Un verre de champagne à la main, une belle et grande femme brune admire le coucher de soleil, en compagnie d'un homme d'âge mûr au balcon d'un grand hôtel. La nuit s'annonce belle et pleine de surprises ... Attendez ! On est pas à la bonne adresse là ? Ah autant pour moi ...
Donc reprenons. Je ne vais pas vous raconter ma vie en long en large et en travers parce que c'est barbant et que je déteste ça. Je vais vous raconter ce qu'il y a à savoir, ce qui m'a marqué, toutes les choses qui font que je suis comme ça à l'heure actuelle. Le reste vous le découvrirai par vous-même, du moins si nous sommes destinés à nous connaître.
Les premières années de ma vie ont été véritablement sans arrêt. Je n'existais que chez moi, auprès de ma mère mais surtout de mon père, qui a fait de moi l'enfant roi dans un royaume de cristal, si fragile et si précieux. Enfant unique dans un milieu aisé, j'ai toujours eu trop de tout, ce qui me donna un caractère parfois un peu capricieux. Je ne sortais que très peu à "l'extérieur", mon père en avait décidé ainsi et un précepteur était donc chargé de mon instruction. J'ai donc grandi dans la solitude la plus totale, à défaut d'avoir des amis avec qui jouer, j'avais une gouvernante que je faisais tourner en bourrique toute la journée. Et à force de m'exercer, j'ai développé au fil des années un don de manipulatrice avérée, ou alors j'en été doté depuis toujours, je ne sais pas. Toujours est-il que mon terrain de jeu s'étendait aussi loin que les murs de la maison bourgeoise de mes parents ; je me rendais compte que je passais à coté d'un tas de choses quand je voyais de ma fenêtre les gosses de mon age s'amuser et rire dehors, ils avaient l'air tellement plus heureux que moi ... Pendant des années je n'étais qu'une poupée, jamais sortie de son coffret, prisonnière de celui qui la possède. Moi j'étais la chose de mon père, et je le suis toujours un peu. Je ne peux pas lui en vouloir, il déborde de fierté pour moi depuis toujours.
Septembre 2005.J'ai décidé d'inverser la tendance à l'age de quatorze ans, réalisant que ma vie était d'un ennui mortel. J'étais désormais ado' et je voulais m'amuser à n'importe quel prix quitte à me faire mon précepteur et arranger les choses pour que l'on se fasse prendre. Réussissant mon coup à la perfection, je pris un aller simple pour les bancs d'un collège privé. Tout fut un peu chamboulé dans ma tête, pourtant j'avais eu ce que je voulais. On venait d'ouvrir la porte de ma cellule et je venais précisément d'en sortir. Je ne sais pas exactement comment mais au collège - puis plus tard au lycée - j'ai su me faire apprécier des bonnes personnes, allant jusqu'à devenir leur amie proche, à qui ils se confiaient. Je savais tout d'eux alors que j'en racontais le minimum, et sans que personne ne puissent soupçonner quoi que ce soit, je tirais les ficelles à ma guise : allez danse petite marionnette !
Avril 2006.« Écoute j'en ai plus qu'assez de ne pas avoir ma place entre vous deux ! Je m'en vais, et ta fille tant aimée je te la laisse ! » C'est sur cette note que ma mère quitta la maison familiale, j'avais quinze ans, j'étais une ado' un peu désaxée sur les bords et cela n'allait rien arranger, même si sincèrement ça ne m'a pas spécialement réduit en miette. On aurait du le prévoir ... surtout lui. Depuis ma naissance mon père n'accordait plus d'importance qu'à moi seule, délaissant totalement sa femme. Comprenant qu'elle était sans doute de trop elle avait préféré partir, retrouver sa liberté et surtout, retrouver l'amour. Mon père en fit de même, recommençant peu à peu à rencontrer d'autres femmes.
« Tu verras elle va en tomber à la renverse. C'est toi le plus beau mon p'tit papa. » Je lui disais toujours ça avant un rencard, le regardant ajuster une dernière fois sa cravate. C'était comme un rituel. Il me souriait, je faisais de même et il partait séduire.
Janvier 2007.« Ce soir ma chérie tu viens avec moi. » Il était tout fier, hyper souriant, genre c'est le plus beau jour de sa vie et moi bah, je comprends pas. Interloquée je le regarde :
« Mais qu'est-ce que tu racontes ? Moi j'ai prévu d'aller à un concert depuis une semaine ! » Pensant qu'il me faisait marcher, je retourne à mes activités.
« Chérie ce soir tu vas faire connaissance avec la nouvelle femme de ma vie, et j'ai besoin de savoir ce que tu penses d'elle avant de sauter le pas et d'envisager plus. Il y aura aussi son fils, fais-moi plaisir. » Donc, sans grande conviction je l'accompagna à son dîner, sachant que pour lui ça avait une grande importance. Je savais que ce qu'il y avait d'essentiel pour lui, serait que je m'entende avec cette femme. Je n'allais pas compliquer les choses, je tenais à son bonheur. Bref, je pris soin de paraitre comme la jeune fille bien sous tout rapport que je n'étais pas et tout se passa donc sans aucune fausse note. Mon père reçu ma "bénédiction" puisque tout ce qui sort de ma bouche est pour lui parole d'évangile. Bien sûr je compris vite comment les choses aller tourner et cela ne manqua pas de se produire : quelques temps plus tard, le mariage. A présent je faisais partie d'une famille recomposée, avec une belle-mère, un demi frère et tout le bordel. Ça ne m'enchantait pas des masses mais ce qui est sûr c'est que c'était quand même tout bénef' pour moi : mon père aller lâcher du leste, trop occupé avec sa nouvelle femme et moi j'aurai tout le temps pour m'amuser à mettre au point toutes mes petites combines.
Les mois qui suivirent.Et puis il est entré dans ma vie, et tout a été bouleversé. Il était celui que je n'attendais plus car j'avais fini par croire que j'avais en tête un idéal qui était du domaine de mes fantasmagories. Pourtant non je ne rêvais pas, il était moi transposé en homme. C'était effrayant et à la fois excitant au plus haut point. J'avais fini par croire que c'était un coup du destin, on devait se rencontrer. "Il" c'était Ahren, mon demi-frère ; et il ne tarda pas à devenir tellement plus.
« Devine à quoi je pense à cet instant précis. » Affalés tout les deux sur son lit, il me regardait dans les yeux, profondément, son sourire habituel au coin des lèvres.
« Rien de plus facile. Tu penses à comment tu vas t'y prendre pour faire sa fête à cette garce d'Ashley. J'attends de toi quelque chose de spectaculaire, je veux un anéantissement total. Je veux pouvoir lire la peur dans ses yeux. » Lui faisant un clin d’œil, j’arrachai la clope qu'il avait à la bouche pour en tirer une taffe.
« Baby pour qui tu me prends là ? C'est une évidence. » Il n'y avait rien de surprenant, je savais exactement ce qu'il avait en tête et inversement. On devint rapidement incollable sur l'autre, comprenant nos motivations respectives pour la perversion. Les sentiments des autres, leurs émotions, s'étaient pour nous un vaste terrain de jeu. On s'y amusait de bon cœur et quand on commençait à s'en lasser, on les détruisait de l'intérieur, littéralement. J'avais trouvé quelqu'un d'au moins aussi expérimenté que moi en la matière et rien ne pouvait me rendre plus heureuse.
Ma vie d'avant n'avait pas de sens, pas de but précis. Le vague à l'âme, je me perdais dans une monotonie sans fin. Aujourd'hui je l'ai, alors j'ai tout. Ahren il est à moi, il m'appartient et personne ne peut entraver ça. L'amour que l'on se porte n'a pas besoin de mots, ni même de preuves à charge contre la précarité des sentiments. A mille lieux d'une attirance purement physique, nous sommes liés par les mêmes chaines, celles de notre perversion commune mais aussi celles d'un amour véritable, celui qui ne s'explique pas, au-delà de tout et de tous. Beaucoup sont ceux qui ne comprendront jamais parce que ça les dépasse. Mais quand je suis avec lui, je me sens comme invulnérable, je sais qu'il ne m'arrivera jamais rien parce qu'il me protège de tout. Il est mon bouclier, ma protection contre le monde, contre tout ceux qui chercheraient à nous nuire. Avec lui seul je m'autorise à être tendre, à éprouver de la peine, à me dévoiler en clair. Il me chouchoute, prend soin de moi, m'apporte ma dose de bonheur et moi je lui rend bien.
Aujourd'hui.A dix-huit ans, presque dix-neuf, je quitta le lycée mon diplôme et la mention en poche. J'avais toujours été plutôt douée pour les études, cependant je n'avais pas l'intention de quitter San Francisco. Non, parce que rien ne m'attirait ailleurs. Je ne voulais pas d'une grande université puisque je ne savais même pas ce que je voulais réellement faire de ma vie. Une fois de plus sans grande conviction, j’optai pour la fac' de médecine plus pour mon père - qui est lui même chirurgien - que pour moi-même. Je verrai bien où cela me mènerait par la suite. Pour le reste je ne fais rien, rien de très concret. Je passe mon temps à profiter de ce dont j'ai été privé pendant tant d'années : ma liberté.