La pompe cardiaque s'emballe, je décroche. - Allo? Svet?

Après quelques secondes, elle finit par décrocher. Le son de sa voix me fait trembler un peu. J'étais heureuse qu'elle n'en sache rien. Oui, c'est moi. Je te dérange ?

C'est bien Svet, je ne rêve pas. Je toussote légèrement, super stressée à l'idée de savoir que c'est elle au bout du fil. - Non, non.. tu vas bien?

Sa question dessine un sourire ironique sur mes lèvres. Bien, ce n'est pas vraiment le mot que j'aurais choisi. Je vais très bien. Je laisse une légère pause avant de reprendre. Je voulais avoir de tes nouvelles et je n'avais pas envie de passer par facebook pour le faire. Comment tu vas ?

Je ne m'attendais pas du tout à un appel ce soir, surtout pas d'elle. Je souris nerveusement, jouant avec quelques mèches de mes cheveux. Oh ça va.. la routine tu sais, c'est gentil de demander de mes nouvelles. T'es revenue de Berlin?

C'est étrange mais l'entendre, même si ce n'est que grâce à mon téléphone portable, m'apaisait doucement. C'est normal. Je dis, sincèrement. La vérité, c'est qu'elle me manquait. Oui. Je suis revenue hier soir en fait. Je croyais qu'en partant à Berlin, je pourrais effacer sa mise en couple mais la distance n'a fait qu'amplifier mon malaise. Au fait, je voulais te féliciter pour ton expo. Tu le mérites. J'étais même fière d'elle mais pas assez courageuse pour le lui dire.

"elle est revenue hier" cette phrase se déclencha en boucle dans ma tête. Je décidai de partir au balcon, sa voix était comme une belle mélodie qui se marierait bien avec la vue du ciel. J'élargis mon sourire, repensant à l'exposition. Merci, c'est un peu grâce à toi, tu m'as toujours encouragé je posai mon coude sur la rambarde, laissant planer un petit silence. Et.. j'ai déjà commencé un peu le fameux tableau

Gaïa me trouble, comme toujours. Elle modifie mon comportement sans le savoir et c'est ce qui ce qui m'effrayait le plus en elle. Alors lorsqu'elle me dit que j'ai contribué à son récent succès, je souris bêtement. Je me sens niaise aussi. Tu es douée. Il n'y a pas que moi qui le dit. Simple constatation. Le tableau, j'y repensais et ça me donnait l'illusion qu'elle ne m'avait pas totalement oublié malgré la distance étrange qui gravitait entre nous depuis quelques jours. Oh... T'es une fille étrange pour être inspirée par quelqu'un comme moi, tu sais ? Je ris légèrement car ça me paraissait insensé.

Elle m'inspire sûrement parce que je ressens une certaine frustration à cause d'elle. Je soupire, souriant un peu mélancoliquement. Non tu es juste inspirante, ta façon d'être.. tout ça j'essaie au maximum d'être cool, de montrer que c'est cool maintenant, entre nous. Malgré notre histoire.

Pour la première fois depuis longtemps, je prenais sur moi. J'essayais de respecter ses choix mais je n'avais pas prévu que ce soit aussi difficile. Tu es gentille. Je n'étais pas certaine de mériter tout cela. Pas certaine du tout. J'ai un peu hâte, du coup.

Je laisse échapper un petit rire, ce rire a d'ailleurs un goût amer pour moi. Je me dis que les choses auraient pu se passer autrement. C'est pas grave si c'est un peu glauque? enfin tu connais mes tableaux..

Elle rit et je devine la couleur de son rire instinctivement. Non, bien sûr. Je ne pense pas que la beauté se trouve uniquement quand les jolies choses, tu sais ? Je pensais à notre relation en disant ses mots, je restais un moment silencieuse avant de reprendre. Enfin, ce n'est que mon avis.

Je bouge nerveusement ma jambe. Parler au téléphone avec Svet, me ramène à l'époque où on avait ce genre de lien intime, indescriptible à mes yeux. Tu sais que je suis d'accord de toute façon.. Je ne sais pas quoi dire d'autre, elle me trouble.

Je connaissais Gaïa, un peu. Les quelques morceaux d'elle qu'elle avait bien voulu me montrer et en général, nous étions d'accord sur beaucoup de choses. Sauf sur nos émotions, apparemment. Mon silence est peut-être un peu lourd. Hésitante, je mets quelques brèves minutes à lui répondre. Les choses se passent bien avec Noah ? Dans ma gorge, une amertume désagréable retournait un peu mon estomac.

Elle me parle de Noah et je me demande si ça lui fait quelque chose, que j'appartienne à quelqu'un d'autre. Elle ne m'a jamais rien dis à ce propos, alors j'imagine que ça ne l'atteint pas. Bien, il me manque un peu là. Il est en Europe.

Je souris, tentant bêtement de me convaincre de la sincérité de cet acte. Oh... J'aurais aimé être indifférente, j'aurais voulu que ce soit moi qui lui manque. Alors qu'est-ce qu'il reste entre toi et moi, au juste ? Parce que oui, je me sens perdue.

Je me fige, je ne m'attendais pas vraiment à une telle question. Je soupire, pensive.. que faut-il que je dise? Je.. hm.. je ne sais pas. C'est peut-être mieux comme ça, tu l'as toi-même dis la dernière fois.

Sa réponse me glace quelques instants. Ce n'était pas mon genre de parler de cette façon. Je ne me reconnaissais plus parfois lorsque je discutais avec Gaïa. Et si j'avais tort en finalité ? Et si... Il paraît qu'on pourrait mettre Paris en bouteille avec des si.

Est ce que je suis réellement entrain de parler à Svet? La Svet que je connais? Elle n'a pas l'air d'être aussi détachée qu'avant. Je ne peux pas croire qu'elle regrette, c'est impossible. Qu'est ce que tu veux dire, Svet? je suis tellement déstabilisée, je reste pensive mais perturbée. Arrête de me troubler comme ça, ce n'est pas drôle tu sais..

Ce que je voulais dire me paraissait confus et improbable. Pourtant, j'en suis venue à la conclusion que ça ne pouvait être que ça. Je soupire et m'allonge dans le canapé en fixant le plafond. Je suis sérieuse, Gaïa. Après ça, les secondes semblaient durer une éternité jusqu'à ce que je récupère le fil de ma voix. Depuis que tu t'es mise en couple, j'ai pris conscience de certaines choses dont ton importance pour moi.

ses réponses me mettent dans une confusion ingérable, je ne sais pas quoi dire. Et si c'était vrai? je ne sais plus. Tu n'en as pris conscience qu'après ma mise en couple? Je laisse échapper un rire ironique. Blessée en quelque sorte. Tu ne peux pas me faire ça Svet. M'appeler comme ça, et me dire toutes ces choses.

Silencieuse, je l'écoute me répondre sans relever sa première phrase. Ma vision des choses s'était changée et ça avait beau me déplaire, ça n'en restait pas moins la vérité. Tu préférerais que je t'ignore, que tout disparaisse et que je ne cherche pas à te retenir ? Dis-le moi dans ce cas et je m'arrangerais pour que tu n'entendes plus du tout parler de moi. Je me surprenais à parler sèchement car oui, je venais de faire un pas immense et ça pesait sur ma fierté. Je soupirais un peu agacée en essayant de me calmer. Si je ne dois rien dire maintenant alors quand est-ce que c'est le bon moment ?

Je sens qu'elle s'énerve, je le suis aussi. En colère contre moi-même et contre elle, de choisir un tel moment pour m'annoncer ça. Quand? Quand j'essayais désespérément de m'accrocher à toi, et tout ce à quoi j'avais droit, c'était des réponses sans espoir pour nous deux. J'hausse d'un ton, hors de moi. Tu savais ce que je ressentais pour toi, et tu l'as toujours su, mais tout ce que tu disais c'était qu'il valait mieux qu'on ne soit pas ensemble. Le bon, aurait été ce moment là.

Je l'écoute s'emporter au fur et à mesure que sa voix monte à l'autre bout du fil. J'aurais voulu raccrocher mais je reste accrochée à mon portable en cherchant quoi dire. Justement. Si tu t'es mise en couple quelques jours, à peine, après ce que l'on s'est dit c'est que ça ne valait pas grand chose. Mon détachement est un peu plus marqué car oui, ça m'avait atteint et oui, je lui en voulais.