Quand j'était petit, quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard, j'avais toujours la même réponse : Président de la République. Après tout, c'est le métier idéal quand on veux être connu de tout le monde et qu'en plus on veut au passage s'en mettre plein les poches. Donc, c'était clair et net, jusqu'à mes huit ans, je ne me voyais qu'en Président de la République. Et au passage, je voulais prouver au monde entier que tous les allemands étaient pas comme Hitler, qu'on pouvait être super cool nous aussi quand on voulait. Donc voilà, c'était à peu près ça : je voulais être un Président super cool qui offrirait du chocolat à tous les habitants tous les dimanches. Sand déc', c'était la classe comme programme, non ?

Et puis j'ai grandi. Oui, tous les enfants grandissent. Enfin sauf Peter Pan mais lui il compte pas. Et là ça a été le foutoir total parce que j'ai réalisé que je voulais plus être Président de la République - trop de trucs importants et pas assez de moments pour jouer au foot - donc j'avais plus du tout d'idée. Et puis comme j'aimais pas vraiment travailler, je voulais un boulot plutôt tranquille. J'avais toujours eu des facilités sans rien faire à l'école en plus, donc je ne m'étais jamais vraiment préoccupé de savoir de quoi serait fait mon avenir. Ce qui énervait d'ailleurs considérablement mes parents, ma soeur et mes profs réunis. Mais bon, moi j'en avais strictement rien à foutre. Au pire, j'allais finir ramasseur de balles à l'Allianz Arena et ça m'irait très bien. Mais visiblement, mes parents avaient d'autres ambitions pour moi puisqu'ils m'ont emmené voir plusieurs conseillers d'orientation. Plus chiant, tu meurs. Et puis je savais toujours pas ce que je voulais faire de ma vie après ça. Visiblement, être connu et reconnu ne rentrait pas dans leurs critères de sélections.

Ce qu'il y avait de bien, ici, aux Etats-Unis, c'était que j'avais plus personne pour me faire chier avec ça. Tranquille le gars. Et puis il avait fallu que le lycée organise cette foutue journée d'orientation "pour nous aider à faire notre choix. Le seul point positif dans cette histoire, ça avait été les cours du jeudi en moins. Et les supers jolies filles qui avait débarqué dans le lycée. Parce que oui, les femmes mûres sont dix fois plus sexy que les autres, c'est prouvé. Et Denver faisait partie de celles-là. Denver, c'était l'avocate qui était venue nous présenter ce jour là. Et en plus d'avoir un métier qui rapporte, elle était tout simplement magnifique. Alors bon, j'avais discuté un peu plus longtemps avec elle qu'avec les autres, c'est vrai. Et puis, ça avait l'air plutôt cool le métier d'avocat en fin de compte. Un peu raillé de tout part mais bon, au moins on avait une certaine liberté d'expression et un temps de parole assez important - ça ça me plaisait plutôt bien. Du coup, comme la journée s'était terminée finalement trop vite à mon goût, on s'était donné rendez-vous dans un café de San Francisco pour approfondir le sujet.

Oui, un café ça fait tout de même plus classe qu'un bar pour un rendez-vous avec une avocate, surtout aussi jolie. Mais bon, c'était un rendez-vous strictement professionnel hein, n'allez surtout pas vous imaginez n'importe quoi. J'enfilais une chemise à carreaux rouges, ma préférée, et arrivais un peu en avance pour l'heure du rendez-vous. Oui, autant passer pour un type sérieux pour une fois. Quand Denver prit place en face de moi, je lui souris et levais la main pour appeler la main. Un chocolat chaud pour moi s'il vous plait. Oui, ça sera tout merci. Ces types étaient toujours collants au possible, je détestais ça. Denver était toujours aussi jolie, pas de doutes.

- Vous allez bien ?

Une question bateau mais bon, je suis un mec poli et bien élevé après tout, donc autant le montrer. On nous apporta nos consommations et j'enlevais mon écharpe. On crevait de chaud ici.

- Vous avez beaucoup de travail ces temps-ci ?

La jolie Denver arriva dans le café peu de temps après moi, le sourire aux lèvres. Elle était vraiment charmante et paraissait très intelligente. En même temps, je ne pouvais pas vraiment comparer avec les filles que je voyais tous les jours au lycée. Celles-là étaient juste insupportables à piaffer partout et à se repoudrer le nez dans les toilettes. On avait toujours l'impression qu'il venait de leur arriver un truc méga-over important alors que non, un mec les avait juste croisées dans le couloir en leur souriant. Sérieusement, les filles du lycée je pouvais pas les encadrer, c'était pour ça que j'avais toujours fréquenter des filles un peu plus âgée. Oh, pas beaucoup, juste un ou deux ans mais c'était suffisant pour qu'elles aient oublié toutes leurs manies d'adolescentes et appris à se comporter un peu plus décemment. En vraies femmes. Et parfois même, en vraies femmes fatales ... Denver commanda un cappuccino pendant que je prenais un chocolat chaud, je n'avais jamais aimé le café. La demoiselle s'installa et je lui demandais si elle avait beaucoup de boulot ces derniers temps.

« Oh oui, une tonne. C’est dire, j’ai travaillé comme une folle ce matin et tout ça dans le seul but d’avoir le temps de te voir. »

Je lui souris. J'étais plutôt fier qu'elle ait fait cet effort pour moi, alors que rien ne l'y obligeait. Après tout, elle n'était pas payé pour être ici avec moi, elle le faisait uniquement parce que ... Parce qu'elle me trouvait sympa quoi. En plus c'était vrai, j'étais un gars plutôt sympa dans mon genre quand je voulais. Quand je voulais pas, je savais être un peu plus casse-couille. Mais avec Denver, non, j'étais dans un bon jour. En même temps, avec une femme pareille, on pouvait être que dans un bon jour ... On nous apporta nos consommations et je commençais mon chocolat chaud.

« Tu sais comme j’ai vu que tu étais bien intéressé par le métier d’avocat, j’ai demandé à mon patron si je pouvais te prendre en stage avec moi. Comme ça tu verrais de tes propres yeux ce qu’il se passe vraiment. Enfin, si tu es d’accord bien entendu? »

Woh, elle devait vraiment bien m'aimer pour parler de moi à son patron. Du coup, moi j'étais carrément fier et je me redressais un peu plus sur ma chaise. Je savais pas trop encore si je voulais vraiment être avocat et faire du droit toute ma vie, mais après tout un stage ne coûtait rien. C'était quelques semaines pendant les vacances et basta. Et puis, cela pourrait me permettre, en même temps d'en apprendre un peu plus sur le métier d'avocat, de passer également un peu de temps avec Denver. C'était un super paquet cadeau quoi en gros ! Et puis comme ça, si je voulais me lancer dans le droit après, et bin j'avais des contacts. Non, franchement, ça serait le super bon plan et en plus, Evelyn serait super contente que je passe mon temps à faire autre chose que jouer au foot avec les copains. Je souris à Denver.

« Ah ouai, carrément, ce serait géniale ! »

Bon OK, ça ne faisait pas super professionnel comme réponse, mais n'empêche, c'était super cool ! Je me voyais déjà, costard-cravate - oui, j'adore les costumes, j'en mets dès que l'occasion se présente - dans un bureau, avec une petite étiquette avec mon nom et tout et tout. Maximillian Zimmer, ouai mon gars. Ca c'était la classe ! Même si je doutais quand même qu'on me donne un bureau le temps d'un stage, ça faisait toujours du bien de rêver non ? Mais la cerise sur le gâteau, c'était quand même que j'allais faire ce stage avec Denver, la jolie Denver. J'allais pouvoir la suivre toute la journée et en apprendre à un peu plus sur elle. D'où venait-elle ? Quel était son plat préféré (information essentielle) ? Avait-elle un homme dans sa vie (encore plus essentielle) ? Je la regardais en souriant et en buvant une gorgée de mon chocolat chaud.

« Et du coup, je serais avec toi toute la journée ? »

C'était pas une question super utile mais bon, je préferais être sûr. Je pouvais très bien me retrouver sur les talons d'un autre avocat après tout. C'était pas très grave, mais bon un vieux pervers dégoûtant merci bien, j'avais pas envie de virer gay. J'avais rien contre les gays hein, n'allez rien interpréter. Bref, un stage dans un cabinet d'avocat c'est bien. Avec Denver c'est mieux.

« Et je pourrais faire des trucs pour t'aider ? »

HJ : Désolé, c'est pas terrible pour le coup -__-'

Je savais indirectement que ma proposition allait faire plaisir à Maximillian. S’il souhaitait être avocat, c’était le rêve pour lui de venir faire un stage avec moi. Moi, je n’avais pas eu cette chance puisque je ne connaissais personne de ce milieu quand j’étais encore qu’au lycée. Hors, je sais que j’en avais eu très envie. C’était donc une forme de faire plaisir à quelqu’un sur une chose que je n’avais jamais eu l’occasion de faire. Et vu la réaction qu’il avait eu lorsque je lui annonçais la nouvelle, je n’avais pas eu tort. Sa réaction m’arracha tout de même un petit sourire. Il avait l’air enthousiaste, c’était sympathique. Puis, je savais que je n’allais pas m’ennuyer avec lui, il avait de la tchatche et il pourrait m’aider dans diverses tâches. C’est toujours enrichissant les stages, ça nous aide surtout à choisir la bonne voie. Moi, j’avais eu de la chance : sans stage, j’avais tout de même trouvé la profession de mes rêves. Et j’en étais très fière.

Alors que je buvais une nouvelle gorgée de mon cappuccino, Maximillian me demanda s’il serait avec moi toute la journée. Je posais ma tasse sur la table, échappant un léger rire. Il n’y avait que ça qui le préoccupait? Soit il ne voulait absolument pas me voir de la journée et je pouvais en conclure qu’il ne m’aimait pas trop. En plus, comment je pouvais le lui reprocher? Je ne suis pas une fille sociable et c’est dur pour moi d’esquisser un sourire. En revanche ce jeune homme, il avait réussi à m’en décrocher des sourires pour l’instant. L’autre option est qu’il m’aimait bien et qu’il souhaitait être en ma compagnie toute la journée. Je n’avais plus qu’à demander :

« A priori, oui. Sauf si tu ne le souhaites pas, j’irai trouver un collègue qui puisse t’accueillir. »

J’haussais doucement les épaules. Des noms me venaient déjà dans la tête : il y avait Kahina, ou encore d’autres jeunes avocats tout frais qui feraient l’affaire. Mais je me demandais vraiment si Maximillian irait voir ailleurs. J’avais le pressentiment que non, mais il valait mieux demander au cas-où. Par la suite, il me demanda s’il pourrait faire des trucs pour m’aider. Bon, ça confirmait un peu ce que je disais précédemment. Je passais une main légère dans mes cheveux, puis je lui répondais, l’air légèrement ironique :

« A part si tu veux m’observer sans rien faire pendant toute la journée, oui. J’essayerai de t’amener à un ou deux cas au tribunal. Et puis tu pourras m’aider à archiver des dossiers ou à recevoir des clients… Ce genre de choses quoi. »

En gros, tout ce qu’on fait dans un stage. Moi je le voyais de cette façon, parce que je savais bien que dans certains stages le but principal du stagiaire était de faire du café pour son tuteur. Moi, je n’y voyais absolument rien d’enrichissant là-dedans à part se muscler à force des allers-retours.

« Estime-toi chanceux, tu seras le premier stagiaire à entrer dans mon bureau et à me suivre. J’espère juste que ça te plaira. »