais toujours fait, dès lors que j'avais réussi à lui faire part de ce qui me plaisait le plus au monde : le dessin.
FLASH BACK Toquant trois coups rapides et francs sur sa porte, j'avais hâte qu'il m'ouvre. Je ne tenais pas en place... J'avais passé toute la nuit à me tourner et me retourner dans mon lit, avec l'impression que mon cœur allait sortir de ma poitrine. Un petit coup de stress, que j'étais bien incapable de maîtriser. Et pourquoi donc ? Pour une bêtise... Un truc insignifiant et idiot ! Simplement parce que j'étais tête en l'air et qu'il était grand temps que je m'achète un cerveau ! La veille, j'avais été dans ce même appartement. Pour la première fois qui plus est... Maël m'avait emmené chez lui, m'avait fait découvrir sa petite bulle en plein New York. Et il avait souhaité que je reste un moment, que je partage quelques plats chinois avec lui. J'avais accepté l'invitation avec grand plaisir, me retrouvant seule dans son salon lorsqu'il fut l'heure d'aller chercher les plats au petit restaurant qui faisait l'angle de la rue (Maël ne faisait pas venir un livreur pour si peu de distance visiblement... et il avait refusé que je sorte et l'accompagne tant le temps était couvert.). J'avais donc pu laisser ma curiosité s'exprimer sans la moindre gêne et jeter un coup d'œil à ses affaires. Puis m'installant dans le canapé, je m'étais emparé d'un bloc note qui trainait sur la table basse. Ce dernier devait être probablement destiné à la prise de notes de certains cours à en voir les quelques pages griffonnées. Je survolais l'écriture du regard, et tournais la feuille, entamant un rapide dessin. Je passais le temps, pensant pouvoir récupérer ce brouillon et l'enfouir dans mon sac à main, ni vu, ni connu. Mais perdue dans mes pensées, je ne le vis pas revenir et lorsque la porte s'ouvrit, prise de panique, j'avais tout refermé et déposé sur la table. Dessiner n'avait rien d'un crime, je le savais bien... Mais à vrai dire, j'avais toujours appréhender le jugement des autres sur ce que je faisais. Pour le coup, étant au commencement même d'une éventuelle histoire de couple avec Maël, je ne lui avais encore jamais montré quoique ce soit de cet art qui me définissait. Et cette esquisse était, avec un peu de recule, tellement personnelle. En quelques coups de crayons j'avais couché sur cette page blanche un couple s'enlaçant avec tendresse. Inutile de précisé qu'ils nous ressemblaient un peu... J'avais peut-être paniqué à cause de ça justement... Le reste de la soirée m'avait fait oublié cette feuille de papier, si bien que j'étais rentrée chez moi sans. Et ce n'est qu'une fois installée dans le bus, échangeant quelques messages avec celui que je venais de quitter, que j'avais réalisé. J'avais réellement espérer que l'envie de reprendre ses cours se ferait absente jusqu'à ce que j'ai récupéré ce maudit papier ! Voilà pourquoi j'étais devant cette porte, à me tordre nerveusement les doigts.
C'est avec un air tout endormi qu'il m'ouvrit, me laissant entrer tout en m'interrogeant sur les raisons de ma visite surprise. Je cherchais du regard le bloc note, mais ce dernier avait disparu. Il n'était plus sur la table ! Oh zut ! « Tiens, ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vu ! -lança-t-il en plaisantant. Je lui adressai en guise de réponse un regard amusé, puis reportai toute mon attention sur son salon. - Je te manquais, c'est ça ? - Non... -Il me fixa avec des yeux grands ouverts. Oup's ! Je me repris aussitôt, sans lui laisser le temps de répliquer. - Enfin si, bien sûr que si ! Mais... Hier soir, j'ai oublié un truc et... Euh... J'en ai besoin... - Un truc ? Et quel est ce truc ? - Bah un truc, tu vois ! - J'avais commencé à faire le tour du salon, sans avoir la moindre idée de ce que je pouvais bien inventer pour que ça soit plausible. Je sentais son regard posé sur moi et je me demandais s'il y croyait. Probablement pas aux vues de son sourire en coin. - Il y a plein de « trucs » ici, soit un peu plus précise et je pourrais t'aider à le trouver. - Oh mais il ne doit pas être loin, je vais le trouver toute seule, comme une grande... » Il haussa les épaules et me laissa alors tout le loisir de chercher, pendant que lui, allait se servir un verre de jus d'orange dans la cuisine. Du moins c'est ce qu'il m'avait dit. Lorsqu'il refit irruption dans le salon, il m'interpella, m'amenant à me retourner pour lui faire face. « Ça ne serait pas ça par hasard ? » Il tenait une feuille de papier, soigneusement pliée en deux. Si j'avais pu instantanément me décomposer sur place, je l'aurais fait ! Étais-je cuite ? Peut-être... Je feintais pourtant l'ignorance, histoire de tenter une mission sauvetage. « Du papier ? Non. - Pas n'importe quel papier. Je l'aime beaucoup celui-là... - Ah ouais ? » Je n'étais franchement pas à mon aise... Il me fixait, de ce regard troublant qui avait le don de me mettre dans un état indescriptible. Il allait me faire craquer s'il continuait comme ça. S'avançant jusqu'à moi, en me narguant avec la dite feuille, il attendait que je cède. « T'es sûre que ça n'est pas ça ? - … - Emma ? - Oui, bon, ok ! C'est ça ! » Je le fis rire... Pourtant, je me trouvais bien bête. Peut-être que j'étais ridicule d'ailleurs ! Peut-être qu'il riait pour ça ! Il me demanda alors pourquoi j'en avais tant besoin. Et surtout, pourquoi je le lui avait caché. Je n'avais rien eu à répondre, si bien qu'il me fallut quelques instants pour décrocher trois mots. « Ça va te paraître idiot mais... Ton avis compte beaucoup et... » Et rien du tout, puisqu'il m'intima le silence en me volant un baiser, du bout des lèvres... FIN FLASH BACK
Il avait aimé, affirmant d'ailleurs que l'exposition avait été, je cite : « géniale ». Je lui adressais un regard, comme pour lui montrer qu'il n'était pas obligé de trop en faire. L'exposition avait été réussie c'est vrai, mais il n'y avait pas de quoi sabrer le champagne ! Ça ferait simplement joli sur mon CV, sans plus. « M'ouais... La pression retombe, du coup je ne sais plus quoi penser. » Je haussai les épaules et bu une gorgée de mon verre, en tentant de faire le point afin d'avoir un réelle avis et donc retour sur mon propre travail. La voix de Maël me sortit à nouveau de mes rêveries. J'esquissai un sourire gêné. Oui, on m'avait complimenté... Mais tous ces mots ne me suffisaient pas. Je n'étais pas gourmandes de compliments, simplement sceptique et têtue. « Oui mais... Toi c'est différent... Enfin tout ces gens ne me connaissent pas et... Laisse tomber, je parle pour rien dire, comme d'habitude ! »