Il était tôt. Trop tôt peut-être... Du moins pour une étudiante qui n'avait pas cours de la matinée et qui avait bien du mal à tenir en place. Trop tôt pour quelqu'un qui s'interrogeait beaucoup ces derniers temps et qui redoutait l'inactivité de peur de se perdre dans des souvenirs plus ou moins bons. Lançant un regard par la fenêtre, puis posant ce dernier sur mon matériel de dessin, je fus prise d'un élan de motivation. Moi qui ne connaissait pas encore très bien la ville et ses environs, j'allais faire ma propre petite visite ; en soit mes découvertes qui marqueraient mon passage en Californie dans ma mémoire. J'étais du genre à partir en vadrouille sans trop savoir où j'allais. Je me laissais guider par mon instinct. On m'avait déjà parlé de la côte, en me décrivant sa superbe vue et les paysages à la fois taillés dans la roche mais tout aussi verdoyants. Ce matin, j'avais envie de les voir. J'avais envie de les griffonner sur une, deux, trois, dix feuilles de papiers s'il le fallait ! J'avais envie de sortir, de sentir un air frais sur mon visage et de profiter de ce soleil encore doux à cette heure-ci. « L'âme d'une vagabonde... » -aurait sûrement pensé ma mère en me voyant. « Celle d'une artiste ! » -aurait affirmé mes quelques amis. Et moi ? Celle d'une fille un peu perdue ? Sans doute. Sautant dans mes baskets, attrapant mon sac à la volée ainsi que mon carton à dessins, je n'ai pas perdu une seule seconde pour quitter ma chambre.
Quelques renseignements par-ci, par-là, et je me dirigeais du côté de Fort Funston. Mes écouteurs sur les oreilles, je marchais tranquillement. Je me baladais en me laissant bercer par la musique, incapable de lutter davantage contre mes vieux démons : New-York et ce qui m'avait amené ici. Parfois je me demandais si toute cette histoire m'avait réellement servi de leçon. Après tout, j'avais toujours cette pointe de naïveté dans le cœur, qui me poussait à croire que peut-être... Oui, peut-être, j'allais pouvoir retrouver ce que j'avais perdu, ce qui me manquait tant. Je refusais de me poser la question et préférait laisser les choses se faire par elle-même. Je n'avais jamais été une grande calculatrice, j'étais même très maladroite de ce côté là. Et à quoi bon penser à quelqu'un qui vous a rejeté ? Je devais être un peu masochiste pour laisser de telles illusions m'étreindre. Masochiste mais sincèrement attachée, ce qui revenait à une paire d'œillères qui me voilait la vue et m'empêchait de raisonner correctement. Je n'avais de cesse de me répéter que je n'avais rien perdu en quittant New-York. Après tout, j'avais intégré une prestigieuse Université et j'allais poursuivre mes études jusqu'au diplôme national dans le domaine des arts. Même si je ne retrouvais pas ces sentiments, je pouvais être sûre de mon choix, de l'intérêt de mon déménagement. Et puis, je pourrais toujours me planquer derrière cette raison, cédant pour une option de facilité tout en niant ce que je pouvais ressentir. Fermer les yeux est le meilleur moyen de s'en protéger non ? Depuis que Maël avait mis un terme à notre histoire, je vivais avec les yeux clos. C'était malheureux à dire, mais ma bulle manquait de transparence tant je m'étais voilé la face. J'étais à San Francisco, bon sang ! Aussi bien pour moi, que pour lui. C'était beau en soit... Mais qu'est-ce que ça pouvait être stupide !
Je venais de trouver un petit sentier, qui visiblement menait à la plage, en contre-bas. Je m'arrêtais quelques instants afin d'admirer la vue. C'était tout simplement magnifique ! Les gens disaient donc vrai. Coinçant ma pochette entre mes jambes, j'approchais mes mains de mon visage et fit mine de prendre une photo. Sans appareil. Un simple mime, qui me permettait à ma façon d'immortaliser la scène. C'était bien enfantin comme attitude, je le savais. J'entrepris de descendre, faisant attention où je mettais les pieds. Une chute n'était pas la bien venue, moi qui passait mon temps à arpenter les dédales de couloirs de l'Université, et qui gaspillait un temps fou dans les transport en commun. La tête baissée, je faisais donc plus attention à ce qui se trouvait sous mes pieds plutôt qu'à ce qui m'entourait. Si bien, que je ne le vis pas arriver : ce jogger, visiblement trop concentré sur sa course pour m'éviter. Il me percuta de plein fouet, si bien que j'en fis tomber ma pochette, maladroite que j'étais. J'aurais pu pester, râler à tout va, ou même m'en prendre à lui. Mais je n'en fis rien, trop occupée à ramasser ce bazar avant que la brise ne me vole quelques esquisses. Certains dessins étaient trop personnels à mes yeux pour les perdre aussi bêtement. Je m'activai donc, jusqu'à me relever et épousseter mon pantalon, qui en avait pris un sacré coup. L'homme m'avait adressé quelques excuses. Figée sur place par ses intonations que je connaissais que trop bien, je n'osais même plus relever la tête. Pourtant il le fallait, ne serait-ce que par politesse, mais aussi pour m'assurer que j'avais bel et bien perdu la tête et que mes fantasmes prenaient une place trop importante dans ma réalité. Tournant la tête, posant mon regard sur lui, mon cœur loupa un battement. Je n'étais pas encore bonne pour l'asile. Qu'aurais-je du faire à cet instant précis ? Faire comme si je ne l'avais pas reconnu ? Maël se tenait devant moi, tout aussi muet. Impossible d'oublier son visage, je ne me sentais pas très bien. « Je... Euh... Ce n'est pas grave, j'ai connu pire. » Et je ponctuais le tout en me giflant mentalement tant je me sentais idiote. Ah ouais ma grande ? T'as connu pire ? Niveau malaise et bêtise, j'avais de gros doutes.
«Cause you’re not the only one, Who’s ever felt this way. Don’t let the world cave in, Just tell me that you’ll stay.»
Je n’étais pas sûr que revenir à San Francisco était une si bonne idée que ça au final. Bien sur, je pouvais dire que rien ne me retenait vraiment à New York, mais je ne pouvais pas dire non plus que quelque chose me retenait à San Francisco. Après tout, en fin de compte, j’étais seul. Pas de famille, mes amis m’en voulaient pour la plupart, du moins, les amis qui comptaient le plus. Je n’avais jamais été un garçon très populaire et je me méfiais beaucoup des gens, mais les seuls vrais amis qui me connaissaient comme leur poche m’en voulaient. A New York, j’avais eu mon diplôme, mais j’avais perdu Emma. Il m’arrivait, peut-être trop souvent, de penser à elle. Je me sentais con, quand je voyais comment Jude se comportait avec moi, j’avais l’impression d’avoir rejeté peut-être la seule fille qui serait capable de m’aimer. « Elle ne me mérite pas », c’était ce que je n’arrêtais pas de penser, peut-être pour trouver une excuse à mon comportement avec elle, mais c’était une excuse bidon. Si je n’avais pas fini par péter un câble à New-York, c’était bien grâce à sa présence dans ma vie. Durant les un an que j’avais passé avec elle, je ne m’étais jamais sentis aussi…heureux ? Je n’étais pas sûr que c’était du bonheur, après tout, je ne savais pas vraiment ce que ça faisait, d’être heureux. Je sortais tout juste du lycée, j’avais quitté mes amis et la fille dont j’étais amoureux et que j’avais blessé ; j’étais un gamin paumé qui avait grandit dans un orphelinat, sachant que j’avais une sœur quelque part qui ne devait même pas se souvenait que j’existais. Alors peut-être que oui, ce que j’avais vécu avec Emma m’avait rendu heureux, après tout, elle pouvait comprendre. Sa mère l’avait beaucoup trop délaissée et elle ne connaissait pas son père. Avec elle, j’avais réussie à sourire. Je ne sais pas si j’étais réellement fou amoureux d’elle, mais je ressentais quelque chose, c’était sûr. Quand je repensais à tous les souvenirs que nous avions ensemble, je ne comprenais même pas pourquoi je l’avais quitté. J’estimais peut-être tout simplement que oui, elle méritait mieux car parfois, quand j’étais dans ses bras, je pensais à Jude, et c’était mal, je ne voulais pas la faire souffrir.
Il était assez tôt quand je me levai, j’avais du mal à sortir du lit, mais je devais aller courir un peu. A cette heure ci, peut de personne se promenaient dans SF, mais j’étais comme qui dirait, « un lève tôt », je me levais en général vers six ou sept heures du matin pour aller courir. A chaque fois que j’allais à l’hôpital faire des examens de routine pour mon cœur, le médecin me rappelait sans cesse de ne surtout pas oublier les activités physiques afin de muscler un peu cet organe qui n’était pas foutu de marcher correctement. C’était assez lourd à vivre, mais j’étais habitué : ne pas manger trop salé, ni d’aliments trop gras, faire du sport. Mais j’étais en général vite essoufflé quand je faisais des activités de routine comme par exemple, quand je montais les courses au deuxième étage pour les poser dans mon appartement ou des petites choses toutes simples comme ça. Je pris mon iPod et je plaçais les écouteurs dans mes oreilles, quoi de mieux que de courir en musique ? Ca me faisait bizarre de courir de nouveau dans cette ville, j’avais pris l’habitude de courir à Central Park tous les matins pendant ses trois dernières années…Il faisait assez doux dehors, et le vent était agréable.
Au départ, je courrais sans trop savoir où j’allais mais au bout de quelques minutes, j’eus envie de voir la plage. Avant de partir pour New-York, j’adorais venir à la plage, le soleil, les vagues, c’était tellement agréable, surtout que nous étions en Californie, le soleil Californien était bien meilleur que celui de New-York. Je me dirigeai alors vers le Fort Funston, quand j’étais gamin, je venais souvent courir ici avec Eliàs. Il n’y avait jamais personne à cette heure ci et le paysage m’avait vraiment manqué. Arrivé sur la plage, je m’arrêtais pour reprendre ma respiration. Je m’asseyais quelques minutes dans le sable. Je me disais que si j’avais su dessiner comme Emma le faisait, je n’aurais pas hésité à faire quelques croquis. Encore une chose qui nous avait rassemblés elle et moi, nous avions tous les deux une âme d’artiste. Elle, c’était le dessin, la peinture et moi, la musique. Combien de fois nous avions passés des soirées entières, elle à son chevalet à peindre ce qui lui passait par la tête alors que je jouais quelques accords de guitare…Ca m’étonnait de penser autant à elle, peut-être que c’était parce que je savais qu’elle n’était pas très loin aujourd’hui. Ou peut-être parce que je ne l’avais pas vu depuis des mois ? Après notre rupture, elle ne voulait plus ni me parler, ni me voir. Ca me faisait mal, je tenais réellement à elle et je ne pouvais pas oublier ce que nous avions vécu en un an. Un an, c’était tout de même un anniversaire, plus le sien, un Noël, une saint Valentin, des millions de souvenirs…Au bout de cinq minutes, je me levai pour reprendre ma course dans le sable, je vis de loin un petit sentier qui me permettrait de remonter un peu plus haut afin de ne pas être freiné par le sable sous mes pieds qui me ralentissait.
Je gardais mes yeux vers le sol afin de ne pas me prendre un rocher ou quelque chose dans le genre en sortant du sable quand je percutai quelqu’un. Pour ma part, je ne suis pas tombé, mais la jeune fille, elle, s’était retrouvée les fesses à terre avec sa pochette de dessin et quelques croquis à terre et instables avec le vent. « Merde...Excusez-moi », murmurais-je en me penchant vers elle pour ramasser quelques croquis. Un plus particulièrement attira mon attention, je le pris et le regarda, je reconnaitrais ce dessin parmi des milliards, j’étais présent lorsque celui-ci avait été dessiné. Je sentais mon cœur battre à toute allure, si cette fille était bien celle que je pensais….ça ne pouvait être qu’elle, j’en étais sûr avec ce dessin. Mais lorsqu’elle se leva et que son regard croisa le mien, j’eus la confirmation que je venais de bousculer celle à qui je venais de penser quelques minutes plus tôt. Parfois, le hasard était vraiment…surprenant. Les souvenirs me montaient à la tête, je revoyais précisément les scènes, quand je l’avais abordé dans ce pub, son sourire après notre premier baisé, notre première fois. Mon cœur battait tellement vite que j’avais peur qu’il sorte de ma poitrine. J’étais là, comme un imbécile, avec ce dessin en main sans savoir quoi lui dire. Ca faisait longtemps, mais elle n’avait pas changée, elle était toujours aussi belle. « Je... Euh... Ce n'est pas grave, j'ai connu pire. », dit-elle après quelques minutes. Elle était si…froide, je ne l’avais jamais connue comme ça, mais c’était de ma faute, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même… Je baissai le regard vers le sol, c’était une sale habitude que j’avais quand je parlais à quelqu’un et que je n’osais pas l’affronter. « Ouais…donc… », barbouillais-je. Je sentais ma main trembler légèrement, il fallait vraiment que je calme ce cœur, sinon, j’allais faire un malaise. Je lui tendis le croquis que j’avais dans la main, osant enfin affronter son regard qui, au fond, m’avait horriblement manqué. « C’est à toi…, je lui souris. Justement, je pensais à toi…enfin, je me disais…que ça te plairait ici..pour…dessiner… »
J'avais tout bonnement été surprise par cette petite altercation physique. Un simple choc, qui eu un certain impact sur mon petit gabarit. J'étais un véritable poids plume, alors si je ne regardais pas où j'allais, je n'avais aucun mal à finir les fesses par terre. A force, je m'y étais presque habituée, c'est pour dire ! Me préoccupais-je pour autant de mon postérieur ? Pas le moins du monde ! Je me souciais de mes dessins et rien d'autre ne comptait. Certains d'entre eux avaient tellement de valeur à mes yeux. Non pas qu'ils se vendraient une petite fortune, loin de là, je n'avais pas cette prétention. Mais sentimentalement parlant, ils me rappelaient de bons moments ou représentaient un sentiment, un émotion, qui avait pu étreindre mon cœur, me faire verser une larme, me décrocher un éclat de rire franc et naturel. Mes dessins reflétaient parfois ce que je n'arrivais pas à dire, ce que je redoutais et je ne parvenais pas vraiment à l'expliquer. Plus petite, un psychologue avait dit à ma mère que j'en faisais ma propre thérapie et que le dessin m'aidait à m'exprimer. Il était même allé jusqu'à interpréter ce que je griffonnais en affirmant que mes feuilles étaient toujours bien remplies car je souhaitais la même chose pour ma vie. Je ne laissais jamais rien au hasard, et j'accentuais le détail. Aujourd'hui, mes feuilles étaient bien moins chargées... Que devais-je en conclure ? J'avais rendu les armes face à ma vie, à force d'avoir été déçue ? Je ne préférais même pas le savoir. Je me contentais de dessiner, de m'appliquer, et surtout de ne pas semer la moindre esquisse. Comme s'il s'agissait de mes pensées les plus intimes, je me dépêchais de les glisser dans le carton, les soustrayant au regard du jogger.
FLASH BACK « Fais-moi voir ça... - Non... Il n'est pas... - Ne me dis pas qu'il n'est pas beau je ne te croirais pas. - Il n'est pas... terminé ! » -m'exclamais-je, en me relevant du bord du lit, prenant soin de planquer la feuille dans mon dos. Mes arguments allaient être trop maigres pour avoir raison de sa curiosité. Pourtant, j'avais fait tout mon possible pour ne pas le réveiller, soignant mes gestes dans la plus grande des délicatesses. Soit il avait le sommeil plus que léger, soit il était conscient de ce qu'il se passait dans cette chambre depuis un moment, feintant de dormir comme un bébé. Maël me fixait, de son regard chocolat, et je ne pouvais m'empêcher de sourire. Non, je ne voulais pas céder. Je ne le devais pas. Qu'allait-il dire en découvrant ce brouillon ? Il allait peut-être en rire vu l'étendu des dégâts. « S'il te plait... Em'... - Non, n'insiste pas ! » Il était têtu, mas j'étais davantage. Me reculant à nouveau de quelques pas, je le vis se rapprocher. Il ne laissait rien tomber, j'ai pu le lire dans ses yeux. Ni une, ni deux, je fis demi-tour afin de quitter la chambre au pas de course. Il n'était pas loin, juste derrière moi, cherchant à m'attraper pour récupérer la feuille de dessin. Mon rire résonnait dans la pièce alors que je contournais le canapé. Un tour, deux tours, et il finit par me retenir par la taille. J'avais beau tendre le bras en avant, il n'eut pas de mal à s'emparer du fruit de mes cachoteries. « Non mais... - Voyons voir ça.... » Et là, le silence se fit alors que je grimaçais légèrement, pleine d'appréhension. Il ne fit aucun commentaire, se contentant de revenir vers moi. Un baiser déposé sur le sommet de ma tête, et il me rendit la feuille. Visiblement, je n'avais pas loupé son portrait. FIN FLASH BACK
Retirant mes écouteurs une fois les dessins rangés, je portais plus d'attention à l'homme qui m'avait bousculé. Il ne s'agissait pas de n'importe qui, et rapidement, j'en pris conscience. Cette voix avait pendant un moment occupé mon esprit, si ce n'est même mes rêves. Quel hasard ! San Francisco était une si grande ville. Le croiser ici, alors que j'étais arrivée près de cette plage sans qu'elle n'ait été mon objectif, je trouvais ça presque flippant tant c'était surprenant. Je me sentais tout à coup un peu mal à l'aise. Rien qu'à le voir baisser la tête, je devinais que le malaise était partagé. Les derniers instants passés ensemble demeuraient présent dans un petit coin de ma tête ; de ce fait, j'avais un peu de difficultés à me comporter normalement. La réserve... Encore et toujours ce défaut qui me collait à la peau. Prétextant avoir connu bien pire, je tentais d'esquisser un timide sourire, sans grande conviction. Ce qu'il était difficile de soutenir son regard alors que je me concentrais sur les battements de mon cœur. C'est qu'il fallait calmer la machine qui tambourinait à toute vitesse dans ma poitrine. Il me rendit mon dessin, que je récupérais presque du bout des doigts. Comme si toucher sa peau allait avoir raison de moi, sait-on jamais ! A sa réplique, je ne pu m'empêcher d'arquer légèrement les sourcils, sans pour autant perdre mon sourire en coin. Il avait pensé à moi ? Cette simple attention me touchait. Aussi bien pour sa simplicité que par la fait que cela vienne de lui. « J'allais justement... Enfin... Profitez de la vue quoi ! -lançais-je pour combler ce petit blanc, tout en désignant ma pochette, dans laquelle je rangeai la feuille qu'il m'avait rendu. -Tu viens souvent ici ? » Je tentais de lancer la conversation. Mais j'avais bien l'impression de faire un flop. C'était tellement commun, tellement banale, alors qu'à mes yeux le retrouver ne rimait en rien avec tout ça. Je ne parvenais pas à le décrire. Finissant par étouffer un léger rire nerveux, secouant doucement la tête, je relevai la tête vers lui et fini par craquer. « Je suis toujours aussi douée pour bavarder, t'as vu ? Une vraie pro ! … Pardon. »
Il était vingt et une heure, et je commençais à stresser comme un malade. Je tournais en rond dans les coulisses alors que j’entendais la personne avant moi chanter sa chanson. L’Université avait organisée un concert dans le cadre d’un examen. Tous les étudiants de ma promotion, dont moi, avaient du écrire une chanson et la chanté en publique : le professeur de chant était dans le public et donnait une note qui conterait comme une note d’examen. Après le gars qui chantait, c’était mon tour, et je n’avais jamais été aussi stressé. J’aimais la musique, j’aimais en jouer, mais je n’avais vraiment, mais vraiment pas l’habitude de jouer en public, surtout que ce soir, il y avait beaucoup de monde. Mon cœur battait vite, trop vite, je m’asseyais à terre contre le mur en posant ma guitare près de moi, fermant les yeux. Je respirais doucement, j’avais peur de louper, de me faire recaler. La musique, c’était la seule chose dans laquelle j’étais un minimum doué, j’avais toujours voulu enseigner et transmettre ma passion à d’autres personnes. Si je me loupais ce soir, c’était fini. Je sentais mes mains trembler de peur, il fallait vraiment que je me calme bordel ! Si je tremblais, ma voix tremblerait, et ça le ferait pas, c’était sûr. J’avais toujours les yeux fermés, le son de la musique commençait à s’atténuer et des applaudissements se firent entendre. La panique commençait à monter encore plus, je le sentais mal, vraiment très mal. Je ramenais mes genoux contre ma poitrine, je tremblais comme une feuille. Une voix annonça dans le micro la pause et le nom du prochain artiste à passer à la casserole : Maël Petterson. J’avais toujours les yeux fermés lorsque je sentis des mains prendre les miennes toujours aussi tremblantes. J’ouvrais les yeux, Emma se tenait devant moi, à genoux, caressant doucement mes mains avec ses pouces. Elle me lança un petit sourire et passa sa main dans mes cheveux, « J’étais sûre que je te trouverais dans cet état… », murmura-t-elle en émettant un léger rire. S’il y avait bien une personne qui pourrait me calmer, c’était elle. Je me redressai légèrement pour la prendre dans mes bras, je tremblais un peu moins. « Tu verras, tu vas tout déchirer… », murmura-t-elle doucement à mon oreille. Je n’avais jamais eu beaucoup confiance en moi, heureusement qu’elle était là, je serais probablement mort d’une crise cardiaque si elle n’était pas venue me rassurer. Je me reculai un peu, posant mon front contre le sien, « Merci mon ange… ». Ce soir là, le professeur me donna une note de 19/20. C’était grâce à elle.
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Un petit blanc c’était installé. C’était bizarre, de le revoir. Non, ce qui était encore plus bizarre, c’était de me tenir face à elle sans rien faire. Pendant un an, je m’étais habitué à la prendre dans mes bras, lui offrir des baisers sur ses lèvres exquises, dans son cou…Et là, j’étais devant elle, pétrifier sur place. Je ne savais pas quoi faire, elle m’en voulait, je pouvais parfaitement comprendre. Comment ne pas m’en vouloir ? Je l’avais quitté comme ça, du jour au lendemain alors que tout allait bien. Aujourd’hui, je n’avais pas oublié ce que nous avions vécus, je ne pourrais jamais l’oublié. Elle avait su guérir tous mes maux alors que je me sentais si nul et si seul. Elle m’avait fait oublié Jude au départ, je l’avoue, je n’avais d’yeux que pour elle. Mais malheureusement, mon passé était remonté à la surface, les sentiments que j’avais pour Jude aussi. Je ne pouvais pas rester avec Emma alors que j’aimais peut-être un autre, non, je la respectais beaucoup trop pour ça.
« J'allais justement... Enfin... Profitez de la vue quoi ! », commença t-elle afin de combler ce vide un peu gênant qui venait de s’installer entre nous. « Tu viens souvent ici ? ». Je baissai de nouveau mon regard vers le sol, son enthousiasme m’avait manqué, mais ce n’était pas le même qu’il y a quelques mois. Je ne savais pas trop si je devais mettre fin à notre discussion pour lui épargner quelque chose dont elle n’avait pas envie, j’étais certains qu’elle me détestais maintenant. « Je suis toujours aussi douée pour bavarder, t'as vu ? Une vraie pro ! … Pardon. ». Je ne pus m’empêcher de sourire, elle était nerveuse. Elle faisait toujours ça, quand elle l’était, parler pour ne rien dire, et à la fin, dire plus explicitement qu’elle sait qu’elle parle pour ne rien dire, uniquement pour combler le silence qui s’était installé. Elle n’avait pas changée. Tant mieux, elle était déjà parfaite comme elle était. « Je…oui, je venais courir tous les matins ici avant de venir…à New York… », je lui lança un sourire alors que je rangeais mon iPod dans ma poche. Partir ? Rester ? Partir ? Rester ? Qu’est-ce que j’étais censé faire ? Elle me manquait, beaucoup même. Son rire, son sourire. En fait, elle était un peu l’opposé de moi, qui étais toujours pessimiste et triste. Elle était comme mon rayon de soleil. C’était sûrement égoïste de ma part de penser et de vouloir ça, mais j’avais besoin d’elle. Je ne donnais pas ma confiance à n’importe qui, elle, elle l’avait à 300%. Je voulais juste…qu’elle reste. Que notre dernière discussion, même si c’était une rupture, ne soit qu’un mauvais souvenir. Que nous gardions les bons moments passés ensemble, et surtout que nous nous souvenions pourquoi nous étions si bien ensemble. Ont se complétaient. Emma était assez naïve, et moi méfiant, j’étais toujours là pour lui dire de se méfier, et elle, pour me dire de m’ouvrir un peu plus aux gens. « Tout le monde n’est pas aussi mauvais qu’il peut le paraitre », me répétait-elle.
C’était bien beau de penser à tout ça, non seulement ça avait laissait encore un blanc entre nous, mais en plus, ça n’avait même pas régler mon problème : alors quoi, je devais lui dire au revoir et tout redeviendrait comme il y a quelques minutes, c'est-à-dire que je serais là comme un con à me demander si elle va bien ? Ou bien je devais rester, lui proposer de lui faire visiter la ville, ou juste…parler, parler des heures comme nous avions l’habitude de le faire, parler toute la nuit avec elle de tout, mais aussi de rien comme nous l’avions fait le soir de notre rencontre ? Je n’arrivais pas à me décider. Le vent soufflait un peu, la décoiffant alors que ses cheveux allaient dans tous les sens, ça m’a fait rire, et je m’approchai un peu d’elle pour lui remettre ses cheveux en place derrière son oreille. « Tu m’a manquée ».
Je faisais de gros efforts. Sincèrement. Et non pas pour me tenir face à lui, ou encore supporter cette conversation, mais simplement pour ne pas me laisser surprendre et submerger par cette horrible gêne. Ce que je pouvais la détester. Elle me rongeait littéralement et me faisait perdre mes moyens, moi qui avait toujours été très naturelle et spontanée en la présence du jeune homme. Mes sourires étaient plus hésitants, je restais figée sur place. Ca ne me ressemblait tellement pas. J'étais une vraie petite pile électrique, pétillante à souhait. Le temps avait-il réussi à me ternir aux yeux de Maël ? Je n'en savais rien. J'avais le don de me sentir mal à l'aise dans ce genre de situation, quelle fille ne l'aurait pas été ? Et je me connaissais bien, j'allais finir par devenir très bavarde. Ô joie ! -allez-vous me dire. Mais non, car j'allais parler sans m'arrêter, ce qui n'allait pas être pour autant un monologue intéressant pour lui. J'allais même me ridiculiser... Quoique, face à Maël, je n'avais pas à craindre ce genre de chose. Je n'avais pas à avoir honte, aux vues de ce que j'avais déjà pu lui montrer de moi. En un an, il s'en étaient passées des choses.
FLASH BACK « Et ça, qu'est-ce que c'est ? -demanda l'un de nos amis en commun en imitant ce qui devait à la base être un animal. Rassemblés pour partager une simple pizza sans prétention aucune, nous étions rapidement partis dans un délire d'imitations en tout genre. Les éclats de rire étaient garantis. Avec moi en tout cas. J'étais en confiance, ce qui signifiait que je n'avais aucun mal à me lâcher. - Un lapin ? - Mais non ! Rien à voir ! - Eum... Un raton laveur ? - Non plus ! Mais vous êtes nuls ma parole ! -Un court silence s'installa entre nous tous, alors qu'il poursuivait sa superbe imitation, qui ne ressemblait à rien en réalité. Il était si drôle, j'en avais mal au ventre ! Ma voisine de table était devenue rouge comme une tomate tant elle avait du mal à reprendre son souffle. Sans grande conviction, je me lançais. Il fallait bien tenter sa chance avec un tel numéro tout était possible ! - Une taupe ? - Bah voilà ! Ce n'est pas trop tôt ! » Aussitôt, j'éclatais de rire, moi-même surprise d'avoir trouver ! Ce fut alors à mon tour de jouer au mime Marceau. Je me retenais de rire, et décidais de rester dans le registre des rongeurs. Je m'appliquais, j'y mettais du cœur, et je me retenais de rire. D'autres, par contre, ne s'en privaient pas ! Ils cherchèrent un moment, sans succès. Je venais même à m'interroger sur mes talents d'actrice. Je ne devais pas être très douée. « J'abandonne... - Mais c'était une souris ! Tsss ! -Me rasseyant, je levai les yeux au ciel, toujours aussi souriante. Puis je sentis une main glisser sur ma taille, me ramenant contre Maël. - Adorable la souris... -Un large sourire s'était dessiné sur son visage. Je le sentais taquin, et je m'en amusais. Lui qui était d'ordinaire plus posé, un peu triste par moment, j'étais contente de pouvoir illuminer ses traits avec mes idioties. - Vas-y, moque-toi ! » FIN FLASH BACK
Il finit par répondre à ma question, ce à quoi j'esquissais un sourire. Courir... Il l'avait toujours fait. Je me souvenais des quelques fois où, me réveillant un peu plus tard que d'ordinaire, alors que nous avions passé la nuit ensemble, je ne le trouvais pas à mes côtés. Tout ça parce qu'il était parti faire un tour dans Central Park. Il prenait soin de lui, et j'en étais contente. « C'est cool ! Ca fait du bien de prendre l'air, de s'aérer ainsi l'esprit ! -Et voilà, j'étais lancée... Mon Dieu ! - Le paysage est magnifique, et puis au bord de la mer c'est le top ! Je reviendrais dans le coin, c'est vraiment beau. Je pourrais faire de jolies toiles en y passant du temps... -Je me rendais compte peu à peu de ma maladresse. Quelle sotte ! - Eum... Je ferais mieux de me taire ! » C'était en effet préférable si je ne voulais pas l'assommer avec un blabla inutile. C'était plus fort que moi. Je sentais ce petit quelque chose indescriptible qui s'était immiscé entre nous. De la rancune de ma part ? Peut-être un peu. Dire le contraire aurait été mentir. Mais c'était plus complexe que ça, puisque je ne pouvais pas nier que le revoir me faisait énormément plaisir. Un nouveau silence s'était installé entre nous, et moi, comme une adolescente manquant cruellement de confiance et d'assurance, je jouais nerveusement avec l'un des élastiques de ma pochette à dessins. Je ne savais pas quoi dire -d'intéressant bien sûr-, ni quoi faire de plus. Et pourtant, il allait bien falloir que je me bouge, car je n'avais pas la moindre envie de le voir poursuivre sa course et s'éloigner. Pas maintenant, pas déjà.
La brise se leva, venant jouer dans mes cheveux, ce qui ne manqua pas de m'agacer. Soupirant doucement en tentant de les remettre en place, j'avais bien du mal. J'eus au moins le mérite de faire rire Maël. Le beau brun se rapprocha de moi, me troublant par ces quelques pas en avant. Puis il vint remettre une mèche rebelle derrière mon oreille, me confiant que je lui avais manqué. Relevant le regard pour croiser le siens, je me pinçais doucement les lèvres. Jusqu'à ce que je finisse par craquer, mettant de côté toute ma retenue. Sans un mot, je laissais glisser mon sac jusqu'au sol, l'accompagnant de ma pochette, puis je vins instinctivement me blottir contre lui. J'avais arrêté de penser, arrêté de réfléchir. Ce contact m'avait tant fait défaut. Devais-je lui dire qu'il m'avait lui aussi manqué ? Mon attitude parlait d'elle-même. Il devait en être bien étonné d'ailleurs... Je n'allais pas tardé à me reculer et lui déballer tout un tas d'excuses pour cette impulsivité.
Je n’avais pas eu l’habitude de voir Emma dans cet état dans ma présence. Ou bien, si, peut-être le soir où nous nous étions rencontrés, elle avait émis des réserves, au début. Mais elle me fit très vite découvrir son côté pétillant et plein de joie que j’avais tout de suite beaucoup aimé. On dit que les opposés s’attirent, je ne saurais jamais expliquer pourquoi je m’étais tant attaché à elle ni expliquer la nature de mes sentiments à son égard. Oui, il y avait de l’attirance, même beaucoup d’attirance, mais ce n’était pas qu’une histoire d’attirance physique. Nous étions différent, au niveau du caractère, c’était certains, mais quelque part, nous étions tous les deux des jeunes gens blessés par leur passé. « C'est cool ! Ca fait du bien de prendre l'air, de s'aérer ainsi l'esprit ! – un sourire se dessina sur mon visage, elle n’avait vraiment, mais vraiment pas changée- Le paysage est magnifique, et puis au bord de la mer c'est le top ! Je reviendrais dans le coin, c'est vraiment beau. Je pourrais faire de jolies toiles en y passant du temps.. ». J’en étais sûr, c’était bien ça que j’avais pensé à m’arrêtant ici quelques minutes plus tôt. « Eum... Je ferais mieux de me taire ! » , c’était comme ça qu’elle avait toujours réussie à me faire sourire. Il est vrai que je ne souriais pas si facilement, c’était un défaut, non pas que je faisais toujours la gueule, mais disons, et aussi bizarre que ça puisse paraitre, que je n’avais tout simplement plus l’habitude de le faire. La vie m’avait réservée de trop mauvaise surprise pour ça. Mais heureusement, elle m’en avait aussi donnée des bonnes, dont une se tenait juste en face de moi. Maintenant qu’elle m’avait dit qu’elle reviendrait, c’était certains que je ferais de même.
Le vent se leva, rendant l’air légèrement plus frisquet. C’était un automatisme, et je ne me posai même pas de questions lorsque je m’approchai d’elle pour remettre en place ses cheveux tout décoiffés par le vent qui avait disparut aussi vite qu’il était venu. Elle m’avait manqué, c’était vrai. Non, elle me manquait même, car l’avoir bousculé sur cette plage ne garantissais pas qu’elle voudrait me revoir. Si on réfléchissait bien, ça faisait au moins…quatre ou cinq mois que nous ne nous étions pas vus. Elle avait été claire de toute manière, elle ne voulait plus entendre parler de moi. Peut-être avait-elle dit ça sur le coup de la colère ? J’osais y croire, même si après tout ce temps sans qu’elle ne me donne de ses nouvelles, j’avais fini par arrêter de croire que j’avais pu lui manquer aussi. C’est sûrement pour ça que son geste me surpris, au plus au point. Elle laissa glisser ses affaires sur le sol ainsi que sa pochette de dessins avant de venir se blottir contre moi. Je refermais mes bras autour d’elle, ça m’avait manqué ça aussi, oh oui, vraiment manqué. Profitant de cette étreinte, je fermais les yeux, les souvenirs remontaient à la surface…
FLASHBACK ;
Le rire de la belle brune raisonnait dans le couloir de l’immeuble où elle habitait, sa main dans la mienne, elle m’entrainait à l’étage où elle vivait. Ma respiration se faisait haletante après avoir monté toutes ses marches. Une fois sortis de la cage d’escalier, je la tirai vers moi avant de la plaquer doucement contre le mur, amenant mes lèvres contre les siennes à nouveau. Nous ne nous connaissions que depuis quelques jours, mais je sentais déjà qu’elle serait différente de toutes celles que j’avais pu rencontrer à New York. Une fois le baisé rompu, elle attrapa de nouveau ma main pour m’emmener à l’intérieur de son appartement. Je ne fis pas attention à la déco ou à tout ce genre de détails, je ne me préoccupais même pas à allumer la lumière alors qu’elle refermait la porte derrière elle. Je me contentai d’enlever ma veste que je posai sur le canapé avant de l’attirer de nouveau contre moi, baissant mes mains à sa taille alors que je plaquais de nouveau mes lèvres sur les siennes. Mon cœur battait à la chamade alors que je sentais ses mains s’agripper à ma nuque. Je descendais mes baisers à son cou alors que je remontais mes mains à sa chemise afin de lui déboutonner. Une fois fait, je sentais ses mains refroidies par le froid hivernal de New-York se glisser sous mon tee-shirt avant de venir chercher l’extrémité afin de me l’ôter. J’avais chaud, horriblement chaud…
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J’ouvris les yeux, il fallait que j’arrête de penser à tout ça, je ne voulais pas retomber dans le piège et lui faire du mal comme je l’avais fait quand je l’avais quittée. Mais c’était plus fort que moi, chaque geste qu’elle faisait me rappelait un moment que nous avions passé ensemble. Je ne savais pas trop si sa présence à SF était une bonne ou une mauvaise chose. Dans un sens, c’était peut-être une dernière chance pour nous de nous « réconcilier » même si c’était plutôt elle qui devait être fâchée contre moi. Après quelques minutes de cette étreinte qui n’avait pas du tout calmé ce petit cœur qui battait encore horriblement vite, je me reculais un peu avant de lui sourire. J’aurais aimé qu’elle me le dise, entendre sa voix me dire clairement que je lui manquais aussi. Je n’avais plus qu’à espérer que c’était le cas, que ce soudain rapprochement était sa manière de me le faire comprendre. « Dit moi…, dit moi que tu n’es plus fâchée Em’… - je m’arrêtais, glissant mes mains dans les siennes, elles étaient toujours aussi douces, aussi froide que cette nuit là, où tout avait commencé. J’avais presque dit ça dans un murmure, j’improvisais totalement, à cet instant là, c’était moi qui était gêné. – Dit moi que quand nous allons repartir et prendre chacun un chemin différent, ça sera comme il y a moins de 10 minutes…. », j’avais l’impression que ma phrase ne voulait absolument rien dire. Je n’avais jamais eu beaucoup d’amis, jamais eu de relations sérieuses avant la notre, elle avait l’habitude et connaissait mes problèmes pour m’exprimer clairement. J’avalais doucement ma salive, relavant mon regard sur le sien ; « Je ne m’excuserais jamais assez pour ce que je t’ai fait… - je m’arrêtais. Il y avait eu des moments difficiles, mais en général, je gardais beaucoup trop de moments de bonheur pour repenser aux derniers instants de notre relation. – J’ai besoin de toi… »
Ce que ses bras avaient pu me manquer... Voilà plusieurs mois que notre histoire s'était terminée et que j'avais refusé d'avoir à nouveau à faire à lui. Rejetant ses premiers appels, ne répondant pas à ses messages, jusqu'à lui dire clairement que je ne voulais plus le voir. Jusqu'à lui mentir en fait. Mais je n'avais pas trouvé d'autre solution à mon problème et j'avais toujours fait mon possible pour m'épargner bien des souffrances. La vie m'en avait suffisamment fait baver pour que je m'offre une double dose de mal être et de chagrin. Lui dire de telles choses avait été très difficile. Égoïstement, j'avais d'abord pensé à moi. « Tu n'as rien d'une égoïste, c'est normal Em' ! » -m'avait-on sans cesse rabâcher, souhaitant par-dessus tout que je retrouve mon pep's et mon sourire. J'avais finit par m'en convaincre, à force de le répéter. Je lui en voulais ? C'était normal... Il me manquait ? Ça l'était tout autant. J'aurais voulu que cela se passe différemment ? Ça, c'était un rêve ! Un songe comme j'en faisais trop souvent ces dernières semaines. A de nombreuses reprises, je m'étais imaginée ainsi dans ses bras, profitant d'une étreinte pour lui avouer tout ce que j'avais sur le cœur et tenter le tout pour le tout. Naïvement, comme à mon habitude. Pourtant, dans les bribes de souvenirs qu'il me restait de ces retrouvailles idéalisées, je n'avais pas cet énorme poids sur la poitrine, ce cœur trop lourd qui me criait de me taire et de me reculer sans plus attendre. Je n'avais pas ces maux, ni ces doutes. C'est là où je me rendais compte que la réalité était plus dure, plus terne. Toute l'imagination du monde ne faisait pas le poids face à cette situation dans laquelle je m'embourbais doucement. Fermant doucement les yeux, les souvenirs me revenaient en cascade. Sa simple odeur parvenait à faire remonter à la surface de ma mémoire quelques instants que j'aurais pourtant cru inoubliables. Simples, mais vrais. Tout ce que j'aimais en somme. Un fou rire partagé dans une parfumerie ; la découverte d'un groupe de musique -que j'affectionnais particulièrement désormais- appuyée tout contre lui face à un immense bac de vinyles en tout genre chez le petit disquaire en bas de chez moi ; mon visage souillé de larmes dans le creux de son coup lors d'un câlin réconfortant après une dispute au téléphone avec ma mère... J'aurais pu dresser une gigantesque liste, me rappelant avec plaisir de cette année passée avec lui. Car maintenant je n'avais plus que ces souvenirs, rien d'autre pour me consoler. Mon optimisme naturel me laissait dire que la vie était ainsi et qu'il fallait bien remonter tôt ou tard la pente, affronter ce quotidien avec un sourire à en faire pâlir plus d'un de jalousie. A cet instant précis le miens se voulait effacé, alors que je profitais des dernières secondes que je m'autorisais à passer contre Maël. Je n'avais pas le droit à plus, sous peine de replonger et me payant violemment en pleine poire la relation qu'il y avait désormais entre nous.
Cela avait duré quoi ? Quelques minutes à tout casser... Le temps de me rappeler ce doux et chaleureux sentiment de protection, comme si rien ni personne n'aurait pu m'atteindre ainsi cachée entre ses bras. En un sens j'avais été comme rassurée de sentir ces derniers se refermer autour de moi et m'offrir ce réconfort. Mais avais-je bien fait de céder à mes pulsions ? Plus grave encore, étais-je à ma place, ici, à San Francisco ? Il finit par me relâcher et se reculer, j'en fis de même. J'étais mal à l'aise par ma faute, à cause de mon propre comportement. A croire que j'aimais ça... La requête que formula alors Maël me surprit, tout en me blessant à sa manière. Il me demandait à nouveau de lui mentir, et j'en étais incapable. Ne plus être véritablement en colère passait encore. La preuve, je lui adressais la parole. Les mois qui nous avaient séparé avaient fait leur boulot en m'aidant à cicatriser. Un seul problème demeurait présent : je n'étais pas guérie de lui. Mes sentiments étaient présents, prêts à êtres raviver à la première occasion pour réchauffer mon cœur. Et il me demandait de lui dire une chose pareil ? Je restais silencieuse, et peut-être trop calme, trop distante. Jusqu'à finalement baisser la tête pour poser mon regard sur ses mains qui venaient de s'emparer des miennes. « Dis-moi pourquoi j'ai si mal, alors... » Je ne répondais pas, je le savais. Je ne lui faisais pas ce plaisir, et j'en étais désolée. Je ne pouvais pas me permettre d'être aussi rassurante que par le passé, alors que je crevais d'envie de l'être à son égard. J'imposais en quelque sorte mes conditions, alors que je savais qu'il lui serait impossible de réellement me fournir une explication concrète. Peut-être parce qu'il ne voulait pas tout ça...
Mes mots avaient sans doute été de trop, si bien que je préférais m'en détourner en retirant mes mains des siennes. « J'aimerais... Sincèrement... Mais... » C'était trop m'en demander ? Grossièrement, c'était comme déposer un paquet de sucreries sous le nez d'un gosse et lui interdire de piocher dedans. Il pouvait être de façon imagée cette petite douceur, et moi l'enfant. Je préférais me mettre au régime en fermant les yeux plutôt que d'en faire une véritable obsession. Ses derniers mots me firent réfléchir. Qu'est-ce que je désirais vraiment ? Après tout, il fallait se rendre à l'évidence, je n'avais pas choisi cette Université dans le plus grand des hasards, ni même en me basant sur des pourcentages de réussite à l'examen final. Maël y était bien pour quelque chose, notre histoire passée, mes sentiments actuels... « Moi aussi, plus que tu ne peux l'imaginer... Maël... » Je baissais les armes. Seulement, si je ne parlais pas, ou n'agissais pas, il s'en irait. Ramassant mes affaires, il devait penser que c'était moi qui allait à nouveau prendre la fuite. Sauf qu'aujourd'hui je n'en avait pas l'intention. Je lui pris la main et l'entrainai avec moi en direction de la plage, le faisant donc revenir sur ses propres pas. « Suis-moi... » Une fois de plus je laissais mon impulsivité me gagner. Descendant avec précaution le petit sentier, en quelques minutes nous arrivions face à la mer. Je déposais mes affaires et lui fit face, retirant au passage mes chaussures pour sentir le sable encore frais sous mes pieds. Je me penchai, et pris une poignée de ce dernier. Le laissant s'écouler entre mes doigts, je fixais Maël. « J'ai pas envie d'être un grain de sable parmi tant d'autres, qu'une simple vague pourrait balayer de ta vie... Tu vois ? » M'exprimer à l'aide de métaphore... Encore une sale manie que j'avais, toujours dans la crainte de dire clairement ce que je ressentais. Je voulais être plus à ses yeux. Je ne pouvais pas le dire autrement, encore moins simplement.
Elle bafouillait, elle ne savait pas quoi dire, c’était vraiment étrange de la voir dans cet état, après un an passé à ses côtés, j’avais l’habitude de la voir fraiche et pétillante. Aujourd’hui, en ma compagnie, elle était devenue hésitante, mais ce n’était pas ça le pire. Le pire, c’était de voir la tristesse dans ses yeux, car je savais que j’en étais la cause. Et ça me rendait malade, de lui faire de la peine comme ça. J’avais l’impression que la situation avait complètement changée. Quand je l’avais rencontré, elle avait su me redonner le sourire, elle m’avait offerte ce qui avait été, j’en étais certains, la meilleure année de ma vie. J’étais arrivé à New York alors que je n’avais rien, pas de famille, pas d’amis, j’étais amoureux de ma meilleure amie qui ne voulait plus m’adresser la parole, j’étais simplement et horriblement…seul. Et elle est apparue. Je pense que mes problèmes se sont justes enfouis pendant un an, ils étaient toujours là, Jude était là aussi, mais moins, et plus les mois passaient, plus j’arrivais à oublier la vie minable que j’avais pu avoir à San Francisco. Plus les mois passaient, plus je pensais réellement que notre relation avait un avenir, elle arrivait à faire de moi une personne meilleure, bien meilleure. Bien sur, j’avais toujours gardé ce petit côté calme et réfléchis, parfois même trop réfléchis, mais avec elle, je me sentais tellement bien, j’avais enfin l’impression d’être important aux yeux de quelqu’un, l’impression que je n’étais pas personne, elle m’aidait à avoir plus confiance en moi. Quand je repensais à tout ça, je venais parfois à me demander pourquoi j’avais mis fin à notre relation…tout ça parce que je m’étais risqué, lors d’une matinée pluvieuse à regarder des vieilles photos. Vieilles photos égal enfance. Enfance égal Jude. Quel imbécile, elle était réapparut dans mon esprit aussi vite qu’elle en était sortit un an plus tôt, faisait remonter mon sentiment de culpabilité envers elle mais aussi les sentiments amoureux que j’éprouvais à son égard. Je ne pouvais pas rester avec Emma en pensant avec une autre, ça n’était pas correct. Je m’en étais voulu, vraiment d’avoir tout gâché tout ça à cause de mes sentiments pour Jude, mais je ne pouvais rien y changer. Et au final, j’avais quitté New-York avec Emma qui ne me parlait plus. Je l’écoutais blablater, elle bafouillait encore, ne répondant même pas à ma question….maintenant que j’étais là avec elle, j’avais peur qu’elle prenne ses affaires et qu’elle parte, qu’elle me dise que nous ne nous reverrions plus jamais avant de me tourner le dos définitivement.
« Moi aussi, plus que tu ne peux l'imaginer... Maël... » Je n’aimais pas trop la tournure que les évènements prenaient…et je commençais à paniquer intérieurement lorsque je la vis se baisser pour reprendre son sac et sa pochette. Je la regardais faire, j’étais comme pétrifier sur place, des millions de questions fusaient dans ma tête dans la principale : si elle partait, qu’est-ce que je devais faire ? J’avais conscience que, lui demander d’être ami avec moi était bizarre mais surtout douloureux pour elle et surtout, égoïste de ma part. Mais quand je lui avais dit qu’elle me manquait, je le pensais, réellement, je pensais souvent à elle, et aujourd’hui qu’elle était à San Francisco, je ne pouvais pas l’ignorer, pas après les un an que nous avions passés ensemble. Il y avait bien trop de souvenirs, de rires, quelques pleurs lorsque sa mère la harcelait encore et toujours car elle voulait la voir. On dit souvent que quand on aime quelqu’un, il faut savoir le laisser partir. Mais moi, j’en avais marre de n’avoir personne. Tout c’était arrangé lorsque j’étais revenu avec Jude, mais j’avais eu le malheur de lui dire la vérité, lui dire que je n’étais pas saoul lorsque nous avions couchés ensemble avant que je parte de New York. Et ça avait fini en catastrophe, aujourd’hui, elle ne voulait plus me voir, plus me parler. Et même si j’avais quelques amis, comme Eliàs en qui j’avais entièrement confiance, je me sentais plus seul que jamais, le même sentiment que lorsque je suis parti à New York, avant que je ne la rencontre elle. Mais aujourd’hui, cette solitude était encore plus douloureuse à porter, car je savais qu’Emma ne serait pas là pour me tirer de là, car elle aussi était partie, elle aussi m’en voulait.
Elle attrapa ma main, à ma plus grande surprise avant de me dire doucement ; « Suis-moi... ». Je ne posai aucune question, de toute façon, il n’y en avait aucune à poser, sur le moment, j’étais bien trop content de me rendre compte qu’elle ne comptait pas partir et prendre la fuite face à moi. Je la laissais me guider, revenant sur mes pas alors que je sentais de nouveau le sable sous mes baskets. Une fois face à la mer, elle déposa son sac et sa pochette à terre avant de retirer ses chaussures pour être pieds nus sur le sable qui devait être à cette heure ci, agréablement frais. Elle se pencha légèrement afin de ramasser du sable à terre, je ne la quittais pas des yeux. Laissant couler le sable entre ses doigts, elle m’annonça calmement, « Je n'ai pas envie d'être un grain de sable parmi tant d'autres, qu'une simple vague pourrait balayer de ta vie... Tu vois ? ». Je ne pus m’empêcher de sourire, elle avait toujours eu cette manie, lorsqu’elle n’arrivait pas à me dire quelque chose. Les métaphores, au début, j’avais eu du mal à m’y habituer, c’est sûr, mais après un an passé avec elle, j’avais fini par m’y faire.
Comment pouvait-elle croire qu’elle n’était qu’un misérable petit grain de sable ? Je me penchai à mon tour, attrapant une grosse poignée de sable dans la main gauche et je fis couler quelques grains de celui-ci dans ma main droite, lui présentant d’abord ma main gauche pleine de sable qui coulait entre mes doigts ; « Tu vois, ça c’est les autres. Ça c’est mes parents qui sont morts avant même que je ne les connaissent, ça c’est ma sœur que je ne connais même pas, qui est probablement ici sans même que je ne me souvienne de son prénom. Ça, c’est tous mes sois disant amis de San Francisco qui n’ont pas vraiment cherchés à savoir ce que je devenais quand j’étais à New York. Ça, c’est tous les gens qui m’ont abandonnés dans ma vie… », je m’arrêtais, la regardant toujours alors que je laissais tomber le sable à terre. Je lui présentai ensuite ma main droite où se trouvais quelques grains de sable. « Et ça, c’est toi. », je lui souris et détourna mon regard du sien pour regarder la paume de ma main ouverte vers elle. « Ça, c’est une fille que j’ai rencontré à New-York y’a plus d’un an. Ça, c’est la seule fille avec qui j’ai eu une relation sérieuse de toute ma vie et que j’ai sincèrement aimé. Ça, c’est une fille qui m’a fait rire, qui m’a donné confiance en moi, une fille qui a bien voulu de moi malgré mon caractère de merde qui en ferait déprimer plus d’une et qui m’a supporté pendant un an. Une fille avec qui j’ai beaucoup de bons souvenirs. », je sentais des larmes me monter aux yeux, j’avais peur de la perdre pour toujours. Et même si, quelqu’un m’aurait dit que j’aurais du y penser avant, je n’y pouvais rien…on dit bien que c’est en perdant quelque chose que l’on se rend compte de sa valeur non ? « Tu n’es pas qu’un vulgaire grain de sable parmi d’autres Em’, et aucune vague ne pourra te balayer de ma vie parce que je n’en ai pas envie, parce que tu es la seule qui est rentrée y est rentrée au moment où j’allais le plus mal et qui a su me redonner le sourire…tu n’es pas n’importe qui, je t’interdis de penser un truc pareil… »
You need a friend. I'll be around. Don't let this end. Before I see you again. What can I say to convince you. To change your mind of me ? I'm going to love you more than anyone. I'm going to hold you closer than before. And when I kiss your soul, your body'll be free. I'll be free for you anytime. I'm going to love you more than anyone. Look in my eyes, what do you see ? Not just the color. Look inside of me. Tell me all you need and I will try. I will try...
Il fallait vraiment que je me ressaisisse. Ça ne me ressemblait tellement pas d'être hésitante à ce point, cherchant mes mots comme si je m'exprimais en une langue étrangère que j'étais bien loin de maîtriser. Certes je n'étais pas une experte en sentiments, mais j'avais toujours réussi à faire comprendre la plupart des émotions qui avaient pu étreindre mon cœur. Ce n'était pas toujours très évident, n'ayant pas été habituée à parler de ce genre de choses étant plus petite, mais mon caractère et mon optimisme naturel avait su rééquilibrer le tout. Aujourd'hui, ils étaient aux abonnés absents, puisque je ne me reconnaissais pas moi-même tant je pouvais me montrer distante, et à la fois si troublée. Maël avait toujours eu un effet apaisant sur moi, calmant et canalisant la petit boule de nerfs que j'étais, parfois trop énergique et trop souriante. A cet instant précis, mon cœur s'emballait alors que j'étais figée sur place, les mots se bousculaient sur le bout de ma langue jusqu'à m'en faire bafouiller et je savais que sa présence en était la cause. La pointe de tristesse qui teintait mon regard depuis de nombreuses semaines découlait aussi de toute cette histoire, et je faisais mon possible pour la lui cacher. Je ne voulais surtout pas qu'il lise cette faiblesse, car elle me serait encore plus difficile à supporter. J'étais quelqu'un de simple, et jamais, ô grand jamais, je ne m'étais autant pris la tête. Le chasser de mes pensées devenait un véritable challenge, effacer la moindre trace de mélancolie me semblait impossible et pour ce qui était d'étouffer cette flamme qui lui était encore réservée, je n'en avais même pas la force, encore moins le courage. J'aurais pu fuir une nouvelle fois. Prendre mes affaires et partir à toute allure très loin de lui. Me dire que c'était bien mieux ainsi et tenter de me convaincre que ma place était à New-York. Mais je n'en fis rien. Impossible pour moi de m'y résoudre quand je croisais ce regard et que j'entendais ces doux aveux.
Impulsive, et cherchant surtout un moyen pour lui faire comprendre la différence entre ce que je désirais pour lui, pour nous, et ce que j'étais capable de lui offrir ; je ne pu résister plus longtemps. M'emparant de sa main, je pris la direction de la plage. Je me sentais comme prise aux pièges, craignant de trop en dire et de foutre en l'air le peu de relation qu'il nous restait. Pouvais-je d'ailleurs le considérer encore ainsi ? Après tout le silence n'avait pas eu de mal à s'immiscer entre nous, à cause de moi. Du sable plein les mains, je tentais vainement de lui confier ma crainte de n'être qu'une option banale et insignifiante dans sa vie. Cette place je n'en voulais pas, et je préférais m'en priver quitte à souffrir davantage. Le choc serait plus douloureux j'en avais conscience. Néanmoins, mon calvaire serait moins long. Je ne voulais pas disparaître en un claquement de doigts lorsqu'il lui prendrait l'envie de tourner la page. J'avais besoin de lui, mais aussi d'être rassurée en un sens. Et je préférait être déboussolée pendant un temps, que perdue le reste d'une vie... Maël esquissa un sourire suite à mes quelques mots bien maladroits. Il avait l'habitude d'entendre de pareil bêtises sortir de ma petite bouche, j'étais un sacré spécimen dans mon genre ! A croire qu'il fallait parfois un décodeur pour me comprendre. Sans le mode d'emploi, on avait parfois du mal à me comprendre. Mais il avait la clé pour déchiffrer tout ça, et l'éloignement n'avait pas encore tout effacé. Il décida alors de me répondre de cette même manière, ce qui me décrocha un sourire franc et spontané. Le début de son discours fut des plus touchant, me rappelant alors les quelques et rares confessions qu'il avait pu me faire sur son passé, sur sa solitude. Des choses qui m'avait ému, et qui le faisait encore aujourd'hui. Énumérant alors la liste des personnes qui avaient pu le mettre de côté, il en vint à me désigner sa seconde main, dans laquelle il restait quelques grains de sable. Et il me les attribua, me faisant alors comprendre que je demeurais une des rares personnes encore présente dans sa vie.
Que pouvait-on répondre à ça ? J'en avais les larmes aux yeux. Alors il pensait donc tout ça de moi ? Je n'en avais jamais eu réellement conscience et il semblait que Maël venait de m'ouvrir les yeux sur cette réalité. J'en étais restée au simple : « On ne peut plus continuer ainsi... » qui m'avait brisé le cœur, sans penser à ce que j'avais pu être, ce que je pouvais encore être. Je restais silencieuse, me mordant doucement l'intérieur des joues pour retenir mes larmes et me forcer à rester concentrée à défaut d'être détendue. Je me rapprochai de lui et vint effleurer sa main du bout des doigts. D'un geste doux, je l'obligeais à renverser ces quelques grains. Qu'étais-je entrain de faire ? De lui dire au revoir en m'effaçant toute seule de sa vie ? Au premier abord ça en avait l'air. La suite lui prouva le contraire, puisque ma main remplaça cette poussière, caressant doucement sa paume. « Peux-tu interdire à mes larmes de couler, s'il te plait... ? Ça m'arrangerait beaucoup ! » -lançais-je en tentant un brin d'humour pour rendre la conversation plus légère. Elle était si chargée en émotion que je n'allais plus tenir bien longtemps. Savoir que je comptais tout de même à ses yeux, entendre ces paroles si rassurantes, j'en avais eu envie pendant ces derniers mois. Je m'étais fait violence pour me terrer dans ce silence que je nous avais imposé suite à notre rupture. J'avais bêtement pensé que cela m'aiderait à cicatriser plus vite. Ça n'avait fait qu'accentuer le manque et la peine. Je n'avais jamais rien dit à ce sujet. A personne. Afficher un sourire, même faux, est tellement plus simple... A force, on en devient même une experte !
« Je ne sais plus quoi dire... Je mentirais si je te disais que je ne craignais pas d'avoir perdu pour toujours l'homme que j'ai rencontré à New-York, dans ce petit bar peu fréquenté mais tellement rassurant. Je mentirais car dans le fond, je suis forcée de m'en priver. D'une partie du moins... Ce qui est déjà trop pour moi. Enfin... Qu'est-ce que tu attends de moi ? Si je ne suis pas n'importe qui, qui suis-je ? Je dois bien accepter le fait que je n'ai plus la même place dans ta vie, et en toute honnêteté... -J'avais laissé ma phrase en suspens, me demandant si je n'en avais pas trop dit cette fois-ci. J'avais commencé, il allait me demandé de finir, c'était une évidence. Si bien que je ne pu que détourner mon regard, me reculant de quelques pas pour me forcer à relâcher sa main et finissant par me retourner. Je faisais face à la mer, croisant les bras contre ma poitrine. ...je ne l'ai toujours pas digéré. » Ma voix s'était éteinte, tout comme mes maigres espérances.
J’avais l’impression qu’elle n’avait pas compris à quel point sa présence dans ma vie était indispensable. Je pouvais comprendre que ça soit difficile à comprendre, et il fallait être dans ma position pour pouvoir espérer ne serait-ce qu’imaginer ce que j’avais bien pu vivre dans le passé. A l’école, j’étais le « garçon qui n’avait pas de parents », celui qu’on narguait le jour de la fête des mères ou des pères. Combien de fois m’avait-on demandé d’un air moqueur à qui je comptais offrir le cadeau que j’avais confectionné en classe…Les enfants sont vraiment cruels entres eux, et je ne fus pas une exception. J’étais aussi le « garçon qui habitait dans un orphelinat », enfin, on me donna beaucoup de surnoms. C’était lourd à porter, et grandir dans un orphelinat n’était pas simple non plus. Même si les encadrant qui nous géraient étaient très gentils, ils ne pouvaient pas remplacer nos parents. Même là bas j’avais joué au garçon solitaire, me faisant peu, très très peu d’amis. Depuis que j’étais petit, je m’étais fixé comme devise : « aucune attache » et ça marchait non seulement pour les relations amicales qu’amoureuses ! Bien sur, il y avait Jude, Bambi-Jane & Eliàs, mais avec eux, c’était différent, nous étions les 4 mousquetaires, nous nous connaissions depuis toujours. Ils étaient peut-être même mes seuls amis au fond, ceux sur qui j’étais vraiment sûr que je pouvais compter. Aujourd’hui, je n’en étais plus si sûr. BJ me parlait moins à cause de Jude, Jude elle ne voulait plus me parler, il n’y avait plus que Eliàs.
Non, qu’est-ce que je raconte ? Il y avait Eliàs, et la belle brune qui se tenait devant moi, même si j’étais sûr de l’avoir perdue elle aussi. Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même après tout, non ? Je répondis à Emma comme elle l’avait fait, en utilisant une métaphore. Avant, je n’étais vraiment, mais vraiment pas doué pour ce genre de chose, mais après avoir vécu un an à ses côtés, j’avais finis par apprendre, car la miss aimait bien utiliser les métaphores quand elle n’arrivait pas à s’exprimer. J’essayais de lui faire comprendre qu’elle n’était pas qu’une des innombrables personnes dans ma vie pour plusieurs raisons : de une, il n’y avait pas tant de personnes que ça, dans ma vie. De deux, je l’avais aimé pendant un an, en un an, des millions de choses se passent, surtout que nous étions fourrés soit chez l’un, soit chez l’autre. Les souvenirs, ça ne s’efface pas comme ça. Elle m’avait aidée à tenir à New York, elle m’avait soutenue. Elle était très loin d’être n’importe qui. Moi qui était peu sociable, j’avais presque réussis à être un garçon à un caractère un peu plus ouvert, ce qui nous avez permis d’avoir des amis en commun et de pouvoir sortir tous ensemble. Partager sa vie avec quelqu’un pendant si longtemps, ça n’était pas rien, enfin, pour moi, c’était déjà un exploit, alors je ne voulais pas qu’elle imagine que j’avais tout oublié et que ça ne comptait pas, car c’était faux.
FLASHBACK ;
New York était recouvert d’un épais manteau blanc cette année là. Il faisait très froid dehors mais malgré tout, la ville restait toujours aussi animée avec tous ses taxis qui klaxonner même encore plus que d’habitude puisqu’ils devaient rouler plus doucement à cause de la neige. Et ce, même si nous étions le jour de Noël. Je me détournai de la fenêtre de mon appartement donnant sur une rue de la Grande Pomme pour m’assoir dans le canapé, regardant toutes les deux minutes l’heure. J’avais fait le réveillon avec Emma et j’avais pu lui donner son cadeau – un pendentif simple et au plus cher de ce que je pouvais me permettre de lui acheter – en forme de cœur. C’était bidon, banal, j’aurais aimé être plus original, mais au final, ça avait eu l’air de lui plaire et j’en étais plus que ravis. Nous étions ensemble depuis quelques mois maintenant, et je me sentais horriblement bien avec elle. La porte de l’appartement s’ouvrit, laissant entrer un courant d’air glacial dans l’appart’. La belle entra et enleva tout de suite ses bottes afin de ne pas salir toute la pièce. Enlevant son bonnet qui protégeait sa tête et ses géants, elle m’adressa un large sourire.
« J’ai ton cadeau ! », m’annonca-t-elle. Je lui rendis son sourire, hier soir, elle n’avait pas pu me donner le mien car il « n’arrivait que ce matin ». Je n’avais aucune idée de ce que ça pouvait bien être, et même si je n’avais pas besoin de cadeau, j’étais curieux de savoir ce que c’était. Une fois qu’elle eut enlevé son manteau, elle vint s’asseoir sur mes genoux en tenant quelque chose derrière son dos. Elle sentait bon la neige…(oui enfin, je dis ça car pour moi, la neige, ça a une odeur plutôt agréable, quand on est en montagne, ça sent…l’air frais, bon je ne saurais pas l’expliquer, mais elle sentait bon l’air de dehors). D’un geste spontané, avec toujours ce magnifique sourire aux lèvres, elle me tendit une enveloppe blanche. Je la pris du bout des doigts, j’avais bien envie de la taquiner un peu. « Une enveloppe…blanche en plus…whoua, merci Em’, j’vais bien m’amuser avec ça », lançais-je en lui souriant. « Fais pas ton malin Petterson, ouvre ! », dit-elle en rigolant, elle avait l’air d’avoir plus hâte de moi que je découvre ce qu’il y avait dedans. J’ouvrais alors l’enveloppe et je sortis d’abord un, non, deux billets d’avions. Je regardais la destination, « La Floride ? Pourquoi ont iraient en Floride ? », demandais-je en fronçant les sourcils. « Le reste Maël ! Le reste de l’enveloppe ! », elle était impatiente et très dynamique aujourd’hui…pour changer. Lui donnant les deux billets d’avion, je plongeai à nouveau mes doigts dans l’enveloppe pour attraper deux tickets. Un large sourire se dessina sur mon visage, cette fille était vraiment géniale. « Ça…ça te plait au moins ? Sinon…bah on pourra changer ! », annonça-t-elle. Je la regardai, elle était sérieuse ? Comme si j’avais envie de changer deux tickets pour Disney World en Floride. Avec l’orphelinat et tout le bazar, je n’étais jamais allé là bas, et étant un grand enfant, disons que c’était comme un « rêve ». C’est débile vous trouvez ? Tous les enfants ont déjà été dans un parc d’attraction, pas moi. Je replaçai les tickets et les billets d’avion dans l’enveloppe avant de la poser près de moi dans le canapé. J’enroulais mes bras autour de sa taille, déposant un baisé dans son cou ; « Merci…c’est le plus beau cadeau qu’on m’ais jamais fait… »
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Elle avait les larmes aux yeux. Mon Dieu, je détestais voir quelqu’un pleurer, et surtout elle. Combien de larmes avait-elle versée à chaque appel de sa mère, lui gueulant dessus pour qu’elle rentre chez elle. Elle s’avança doucement vers moi, effleurant ma main du bout de ses doigts, je frémissais rien à sentir sa peau contre la mienne, rien qu’au touché, des millions de souvenirs me remontaient en tête. Faisant basculer ma paume de main vers le sol, le peu de sable dedans coula, je ne comprenais pas trop ce qu’elle venait de faire, si ça avait une signification ou pas…même si j’étais habitué à tous ses mystères avec elle, parfois, j’avais encore du mal à la cerner…Mais je compris que cela n’avait aucune signification péjorative lorsqu’elle vint placer sa main dans la mienne à la place du sable, me la caressant doucement. « Peux-tu interdire à mes larmes de couler, s'il te plait... ? Ça m'arrangerait beaucoup ! », je lui souris, au moins elle n’avait pas perdue son sens de l’humour. Je ne lui répondis cependant pas, me contentant de ma main libre d’effacer ses larmes qui coulaient sur ses joues, en vain puisqu’elles commençaient à devenir nombreuses. « Je ne sais plus quoi dire... Je mentirais si je te disais que je ne craignais pas d'avoir perdu pour toujours l'homme que j'ai rencontré à New-York, dans ce petit bar peu fréquenté mais tellement rassurant. Je mentirais car dans le fond, je suis forcée de m'en priver. D'une partie du moins... Ce qui est déjà trop pour moi. Enfin... Qu'est-ce que tu attends de moi ? Si je ne suis pas n'importe qui, qui suis-je ? Je dois bien accepter le fait que je n'ai plus la même place dans ta vie, et en toute honnêteté... – elle se recula alors, jusqu’à lâcher ma main, si j’avais pu crier comme un enfant pour qu’elle me la reprenne, je l’aurais fait.
Elle me tourna le dos, elle n’avait même pas finie sa phrase, je m’avançais d’un pas vers elle, le silence régnait et seul les vagues laissaient entendre leur mélodie gracieuse. Sa voix vint alors casser ce silence –...je ne l'ai toujours pas digéré.». Elle était tout à coup calme, posée, je n’étais vraiment pas habituée à la voir comme ça, d’habitude c’était plutôt l’inverse. Je restais sur place, derrière elle alors qu’elle avait le regard rivé sur les vagues face à elle. « Tu es juste….Emma. Ça ne s’explique pas…je ne pourrais jamais qualifier ce que tu es pour moi, tu es juste unique… », lançais-je, restant toujours aussi immobile, espérant qu’elle finisse par se retourner pour faire de nouveau face à moi. « Je sais que au fond…c’est égoïste de ma part de te vouloir près de moi après tout ça…mais… », je m’arrêtais brutalement. C’était vrai, en ce moment, je ne pensais qu’à moi, j’étais égoïste et Jude me l’avait bien dit. Ma voix tremblait, elle se faisait beaucoup plus hésitante, je n’arrivais pas à croire ce que je m’apprêtais à lui dire ; « On dit que quand on aime une personne, on doit la laisser partir…alors…tu peux partir. Prendre ton sac, tes dessins qui m’ont toujours fait rêver et tourne moi le dos, je suis prêt à t’offrir… « ta liberté » si c’est ce que tu veux… ». Ca raisonnait dans ma tête, toutes ses voix qui m’hurlaient dessus et se contredisaient : « Mais pourquoi tu viens de faire ça ?! » , « Bonne décision fiston ! », « Maël…plains toi encore que les gens t’abandonne tiens ! ». Je me sentais con, je ne savais pas du tout comment elle réagirait à ça. Mais j’étais certains d’une chose : je voulais qu’elle reste.
Bien que j'avais d'énormes difficultés à lui confier ce que je ressentais, dans l'ensemble j'avais l'impression de plutôt bien m'en sortir, d'être plus ou moins claire. Je ne voulais pas d'une place quelconque dans son petit train de vie, un numéro se perdant parmi tant d'autres dans son répertoire, une personne lambda dans son cercle d'amis et de connaissances. J'en demandais sans le moindre doute peut-être trop et c'est ce qui me mettait dans un tel état face à lui. J'étais tiraillée entre ma peur de ce qui me paraissait trop incertain dans cette situation et même plus loin : dans cette relation ; et l'envie de fuir bien loin d'ici. Pourtant aucune réelle issue de ne présentait à moi. M'en aller n'aurait servit à rien, puisque cela faisait plusieurs mois que je ne l'avais pas vu, et le manque n'avait en aucun cas diminué. Au contraire, il n'avait eu de cesse de croître, me rappelant sans cesse que Maël n'était plus à mes côtés. Rien que d'y penser, cela me blessait. J'étais trop sensible, trop naïve, trop attachée à lui. Il était ma faiblesse, et jamais je n'aurais pu imaginé, il y a de cela un peu plus d'un an, que cela se passerait ainsi.
FLASH BACK « Hey, doucement ! » Ma phrase fut ponctuée par un léger éclat de rire, alors que je reculais jusque dans le petit salon, quittant le coin cuisine de mon studio, avec Maël en face de moi, bien décidé à obtenir ce qu'il désirait : un baiser. Pourquoi ne pas le lui céder sans attendre ? Et bien j'avais préalablement et avec l'air le plus innocent du monde, étaler un peu de chocolat sur son charmant visage. Il était passé me voir à l'improviste, alors que nous étions censé nous rejoindre chez une amie. Pour cette soirée j'avais été désignée d'office pour la confection du dessert, et Monsieur était soit disant venu vérifier si je m'appliquais et faisais correctement mon boulot. Quel manque de confiance en la super pâtissière que j'étais ! « Ça t'apprendra a trouver de meilleurs excuses pour faire irruption dans ma cuisine. - Ta kitchenette, tu veux dire ? -lança-t-il en faisant référence à la taille de la pièce. Il avait le droit de se moquer, car prétendre cuisiner quoique ce soit avec ce matériel relevait d'un véritable challenge, je le lui accordais sans problème. Viens me faire un bisou et goûter à ta pâte à gâteau ! Allez ! - Je suis sûr que tu es délicieux, mais... Je n'aurais pas le temps de repasser par la case salle de bain ensuite. Tiens, en parlant de salle de bain, tu devrais y faire un tour. T'as un peu de chocolat... Là... » -répliquais-je en pointant tout d'abord mon index vers son visage, restant à bonne distance de lui. Puis, aux vues des traces chocolatées, je fini par désigner la totalité de sa jolie petite bouille. « Enfin là quoi... » Je me mordis la lèvre inférieure et me finir par rire à nouveau. La réaction de Maël ne se fit pas attendre... « Viens par là toi ! - Non ! Maël ! Déconne pas ! » Nous étions lancés dans une course poursuite mémorable au travers de mon studio, pourtant loin d'être gigantesque. Traversant à plusieurs reprises ce qui me servait de living-room, je fis l'erreur de regagner la cuisine, partant à la recherche d'une arme pour contre-attaquée. Mais il ne restait rien à part des emballages et une bouteille de lait à moitié vide. J'étais piégée, et Maël me fixait avec un sourire en coin des plus inquiétants. « Ok, ok... Je me rends... - Trop tard ! » Posant ses mains sur ma taille, il me força à m'asseoir sur le plan de travail et chercha à capturer mes lèvres dans un baiser sucré. Lui même en riait, alors que je me retrouvais avec du chocolat sur le bout du nez. Il s'empressa de l'essuyer du bout du doigts, goûtant à cette douceur pâtissière. « Délicieuse ! - La pâte ? Ou moi ? - A ton avis ? » FIN FLASH BACK
J'osais à peine bouger, lui tournant à présent le dos. Je fixais un point invisible, me répétant mentalement que je ne devais pas flancher, pas maintenant. J'avais tenu le coup jusque là, m'autorisant quelques larmes suite à ces confidences. Mais je devais les effacer au plus vite et retrouver mon sourire. Celui qui me permettait de mentir au reste du monde, mon issue de secours. Je ne pouvais pas faire plus simple que maintenant, alors que j'exprimais clairement que notre rupture n'était toujours pas encaissé pour ma part. Elle me faisait souffrir au quotidien, car jusqu'à présent personne n'avait été aussi important que lui dans ma vie. Et j'avais ce très désagréable sentiment de m'être plantée sur toute la ligne. J'avais cru en une illusion trop belle et trop douce pour être vraie. Commençant à jouer nerveusement avec mon pendentif, je pris conscience que j'avais à nouveau ce cadeau autour du coup...
FLASH BACK « Hey ! Em' ? Je sais que t'es là ma poulette ! Décroche s'il te plait ! ...Em' ? Allez ma belle, tu pourrais faire un petit effort pour moi, non ? ...Apparemment non. J'espère que ça va... Un peu mieux du moins. Donne de tes nouvelles et... » Je coupais le son du répondeur en passant à côté, laissant alors mon amie terminer son message sans pour autant être obligée de l'entendre. Je me connaissais, j'allais finir en larmes. D'ailleurs, mes yeux -cernés et encore rougis- commençaient à picoter, c'était très mauvais signe. Ça n'était pas le premier message qu'on me laissait. Ils arrivaient en rafale sur mon répondeur depuis la veille. Passé les 24h sans me voir et sans avoir été prévenu d'un éventuel silence de ma part et voilà que mes amis s'en faisaient pour moi. Il faut dire que mon dernier sms avait été très court. "Non" pour répondre au traditionnel et banale : "Ça va ?". Je ne voulais pas parler, encore moins sortir de chez moi comme si de rien était alors que je m'étais fait plaquer. La fatigue ne m'aidait en rien en surmonter tout ça. J'avais les nerfs à fleur de peau et plus de Ben & Jerry's dans le congélateur. Voilà, c'était désormais la fin du monde. De mon monde. Non, ce dernier ne tournait pas autour d'un pot de glace. Mais c'était peut-être la seule chose qu'il me restait depuis deux jours. Je m'en étais gavée, planquée sous une couverture. J'avais squatté le canapé durant tout ce temps, et la télécommande de la télévision était devenue ma meilleure amie. J'étais pathétique, et j'en avais bien conscience. Cependant, oublier mes soucis devant des films d'actions bien sanglants et démunis de sentiments restait le seul moyen que j'avais trouvé pour ne pas pleurer en non stop. Ridicule ? Peut-être. Tout comme pouvait l'être ma réaction de petite fille fragile qui venait de se prendre une grosse gifle. Mais j'avais tellement mal... Faisant un détour par la salle de bain pour constater l'étendu des dégâts, causés par cette satanée rupture, je me stoppai devant le miroir. J'avais une mine affreuse, je me faisais peur. Détaillant les traits fatigués de mon visage, je pris un peu de recule et mon regard se posa alors sur le bijou qui pendait encore autour de mon cou. Celui que Maël m'avait offert à Noël dernier. Aussitôt je fermai les yeux tout en posant ma main sur le pendentif. Puis d'un seul coup, d'un geste violent et étonnamment puissant de ma part, je tirai dessus. Le fin fermoir se brisa, la chaine glissa sur ma peau. Cette dernière brûlait, j'avais mal, et mon cœur se serrait dans ma poitrine. J'étais toute seule. FIN FLASH BACK
Un beau matin, j'avais eu le courage de le sortir de mon porte-feuille -dans lequel je l'avais soigneusement rangé pour ne pas m'en séparer- pour le faire réparer. Quelques jours avant mon départ pour San Francisco. J'avais passé plusieurs mois sans le porter et autour de moi tout le monde avait compris ce qu'il avait pu représenter et ce qu'il demeurait à mes yeux. Je l'avais rattaché à mon cou une fois dans l'avion. Et voilà que je jouais nerveusement avec, comme pour m'apaiser. Maël avait repris la parole, me laissant quelque peu perplexe. J'étais Emma... Juste Emma. Ah ouais ? Et bien ça ne m'en disait pas plus. J'étais perdue dans mes espoirs et mes illusions, mes semblants de rêves. J'étais unique d'après ses propres mots. Pas assez visiblement pour faire la différence. Ça me crevait le cœur. Mes ses dernières phrases eurent l'effet d'un véritable coup de poing. Me retournant rapidement pour croiser son regard, je cherchais à voir si la sincérité y était réellement ancrée. « Me laisser partir... -répétais-je doucement, surprise comme jamais.- Je n'ai jamais voulu sortir de ta vie Maël. Pas comme ça en tout cas. Tu m'y as forcé. -Ma voix tremblotait mais je luttai et fis preuve d'assurance. Je n'aurais jamais dû postulé ici, je suis trop bête. Oublie tout ce que j'ai pu dire, j'ai un don pour faire en sorte de remuer le couteau dans la plaie. Je vais me stopper avant que les dégâts soient irréparables. »
Je le regrettais déjà, de lui avoir dit ça. Mais je ne savais plus comment réagir avec elle, je ne savais plus quoi lui dire. Je lui avais fait du mal, je le voyais bien. Mais si elle croyait que la quitter avait était une partie de plaisir pour moi, elle se trompait royalement. Si elle croyait que j’avais fait ça sur un coup de tête, c’était faux. J’y avais réfléchis, beaucoup beaucoup réfléchis et je ne voulais pas ne plus l’avoir à mes côtés, mais ça n’était pas correct. Je ne voulais pas la prendre dans mes bras en pensant à une autre, elle ne méritait pas ça. Mais ce jour là, quand je lui annonçai que je la quittais, elle ne me laissa même pas finir jusqu’au bout. La dernière fois que je l’ai vu, c’était quand elle partit comme si de rien n’était, ne me laissant même pas finir mes explications. Et après, ce fut le silence total. C’était peut-être ça, le pire. N’avoir aucune nouvelle de sa part. Pendant près de deux semaines, je lui téléphonais tous les jours, espérant qu’elle finisse par me répondre, laissant un message à chaque fois. Mais jamais elle ne me rappelait, jamais elle ne décrochait.
FLASHBACK ;
Il était tard, mais pas moyen de dormir. Mes amis ne comprenaient pas pourquoi j’étais si mal alors que c’était moi qui avais fait en sorte que la situation se passe comme ça. Mais ils n’arrivaient pas à comprendre ce qui m’avait décidé à mettre un terme à cette relation qui avait eu comme l’effet d’un médicament sur moi. Décidément, je n’étais pas très doué avec les filles, Jude ne répondait pas à mes appels, Emma ne répondait plus à mes appels. J’étais vraiment con. Parfois je regrettais ce que j’avais fait, je voulais débarquer à l’improviste chez elle, défoncer la porte d’entrer si il le faudrait, lui dire que j’étais désolé et qu’elle me manquait. Mais je ne pouvais pas faire ça. Quand je ne pensais pas au fait qu’Emma devait me détester, je pensais que c’était Jude qui me détestait. J’étais complètement paumé dans mes sentiments, maintenant qu’Emma n’était plus là, je n’étais même plus sûr que ce fussent Jude que je voulais. Quel con. Je l’avais déjà appelé ce matin, mais je voulais retenter le coup. C’était carrément du harcèlement, je le savais, mais il fallait vraiment que je lui parle. J’attrapais mon téléphone et composa son numéro –qui était, soit dit en passant, le seul numéro que je connaissais par cœur avant même le mien sur lequel j’avais parfois des doutes. « Vous êtes sur le répondeur de Emma…vous savez quoi faire ! », je raccrochai, et merde. Elle n’était même pas venue chercher les quelques affaires qu’elle avait laissée chez moi, j’avais peur d’aller lui rendre, de devoir lui faire face même si c’était un bon prétexte pour la voir. Je me levai de mon lit, j’avais un peu la tête qui tournait, ne pas dormir pendant quelques jours, ça n’était pas un bon plan. Je n’avais même pas été en cours ses jours ci alors que c’était la dernière ligne droite pour avoir mon diplôme. Mais je me disais…qu’est-ce que je ferais bien de ce diplôme ? J’étais seul, encore une fois dans une ville immense et la seule personne qui comptait vraiment pour moi ici, je l’avais blessée et elle ne voulait plus me parler. Quelqu’un frappa alors à la porte, je fus surpris, il était assez tard. C’était une amie qu’Emma et moi avions en commun. Elle venait de un, pour me faire un sermon, et de deux, pour me demander si j’avais des nouvelles de la belle brune...comme ci c’était à moi qu’elle me donnerait des nouvelles… « En fait, j’ai pensée que…qu’elle voudrait que je vienne chercher ses affaires à sa place…enfin, tu comprends, j’pense pas qu’elle veuille te voir pour le moment… ». J’acquiesçais, même si au fond j’aurais préféré aller lui rendre moi-même. Enfin, si j’en aurais eu le courage…
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D’un geste rapide et assez inattendue, elle se tourna vers moi, me fusillant du regard. Elle n’avait pas l’air d’avoir appréciée ce que je venais de lui dire. Moi-même je détestais ce que je lui avais dit. « Me laisser partir... – répéta-t-elle doucement alors qu’elle me faisait face. Elle avait une petite voix, tremblante, j’avais déjà entendue ce ton de voix, quand je l’avais quitté. - Je n'ai jamais voulu sortir de ta vie Maël. Pas comme ça en tout cas. Tu m'y as forcé…. Je n'aurais jamais dû postuler ici, je suis trop bête. Oublie tout ce que j'ai pu dire, j'ai un don pour faire en sorte de remuer le couteau dans la plaie. Je vais me stopper avant que les dégâts soient irréparables. ». Quoi, quoi ?! Je n’avais pas dit ça pour qu’elle parte, au contraire, je voulais qu’elle me dise qu’elle ne comptait aller nulle part. Je n’avais jamais voulu qu’elle sorte de ma vie, jamais. Ce n’était pas parce que nous n’étions plus ensemble qu’elle ne ferait plus partie de ma vie. Je sentais un sentiment de panique me gagner petit à petit, j’étais pétrifié sur place, je sentais mon cœur battre à une allure inimaginable. J’aurais du essayer de le calmer, ce n’était pas bon qu’il aille aussi vite avec cette foutue maladie, mais je ne pouvais pas, elle allait partir, et ça, encore à cause de moi. Je me détestais, je me détestais de lui avoir fait tant de mal, je me détestais de lui voir dit que je la laisserais partir si elle le voudrait, c’était faux, entièrement faux.
Ma respiration s’accélérait, je manquais d’air, je ne savais pas trop si c’était la panique qui faisait ça où si c’était plus grave, mais je n’y pensais même pas. J’avançais d’un pas, j’avais la tête qui tournait, et merde, je ne pouvais pas commencer mes conneries de santé fragile maintenant, ce n’était pas, mais vraiment pas le moment. Pourtant, je me sentais vraiment mal. Je m’arrêtai, fermant les yeux, j’avais l’impression de tourner sur moi-même, tellement vite que j’allais tomber. Instinctivement, je m’asseyais sur le sol, sur le sable pour éviter de tomber, on ne sait jamais. J’avais l’habitude de ce genre de situation, depuis que j’étais petit, on m’avait appris à gérer le stresse et à vivre le plus calmement possible afin d’éviter que mon cœur s’emballe trop et qu’il arrive, ce qui était en train d’arriver. Ca ne devait plus être très impressionnant pour Emma, j’avais déjà fait plus d’une fois ce genre de crise avant une représentation en public ou des choses aussi banales qui m’avaient fait stresser. Je respirais un grand coup tentant de prendre mon calme, passant mon visage entre mes mains qui tremblaient légèrement, qu’est-ce que je détestais avoir l’air aussi faible, surtout devant elle, surtout que ce n’était pas le moment que ça arrive. Au bout de quelques secondes, je me sentais un peu mieux, je retirais mes mains de mon visage alors que je dirigeais mon regard vers elle, comme si rien ne s’était passé. « Ecoute…excuse moi, si j’avais su que j’aurais été aussi nul et con avec toi, je ne t’aurais jamais abordé dans ce bar, tu serais beaucoup plus heureuse aujourd’hui… »
A vrai dire, je ne savais plus quoi penser de tout ça. J'y avais tellement réfléchis... J'avais remis tellement de choses en question, dont mon propre comportement. Au départ, je n'avais pas trouvé d'explication valable à cette rupture. Une décision prise sur un coup de tête ? Je me le demandais... Peut-être qu'il en avait tout simplement eu marre de cette histoire. Le temps avait eu raison de ce qui avait pu lui plaire au départ. Après j'en étais arrivée à douter de moi. J'avais pensé avoir commis une erreur, et j'avais passé plusieurs jours à tenter de la déceler dans les bribes de souvenirs qui s'entremêlaient dans mon esprit fatigué. J'étais passée par tout un tas de stades différents, m'en rendant presque malade. La maladie d'amour ? Foutaise... Mon chagrin m'avait convaincu d'une seule chose au final : j'avais tout bonnement été une parenthèse dans sa vie. La bonne copine de New-York, avec qui on rigole bien et qui n'est pas trop chiante... Mon optimisme naturel avait été littéralement étouffé, si bien qu'un temps fou fut nécessaire pour reconnaître les bons moments passés et leur sincérité. J'étais une fille paumée. Un petit bout de femme amoureuse, et malheureusement trop maladroite. Exprimant mon sentiment d'avoir carrément été éjectée de sa vie, je ne savais pas comment lui expliquer ma vision des choses. Avec de tels sentiments à son égard, il m'aurait été difficile et peut-être même impossible de rester son amie dans l'immédiat. A peine plaquée, jamais je n'aurais pu lui faire face sans avoir l'impression qu'un rouleau compresseur me passait sur le cœur. Je ne trouvais pas mes mots et finissais pas baisser les bras. Après tout, il était soit disant prêt à me laisser partir. Il m'ouvrait la porte de sortie pour que je fasse mes valises.
J'étais loin de me douter que mes mots auraient un tel impact sur lui... Qu'est-ce que j'avais fait pour le mettre dans un état pareil ? Je le voyais bien, il était entrain de nous faire une crise, et bien que j'en avais désormais l'habitude, je ne pu que m'en inquiéter comme à chaque fois. A cet instant précis, plus que d'ordinaire d'ailleurs, car je m'en sentais responsable. Dès lors que j'avais achevé ma phrase, je l'avais senti s'emballer. Ça m'avait toujours impressionné. Je craignais peut-être, comme on pouvait le dire très vulgairement, qu'il me claque entre les mains. Une des premières crises à laquelle j'avais assisté m'avait réellement marqué, car j'avais eu la trouille de ma vie.
FLASH BACK « Maël ? Ça ne va pas ? - M'approchant de lui, j'étais surprise de le trouver dans un tel état. Il respirait fort, et plus vite que d'ordinaire. On aurait dit qu'il manquait cruellement d'air, et qu'il peinait à remplir ses poumons d'oxygène. Penché en avant, la main plaquée contre la poitrine, il grimaçait légèrement. - Maël ? » Il arrivait à peine à me répondre, et je commençais sérieusement à m'en inquiéter. Il me faisait quoi le beau brun là ? Si c'était une blague, ça ne me faisait pas rire du tout. A présent à ses côtés, je posai mes mains sur ses épaules, me baissant un peu pour chercher à croiser son regard, à comprendre ce qu'il se passait. Il ne jouait en rien la comédie. Aussitôt, je sentis mon cœur tambouriner à toute allure dans ma poitrine. « Ça va... Ce n'est rien... » -jugea-t-il bon de me dire, comme pour me rassurer. Mais je n'étais pas demeurée, je voyais bien que ça n'allait pas du tout. C'était la première fois qu'une telle chose se produisait, alors que nous étions dans la cage d'escalier qui menait à mon appartement. Je ne savais pas encore qu'il avait des problèmes de santé, loin de m'imaginer qu'il fallait prendre soin du cœur du jeune homme aussi bien au sens figuré qu'au sens propre. « J'ai l'habitude, t'en fais pas... - Parce que ça t'arrive souvent ?! » -demandais-je, surprise. Enfin je n'exigeais pas une réponse express, voyant qu'il était mal en point. L'aidant à se calmer, alors qu'il s'était appuyé contre le mur, tenant sa tête entre ses mains, je me sentais bien inutile. « Je peux faire quelque chose pour... » Il me fit taire en posant son index sur mes lèvres, et me prit ensuite la main. Je fis de mon mieux pour l'apaiser au travers de quelques légères caresses jusqu'à ce qu'il se sente d'attaque pour monter les dernières marches. J'insistais pour l'aider, bien qu'il me certifiait pouvoir le faire tout seul, qu'il avait encore ses deux jambes et que tout allait bien. Moi, j'avais encore la frousse. Devant la porte d'entrée, je farfouillai dans mon sac pour y récupérer mon trousseau de clés, sous le regard amusé de Maël. Il devait voir que cette petite scène avait eu le don de me stresser. J'ouvrai la porte à toute vitesse et l'amenait jusqu'au canapé, où je le forçai presque à prendre place. « Tu te reposes Petterson, où t'auras à faire à moi ! -lançais-je avec une pointe d'amusement, plus pour me détendre qu'autre chose. J'avais vraiment eu peur en le voyant si mal. - Ouh mais c'est que tu ferais presque peur. Ne me tente pas ! » En guise de réponse, je ne trouvai rien de mieux que de lui lancer un coussin, profitant de son temps de réaction pour aller nous servir à boire. Une fois de retour avec les verres, je vins m'installer à ses côtés, lui demandant une explication à ce qui s'était passé. Après tout, nous en étions qu'au tout début de notre relation, et je préférais connaître les raisons qui l'avaient amené à me coller une telle frousse. Il me raconta alors ce qu'il vivait au quotidien, sans trop rentrer dans les détails pour ne soit disant pas m'ennuyer avec ça. Calée contre lui, ma main glissa sur son torse, s'arrêtant au-dessus de son cœur. « Il va falloir en prendre soin. » FIN FLASH BACK
A ce moment là, j'avais été très loin de me douter que c'était le miens qui finirait en miette. Loin d'y penser, je portais toute mon attention à Maël. Ma réaction ne se fit pas attendre. Le voyant s'asseoir, apparemment mal en point, je me mis à genoux face à lui. Je laissais de côté toute once d'hésitation et de retenue, me voulant présente pour lui, car je savais que c'était parfois difficile. Caressant doucement son bras, je murmurais doucement... « Maël... C'est rien... Je suis là... » Des petits mots que j'avais souvent prononcé, pensant que ça pouvait l'aider d'une certaine manière. Là, après coup, je me demandais si ça n'était pas ma présence qu'il l'avait amené à faire un crise. Lorsqu'il releva la tête, je ne pu que retirer ma main et stopper cet élan de douceur de ma part, peut-être mal venu. A nouveau, il arriva à me toucher avec de simples mots. Il avait le don de tout chambouler dans ma tête et dans mes émotions. « Ah ouais ? Et j'aurais donc été privée d'une personne extraordinaire... Ouais t'as peut-être raison. -balançais-je d'un ton plein d'ironie, laissant parfaitement entendre que je pensais le contraire. - Sans la personne qui compte probablement le plus à mes yeux, j'aurais été super heureuse ! »
Vive avec une déformation cardiaque, sa n’était pas facile au quotidien. Je ne pourrais pas dire que j’aurais aimé être un « garçon normal », car la normalité, ça ne me connaissait pas. En plus de ne pas avoir de parents, j’avais mon petit cœur qui m’avait toujours fait des siennes. Ma mère était malade, enfin, elle avait la même maladie et elle avait une chance sur deux de me la refiler. Manque de bol… je suis né avec. Au départ, à l’orphelinat, le médecin me voyait tous les deux mois et insister très lourdement sur le fait que je ne devais pas négliger les activités physiques afin de muscler mon cœur, c’était pour ça que je courrais presque tous les matins. Au départ, je n’aimais pas forcément ça, mais à force, je me suis fait une raison et courir me permettait de garder la santé mais s’était aussi un moyen extraordinaire pour pouvoir réfléchir à tout ce qui pouvait bien se passer dans ma p’tite vie. Avec une alimentation à peu près saine et du sport, j’étais censé vivre aussi longtemps qu’une personne normale. Tu parles, je n’étais pas con, je savais bien que le jour où mes parents étaient morts, c’était alors que mon père conduisait ma mère à l’hosto parce qu’elle faisait une de ses crises, comme je faisais souvent mais en beaucoup, beaucoup plus prononcer. Je m’étais renseigné, j’avais 8 ans et j’avais déjà peur de mourir d’un infarctus. Et j’avais peut-être raison d’avoir peur. Puisqu’à mes 16 ans, mon médecin m’expliqua – comme un vrai gamin en plus – que mon cœur était plus mal en point qu’il ne l’aurait pensé et que j’étais désormais inscrit dans la liste des personnes à greffer à l’hôpital de SF. J’étais le 50ème de la liste, aujourd’hui, j’ai 15ème, mais ça ne voulait absolument rien dire. Ma mère avait 28 ans quand elle est morte, elle était 3ème sur la liste. Je n’étais pas à l’abri de ce genre « d’accident » et je n’aimais pas trop en parler, même si pour la plupart du temps, je préférais en rire qu’en pleurer.
Je soufflais doucement, il fallait juste que je reprenne un peu d’air. C’était vraiment bizarre, que rien que sa phrase suscite une telle réaction sur moi, ça ne m’était encore jamais arrivé de faire une « crise » pour « si peu ». Sur le coup, je me sentais vraiment nul, et en plus, je détestais ça...enfin, bien sur, personne n’aimait faire ce genre de « crise » mais c’était la faire devant quelqu’un qui était…humiliant ? La sentir près de moi…Je ne sais pas si ça m’aida à aller mieux, mais en tout cas, j’avais réussis à reprendre un peu mon calme même si je sentais encore ce cœur battre beaucoup trop vite. Je sentais ses doigts sur mon bras, je frémissais alors qu’elle me disait que tout irait bien. « C’est rien, je suis là », combien de fois elle m’avait dit cette phrase dans le passé ? Et combien de fois je lui avais dite moi aussi…
FLASHBACK
Il faisait un temps horrible à New-York et la pluie claquait contre les par brises de ma voiture alors que je trouvais –miraculeusement – une place juste en face de l’immeuble où je m’apprêtais de passer la nuit. Je me dépêchais de sortir et d’entrer dans le hall du rez-de-chaussée. Je m’arrêtais devant l’ascenseur, hésitant à le prendre, mais c’était hors de question. J’avais une peur affolante des ascendeurs, comme des avions d’ailleurs. Je montais alors les quelques étages qui m’amenèrent à l’appartement d’Emma. La porte d’entrée était ouverte, je pris la liberté de rentrer sans frapper, elle avait l’habitude. Je déposais mon sac dans un coin et j’entrais dans le salon où Emma était debout, tournant en rond alors qu’elle s’engueulait avec quelqu’un au téléphone. Pas la peine qu’elle me dise qui était au bout du fil, je compris très vite dans le timbre de voix de la jeune fille que celle-ci avait à faire à sa mère qui devait, encore une fois, la harceler pour que celle-ci rentre chez elle. Je m’asseyais dans le canapé, la regardant aller et venir à travers la pièce alors que les larmes lui montaient aux yeux plus les minutes passaient. Je détestais la voir dans cet état, surtout à cause de sa mère. Quand je vis les larmes couler sur ses joues, se fut la goute d’eau qui fit déborder le vase. Je me levai d’un bond et attrapa le téléphone que la belle brune avait dans la main quelques secondes plus tôt, portant celui-ci à mon oreille à mon tour ; « Je crois que vous ne vous rendez pas compte que vous faites pleurer votre fille pour la je ne sais pas combien-tième de fois, alors encouragez là, ou arrêtez d’appeler », je raccrochais. Ca ne me ressemblait pas vraiment d’agir comme ça, mais de la voir dans cet état à chaque fois, ça me foutait mal. Le pire, c’était qu’elle avait encore sa mère pour pouvoir l’encourager, et que celle-ci n’en faisait rien. Parfois, je me demandais si mes parents m’auraient encouragé à faire de la musique…Elle me fixait avec son air de chien battu, elle devait être surprise que j’agisse comme ça tout à coup. Je lançai le téléphone sur le canapé et la prit dans mes bras, faisant glisser doucement mes doigts dans ses cheveux ; « c’est rien…je suis là moi… », murmurais-je doucement alors que je la sentais faire « oui » de la tête. Je me reculais un peu, la regardant avec un petit sourire pour la rassurer un peu, décidément, sa mère ne comprenait vraiment rien. « Moi je serais là…je serais toujours là pour toi, ne l’oublie jamais ok ? ».
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Mais merde, pourquoi il fallait toujours que j’ouvre la bouche pour dire une connerie de ce genre ? J’avais l’impression que je m’enfonçais à chaque fois que je disais quelque chose, qu’est-ce que j’étais con. Sa main se retira de mon bras, à ma plus grande…déception ? Emma représentait peut-être la douceur et le réconfort que je n’avais jamais eu, que sa soit à cause de l’absence d’une mère mais aussi parce que avant elle, je n’avais jamais eu de relation aussi sérieuse et intense. Elle avait pu tout partager avec moi pendant un an, mes joies, mes peurs, mes angoisses… Je pris une grande inspiration, ça allait un peu mieux même si j’allais sûrement avoir un mal de crâne mémorable, comme à chaque fois. Je baisai le regard vers le sol, j’avais l’impression que plus je parlais, plus je la blessais…« Ah ouais ? Et j'aurais donc été privée d'une personne extraordinaire... Ouais t'as peut-être raison. – elle s’arrêta, une personne extraordinaire ? Après ce que je lui avait fait ? - Sans la personne qui compte probablement le plus à mes yeux, j'aurais été super heureuse ! ». Là, j’étais carrément paumé. Ouais, c’était le mot, je ne comprenais plus rien. Elle voulait repartir à New York, elle n’avait plus voulue avoir aucune nouvelle de moi, elle ne voulait plus avoir à faire à moi, et j’étais la personne qui comptait le plus à ses yeux ? Je ne savais pas quoi lui dire, je me contentai alors de lui dire l’unique chose que j’avais su lui dire ses derniers mois quand j’essayais de la contacter… « Excuse moi…Emma…j’ai jamais voulu te blesser, te faire du mal…tu comptes aussi énormément pour moi et…voilà, je sais plus m’exprimer…. », je lui souris, j’avais perdu le fil de ce que j’allais dire. « Et merde…et j’ai même pas de métaphore pour pouvoir t’expliquer ! », lançais ironiquement. Je baissai de nouveau mon regard vers le sable, n’osant pas affronter le sien. « Chui content que tu sois venue à SF…. »
Ça pouvait paraître étrange et pourtant je n'avais pas l'impression de tenir un discours démuni de sens. Oui, il m'avait blessé, mais à mes yeux il n'en demeurait pas moins quelqu'un d'exceptionnel. Oui, j'avais refusé d'avoir de ses nouvelles. Il avait été impossible pour moi de répondre au moindre de ses appels. C'était bien trop difficile. Voir son simple nom sur l'écran de mon portable me crevait littéralement le cœur. « Et pourquoi tu ne le renommes pas Voldemort dans ton répertoire pendant que t'y es ? Tu sais... Celui dont on ne doit pas prononcer le nom ! » - m'avait-on suggéré sur un ton moqueur, probablement pour me faire réagir face à ma bêtise et mon erreur. Ça n'avait eu aucun effet, hormis le fait de me décrocher un sourire forcé et ironique. Rien n'avait changé. Je cherchais tellement à m'en protéger, craignant d'avoir à nouveau cette horrible douleur dans la poitrine, aigüe et sans égale. Peut-être parce que je l'avais trop aimé... Que je l'aimais encore un peu trop...? Combien de fois m'étais-je renseignée auprès de mes amis pour savoir comment il allait ? J'avais arrêté de compter tant il m'étais difficile de ne pas y penser. « Pourquoi tu ne l'appelles pas pour lui poser la question, hein ? » - m'avait-on balancé un beau jour, sans doute lasse de jouer les intermédiaires. Je n'avais rien répondu cette fois-ci. Je refusais de me porter le coup de grâce en entendant Maël me dire que tout allait bien pour lui, qu'il était heureux, quand pour ma part j'étouffais inconsciemment ma flamme de gaité, jusqu'à la faire mourir, sous une pluie et peut-être même un torrent, de larmes. Des perles salées qui n'avaient eu de cesse de rouler sur mes joues rosies. Pourtant qu'il soit bien me faisait indéniablement plaisir. Oh oui, j'avais été malheureuse. Et surtout impuissante face à mes sentiments.
Il reprit la parole, s'excusant à nouveau. Et moi, je fermai doucement les yeux, encaissant tout ça. Il n'était pas obligé de me le redire, j'aurais pu m'en passer. Ça ne faisait que me rappeler cette réalité que je jugeais bien trop cruelle. A croire que j'étais destiné à être privée des personnes qui m'étaient chères, dès lors que j'avais besoin d'elle dans ma vie, plus que n'importe qui d'autre. Ma mère m'avait privé de mon père. D'autres hommes de ma mère... Une autre fille de l'homme qui avait su faire chavirer mon cœur. La vie n'était pas mal faite ; c'était la mienne qui semblait bien décousue en bancale. Ça n'était pas pour autant que j'allais indéfiniment me morfondre. Après tout, j'étais officiellement ici pour quelque chose : mes études. Je n'étais pas seulement entrain de griffonner sur des feuilles de papier pour passer le temps, mais je posais les bases de ce qu'allait être ma vie. Si mon cœur souffrait, j'avais de quoi m'occuper, afin de porter mon attention sur autre chose. Même si c'était difficile, et que certains matins je n'avais aucune envie de me lever pour affronter ce nouveau petit monde, loin de ma bulle à moi. Ce qui n'avait pas toujours été le cas par le passé...
FLASH BACK Ouvrant doucement les yeux, je reprenais pieds dans la réalité, sortant donc de mes songes, quittant les bras de Morphée qui m'avaient bercé l'espace de quelques heures seulement. Pourtant je me sentais bien, détendue. J'avais dormi comme un bébé, dans la douce chaleur d'une étreinte, contre un torse chaud et entre des bras protecteur. « Bonjour toi... - On venait de murmurer ces quelques mots à mon oreille. Me retournant, je le trouvais à mes côtés, toujours beau malgré sa petite mine du matin. Je rendis son sourire à Maël, plissant légèrement les yeux tout en m'étirant doucement afin de finir de me réveiller. J'étais encore sur un petit nuage de coton, les membres engourdis et l'esprit un peu ailleurs. - T'as fait la fête hier soir ? - me demanda-t-il ensuite, me surprenant au passage avec une telle question. Hein ? Je le fixais, et finit par comprendre qu'il faisait référence à ma coupe de cheveux, loin d'être des plus disciplinées. - Non, j'étais avec un beau brun. D'ailleurs... - D'un geste doux, je lui fis tourner la tête, faisant mine d'observer son profil, d'un air songeur. - Il te ressemblait un peu. C'était peut-être toi ! - Je ne m'en souviens pas pourtant. » - répliqua-t-il, du tas au tac. Il cherchait à me taquiner. J'avais beau en avoir conscience ce n'était pas pour autant que je n'entrais pas dans son jeu. Quelques secondes me suffirent pour afficher un air faussement boudeur. Puis sans prévenir, je le fis basculer sur le côté, me retrouvant à califourchon au-dessus de lui. Passant une main dans mes cheveux pour les attacher histoire d'être un brin présentable, je lui lançai un regard qui en disait long sur mon envie de jouer. A force de me chercher, il finissait par me trouver ! Le t-shirt trop grand dans lequel j'avais dormi glissa légèrement, dévoilant une épaule nue aux yeux du propriétaire initial du vêtement, j'ai nommé : Maël. « Il faut peut-être que je te rafraîchisse la mémoire ? - Me penchant vers lui, mes lèvres vinrent se poser dans le creux de son cou avec une infinie tendresse et un voile de sensualité qui m'était bien étrangère au réveil. A croire que la nuit dernière m'avait rendu d'humeur câline. - J'ai de sacrés problèmes de mémoire... » - lança-t-il le plus innocemment du monde, m'invitant à demi-mots à continuer ainsi mes caresses. Je sentais ses mains se promener sur mes cuisses, ainsi que le sourire qui étirait sans le moindre doute ses lèvres tout contre ma joue. J'aimais ce contact chaud sur ma peau, ses frissons sous mes lèvres, si bien que j'aurais pu rester dans ce lit des heures entières, peut-être même des jours si on m'en avait laissé l'occasion. Mais contre toute attente, me risquant à le surprendre, je fini par me redresser, un sourire aux lèvres. « C'était peut-être pas toi en fait... - Hey ! » - Jouant de sa force nettement supérieure à la mienne, Maël inversa les rôles et je fus contrainte de m'allonger sur le dos, dominée et offerte à ses mains expertes. Parfois il me donnait l'impression d'être si fragile entre ses bras... Mes éclats de rires résonnèrent dans la chambre, alors qu'il se vengeait en me chatouillant. Tentant de me saisir de ses mains pour le stopper, je fis marcher mes petits abdominaux pour me redresser. Ce qu'il fallait pour m'emparer de ses lèvres, ni plus, ni moins... FIN FLASH BACK
Maël venait de me faire sourire, avec cette histoire de métaphore. Lui donnant un petit coup sur l'épaule, je ne pu m'empêcher de râler gentiment. « C'est ça, moque-toi ! » En attendant, ce moyen d'expression m'était bien utile. C'était parfois un brin compliqué, il fallait me cerner, mais au final je parvenais à retranscrire ce que je pensais ou ressentais. Il n'eut pas besoin de la moindre comparaison ou figure de style pour me dire clairement qu'il était content de me savoir en ville. Moi qui m'étais jusqu'à présent interrogée sur mon déménagement et ses éventuels bienfaits comme méfaits sur ma petite personne, j'en étais comme rassurée. « Ça me fait bizarre d'être ici à vrai dire... » Parce que j'avais perdu tous mes repères ? S'il y avait bien un seul d'entre eux dont je ne pouvais pas me passer pour aller bien, ça faisait quelques mois qu'il était parti. Comme tout le monde, j'avais ma petite période d'adaptation et ça allait de mieux en mieux. Ce qui était encore plus bizarre, c'était de me retrouver sur cette plage, en face de lui, de jongler entre larmes et sourires en coin, intimidée comme au début sans pour autant être réservée. Distante je l'étais, plus par crainte qu'autre chose. Replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille, je décidais qu'il était grand temps de détendre l'atmosphère. J'avais horreur de cette ambiance, trop lourde, chargée en émotions trop intenses. L'air de rien, passant peut-être trop rapidement à des banalité pour que cela ne lui échappe, je lançais : « Je n'imaginais pas SF comme ça. C'est comme dans les séries tv... Plage, surfeurs, soirées, pas tellement de prises de tête... Enfin tu me diras, NY doit donner la même impression la première fois. Bon, sans la plage, les surfeurs, la détente... »
J’aimais bien la taquiner, je ne pouvais pas m’en empêcher, c’était plus fort que moi et ça avait toujours été comme ça entre nous. En fait, ça ne m’arrivait pas souvent d’être d’humeur taquine comme ça, mais elle m’en donnait toujours l’envie. Les gens disent toujours qu’ils ne comprennent pas une chose : une citation dit : « les opposés s’attirent » et une autre : « qui se ressemble s’assemble », mais laquelle de ses deux phrases était correct ? Elles se contredisaient parfaitement. Avant de rencontrer Emma, j’aurais plutôt planché pour la deuxième. En général, au lycée et quand j’étais jeune, le peu d’amis que j’avais étaient un peu comme moi et même si je n’avais jamais eu de relation amoureuse avant elle, je m’étais toujours intéressé aux filles un peu solitaires comme moi. Mais aujourd’hui, je me sentais tout aussi perplexe que le reste de la population quant à savoir laquelle était correcte. J’aurais peut-être même plus tendance à penser que la première était la plus correcte. Deux personnes qui se ressemblent de trop, ça s’ennuie ensemble à force. Emma m’avait fait découvrir beaucoup de choses et avec elle, j’étais…différent ? Non, j’étais toujours un peu le même, le Maël pessimiste et solitaire qui n’aimait pas trop les foules et qui préférais rester une soirée avec sa chérie et sa guitare plutôt que de sortir en boite avec toute la musique et ses gens superficiels. Emma n’était pas entièrement différente de moi, elle ne connaissait pas son père comme moi je ne connaissais pas mes parents et sa mère…c’était comme si elle n’était plus là vu la manière qu’elle avait de se comporter avec sa fille. Et puis, nous avions quand même quelques points communs comme par exemple notre passion pour l’art. Ce n’était pas le même art, elle, s’était le dessin, la peinture et moi la musique, mais sa restait de l’art quand même. Si je voulais utiliser une métaphore pour la décrire, je dirais qu’Emma avait été…mon rayon de soleil à New-York. Un soleil qui aura brillé pendant un an entier, avec presque aucun nuage, ou même s’il y en avait, le vent soufflait rapidement pour laisser place de nouveau au soleil.
FLASHBACK ;
Installés sous des couvertures sur le canapé de mon salon, Emma était assise à mes côtés, la tête posée sur mon épaule alors qu’elle regardait l’album photo que j’avais entre les mains. J’étais arrêté à la page où j’avais la seule photo de ma famille réunie : mes parents, ma sœur qui était bébé et moi. La seule et unique photo d’une famille complètement détruite aujourd’hui. Ma sœur, je ne la connaissais même pas puisque nous avions été séparés à la mort de mes parents. Elle ne devait même pas se souvenir de moi, elle n’avait que deux ans lorsque je l’avais vu pour la dernière fois, et encore, ce souvenir resté flou puisque je n’avais moi-même que quatre ans. Je sentais la main d’Emma caresser mon bras sous la couverture, elle devait bien sentir que cette photo me faisait quelque chose. C’était d’ailleurs pour ça que j’évitais de la regarder trop souvent. En fait, depuis que j’étais à New York, je n’avais jamais ré-ouvert cet album photo.
Je tournais la page, cette fois, c’était une photo un peu moins douloureuse à visionner. Emma redressa légèrement l’album pour mieux la voir, un sourire se dessina sur son visage en reconnaissant ma p’tite bouille. « Et, t’avais quel âge là-dessus ? », me demanda-t-elle avec un brin d’ironie dans la voix. « Huit ans mademoiselle et je t’interdis de te moquer ! », répondis-je en lui souriant alors qu’elle vint poser ses lèvres contre ma joue. Reposant sa tête sur mon épaule, elle pointa du doigt la petite fille assise près de moi sur la photo qui avait été prise dans une cabane dans un arbre. « Et elle, c’était qui ? ». Je fronçais les sourcils, ça faisait longtemps que je n’avais pas pensé à elle. « C’était…ma meilleure amie », annonçais-je froidement en tournant rapidement la page. Mais Emma stoppa mon mouvement, me faisant revenir sur la photo qu’elle continuait à regarder avec interrogation. « T’a meilleure amie ? Tu veux dire…la fille de SF ? », je ne répondis pas tout de suite. La fille de SF…je ne lui avais même jamais dit son prénom. En fait, depuis que j’étais avec Emma, la cicatrice qu’avait laissée cette histoire désastreuse s’était refermée petit à petit. Mais je comprenais en voyant cette photo qu’il en fallait peu pour que celle-ci se rouvre, et ça faisait mal.
« oh, Maël ? C’est elle ? Tu sais, tu peux me le dire... », continua-t-elle en me souriant. J’étais…mal à l’aise à l’idée de parler de Jude devant Emma, je ne savais pas trop pourquoi, mais je n’aimais pas ça. Je sentais bien que mon silence commençait à l’agacer, pourtant la jeune femme pouvait être très patiente avec moi…la jalousie ? Je n’en savais rien, je n’avais évoqué que brièvement mon histoire avec Jude avant que je ne vienne à New York à Emma, et c’était lors de notre rencontre dans ce bar. Je n’en avais plus jamais reparlé, plus jamais fait allusion, normal : Emma m’avait aidée à guérir de cette histoire et je n’y pensais presque plus. La belle brune se leva alors, à mon plus grand étonnement, elle avait l’air exaspérée de mon comportement. Elle se pencha pour ramasser ses bottes qu’elle avait enlevées pour venir se faufiler sous les couvertures avec moi afin de les remettre à ses pieds, j’avais l’impression qu’elle voulait partir tant j’avais été con de rester silencieux. Et je me sentais encore plus con de la regarder faire, peut-être que je ne croyais pas qu’elle partirait réellement, pourtant, une fois chaussée, elle attrapa son sac à main et me tourna le dos comme une furie pour partir d’ici. Je me levai d’un bond pour la rattraper. J’attrapais son poignet pour la faire s’arrêter et je la tournai vers moi. « Excuse moi Emma…oui, c’est elle…voilà, sa t’avance à quoi maintenant de le savoir ? ». Elle me fusillait du regard, elle avait vraiment l’air de m’en vouloir. « Rien Maël, mais maintenant je vois que tu n’en a toujours pas fini avec elle… », annonça t-elle en retirant ma main de son poignet. « Quoi ? Mais pourquoi tu dis un truc pareil…écoute, Jude me déteste aujourd’hui, je ne lui parle plus…t’a pas à t’en faire pour ça… », je tentais de la convaincre, de toute façon c’était la vérité, Jude n’avait pas répondue à mes appels quand j’étais partie à New-York, je ne savais même pas comment elle allait, si elle avait continuée ses études ou des choses comme ça. Emma baissa son regard vers le sol et elle se glissa doucement dans mes bras, j’étais rassuré, j’avais vraiment eu la trouille pendant deux secondes qu’elle me quitte.
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J’avais réussis à la faire sourire et j’en étais ravi. Elle avait du assez verser de larmes comme ça par ma faute, Emma ne méritait pas ça. Elle était…mon petit rayon de soleil. Grâce à ma petite taquinerie, l’atmosphère semblait un peu plus détendue…tant mieux, ça faisait…bizarre d’être sous tension avec elle. Bien que, me retrouver sur une plage de SF en sa présence était aussi bizarre, moi qui ne l’avait jamais vu en dehors de New-York..enfin, à part aussi en Floride au pays de Mickey. « Ça me fait bizarre d'être ici à vrai dire... », je ne dis rien, regardant au loin. Je connaissais ça, même si je n’avais pas vraiment « d’attache » à SF, j’avais grandis ici et quand je m’étais retrouvé à New-York ça a fait…plutôt bizarre. New York était bien différent d’ici, rien que la mentalité n’était pas la même. Les gens étaient tous toujours pressés et stressés à New York alors qu’ici, c’était plus…détendu. La Californie quoi, le soleil, la plage, c’était un changement radical, carrément l’’autre bout du pays en plus. Mais j’étais sûr qu’Emma s’habituerait, elle ferait une Californienne parfaite. « Je n'imaginais pas SF comme ça. C'est comme dans les séries tv... Plage, surfeurs, soirées, pas tellement de prises de tête... Enfin tu me diras, NY doit donner la même impression la première fois. Bon, sans la plage, les surfeurs, la détente... », un sourire se dessina sur mon visage, elle venait de dire exactement ce que je venais de penser. Je ne lui avais jamais vraiment parler de San Francisco quand j’étais à New-York, en même temps, cette ville représentait plus de galères qu’autre chose. « Chui sûr que tu vas te plaire ici… », lançais-je en lui souriant. Je me sentais vraiment mieux, je me levai alors, je n’avais jamais beaucoup aimé être assis dans le sable comme ça, en fait, je n’aimais pas tellement le sable. « Si tu veux, j’peux te faire visiter la ville…enfin, si tu veux hein… »
J'étais perdue dans un dédale de sentiments, qui parfois se contredisaient plus que de raison. J'étais complètement larguée, me demandant en fin de compte ce que j'aurais réellement dû ressentir à ce moment là. De la rancœur ? Je pensais avoir dépassé ce stade depuis un petit moment déjà. De la tristesse ? Je me noyais dedans depuis trop longtemps. Alors quoi ?! L'indifférence m'était inconcevable, et la jalousie ne pouvait que lentement et très doucement me ronger de l'intérieur. J'étais trop faible pour garder indéfiniment les yeux clos ; trop vulnérable pour m'en remettre au bon vouloir du temps pour cicatriser. Je me résignai à me détendre, car de toute manière je ne pouvais pas aller à l'encontre de la situation actuelle. Je devais m'en accommoder, accepter tant bien que mal cette relation et la distance qu'on me forçait à avoir avec lui. Ça n'était pourtant pas l'envie de le retrouver, comme avant, qui me manquait. Pauvre petite fille amoureuse. Pourtant, j'aurais peut-être dû rester sur mes gardes. J'aurais peut-être pu m'épargner tout ça... Ah bah non... C'était déjà trop tard.
FLASH BACK Sur le coup, j'aurais été bien incapable de décrire ce qui m'avait poussé à réagir ainsi, partant au quart de tour. Moi qui était d'ordinaire si patiente, le fait que Maël se complaise dans un silence qui pour moi en disait déjà trop m'avait comme qui dirait piqué à vif. Nous n'en avions plus jamais parlé de cette « fille de SF », et je devais avouer que je m'interrogeais un peu sur son compte. Étant donné que je n'avais pas la moindre idée de qui elle était, ni même de ce à quoi elle pouvait ressembler, inconsciemment j'en venais parfois à me comparer à elle, avec la représentation que mon imagination tordue s'en était faite, durant un moment d'égarement. Très rares étaient les fois où cela se produisait, car à vrai dire je n'avais jamais été la petite amie compliquée et exaspérante qui raye de la vie de son copain la moindre nana, ex ou non, copine ou connaissance. Je n'y pensais jamais, et en toute honnêteté je m'en fichais pas mal. Jusqu'à ce qu'on se penche sur son passé, sur ce qui avait fait qu'il était désormais cet homme dont je tombais un peu plus amoureuse au fil des jours. Je l'avais questionné par simple élan de curiosité et mon sourire en coin du départ aurait dû suffire pour le rassurer dans le cas où il aurait craint ma réaction. Là, il n'avait pas répondu. Pour moi, ça voulait tout dire. Sans doute prise de panique, j'avais préféré prendre la fuite. Lorsque se dit qu'on est peut-être, et sans le savoir, entrain de perdre celui qui nous est le plus cher ; pire encore, qu'il n'a jamais réellement été totalement à ses côtés, on préfère partir en courant et semer ces pensées à chaque foulée. Maël m'avait rattrapé, s'excusant et me demandant alors à quoi cela allait me servir de le savoir. Sans mâcher mes mots, franche et spontanée, je lui livrais alors mes craintes. Il tenta de me rassurer, mais ses mots ne m'aidèrent pas tellement. Elle le détestait alors je n'avais rien à craindre ? Et si ça n'avait pas été le cas, les choses auraient été différentes ? Je me fichais bien de ce que pouvait éprouver cette fille, qui n'était pour moi qu'une inconnue. Ce qui m'importait c'était lui. Et seulement lui. Cependant, ne voulant pas me disputer avec lui davantage, car ça ne m'aurait en aucun cas apaisé de le laisser seul avec ses souvenirs, je dû me résoudre à baisser doucement la tête et à venir me réfugier contre lui. C'était probablement la première fois que j'avais autant douté, en si peu de temps. J'espérais bien ne pas battre de records de ce côté là, que c'était la première et la dernière fois que cela se produisait. Bercée par cette étreinte, je m'étais rapidement calmée. Maël me fit rentrer, m'obligeant alors à reposer mes affaires. Ce soir-là, j'ai accepté de dormir chez lui. Aussi bien pour lui faire plaisir puisqu'il me l'avait demandé, mais aussi pour me rassurer. J'avais besoin de me retrouver et d'oublier ce petit épisode, de me réveiller comme si rien ne s'était passé. C'était à ses côtés que je pouvais y arriver, et nulle part ailleurs.
Au petit matin, cela avait-il eu l'effet escompté ? Pas tellement, mais je faisais tout comme. J'allais bien finir par ne plus m'en soucier après tout... Sans quoi, j'allais développer un semblant de jalousie qui m'était inhabituelle et que j'aurais un mal fou à supporter. Me glissant hors du lit, le laissant dormir comme un bébé, je me faufilai jusqu'à la cuisine, où je me fis couler un café. Préparant au passage ce qui serait le petit déjeuner de mon petit ami, je m'installai à table, écouteurs sur les oreilles pour terminer de me réveiller sans déranger la marmotte dans la pièce voisine. Faisant mon petit play-back tout en lisant tout le blabla qui figurait sur le paquet de gâteaux que je venais d'entamer, j'étais ailleurs, si bien que je ne l'entendis pas me rejoindre, encore moins se lever. Ca devait l'amuser de me voir gigoter devant le plan de travail -car oui, je n'avais pas pris la peine de m'asseoir. Quand je sentis des mains se poser sur ma taille, instinctivement je ne pu que sursauter, faisant glisser les écouteurs de mes oreilles. « Hey, du calme... Ce n'est que moi ! - Tu m'as fait peur ! - Je vois ça... Bonjour... - Il déposa un baiser sur mon front, et passa dernière moi pour accéder au placard et récupérer une tasse. - Sympa ce que t'écoutes ! C'est encore mieux quand tu fais mine de danser d'ailleurs ! » FIN FLASH BACK
Maël m'affirmait que j'allais me plaire à San Fransisco. Moi, je ne préférais pas le prétendre trop vite. Je me laissais encore un petit temps d'adaptation, car jusqu'à présent ça n'était pas encore le top du top. Certes j'avais fait des rencontres plus que sympathiques ; des gens extras. Alexa, Noah et la toute la clique étaient uniques en leur genre et je les appréciais énormément. Seulement, je n'avais plus vraiment le sentiment d'être chez moi. J'avais voulu quitté New-York, non seulement pour cette Université, mais aussi pour fuir mes souvenirs, mon appartement, et dans l'espoir -vain ?- de rattraper ce que j'aurais sans doute dû éclaircir depuis le début. Dès lors qu'il m'avait annoncé son envie de tout arrêter, j'avais fait l'erreur de me taire. Je regrettais de ne pas avoir tout fait pour le retenir, lui montrer à quel point je tenais à lui, à nous deux. L'erreur me semblait irréparable alors que je lui faisais face sur cette plage. Il avait dû s'en passer des choses pendant que je passais mon temps à lui raccrocher au nez. « Je verrais bien... » -répliquais-je simplement, en glissant mes mains dans le sable, nerveusement. Je me mordais légèrement l'intérieur des joues pour retenir un flot de paroles que j'aurais regretté par la suite. Il y avait eu suffisamment d'aveux pour ma part, j'avais assez donné pour aujourd'hui et même le reste de la semaine ! Maël finit par se relever, et j'en fis de même quelques instants après. Retournant vers mes affaires, je pensais que nous allions nous séparer ici, à la suite de cette drôle d'entrevue. Mais non, il vint me proposer une visite de la ville. J'hésitai quelques instants, et l'envie de passer un peu de temps avec lui fut plus forte que ma raison. « Euh oui... Oui, avec plaisir ! » Un léger sourire en coin se dessina sur mes fines lèvres rosées, tandis que je réajustais la anse de mon sac sur mon épaule, après avoir remis mes chaussures. « Je te suis... Et fais gaff', si la visite est nulle, t'auras pas de pourboires ! » Je n'allais pas le payer, bien évidemment. Du moins pas avec de la monnaie. Ah ah ! (a)