Non, je n'étais pas totalement rassuré mais je l'étais un peu plus qu'aux premières minutes de cette appel. J'aurais été rassuré si j'aurais été avec elle. Ah bon ? Qu'est-ce qui fait que c'est moi et non quelqu'un d'autre ? Ma curiosité arrivait forcément. Parfois, j'avais la sensation qu'elle me voyait comme un étranger, rien de plus... Je chassais cette idée en continuant à fumer. Tu m'en vois ravi.

Mon front se plisse. A vrai dire, sa question me surprend un peu. Je pensais qu'il connaissait déjà la réponse. Je m'éclaircis la gorge. Tu prends toutes ces merdes comme moi. Voire plus, beaucoup plus, je le savais et ça m'inquiétait. Tu es important à mes yeux. C'était plutôt l'inverse, non ? Je tenais d'abord à lui, j'étais attachée à lui et ensuite il pouvait me comprendre par rapport aux drogues.

Je me rends compte de l'évidence à sa réponse. C'était tellement devenu régulier que je n'arrivais plus réellement à différencier les choses. De la fumée s'échappait de mes lèvres alors que je jouais avec mon briquet. Oui, tu as raison. Les gens nous traitaient trop souvent de malades et peut-être qu'on l'était mais au final, qui ne l'était pas de nous jours ? Cette question était stupide. Je souris légèrement lorsqu'elle me dit qu'elle tient à moi. Je ne pourrais jamais te juger sur ce point mais t'aider, je peux essayer même si tu as remarqué aujourd'hui à quel point j'étais doué dans ce domaine. J'étais un peu ironique mais dans le fond, j'espérais vraiment qu'elle se sentait moins seule.

Il trouve sa question stupide, soit. Mais non. Je sens une pointe d'ironie dans sa phrase, je m'empresse de répliquer. Tu m'aides vraiment Saul... Et ça me fait du bien de te sentir, de t'entendre, comme si tu étais avec moi. Je ralentis mon pas de marches pour secouer un peu mes pieds fatigués. Avec du recul, je me rends compte à quel point mes paroles sonnent... Niaises.

Son sérieux me pousse a arrêté de faire comme si je prenais tout à la légère. C'est la moindre des choses. Je lui réponds automatiquement. J'aurais été égoïste si je t'aurais laissé seule dans cet état. Et puis personne ne méritait d'être seul. Encore moins quelqu'un comme elle. Tu vas un peu mieux alors ?

Je voulais tellement lui dire un paquet de choses. Toutefois,je m'y refuse. Cette fois-ci, ce n'est pas la faute de mon inconscient, mais la mienne. Oui je vais déjà mieux. Tu devrais te reposer... Ma voix est douce à son égard et c'est la nuit chez lui.

Je décide de la croire. De toute façon, de là où je suis, je ne peux pas faire plus. Je m'amuse à faire rouler ma cigarette entre mes phalanges en tirant une nouvelle fois dessus pour lui répondre ensuite. J'ai plus réellement envie de dormir... C'est dit d'une voix sincère. J'attends que tu sois arrivée jusqu'à ta voiture et je raccroche, ok ?

Je me mordille la lèvre. A cause de moi, je lui ai complétement foiré sa nuit. Excuse-moi... Je lâche d'une petite voix. Il m'annonce qu'il raccrochera lorsque j'aurais trouvé ma voiture. Un léger rire s'échappe de mes lèvres. J'espère que tu n'es pas trop pressé, hein.

Elle s'excuse alors que ce n'est pas nécessaire. Je souris. Non mais t'en fais pas. Au moins, je t'entends et ça compense. Puis elle rit, en me disant qu'elle espère que je ne sois pas pressé. Eh bien, crois-le ou non, pour certains trucs je suis la patience incarnée. Je ris un peu à mon tour. Ouais, d'habitude la patience et moi ; ça fait deux.

Il se met à rire et ça me fait tellement plaisir de l'entendre faire. Dire qu'il y a quelques minutes, je lui criais presque dessus... Toi patient ? Tu es décidemment plein de surprises ! . Mon souire s'élargit alors que j'accélère la cadence de mon pas. Je fais vite.

Ça dépend pour quoi je le suis, tout simplement. Elle me dit qu'elle se dépêche alors que je termine ma cigarette pour m'enfoncer un peu plus dans les couettes du lit que j'occupe cette nuit. Je te fais faire du sport à distance, si c'est pas merveilleux. Je dis fièrement parce que ouais, tout le monde ne pouvait pas le faire lorsqu'on y pense. Tu me manques, tu sais ?

Saul me fait sourire, c'est fou. Sa remarque sur le sport à distance me fait même rire de bon coeur. Genre du sport à distance. Comme si j'en avais réellement besoin. Maintenant que tu le dis, je sais oui. Sentiment partagé. . Je me reprends. Ressenti partagé plutôt... Enfin t'as pigé.

Je l'entends rire. L'air de rien, j'ai l'impression qu'on est loin de la conversation lourde et tendue qu'on a partagé plus tôt. Les choses étaient plus légères à présent et j'espérais que ça l'apaisait. C'est quoi la différence entre ressenti et sentiment ? Est-ce que je la cherche ? Ok, peut-être un peu.

Je suis presque arrivée dans la rue où j'ai laissé ma petite Ford. Sa question me fait lever les yeux au ciel. Pfff c'est quoi cette question. Je garde le silence quelques secondes afin de trouver une définition. Le ressenti ou sensation, c'est physique et ça passe par les sens. Alors que les sentiments c'est mental et beaucoup plus fort. C'est la valeur que l'on donne à une chose ou à une personne... Une création émotionnelle. C'est bien, grâce à mon interprétation je me rendais compte de beaucoup de choses. J'avais des sentiments pour lui.

Je reste silencieux alors qu'elle m'explique. Je ne peux pas m'empêcher de sourire comme un con en l'écoutant. C'est débile. Alors ressenti ou sentiments, au final ? Pour moi, la question ne se posait déjà plus depuis quelques jours.

Au final, il me pose la question. Un frisson me traverse le corps mais je ne réponds rien, pas tout de suite. Heureusement, j'aperçois enfin ma voiture (elle tombait bien). Eureka ! C'est bon, je suis à ma voiture. Il m'avait dit qu'il raccrocherait après que je sois arrivée, néanmoins je n'oublais pas sa question. Je ne pouvais pas l'éviter. Je mets la main sur ma clef et l'ouvre à distance. Je me faufile à l'intérieur et enclenche directement la sécurité. Je ne sais pas encore ce que je comptais faire. Sentiments. J'avoue.

Finalement, elle est arrivée à sa voiture. Ce qui allait dire que notre conversation allait bientôt s'arrêter... J'entends les bruits habituels d'une voiture qu'on ouvre et qu'on referme. Je me demande ce qu'elle va me répondre, si elle ressent les mêmes choses que moi ou non. C'est confus. Sierra ne me parle que rarement de ce qu'elle ressent. Des frissons me chatouillent un peu le ventre lorsqu'elle répond par le mot "sentiments" Je ne dis rien durant quelques secondes puis j'inspire avant de lui répondre à mon tour. C'est partagé. Il est inutile de me voiler la face plus longtemps. Merci de me l'avoir dit. Alors... Je dois te laisser maintenant, c'est ça ? Non, je n'en ai pas envie mais cela faisait partie du deal, non ?

Quand il me répond que c'est partagé, je plaque une main sur ma bouche pour cacher mon sourire de gogole. J'ai l'impression d'être une gamine qui découvre ce que ça fait d'aimer. Il doit désormais raccrocher, je n'en ai pas forcément envie mais je pense que je l'ai assez monopolisé pour la nuit. Oui je vais te laisser... Merci Saul, pour tout. Pas seulement pour cette nuit,  mais pour sa présence dans ma vie.

J'avais l'impression d'avoir avoué à moitié, que ce n'était que le début de quelque chose de plus important et la peur, je ne la ressentais plus vraiment. Je souris à nouveau et j'imagine très clairement avoir une tête de con. Comme dans les films niais à l'eau de rose, vous savez ? Me remercie pas et fais attention à toi. Je me repère, je sais mais fais-le. Vraiment. Parce que je m'inquiéterais encore pour la nuit et je penserais à tout ce qu'elle m'a dit dans tous les sens. Rentre bien et essaie de dormir. Je t'embrasse. Et je raccroche, à contre coeur certes.

Saul se répète en me demandant de faire attention à moi. J’hoche la tête, même s’il ne peut pas me voir. J’allais contacter un collègue du travail, peut-être qu’il pourra me dépanner pour cette nuit. Toi aussi essaye de dormir. Gros bisous. Il coupe la liaison téléphonique. Je savais très bien que ni lui, ni moi n’arriverions à dormir.