Je n'aimais pas ça du tout. Un rapide coup d'oeil sur facebook avait suffit, une fois de plus, à me mettre la puce à l'oreille concernant un... ami qui avait besoin d'aide. Je connaissais suffisamment Yuri pour savoir qu'il ne valait en tout cas pas mieux de le laisser tout seul comme il me l'avait demandé, et puis de toute manière, depuis quand je faisais ce qu'on me demandait?

Dès que possible, je suis sorti de chez Jordane pour tracer jusqu'à mon autre appart où le jeune homme était censé déménager, mais comme par hasard, il n'y avait personne. Et merde... bon, j'imagine qu'il était "chez lui". Heureusement que je savait où c'était... ouais... heureusement que je l'avais aidé à faire les cartons tout à l'heure, parce que sinon c'aurait été la galère.

C'est donc dix minutes plus tard seulement que je me suis arrêté devant le bon bâtiment. La lumière qu'on voyait depuis la rue indiquait qu'il y avait quelqu'un à l'intérieur, et je filais donc dans l'immeuble pour prendre l'ascenseur. Une fois devant la porte, un soupir m'échappa et je fermais les yeux pour me calmer tout en toquant.

Yu', c'est moi!

Réponds... allez, réponds, merde! Un grognement m'échappa et je fronçais les sourcils avant d'ouvrir la porte qui n'était pas fermée. Mon regard balaya rapidement la pièce quasiment vide avant de passer dans celle d'à côté pour y retrouver Yuri assit entre deux cartons, un canif à la main et le téléphone près de lui. Je n'aimais pas trop l'expression sur son visage, ni la couleur livide de ce dernier...

Qu'est-ce que tu fous?!

Mes grands yeux verts le détaillèrent immédiatement et je m'approchais de lui pour m'accroupir à sa hauteur. Je ne veux même pas savoir ce qu'il avait en tête en ce moment, mais c'était trop évident qu'il ne pensait en tout cas pas à ce qu'il allait manger demain matin. Un éclair d'inquiétude passa sur mon visage.

...

« Bah ça se voit non ?… Je regarde le contenue de mes boîtes avant de les transporter ! Toi qu’est-ce que tu fou ? T’es venu mater mes photos de bébé toi aussi ? »

Et il voulait me faire croire ça dans quelle langue? Je me mis à soupirer profondément avant de finalement lâcher Yuri du regard pour me concentrer sur la boîte qu'il venait d'ouvrir.

Et tu as choisis de faire ça maintenant? Y'a une demi-heure, t'étais en train de déprimer dans ton coin.

Ouais, bref. Je ne fis pas d'autre commentaire et plongeais un bras dans la boîte pour en sortir un petit album photo que je parcourus en vitesse avant que Blythe me demande si je pouvais l'aider à descendre un carton dans sa voiture. Je n'arrivais pas à deviner ce qui se passait dans sa tête, et c'est peut-être ça qui m'embêtait le plus, alors c'est prudemment que je me contentais d'acquiescer et de me lever pour prendre l'une de boîtes. Avant de sortir de la pièce, néanmoins, je me suis retourné face au jeune homme en tendant un bras dans sa direction et en ouvrant la main devant celle avec laquelle il tenait son petit couteau.

Si je n'avais pas vu la voiture de Yu' parquée de travers, j'aurais peut-être pu croire qu'il s'était vraiment calmé depuis tout à l'heure, mais là... non. Non, c'était pas normal. Rien de toute cette situation n'était normal, et moi, je ne devais même pas être sorti ce ce putain d'appartement! Après avoir lâché la boîte sur place, je tournais sur mes talons pour faire marche arrière en courant et ne pris pas la peine d'attendre l'ascenseur. Je me sentais vraiment bête d'avoir été stupide au point de ne pas réagir plus vite, et encore plus lorsque je suis suis entré dans le logement.

C'était juste là devant moi, au bout du petit couloir... il était par terre et je n'avais que très rarement vu autant de sang d'un coup. Dans l'immédiat, cela me ramena violemment quinze ans plus tôt, avant que je rencontre Sonic. J'avais trouvé ma "grand soeur" au milieu de la rue un jour... et elle s'était bien fait tabasser, au point qu'on ne pouvait la reconnaître qu'approximativement. C'était l'une des seules fois où j'ai vraiment eu mal en voyant un cadavre encore chaud. Un peu comme ce soir. Sur le coup de l'émotion, je sentis mes jambes lâcher et il fallut que je m'accroche à l'objet le plus proche pour ne pas tomber au sol. Je ne sais pas trop comment j'ai réussi à me retrouver à côté de lui un instant plus tard, par contre, mais j'ai réussi et c'est peut-être le principal. Devant ce corps inerte, je ne sus pas exactement comment réagir, mais ma première réaction fut quand même de plaquer une main devant ma bouche en sortant mon téléphone portable pour appeler une ambulance. Une fois qu'on m'eut donné la confirmation qu'ils envoyaient un véhicule, je lâchais mon portable et tombais littéralement à genoux devant Yuri sans pouvoir prononcer le moindre mot. La culpabilité me rongeait déjà jusqu'à l'os, et le pire dans tout ça, c'était de se dire que j'avais trouvé Andrew presque dans le même état, quelques mois plus tôt. Ce fut un peu trop pour moi, émotionnellement parlant, et je me mis finalement à pleurer en baissant la tête, sans faire attention au sang qui s’imprégnait sur mon jeans jusqu'à ce que les secours arrivent. J'avais quand même eu le réflexe de boucher les coupures avec des bouts de t-shirt du mieux que je pouvais. Bon sang... c'était un vrai cauchemar... j'avais vraiment mal au cœur. Il fallait que tout cela s'arrête!