Il devait être environ 21 heures lorsqu'un fracas se fit entendre à la porte d'entrée de chez Levannah et Eno, et ce n'était rien d'autre que moi qui tambourinait pour qu'on vienne m'ouvrir, sac sur l'épaule. J'avais la tête qui tournait et l'impression que mon monde venait de s'écrouler pour de bon. Une seule chose était sûre, je ne pouvais pas rester à la maison ce soir, alors j'avais décampé au plus vite après avoir apprit que ma soeur se prostituait en lisant ses sms.

Dès que la porte s'ouvrit et que j'aperçus le visage d'Enora, mon corps réagit plus vite que ma pensée, si bien que j'eus un mouvement vers l'avant et la prit contre moi. Non, le terme correct serait que je me suis presque effondré sur elle en passant mes bras derrière ses épaules pour me tenir à quelque chose.

Je me laissai trainer dans l'appartement et restai debout dans le couloir lorsqu'Enora me lâcha, à respirer difficilement. Je finis par me baisser pour prendre le chat dans mes bras et me remettre face à la blondinette sans arriver à prononcer le moindre mot. Ma bouche s'ouvrait, mais aucun son n'en sortait, et cela dura pendant de longues secondes.

▬ Ma soeur se prostitue... ma soeur se prostitue... je sais même pas depuis combien de temps elle fait ça. Tu te rends compte de ce que ça veut dire?!

Je me sentis partir sur le côté et reculai une jambe pour me stabiliser. je sais même pas comment j'étais parvenu à venir jusqu'ici à pied.

Je ne saisis pas trop ce qui se passait jusqu'à ce que je me retrouve sur le canapé et que je sente la main d'Enora sur mon épaule. Heureusement qu'elle était calme, ça m'aidait à retrouver un peu mes esprits.

▬ Tout le fric qui servait à payer l'appartement, ça vient de ça! Si elle a réussi à nous entretenir tous les deux, c'est parce qu'elle se vendait...

Je me pris la tête entre les mains et fermait les yeux en soupirant.

▬ Putain! J'ai trop honte, j'aurais du le remarquer avant... j'aurais pu faire quelque chose pour le manque d'argent, je peux pas retourner dans cet appartement.

Ce fut difficile de lever le regard sur Enora, mais j'étais tellement content d'avoir quelqu'un comme elle à portée. Je pouvais lui parler, et elle m'écoutait sans rien attendre de moi en retour. Son seul défaut était de sombrer dans la dépendance, à mes yeux, ou peut-être d'être un peu trop inoffensive.

Ne pas culpabiliser, hein? C'était plus facile à dire qu'à faire, parce que j'étais en train de prendre conscience du poids que je représentais pour ma sœur. Je ne pouvais plus me permettre d'accepter ses sacrifices. Ma tête se posa donc sur l'épaule de la blondinette et je relevais une main pour défaire ses cheveux attachés afin de pouvoir jouer avec du bout des doigts. Au bout d'une minute environ, ma respiration s'était calmée et mon esprit était redevenu à peu près clair, merci Enora. S'il n'y avait eu personne, j'aurais cassé un objet ou alors mon bras, ou une jambe, pour évacuer ce que je n'arrivais pas à exprimer.

▬ Ça dérange pas si je reste ce soir? Je dormirai sur le canapé pour pas vous embêter.

Je répondis à Enora par un faible sourire lorsqu'elle me dit que je pouvais rester, et ne réagis même pas lorsqu'elle décida que je dormirai avec elle. Dans ce genre de situations, je n'étais pas d'humeur à plaisanter. Ce qui se passait était grave à mes yeux, et je n'avais pas envie de donner l'impression que je pouvais zapper mon souci de conscience en un claquement de doigt, puis-ce que ce n'était pas le cas. Durant le reste de la soirée, nous regardâmes donc la télévision, assit l'un à côté de l'autre, avec le chat sur les genoux et le chien par-terre. Je n'avais pas envie d'approfondir le sujet "ma soeur" ce soir, ça me faisait trop mal... et en plus, je suis certain qu'elle vivait très mal mon départ intempestif, ce qui faisait empirer le tout.

Il devait être dans les alentours de 23 heures quand je suis parti dans la chambre d'Enora pour me changer et me brosser les dents avant de m'asseoir sur le lit. Pas de messages de la part de ma soeur, mais tout plein de sms de... levannah? Hein? Elle communiquait avec Khis? Ho et puis merde, j'en avais rien à foutre ce soir. Lorsque la blondinette arriva à son tour, j'ouvris un bras dans sa direction pour l'inviter à venir contre moi.

"Ouh je suis affreuse sans maquillage."

J'esquissai un sourire en hochant la tête pour lui confirmer ce qu'elle me disait alors que je ne le pensais absolument pas. Enora se maquillait peu à la base, et je dois dire qu'il n'y avait pas une grande différence entre maintenant et lorsqu'elle tirait un coup de crayon sous ses yeux. Enfin bon, j'imagine qu'elle avait comprit que je plaisantais sinon j'allais me faire frapper. Lorsque la jeune femme fut près de moi, je fermai les yeux. Et bénissons dieu pour m'avoir poussé à faire ça avant que la blondinette me pose sa question suivante qui m'a donné un haut le cœur presque immédiatement.

"Ton dos, ça va mieux ?"

Oui.

J'essayai de ne pas précipiter ma réponse pour que ça paraisse naturel. Rien que de repenser à ce qui s'est passé l'autre soir me donnait envie de vomir.

C'est passé assez rapidement... et toi, ça va?

J'ouvris les paupières et plantait mes pupilles sur mon interlocutrice, mon regard la suppliant presque de me répondre correctement pour qu'on puisse parler d'autre chose que de moi-même. Je savais qu'Enora n'était pas du genre à raconter sa vie, cependant... elle avait des oreilles mais pas vraiment de bouche.

{ Il aime bien exagérer, hu. J'ai trop écris

Bien que j'aie posé la question à Enora concernant son état, je ne savais pas quoi lui répondre lorsqu'elle m'annonça qu'elle s'inquiétait pour certaines personnes. Toujours portée vers les autres, cette fille, hein? J'étais vraiment un egocentrique, narcissique et égoiste à côté d'elle, mais je ne m'en étais jamais plaint non plus car ma volonté à ne pas me faire des amis faisait que je n'avais de toute manière pas beaucoup de gens pour qui me préoccuper. De plus, j'avais tendance à jalouser l'univers tout entier, ce qui me poussait à me mettre en colère contre n'importe qui ou n'importe quoi. "pourquoi tant de haine?" Cette phrase d'Enora me tournait dans la tête à chaque fois que je sentais mon sang s'échauffer.

▬ Faut que tu accepte le fait que tu peux pas aider tout le monde. Y'a des forces supérieures qui nous empêchent de le faire, même quand on en a envie...

Je fermai à nouveau les yeux tout en jouant avec les mèches de cheveux de la jeune femme, ce qui commençait à devenir une sale habitude chez moi. Bref... demain, Imogen allait annoncer à tout le monde que ses jours étaient comptés. Elle voulait vivre, et en contraste avec ça, Nora voulait mourir d'ici moins de dix ans. Même si je ne donnais pas mon avis, je n'avais envie de voir partir ni l'une ni l'autre.

"Dis j'ai le droit de t'embrasser ?"

J'ouvris les paupières et posait mon regard sur elle pour l'observer un instant, sans expression particulière sur le visage.

▬ Oui.

J'attendis qu'elle s'exécute, puis remontais une main derrière sa tête pour la retenir dans cette nouvelle position quelques secondes avant de lâcher prise pour me retourner et lui montrer le dos. Je n'aimais pas le fait d'aimer ce qui venait de se passer. Pas du tout, pas dans des circonstances pareilles.

▬ Bonne nuit.

Mon téléphone se mit à vibrer par terre dix minutes plus tard, ce qui me poussa à sortir de mon engouement pour regarder qui me contactait à une heure pareille. Imogen...

Citation :

Salut!
J'espère que je te réveille pas. Si oui, désolé...mais j'aurai besoin de ton aide.
Comment j'annonce à quelqu'un que je vais mourir?
J'ai l'intention de le dire à mes meilleurs amis demain

Ah ouais. Carrément. Je dus me forcer à retenir un soupir avant de répondre calmement au texto. Je n'aimais pas la mort, mais elle, elle m'aimait bien. Tellement que j'étais capable de voir ce qu'on appelle communément des "fantômes". Si j'avais pu éviter d'avoir des amis qui flirtaient avec la faucheuse, ça n'aurait pas été de refus.... je voulais juste une vie normale, moi! Et c'était trop demander, malheureusement.

Après avoir reposé le téléphone, je finis par me tourner vers Enora en hésitant sur ce que je devais lui dire ou non au sujet d'Imogen.

▬ Il va y avoir des changements d'ici demain, mais il faut pas que tu t'inquiète... c'est juste les aléas de la vie. Tout ce qu'on pourra faire pour rendre la situation moins pénible, c'est de rester nous-mêmes.

Je gardai le silence quelques instants en pesant mes mots. C'était très délicat comme sujet... et comment donner une réponse satisfaisante sans pour autant trop en dire?

▬ Quelqu'un est en danger, mais on peut rien faire.

Je restai couché sur le dos à fixer le plafond en fronçant un peu les sourcils, le visage fermé.

▬ Je n'aime pas la mort. Elle est encore plus vicieuse et injuste que moi.

Un temps. Le visage d'Enora s'était penché au-dessus du mien, plein de curiosité, et après de longues secondes de contact visuel, je finis par me redresser sur un coude pour passer mes lèvres au niveau de son oreille gauche pour y murmurer le prénom de son amie, comme s'il y avait quelqu'un d'autre dans la chambre qui pouvait nous entendre. Puis, je repris un peu de distance pour le fixer dans les yeux avec une neutralité presque déplacée dans une situation pareille.

Je ne fus pas très satisfait de la voir dans cet état, mais j'avais appréhendé sa réaction. Il ne me fallut pas longtemps pour me redresser et m'asseoir à côté d'Enora sans la quitter des yeux. Je pense que c'était mieux qu'elle apprenne la vérité avant tout le monde, histoire de pouvoir digérer l'information, et c'était bien qu'il y ait quelqu'un avec elle dans un moment pareil.

▬ J'ai fais des recherches... et il existe des traitements pour sa maladie, mais c'est hors de prix.

[ oh t'as mis ma réplique dans ta signature *.* ]

- Si tout le monde se cotisait pour donner du fric ça ne marcherait pas ?

Plus facile à dire qu'à faire... aux dernières nouvelles, il n'y avait pas de potes friqués dans le coin, si? Et même si ça prenait toute une vie pour rembourser, c'était toujours mieux que de mourir, non? Je me contentai de retenir un soupir, puis lançai un regard à Enora avec lassitude. J'étais au courant depuis plusieurs années, pour Imogen, donc l'impact n'était pas le même sur moi... mais je n'aimais pas voir cette fille tourmentée. Elle était bête, même si je l'étais plus. Que faire pour lui changer les idées?

▬ Tu veux fumer? J'ai un truc qui devrait nous calmer assez rapidement.

Je baissai les yeux sur mon bras où Enora avait posé sa main, puis me levai ensuite pour aller chercher une petite boite en métal dans ma veste. Après être passé ouvrir la fenêtre, je revins m'asseoir sur le lit et ouvris l'objet pour en sortir un joint déjà prêt pour le donner à la jeune femme et l'allumer moi-même une fois qu'elle l'eu entre ses lèvres sans oublier de préciser que c'était assez fort. Se défoncer ce soir n'était peut-être pas une très bonne manière de régler nos soucis de conscience, mais c'en était une malgré tout... et, honnêtement, Enora avait un certain charme quand elle recrachait de la fumée. Une fois qu'elle me tendit le joint, j'en pris une ou deux bouffées seulement avant d'en ressentir l'effet et lâcher un soupir de bien-être.

▬ tu peux encore m'embrasser si tu veux

bon... voila...