Mon regard se perdit dans la contemplation de mon reflet. Teint blafard, allure négligée, joues émaciées, cernes, témoins de mes nombreuses nuits sans sommeil. L’envie de faire voler en éclat ce spectacle désolant devint de plus en plus pressant. Levant ma main prête à donner un violent coup sur ce miroir qui s’amusait visiblement à me renvoyer en pleine figure ma minable existence. Mais avant que je puisse le faire, mes prunelles s’arrêtèrent sur la marque sur mon poignet. J’avais recommencé les coupures, moi qui pensais en avoir fini avec tout ça, je m’étais visiblement trompée. Je soupirai, agacée par ma propre bêtise. D’autant plus que j’avais encore envie de recommencer, mais j’avais fait une promesse à Julie. Je fis un instant la navette entre mon poignet et l’image que me renvoyait mon miroir. Quelle connerie.

Je sortis de la salle de bain, enfilant au passage des vêtements susceptibles de dissimuler toutes mes marques, je ne pensais croiser personne mais cela arrivait, je ne tenais pas à me confondre en excuse et à me noyer dans des explications inutiles. Cela ne leur concernait en rien, de même que je voulais éviter que la situation fût dramatiser, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Oui, tout allait bien. Ma veste sur le dos, je sortis discrètement de l’appartement, sans mot dire. De toute manière, mon colocataire était coutumier de mes sorties nocturnes et au fond, il s’en fichait sûrement comme la plupart de mes relations alors qu’importait que j’allasse ou non mettre fin à mes jours.

J’errais durant un long moment dans les rues San-franciscaines, silencieuses pour mon plus grand plaisir à une heure aussi tardive. Le silence, il n’y avait que cela de vrai. Je débouchai finalement sur l’immeuble où je finissais toujours par échouer lors de mes balades. Connaissant la manœuvre, je n’eus aucun mal à atteindre le sommet. Je me rapprochai du bord, un peu trop près peut-être mais encore une fois, quelle importance. Je sentais si bien où je me trouvais. Il suffisait simplement que je fisse un pas pour abréger toutes ces tortures mentales. Oui, un simple malheureux pas et tout serait terminé.