« Memory is a way of holding onto the things you love, the things
you are, the things you never want to lose »
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Les paupières d’Hailee étaient restées closes depuis deux ans maintenant. Le destin avait voulu qu’un chauffard la percute sur une petite route à la sortie de San Francisco, un soir de décembre. Son corps inerte propulsé à plusieurs mètres, le conducteur pris la fuite, laissant Hailee plonger dans le coma.
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Il y a quelques jours, ses phalanges se rétractèrent pour la première fois en plus de vingt-quatre mois, et ses cils vinrent toucher les paupières supérieures. La lumière l’avait éblouie mais elle tenta de garder les yeux ouverts. Elle ne pouvait qu’admirer un plafond d’un blanc terni par le temps. Elle retira le masque qu’elle portait à sa bouche et repris son premier vrai souffle depuis longtemps. Elle toussa et se redressa dans son lit. Ses yeux se baissèrent rapidement pour parcourir la pièce dans laquelle elle se trouvait. Il était clair et net qu’elle était dans une chambre d’hôpital, bien qu’elle n’eût aucune idée des raisons qui l’y avaient conduite. L’arrivée de médecins affolés confirma son hypothèse. Ils la plaquèrent contre son oreiller, examinèrent ses iris, ainsi que l’écran d’ordinateur situé près du lit. Après plusieurs interrogations du corps médical, quelqu’un se pencha sur elle dans un élan de compassion :
NURSE « Bon retour parmi nous. »
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Elle avait été contrainte de répéter son nom plusieurs fois, ensuite de l’épeler. Elle avait dû se remémorer sa date de naissance, et son lieu de résidence. Mais quand on lui demandait qui étaient ses parents, ses amis, si elle avait un petit copain, elle restait muette, incapable de donner une réponse dont elle serait certaine. Elle avait oublié.
En définitive, elle s’appelait bien Hailee Bucket, elle aurait 23 ans dans quelques mois, et elle demeurait à San Francisco. Très vite, elle reçu la visite d’un homme qui s’avérait être son père. Mais elle ne se souvenait pas de lui… Il lui montra des photos d’elle plus jeune, avec ses grands-parents et son père. Rien ne lui revenait en mémoire. Il lui expliqua le tragique accident qui avait voulu que sa mère meure en accouchant, leurs longues années de galères avant que son père trouve un emploi stable en tant que décorateur-scénographe sur des plateaux télé, au théâtre, ou au cinéma. Il lui parla également d’elle, parfaite tête-à-claques, adeptes des emmerdes les plus improbables.
DADDY « Je t’ai mise dehors. Tu causais trop de problèmes, et je t’ai dit de faire des efforts si tu voulais rester à la maison. Tu m’as littéralement craché à la gueule. Je sais pas où tu as créché, et honnêtement, j’m’en bas les couilles. Tu prenais des paris illégaux sur des combats de rue avec tes potes, je t’ai même retrouvée dans ta chambre en train de prendre de l’extasy avec ton mec… »
HAILEE « Mon mec ? »
DADDY « Je sais rien de lui, t’as jamais voulu me parler. »
HAILEE « Pourquoi je ne me souviens pas ? »
DADDY « Ca t’arrange bien, hein ? »
HAILEE « Pardon ? »
DADDY « Me prends pas pour un pigeon, hein. Ca te faciliterait franchement la vie de ne pas te souvenir. Parce qu’en « bon père », je serai supposé te reprendre à la maison et faire table rase du passé… C’est ça ? »
HAILEE « Vous êtes un inconnu pour moi. Vivre avec vous ne m’enchante pas vraiment, je ne sais rien vous concernant… Et pourtant, vous êtes mon père, ça doit bien signifier quelque chose, non ? »
DADDY « Je pensais que quand tu te réveillerai, tu te souviendrai, tu t’excuserai, et j’avais dans l’espoir qu’on reparte du bon pied, mais là… t’es peut-être sincère en disant avoir oublié, mais rien ne me prouve que t’es pas en train de monter un canular. »
Hailee avait souri, bien qu’elle tombait des nues. Il avait marmonné deux trois paroles avant de quitter la chambre, sans aucun geste paternel. Une larme aurait pu se laisser aller sur ses joues, mais non… Ce personnage lui était inconnu. Elle rassembla les photos qu’il avait laissées et les posa sur la table de nuit avant de se lever du lit. Une infirmière entra à ce moment là.
HAILEE « Vous avez gardé mes vêtements du jour où je suis arrivée ici ? »
NURSE « C’est dans ce placard. »
Toutes les deux se dirigèrent à cet endroit. Hailee découvrit une chemise à carreaux soigneusement pliée sur un jean, une paire de bottes, et sa carte d’idendité.
HAILEE « Hailee Brooklyn Bucket » lisait-elle après avoir saisit la carte.
NURSE « Votre maman était de Brooklyn, à New York. Votre père l’a mentionné un jour, quand il est venu vous rendre visite. »
Hailee jeta la carte sur le lit et attrapa les vêtements. Ils semblaient propres. Elle regarda l’infirmière qui anticipa :
NURSE « Je savais que vous vous réveillerez un jour, alors j’ai lavé vos vêtements. Par contre vous n’aviez pas de chaussettes, alors j’ai laissé une paire des miennes dans vos chaussures. »
HAILEE « C’est… merci. Vraiment. Je… je ne sais pas quoi vous dire. »
Elle répondit par un sourire avant de quitter la pièce à son tour. Elle gagna la salle de bains et se changea. Sa frange n’avait pas poussée en 2 ans. Ou bien l’infirmière y avait donné un coup de ciseaux. Elle se passa de l’eau sur le visage et se contempla pendant un moment. Quand elle revint dans la chambre, l’infirmière était revenue. Elle lui tendit un manteau, un bonnet, ainsi qu’un billet de $100 où figurait le célèbre Franklin.
NURSE « Prenez ceci, ainsi que ma veste et ce bonnet. Il fait froid dehors. »
HAILEE « Je ne peux pas… »
NURSE « Je ne vous laisse pas le choix. Vous en aurez besoin. »
Hailee s’était jetée sur elle et l’étreignait aussi fort qu’elle pouvait. La gentillesse de cette femme la heurtait de plein fouet. Elle enfila le manteau, déposa le bonnet sur sa chevelure brune, fourra le billet dans la poche avant de son jean, sa carte d’identité dans l’autre poche, récupéra les photos que son père avait laissé et les mis à l’abri dans la poche intérieure du manteau.
Puis, avant de quitter définitivement les lieux, elle demanda :
HAILEE « Quel jour sommes-nous ? »
NURSE « Vendredi 4 mars 2011. Bonne continuation Hailee. »
Hailee sourit une nouvelle fois, puis lui tourna le dos, se dirigeant vers un long couloir qui menait au point de départ de sa nouvelle vie.
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