Pourquoi est-ce que j'étais partie ? Quelles motivations m'avaient poussé à le quitter ? Cette peur, ce besoin de me faire aimer à tout pris par lui et quand j'ai vu dans ses yeux, quand j'ai lu ce qu'il pensait de moi, je me trouvais si fade, si insipide que je n'ai pu m'empêcher de partir. Je suis la plus lâche, j'ai beau l'insulter, lui dire que s'en est un sur Facebook c'est moi qui ait fui. Je ne prenais pas mes médicaments, je passais mon temps à lui mentir mais quand je lui disais que je lui étais fidèle et qu'il était toute ma vie, je le pensais. C'était sincère. Aimer Sonic Thompson. Il aurait pu me redemander en mariage, que je lui aurais dit oui, il aurait pu me demander de sauter du haut d'une falaise que je l'aurai sans doute fait et lui dire que je comptais avorter, que je mourrais s'il lui arrivait quelque chose, je me confortais à penser qu'il ne ferait rien de stupide. En descendant de l'avion, je pris mon petit sac que je balançai dans un taxi quelconque avant de donner l'adresse de chez moi. J'avais peur. Deux jours dans un avion. A peine le pied posé chez moi, sur ma Terre natale que je dus repartir aussi sec parce que je savais au fond de moi que quelque chose de terrible allait se passer. Il m'a appelé à l'aide. « Je suis tout seul, tu n'es pas là. » Je me suis sentie si affreuse quand il m'a dit, je me suis sentie si petite, si faible que j'ai sauté dans un train en direction de Berlin pour reprendre le premier avion. L'argent comptait peu. Lui seul m'importait.
Une fois chez moi, je déboulai dans la maison, balançai mes affaires d'une telle force que le vase qui trônait sur la table s'explosa au sol et monta les marches quatre à quatre. Une fois dans la chambre, je vis le carnage qui y régnait des suites de la dispute d'hier et pris mes tiroirs pour les retourner un à un et chercher les clés. Le double de son appartement qu'il m'avait donnée dans je ne sais quelle crise de conscience. « Il aime encore Keenan, tu perds ton temps. » Toujours cette petite voix présente dans ma tête. Je ne suis pas seule. Fermes ta gueule. « Tu sais que j'ai raison. Il ne t'aime pas. Pourquoi te bats-tu ? » Pourquoi ? Pourquoi ? Mais je n'en sais rien bordel. Affolée, je finis par chopper les clés victorieuse et redescendis pour prendre la voiture qui m'avait attendu. Je dis au chauffeur d'appuyer sur le champignon, que je lui donnerai le double et regardai la nuit tomber sur San Francisco. Faite qu'il n'est rien. Faite qu'il n'est. Please, please mon dieu, aidez moi. Je savais en fait. Je pense que je savais qu'il allait mal et quand le taxi se stoppa en bas de son immeuble, je balançai l'argent au conducteur sans me soucier du nombre de billets que je lui donnai et sortis en courant. Please, please. « Tu perds ton temps. » Mais shut up, connasse !
Entrant en courant dans le hall de l'immeuble, j'appuyai comme une tarée sur l'ascenseur qui mettait trop de temps à venir alors je pris les escaliers. Please, please. Une fois en haut, je toquai comme une malade à sa porte. Pas de réponses. Alors, affolée, je pris les clés qui dans la précipitation tombait à terre. Je sentis mes membres trembler, ma respiration s'accélérer. Puis je réussis à insérer la clé dans cette maudite serrure et enfonçai presque la porte avant d'entrer et de sentir une odeur de mélange d'alcool et de tabac qui me donna la nausée mais je me contins. Il faisait un noir d'encre. Ma main tâtonna un moment contre le mur avant de chercher l'interrupteur. « Sonic... ? » Une fois la lumière enclenchée, je vis le capharnaüm qui régnait dans l'antre de mon mari. « Sonic... ? » J'avançai doucement avant de voir une chaise à terre et un corps reposé sur le côté. Mon dieu, je me précipitai en vitesse près de lui et me laissai lourdement tomber sur le sol. Mes genoux craquèrent et je me mordis la lèvre.
Quand je le tournai, les pleurs se mirent à ruisseler le long de ma joue quand j'aperçus l'aiguille. « Qu'est-ce que t'as fait... ? » Les larmes dévalèrent et je retirai l'aiguille avant de prendre son pouls. Faible, à peine audible. Toute affolée, je pris mon téléphone pour composer le numéro des urgences. Et en attente, je commençai à pratiquer le massage cardiaque.Il ne faut pas que son cœur s'arrête, il ne faut pas que son cœur s'arrête. Une fois féminine se fit entendre à l'autre bout du fil. « Envoyez une ambulance au... Mon mari fait une overdose. » La femme balbutia que l'ambulance serait là dans dix minutes. Dix minutes... C'est trop long. Je balançai le téléphone à côté de moi et continuai le massage. « Reste avec moi d'accord. Reste avec moi. T'as pas le droit de me faire ça. Tu m'as promis. Tu m'as promis que tu m'abandonnerais jamais. » D'un geste vif, j'ouvre sa chemise et je commence à appuyer. « Ça va aller, j'suis là oké, ça va aller. Ça va aller. J'suis là, j'suis là. » Pouvait-il m'entendre au moins ? Je n'en savais rien. Massage cardiaque, respiration artificielle. J'essuyai le filet de bave qui coulait le long de sa joue avant de lui faire du bouche à bouche. Je le sens partir. Je sens son pouls diminuer. Les larmes redoublent, un cri s'échappe de ma gorge. Mais qu'est-ce que fout cette putain d'ambulance à la con ? Je baisse la tête, continuant mon massage. « I NEEEEED SOME HELP PLEEEEEEEEEEEEEEASE ! » Je hurle, je continue. « AIDEEEEEEEEEZ MOI ! » Un, deux, trois, quatre... Bouche à bouche. Massage. Bouche à bouche. Son pouls se stoppe. « AIDEZ MOI ! » J'entends l'ambulance. « On est sauvés. Ils sont là, l'ambulance est là. Tu m'entends ? L'ambulance est là. »
Je ne m'arrête pas de lui parler. Je lui dis que je l'aime, que j'avorterai pas, que je resterai avec lui, que je suis là pour lui. « Il a fait ça pour lui, pas pour toi. » Mais ta gueule toi ! C'est pas le moment de ramener ta gueule. Schizophrénie à la con. Plus de pouls, absence de pouls. Je hurle. Un hurlement qui vient de là haut. Un ambulancier entre dans la pièce précipitamment, je sens quelqu'un qui me tire en arrière. Je les vois qui sortent le défibrilateur et qui dégage. Quelqu'un me maintient et j'essaie de me détacher en hurlant, en tremblant. Il a besoin de moi, Sonic a besoin. « Ramenez le moi s'il vous plait. Please, please. I love him. Please, please. I love him. » Je continue comme ça et je vois quelqu'un lever le pouce comme pour dire que le pouls est revenu. La personne me lâche et je retourne vers lui à quatre pattes, je caresse doucement ses cheveux avant de déposer un baiser. « I'm here. I'm here. Please, please. Comeback. I love you. Please please. I need you. Please please. »
Les ambulanciers me le prennent et je les suis dans un état second. Pendant que quelqu'un prend ma tension, je les vois qui l'intube alors je retire mon alliance, je prends la chaîne autour de mon cou et je la glisse dedans pour lui mettre autour du cou. Mes mains tremblent, mes pleurs deviennent sonores. « Vous lui avez sauvé la vie madame. » Non, non, je l'ai abandonné, je suis partie alors qu'il avait besoin de moi. Je suis partie bordel. JE SUIS QU'UN PUTAIN DE MONSTRE ! Je le mérite pas. Doucement, je prends sa main, je ne la lâche pas. Et ce n'est que quand il le descende que je le vois s'éloigner. Alors mes jambes se dérobent sous moi, que je m'éffondre à terre, le visage trempé de mes pleurs, la gorge sèche. Sans réfléchir, je compose le numéro et quand j'entends sa voix, mes larmes redoublent. « Allô Robbyn ? »