Des éclats de voix, des bruits de casses, de cris. Bienvenue chez Lera-Ann, bordel ce n’était pas comme ça chez moi avant. Quoiqu’il était difficile d’affirmer que j’étais encore chez moi, pas depuis l’arrivée de l’autre énergumène. Je poussai un soupir en claquant violemment la porte derrière pour bien lui signifier que j’étais loin d’être ravie. Cette cohabitation durait depuis à peine une semaine et pourtant, il ne se passait un jour sans que l’on ne se prenne la tête, quelle idée avait nos familles de nous faire habiter ensemble ? Leur plan de nous faire finir nos jours dans la même maison, en tant que couple commençait à sérieusement me taper sur le système et je n’étais pas certaine de le supporter encore longtemps. Je m’engouffrai dans le premier taxi qui croisa ma route, sortant machinalement une cigarette avant d’appuyer ma tête contre la vitre du véhicule. « Vous n’avez pas le droit de fumer madame » lança le conducteur, m’extirpant ainsi de mes pensées. Je ne réagis pas immédiatement, me contentant de lui lancer un regard appuyé par le rétroviseur et de tirer à nouveau sur ma clope d’un geste nonchalant. « Faites-moi un procès » fut ma seule réponse et je reportais mon attention vers l’extérieur. Je n’étais pas d’humeur et dans lorsque cela était le cas, il valait mieux éviter toute remarque quelle qu’elle fût et me laisser tranquille. Soudain, le taxi s’immobilisa et la voix du chauffeur s’éleva de nouveau. « Sortez madame » il s’était tourné vers moi, une expression peu agréable sur le visage et ma fierté venant de prendre un coup, j’ouvris simplement la portière sur un « va te faire foutre » avant de la claquer, elle  aussi, violemment, décidément c’était ma soirée. Il démarra par la suite en trombe me laissant seule dans ce quartier que je ne connaissais que brièvement, hauts talons au pied, et une colère croissante à gérer. Décidément ce n’était vraiment pas ma soirée. J’envoyai un message à la première personne qui traversa mon esprit à savoir Inka, lui demandant de venir me chercher à l’adresse indiquée, son gps aidant, il ne lui sera pas difficile de me retrouver. J’allais ensuite poser mes fesses sur un banc, puis croisant les jambes, je m’allumais une autre cigarette avec la ferme sensation que ce nouveau paquet ne passerait pas la soirée.

Soirée tranquille et cozy. La journée avait défilé devant tes yeux sans que tu ne la vois passer puisque tu n'as rien foutu du tout. À part dormir et t'être prélassée dans un bain ce matin, tu n'as absolument pas bougé. Préférant tes films et tes séries à la civilisation. Ça a duré ainsi jusqu'à ce que ton estomac crie famine et te force à t'extirper de tes couettes moelleuses. Tu as attrapé divers ingrédients pour te concocter un plat rapide. Harvard t'a d'ailleurs vite rejoint dans la cuisine, attiré par l'odeur et tu lui as donné un morceau de quelque chose tout en le caressant brièvement avant qu'il ne s'échappe avec son gain nutritif. Après quelques minutes de cuisson, tu as enfin pu déguster ton en-cas. Tu finis d'engouffrer la dernière bouchée lorsque ton portable, posé sur la table, s'est mis à vibrer bruyamment contre la surface rigide de la table de cuisine. Tu as rangé tes couverts ainsi que l'assiette avant d'attraper le cellulaire et de lire le message de Lera, te demandant de venir la récupérer à un certain endroit. Tu as composé sa réponse automatiquement, lui disant que tu arrivais dans quelques minutes. Courant jusqu'à ta chambre, tu retires ta tenue de flemmarde pour enfiler un jeans, une paire de baskets et un t-shirt. Après être rapidement passée dans la salle de bain pour te brosser les cheveux, tu es sortie de chez toi pour rejoindre ta voiture et prendre la route de l'adresse que t'as indiqué ta meilleure amie. Quelques minutes plus tard, tu te garais juste face à elle qui était assise sur un banc. Jambes croisées, avec un air particulièrement agacée. Elle ne tarda pas à te rejoindre à l'intérieur du véhicule à l'arrêt. T'as l'air énervée dis-donc... Il s'est passé un truc ? Tu demandes de façon intéressée, bien que tu avais déjà une idée du responsable de cette humeur catastrophique.

Je passai les prochaines minutes aussi longues qu’une éternité, perdue entre l’heure qu’affichait mon téléphone et ma cigarette. L’impatience me rongeait, de même que la colère. Je me demandais ce que pouvait foutre Inka, si elle en avait encore pour longtemps tout comme je me rendais de plus en plus compte que je venais de perdre la bataille en partant de chez moi. Il s’agissait de ma maison, si quelqu’un devait s’en aller, c’était bel et bien ce connard qui avait décidé de dédier toute son existence à faire de la mienne un enfer ! Je maudissais plus que jamais mes grands-parents et me promis de leur passer un coup de fil qui remettrait les pendules à l’heure, quoique les connaissant, il était certain qu’ils ignoreraient simplement mes plaintes, rebondissant sur un autre sujet. Je poussai un énième soupir et lorsque je fus sur le point d’allumer une autre cigarette que la voiture de ma meilleure amie s’immobilisa à ma hauteur. Je finis cependant de mettre le feu à ma clope avant d’aller m’installer à ses côtés, elle au moins ne me foutrait pas à la porte pour intoxication bizarre. « Je vais le tuer, je te jure je vais le buter et le jeter dans la baie de SF, ni vu ni connu » furent mes premiers mots alors que j’attachais ma ceinture de sécurité, un air plus que sérieux sur le visage. « Quoique le jeter dans la baie c’est pas trop discret, y a moyen que je laisse beaucoup de preuves, l’accident c’est bien non ? » lui demandai-je en lui lançant un regard appuyé, réclamant sérieusement son assentiment ainsi que son avis sur la question. Si j’étais sérieuse ? Oh oui, je l’étais, du moins sur le coup de l’énervement. « Des freins qui lâchent inopinément, ça arrive… »

Je vais le tuer, je te jure je vais le buter et le jeter dans la baie de SF, ni vu ni connu. Voilà qui annonçait clairement la couleur. D'après ses mots, tu as vite compris que tes suspicions s'avéraient être correctes. Ce mec avait un don particulier par la mettre hors d'elle et il te l'a prouvé de nombreuses fois. Elle attachait sa ceinture de sécurité alors que silencieuse, tu l'observes elle et sa furie montante. Quoique le jeter dans la baie c’est pas trop discret, y a moyen que je laisse beaucoup de preuves, l’accident c’est bien non ? Elle était très sérieuse. Il est clair qu'elle envisageait réellement de le faire sur l'instant où elle prononçaient ces mots et toi, tu ne pouvais qu'en être amusée. Démarrant ta voiture, tu réfléchis à sa question tout de même, ne cherchant pas à balancer de l'huile sur le feu déjà à vif. Des freins qui lâchent inopinément, ça arrive… Non, là, c'était trop. Tu n'as pas pu t'empêcher de rire légèrement. Je te conseille de brûler le corps. Attendre qu'il n'en reste que des cendres et passer un coup d'aspirateur ensuite. Tu devrais sans doute la raisonner, lui dire que non ce n'est pas une solution mais ça n'aurait pas été honnête. Ce mec, tu ne l'aimes pas et Lera le sait. Tu finis par démarrer, reprenant alors ton sérieux. Plus sérieusement, Lera... Calme-toi. Tu sais que lorsque tu agis ainsi, il pense avoir gagné la partie.