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"Bonjour Mademoiselle Williams, prenez place je vous en prie.
Merci Monsieur.
Je crois savoir que vous êtes là par votre mère qui s’inquiète pour vous.
Il n’y a pas de quoi pourtant.
Vous savez les parents ont toujours peurs pour leurs enfants, c’est dans la nature humaine."



Je hochais, sans dire un mot, la tête, décidément ce gars ne semblait pas vouloir me lâcher. Je lui offrais un léger sourire. Je détestais parler de moi et encore plus avec un inconnu. Cette sensation d’être littéralement piégée dans cette pièce aux murs blancs, aux sièges en cuir, totalement neutre mais pourtant tellement oppressante. Je savais que ma mère m’attendait dans la pièce à côté, son sac à main sur ses genoux, le visage contrit, j’espérais de tout mon être que la culpabilité en cet instant l’assaillait. Je sortais de ma contemplation quand l’homme d’une cinquantaine d’année, grisonnant et bedonnant me demanda : «  Quels sujets souhaitez-vous évoquer avec moi mademoiselle ? »
Concrètement ? Rien, mais cette réponse ne lui conviendra sans doute pas, je jetais un regard vers la fenêtre pensant que le temps me tirerait de cette affaire mais les stores étaient clos. Je ne pourrais pas discuter de la pluie. Je haussais les épaules sans prendre la peine de répondre.


« Mademoiselle, si vous ne dites mot, cela ne changera pas la situation, vous serez toujours coincée avec moi.  Il marqua une pause et continua, Je crois savoir que vous êtes là pour votre ami Alexis. »


Je ne pouvais m’empêcher de lui lancer « Alex, il déteste qu’on l’appelle Alexis.  Enfin il détestait… »
Je me levais précipitamment du siège sur lequel j’étais assise et me tournait, lui offrant la vision de mon dos, évitant de tout mon être de laisser les larmes couler et l’émotion envahir ma voix et mon être. Depuis des jours je tentais d’être le rempart contre de nombreux sentiments, tristesse, colère, incompréhension, culpabilité… J’en passe des meilleurs. 
« Mademoiselle, revenez-vous asseoir, je suis là pour vous écouter, dites-moi tout. »
J’aurais aimé lui répondre « Tout » mais c’était la blague préféré de Alex, je ne me sentais pas le courage de rire, je revins m’asseoir ou plutôt m’effondrer sur l’imposant fauteuil.
« Que voulez-vous que je vous dise ? »
« Racontez-moi vos moments avec Alex. »
«  Il y en a tant, je l’ai rencontré lors de mon plus jeune âge, nos mères étaient les meilleures amies du monde et surtout, nous étions presque voisins. Derrière chez nous il y avait un parc, nous y passions nos week-ends entiers, à jouer dans les jeux, se cacher derrière les arbres, jouer au ballon, tout était bon pour passer des après-midi à rigoler ensemble. Sa mère était toujours triste, si bien que la mienne restait toujours à ses côtés, ce qui ne nous déplaisait pas puisque nous étions deux fois plus ensemble. Voilà nous passions notre temps ensemble, on faisait tout ensemble, il était fort en maths alors il me faisait mes maths et moi je m’occupais des textes, de tout ce qui était rédaction. Il faut dire qu’il n’avait aucune patience, il détestait plancher des heures sur un texte, il était toujours pressé, toujours à vivre à cent à l’heure. A cette époque je ne savais pas… »
Ma voix se brise en un murmure, je baisse les yeux et une larme roule. J’entends sa voix briser ce silence, pour continuer la conversation.


«  Quand avez-vous su qu’il était condamné et que vous ne seriez pas toujours ensemble ? »
« Lorsque ma mère m’en a parlé vers mes 10 ans, elle m’a tout expliqué et après j’ai couru chez Alexis qui m’a réconforté, aujourd’hui je me sens égoïste d’avoir pleuré alors que c’était lui qui aurait dû pleurer sur mon épaule. Ensuite on a tout continué, comme si je ne savais rien et que rien n’allait arriver. »
« Dites-moi Mademoiselle, que pensez-vous faire maintenant ? »
« Je suppose qu’il me faut avancer. »
«  Je compte sur vous mademoiselle, je vois que l’heure passe, je vous dis à la semaine prochaine. »




« Mademoiselle Williams, je suis ravi de vous revoir, je tenais d’ailleurs à vous féliciter pour votre diplôme de journaliste. »
« Merci Monsieur »
Nous y revoilà, toujours le même rituel depuis ma douzième année et le décès de Alex. Depuis j’ai bien grandi, je suis désormais une jeune femme. Je viens de finir mes études de journalisme, j’ai désormais un nouveau meilleur ami nommé Kylian, plus âgé et toujours avisé. J’ai aussi eu quelques histoires, certaines ont durées plus longtemps que d’autres. Peu m’importe, je suis encore jeune et je compte bien m’amusé. 
Si je demandais à ma famille et mes amis de me décrire, ils diraient que je suis une tête brulée, un sale caractère, une fille bornée, une grincheuse, une fille franche qui dit les choses en mettant parfois de côté le tact. Je suis seulement sincère, je ne sais pas être fausse. J’aime m’amuser, sortir, jouer avec les garçons quitte à me bruler. Le meilleur moyen de résister à la tentation n’est-il pas d’y céder ? Dans mon cas, j’applique ce conseil avisé de ce cher Wilde, quitte à me bruler, pleurer et crier. On ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs, dans mon cas, les œufs se cassent souvent et pas vraiment en douceur. Je fonce, droit dans le tas, et après je relève la tête et constate les dégâts. Je sais, ce n’est pas la solution, je tente de me soigner, de me réguler, mais je reviens toujours au même point, mes coups de sang et mes maladresses.
Je ne dirais pas que je suis instable psychologiquement, j’aimais juste ces petits moments où on m’écoutait râler, surtout si c’est ma mère qui paye et que ça la rassure de me savoir suivit. 
Après avoir discuté sur mes études et mon avenir, je quittais mon psychologue qui en avait tant entendu. En fermant cette porte, je tournais la page, mon deuil était fait et aujourd’hui, j’ouvrais une nouvelle page de mon histoire.